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RSE et capitalisme en République Populaire de Chine

Section 1 L’approche en termes de régulation comme cadre d’analyse de la dynamique du capitalisme chinois

1.2. Les notions clefs

1.2.2. Le rapport salarial

Dans la théorie économique néoclassique, le travail nécessaire à la production de biens et de services est l’objet d’un échange marchand comme un autre. La relation entre employeur et salarié est purement contractuelle et se noue entre deux individus égaux et consentants.

69 L’analyse des mécanismes de l’accumulation concerne cinq domaines différents : le type d’organisation de la

production et d’attachement des salariés, l’horizon temporel de la valorisation de capital, le partage de la valeur, la composition de la demande sociale, et les modalités d’articulation de cet ensemble avec les formes non- capitalistes (Boyer, 1986).

70 L’intégration du rapport à l’environnement dans cette architecture en tant que sixième forme institutionnelle a

également été proposée (Rousseau, Zuindeau, 2007).

71 Trois principes d’action des formes institutionnelles sont retenues et permettent de passer de leur constatation

Cette vision est contredite par les approches institutionnalistes mettant l’accent sur l’analyse de l’ensemble des institutions qui structurent cette relation dans les économies capitalistes, tant au niveau macro que micro. Le concept de « rapport salarial », qui désigne « le processus de socialisation de l’activité de production sous le capitalisme » (Boyer, 2002, p. 106) se décline en effet dans des relations salariales individuelles. Les règles encadrant l’usage du travail à ces différents niveaux ne sont pas des obstacles aux ajustements du marché, mais bien des conditions nécessaires à la lutte contre la conflictualité et l’instabilité des relations de travail dans une économie capitaliste.

Les auteurs de l’approche en termes de régulation s’inspirent dans leurs travaux initiaux de la conception marxienne du rapport salarial comme rapport capital-travail. Pour Marx, l’interaction qui s’établit entre l’employeur et le salarié n’est pas réductible à une relation contractuelle entre deux individus : il s’agit d’un rapport social entre deux classes. Celle des détenteurs des moyens de production d’une part, et des ouvriers et employés de l’autre.

En régime capitaliste, le salariat se caractérise par un rapport de subordination qui découle d’une situation de dépendance structurelle d’une partie de la population (Sobel, 2009). Il en résulte un clivage entre d’un côté, le propriétaire des moyens de production – le capitaliste –, qui s’approprie la force de travail d’un salarié n’ayant que sa force de travail à offrir, ainsi que la valeur ajoutée retirée de la vente des produits, et de l’autre, le salarié ne percevant que la valeur des marchandises nécessaires à la reproduction de sa force de travail (Billaudot, 1996, p. 80). Aglietta précise qu’il s’agit d’un clivage « entre ceux qui ont l’initiative de créer la monnaie pour la transformer en moyen de financement et ceux qui n’ont accès à la monnaie qu’en vendant leur force de travail ». Ainsi « le pouvoir d’une classe sociale sur une autre que le rapport salarial établit, c’est le pouvoir de l’argent » (Aglietta, in Billaudot, 2001, p. 154)

La relation salariale fait ainsi le lien entre deux moments contradictoires. D’un côté, le contrat de travail est signé entre deux individus formellement égaux dans l’ordre politique, ce qui conduit une partie du discours économique à la considérer comme une simple relation marchande. Mais dans le procès de travail, le salarié ne se vend pas lui-même à l’employeur en tant que personne, il se met à son service pendant une période donnée. Il s’agit donc d’une relation de subordination72. Or dans la perspective régulationniste, ce choix n’est pas le fruit

72Cette dualité de la relation salariale la distingue de l’esclavage, dans lequel le travailleur est en situation

d’aliénation constante. Cette forme de mise au travail est aujourd’hui incompatible avec les institutions politiques des sociétés démocratiques (Moulier-Boutang, 1998).

d’une décision individuelle librement consentie, mais dérive d’une situation de dépendance structurale dans laquelle une partie de la population, dépourvue d’accès au capital, n’a d’autre choix que d’aliéner sa force de travail (Lejeune, Saoût, et Sobel, 2013).

Pour l’approche en termes de régulation, le concept de rapport salarial rend compte du lien entre l’utilisation de la force de travail par le capital et la prestation de cette force de travail 73 . Comme toute autre forme institutionnelle, il ne peut être appréhendé indépendamment de configurations d’ensemble qui varient avec le temps, et se définit ainsi « par la complémentarité des institutions qui encadrent le contrat de travail et leur compatibilité avec le mode de régulation en vigueur » (Boyer, 2002, p. 106). Sont considérées comme particulièrement importantes les interactions avec la monnaie et les formes de la concurrence. Certes, il ne se résume pas à un rapport marchand. Mais la relation salariale, en tant qu’elle donne lieu à un salaire délivré en monnaie et donne par conséquent accès à l’acquisition de marchandises, lui est néanmoins reliée. Par ailleurs, la recherche de valorisation maximale du travail social prend la forme d’une lutte au sein des formes de la concurrence, qui à la fois unit et oppose les producteurs.

L’objectif de l’approche en termes de régulation est d’étudier les circonstances de cette mise au travail en partant d’une vision abstraite inspirée de la vision marxienne à une description stylisée retenant une double dimension, d’un côté technico-économique – l’organisation du procès de production –, et de l’autre une dimension redistributive – l’aspect monétaire de la relation salariale permettant au salarié d’avoir accès à la consommation. Il s’agit en d’autres termes de rendre compte de la manière dont le rapport capital/travail, lui- même traversé par le rapport entre normes de production et normes de consommation, s’articule au travers des différentes configurations historiques74. Cinq composantes sont alors dégagées pour identifier une forme particulière de rapport salarial : « type de moyens de production ; forme de la division sociale et technique du travail ; modalité de mobilisation et d’attachement des salariés à l’entreprise ; déterminants du revenu salarial, direct ou indirect ; enfin mode de vie salarié, plus ou moins lié à l’acquisition de marchandises ou à l’utilisation de services collectifs hors marché » (Boyer, 2004, p. 19).

73Pour Marx, la force de travail est cette marchandise particulière dont l’usage crée de la valeur accaparée par le

propriétaire des moyens de production. Si la référence à cette conception est explicite dans les travaux fondateurs de la théorie de la régulation, elle se fait plus rare par la suite (Sobel, 2009).

74 Boyer distingue ainsi le rapport salarial en tant que processus de socialisation de la forme du rapport salarial en

tant que configuration spécifique à un espace et une période données, qui « se définit par l’ensemble des

conditions juridiques et institutionnelles qui régissent l’usage du travail salarié comme le mode d’existence des travailleurs » (Boyer, 2002, p.106).

Cette approche empirique du concept de rapport salarial nous permettra de revenir sur la manière dont il est modelé à la fois par les exigences de l’accumulation et par les conflits sociaux, l’étude fondatrice pour l’approche en termes de régulation étant menée par Aglietta sur les États-Unis durant la période fordiste. Les auteurs régulationnistes considèrent en effet que les transformations du capitalisme sont guidées non seulement par l’accumulation, mais également par des conflits sur la répartition. En ce sens, elle adopte une posture d’économie politique qui cherche à repenser le rôle des autorités publiques sur la dynamique économique et sociale. Les formes institutionnelles reposent ainsi sur des compromis construits à l’échelle nationale et validés par l’État. Il convient donc de clarifier la manière dont les régulationnistes conçoivent le rôle du Politique – qui comprend, mais n’est pas limité à l’État – dans le changement institutionnel. Cette spécificité transparaît aux fondements de leur approche, dans leur appréhension de l’institution.

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