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RSE et capitalisme en République Populaire de Chine

Section 2 Le réveil des travailleurs migrants comme prélude au changement de mode de développement ?

2.2. La lente constitution d’une « conscience de classe » parmi les

nongmingong

Dans Misère de la philosophie, Marx a opéré une distinction entre « classe en elle- même » et « classe pour elle-même » :

« [l]es rapports économiques ont d'abord transformé une masse de population en ouvriers. La domination du capital a créé à cette masse une situation commune, des intérêts communs. Ainsi cette masse apparaît déjà comme une classe par rapport au capital, mais non encore comme une classe pour elle-même. Dans la lutte dont nous avons indiqué quelques phases, la masse se trouve elle-même, se constitue comme classe pour elle-même. Les intérêts qu'elle défend deviennent des intérêts de classe » (Marx, 1968, p. 120).

Dans les années 1960, E.P. Thompson s’appuie sur cette distinction pour prendre ses distances avec le marxisme orthodoxe, considérant que l’on ne peut parler de classe comme « structure » ou « catégorie » objective. Les individus qui la composent doivent également partager une « conscience de classe » :

“class happens when some men, as a result of common experiences (inherited or shared), feel and articulate the identity of their interests as between themselves, and as against other men whose interests are different from (and usually opposed to) theirs. The class experience is largely determined by the productive relations into which men are born — or enter involuntarily. Class- consciousness is the way in which these experiences are handled in cultural terms: embodied in traditions, value-systems, ideas, and institutional forms” (Thompson, 1963, p. 289).

Sans écarter l’importance des conditions matérielles, il considère la classe comme un phénomène historique et souligne l’importance de la culture, de la vie sociale et des luttes dans la formation d’une conscience de classe. Dans les années 1980, les auteurs influencés par le post-structuralisme vont plus loin en minorant, voire en abandonnant le rôle des conditions économiques et en mettant l’accent sur les discours politiques mobilisés par les acteurs (Jones, 1983; Sewell, 1980). Dans l’étude de la Chine contemporaine, le travail le plus significatif s’inscrivant dans ce courant a été fourni par Lee (2007). À partir d’une analyse du langage et des slogans des travailleurs migrants, elle cherche à faire ressortir l’identité collective qui émerge lors des conflits. Elle considère ainsi que le niveau de conscience de « classe » est faible en comparaison des anciens salariés des entreprises d’État, les

nongmingong se rattachant davantage à des revendications de « citoyenneté » et de « subalterne »213 :

“I found that class identity is more muted and ambivalent among migrant workers than among rustbelt [Northern state] workers, whereas claims made on the basis of equality before the law and of citizens’ right to legal justice are impassioned and firm, as in the rustbelt. Workers also identify themselves as the marginalized and the subordinate in society, and therefore deserving of state paternalism and protection against employers and their insurgent accomplices” (Lee, 2007, p. 195)

Néanmoins, nous considérons à la suite de Chris Chan qu’utiliser la rhétorique des travailleurs comme baromètre de la conscience de classe est insuffisant (Chan, 2012a)214. La méthode employée par Anita Chan et Siu est à nos yeux plus convaincante (Chan et Siu, 2012). Inspirés par la tradition marxiste215, les auteurs soulignent l’importance de l’histoire longue dans la formation d’une conscience de classe. Ils cherchent à remettre la situation des travailleurs migrants en Chine contemporaine en perspective avec l’histoire de l’Europe de la Révolution Industrielle, en se concentrant pour cela sur la province du Guangdong – qui a connu à elle seule un afflux de 30 millions de travailleurs en provenance de différentes provinces en 30 ans –, et dont le rôle d’« atelier du monde » peut-être comparé au nord de l’Angleterre dans la première moitié du XIXe siècle. Contrairement à Lee, les auteurs considèrent que les grèves constituent la manifestation la plus significative d’une conscience collective. Mais plutôt qu’une analyse quantitative, l’inexistence de statistiques fiables sur le sujet les contraint à s’appuyer sur leur longue expérience d’observation des protestations depuis le début des années 1990, ainsi que sur des documents d’ONG et des discussions avec les protagonistes de ces grèves216.

213 Elle reprend ainsi les trois concepts de « prolétariat », « citoyenneté » et « subalterne » utilisés dans de

précédents travaux sur la classe et l’identité. Le « prolétariat » se référe à la tradition marxiste ; le concept de « citoyenneté » fait référence à une tentative d’intégrer l’histoire du mouvement de protection des travailleurs dans celle du mouvement pour les droits civils ; et celui de « subalterne » est insipré des études post-coloniales considérant les travailleurs comme un groupe marginal, subordonné à des forces dominantes dans la société (Lee, 2007).

214 Pour C. Chan en effet, “the explanatory power of Lee’s theory is dramatically undermined by analysing

workers’ struggles through the ‘‘identity’’ lens rather than through an analysis of class relations” (Chan, 2012, p. 311).

215 Les auteurs font tour à tour référence à Marx, Lénine, E P. Thompson et Wallerstein.

216 Sans être formellement interdit, le droit de grève a été retiré de la constitution en 1982, supprimant la

protection accordée aux grévistes. Cela n’a pas empêché les travailleurs d’exercer ce droit dans les faits, leur nombre s’étant considérablement accru depuis la fin des années 1990. Cette augmentation est indéniable en dépit de l’absence de décompte officiel depuis 2005. Le nombre d’ « incidents de masse » comptabilisé par les statistiques chinoises est passé de 10 000 en 1993 à 87 000 en 2005, soit une hausse de 20% par an. En 2003, 46,7% de ces conflits étaient liés au travail (Lee, 2009). Selon Pun et Lu, 75% de ces « incidents » sont initiés par des travailleurs ou des paysans, tandis que le CLB estime que plus de 70% des protestations ont lieu dans l’industrie (Pun et Lu, 2010, CLB, 2012). Si la position officielle reste ambigüe, on assiste à une « normalisation » des grèves, Wang Tongxin, vice-président du syndicat de Shenzhen, ayant notamment déclaré

L’étude historique comparative est ici complexifiée par les divergences dans l’histoire de la construction du droit du travail : en Europe, la législation protectrice des travailleurs a en effet été accordée au prix de luttes sociales violentes, par des États soucieux de maintenir la stabilité sociale. Or en Chine, d’importantes avancées légales ont été entérinées avant que ne se développent d’importants mouvements de protestations, conduisant les travailleurs, au moins dans un premier temps, à faire reposer leurs revendications sur les lois existantes.

Cette distinction conduit A. Chan et Siu à proposer une nouvelle classification à partir du contenu des demandes des grévistes : avant 1994 en dépit de conditions d’existence très dures, la crainte des employeurs et le peu de perspective d’amélioration dans l’esprit des travailleurs ont suffi à contenir leurs revendications. Dans un deuxième temps, une fois le premier « Code du travail » adopté, ceux-ci se montrent davantage conscients de leur force et s’appuient sur la loi pour faire avancer la protection de leurs droits. “The Chinese social discourse on ‘rights protection’ [weiquan] is characterized by the acceptance of prevailing laws as the standard by which work conditions and wages should be set”. (Chan et Siu 2012, p. 86). Les protestations basées sur la défense du droit (par exemple, une grève pour le respect du salaire minimum légal) se distinguent ainsi des grèves pour la défense des intérêts (une demande d’augmentation salariale au-delà du minimum légal), ces dernières étant beaucoup plus rares217. C. Chan se base notamment sur ses travaux menés sur les grèves au Vietnam –

qui s’inscrit dans une dynamique comparable de transition vers des institutions de type capitaliste – pour faire ressortir le peu de protestations basées sur les intérêts en Chine (C. Chan, 2011b). A. Chan et Siu en déduisent que les travailleurs chinois “have not questioned the legitimacy of this structure. They have not reached the level of consciousness at which they could assert their rights to what is beyond the legal minimum” (Chan et Siu 2012, p. 88). Enfin, au stade le plus élevé du processus de construction d’une conscience de classe, les travailleurs acquièrent une “conscience syndicale” qui les conduit à exiger la mise en place d’organisations indépendantes pour lutter de manière organisée et coordonnée. Or les très rares demandes de mise en place de syndicats indépendants sont restées isolées et ont en fin de compte toutes échoué. Les auteurs ne partagent donc pas l’enthousiasme de nombreux en 2008 que les grèves étaient inévitables dans une économie de marché et « parfaitement acceptables dans la

société d’aujourd’hui » (in Pringle, 2011, p. 109 [traduction]). Les autorités se montrent dans les faits intransigeantes à l’égard des tentatives de mobilisation transversales, mais font dorénavant preuve d’une relative tolérance vis-à-vis des protestations isolées (Lee et Yuan, 2010).

217 Cette distinction n’existait pas dans l’Europe du XIXe siècle, les travailleurs luttant pour l’instauration de lois

limitant l’exploitation. En Chine, la mise en œuvre du cadre légal a pris de nombreuses années et reste aujourd’hui très imparfaite, en particulier concernant le temps de travail, la signature de contrats de travail ou l’accès à la protection sociale.

chercheurs et activistes qui soulignent le saut non seulement quantitatif, mais également qualitatif des grèves menées par les travailleurs migrants. Le mouvement de 2010 enclenché avec la grève dans l’usine Honda de Nanhai avait en particulier été salué comme une avancée importante dans l’émergence d’une « conscience de classe » (voir encadré). Or A. Chan et Siu soutiennent que cette protestation a été très peu planifiée et organisée218, et que par ailleurs, après avoir obtenu satisfaction dans un premier temps, les grévistes ne sont pas parvenus à maintenir la pression sur le management et à mettre en place une structure leur permettant de poursuivre la lutte. Leur inexpérience s’est enfin ressentie dans l’absence de coordination entre les grèves qui ont suivi dans les autres usines de Honda à travers le pays. Les auteurs concluent ainsi : “the workers’ main concern is still their own personal and immediate economic conditions, and only occasionally is there a breakthrough into the interest-based level. At times sparks of union consciousness might flicker” (Chan et Siu, 2012, p. 97)219.

Encadré n°4.2 : Le rôle des grèves dans l’évolution de la forme du rapport salarial

Nous avons évoqué dans le chapitre précédent la capacité des dirigeants chinois depuis Deng Xiaoping à garder une forme de contrôle sur les transformations des formes institutionnelles. Sans revenir sur cet apport, il nous faut également souligner l’importance de la lutte des classes dans l’évolution du rapport entre capital et travail, ainsi que dans la recherche d’institutions susceptibles de contenir les conflits liés au travail, en particulier via la réforme de l’ACFTU.

Les grèves se sont multipliées à la suite de la crise de 2008-2009, le printemps 2010 restant comme le point culminant dans l’histoire récente du mouvement des travailleurs. La province du Guangdong a en particulier été touchée par une série d’« incidents » éclatant en particulier dans les entreprises industrielles étrangères telles que Foxconn* (Taiwan), Flextronics (Singapour) ou Omron (Japon). La mobilisation la plus conséquente a eu lieu dans l’entreprise de composants Honda de Nanhai, un district de Canton, dans laquelle les grévistes ont démontré leur capacité d’organisation en énonçant des demandes fortes et précises – entre autres, une hausse de 800 yuans du salaire mensuel, soit 30% d’augmentation, et une réforme du syndicat d’entreprise. Cette grève a également marqué les esprits par sa durée (17 jours) et pour s’être étendue à trois usines appartenant à Honda dans d’autres provinces chinoises, causant selon une estimation 240 millions de yuans de perte par jour à l’entreprise (Chan, 2013a). Toyota, autre constructeur japonais, fut fans la foulée touché par d’importantes interruptions de la production.

À l’époque, les images d’échauffourées entre les grévistes de Honda et des émissaires du syndicat venus demander la reprise du travail ont accru la pression pour une réforme de l’ACFTU (Pringle, 2011; Friedman, 2014b). Wang Yang, alors gouverneur de la province du Guangdong, a quant à lui mis en garde les entreprises sur les conditions de travail et appelé à l’amélioration des mécanismes de négociation collective. Enfin, le quotidien China Daily, héraut du gouvernement chinois, se fendait d’un éditorial sur la nécessaire transformation du modèle de production manufacturière à bas coût en appelant à une hausse généralisée des salaires, requête mise à exécution dans le plan quinquennal l’année suivante (voir infra).

218 On peut s’étonner à la suite de Pringle de l’utilisation répandue du terme « spontané » pour qualifier les

grèves de travailleurs-migrants, quand on sait que n’importe quelle interruption de la production demande un minimum d’organisation et de coordination.

219 Dans le même sens, Friedman et Lee (2010) soutiennent dans une métaphore empruntée à la biologie que

l’essentiel des protestations restent « cellulaires ». Si quelques grèves peuvent être qualifiées de « virales », comme celles de 2010, les cellules ne se combinent pas durablement pour former des tissus.

Depuis lors, la hausse continue des salaires a permis de faire retomber quelque peu la pression, mais des grèves significatives continuent d’éclater régulièrement, les travailleurs réclamant, dans la majorité des cas, des compensations en cas de restructuration (33%), le paiement des arriérés de salaires (21%), des hausses salariales (20%), ou l’accès à l’assurance sociale (6%) (CLB, 2014a). L’expérience accumulée au fil des conflits sociaux permet aujourd’hui aux travailleurs d’être relativement mieux organisés, et l’on assiste à une diversification de leur répertoire d’actions (C. Chan 2010; Pringle 2011), en dépit des sanctions dont les auteurs risquent d’être victimes. Les grèves les plus médiatisées ont un écho qui s’étend au-delà de leur simple entreprise, entraînant à chaque fois des questionnements sur le rôle des autorités et du syndicat dans la protection des travailleurs. Ce dernier se trouve pris entre deux feux, avec la nécessité d’une part de contrebalancer le pouvoir du capital, et de l’autre l’importance donnée à l’accumulation par le PCC.

La montée du mécontentement ouvrier étant la première cause de l’évolution du syndicat, l’objectif visant à contrebalancer le pouvoir du capital devient de plus en plus réalité, même si ce rôle est compromis par l’importance donnée à l’accumulation par le PCC. En mai 2014, la cessation du travail par 40 000 travailleurs chez le producteur taiwanais de chaussures Yue Yuen à Dongguan a ainsi conduit le gouvernement du Guangdong à proposer de nouvelles régulations sur les consultations collectives et les contrats collectifs – même si l’opposition des associations commerciales du sud de la Chine et de Hong Kong ont réduit la portée du texte finalement adopté (voir chapitre 7).

*Une série de suicides sur les sites de production de Foxconn était alors abondamment reprise par les journaux

étrangers, forgeant la triste réputation de l’entreprise taiwanaise.

Une série de travaux (Chan et Pun, 2009; Pun et Lu, 2010; CLB, 2012; Pringle, 2011) s’inscrivent également dans la lignée de l’approche historique de Thompson, mais arrivent à des conclusions différentes sur le niveau de conscience de classe chez les travailleurs migrants.

Pun et Lu cherchent à identifier les éléments de continuité et de changements entre deux générations de nongmingong (Pun et Lu, 2010). La « première génération » fait référence aux individus nés dans les années 1960 et 1970 et ayant quitté la campagne pour les nouvelles provinces industrialisées dans les années 1980, tandis que la « nouvelle génération » est composée de ceux nés depuis le lancement des réformes à la fin des années 1970, dans les zones rurales ou urbaines, et entrant sur le « marché du travail » depuis la fin de la décennie 1990.

La séparation orchestrée par le hukou a selon les auteurs engendré une prolétarisation incomplète, comme le laisse entendre le terme nongmingong : ils ne sont plus entièrement nongming (paysans), ni réellement gongren (travailleurs). Les auteurs appuient leur argument sur une monographie des travailleurs migrants de la nouvelle génération réalisée auprès d’un millier d’individus âgés de 16 à 32 ans à Shenzhen et Dongguan, deux grandes villes industrielles de la province du Guangdong. Une majorité d’entre eux a changé d’emploi dans l’année écoulée, la moitié ayant travaillé en ville pendant plus de cinq ans, et pourtant, moins de 10% considèrent avoir une bonne chance de rester en ville. Ils sont fortement mobiles, et les entretiens révèlent qu’ils sont marqués par un sentiment d’inadéquation, n’ayant en quelque sorte nulle part où rester.

Car si les réformes ont donné la possibilité aux ruraux de prendre le chemin des villes, celles-ci ne se sont pas accompagnées de perspectives d’installation durables dans les zones urbaines, les contraintes pesant sur les nouveaux arrivants étant trop fortes. Alors que la « première génération » était considérée comme « en transition » entre zones urbaines et rurales, les migrants restant fortement attachés à leur village d’origine, le retour à la campagne apparaît beaucoup plus difficile pour la « seconde génération ». Les auteurs comparent cette situation à une nouvelle forme d’« enclosure », certes moins brutale que ce qu’ont connu les classes laborieuses anglaises au tournant du XVIIIe siècle220.

La plupart des migrants ayant tenté l’expérience du retour ont en effet échoué pour des raisons matérielles et financières, mais également du fait de la pression familiale et de l’attraction pour la vie urbaine au sein du village. L’essentiel se joue donc dans une forme d’« enclosure spirituelle » plutôt que dans une « enclosure physique » et dans les mesures coercitives de dépossession des terres. Finalement, ces jeunes individus ayant grandi dans un environnement marqué par une forte croissance économique et par la mise en avant des valeurs d’enrichissement et de développement personnel décident de repartir vers les villes, tout en étant conscients que le dagong (travailler pour un patron) offre peu de perspectives221. Cette situation est selon les auteurs à la base de la montée d’un sentiment de frustration commun à la « nouvelle génération », qui la rend plus encline à exprimer ses souffrances de manière collective222.

C. Chan, Pringle, Pun et Chan, Pun, et al., et l’ONG China Labour Bulletin s’accordent sur le constat que les travailleurs migrants sont dorénavant plus conscients de leur force et mieux organisés (Chan, 2012a; Pringle, 2011; Chan et Pun, 2009; Pun, et al., 2010;

220 En comparaison, on peut considérer que les droits sur les terres pour les détenteurs de hukou rural ont même

été relativement protégés. Selon Lee, autour de 40 millions de villageois auraient été dépossédés de leurs terres entre 2000 et 2004 (Lee, 2007). La propriété de la terre étant toujours collective, les gouvernements locaux sont en effet souvent tentés d’accorder l’exploitation des terres à des activités lucratives (promoteurs immobiliers et industrie). Mais si l’érosion des acquis paysans dans les années 2000 est indéniable, la situation diffère grandement entre les provinces, voire entre les localités. Il arrive que la propriété et la gestion des terres restent effectivement collectives et permettent aux ruraux de s’enrichir, notamment dans certaines zones formellement rurales, mais où l’industrialisation progresse.

221 L’ONG CLB dresse un portrait similaire des travailleurs-migrants : “[t]hey also feel more pressure to succeed

and the intense frustration of trying to establish a life in the city while still being classified and looked down upon as a rural resident” (CLB, 2011, p. 42).

222 En plus de leur large enquête sur les nongmingong, les auteurs ont également accompagné quelques migrants

dans leur tentative de retour vers leur village d’origine. Elles arrivent à la conclusion suivante : “in sum, both the

lack of opportunities for individual development for returned migrants and the structural barriers preventing members of rural communities from successfully addressing the social cost of reproduction contribute to a sense of “land enclosure,” resulting in what we have understood to be a process of “self-driven” proletarianization” (Pun et Lu, 2010, pp. 507-508)

CLB, 2011, 2012). En plus de la diffusion d’un sentiment d’absence de perspectives parmi la « nouvelle génération », le regroupement des travailleurs au sein des dortoirs – un dispositif largement utilisé par la direction des usines pour maintenir son contrôle sur la force de travail – et les « villages de migrants » qui s’étendent aux abords des zones industrielles constituent des espaces de développement de l’activisme (Pun et Chan, 2009). La montée des conflits doit donc à la fois être perçue comme le prolongement de la capacité d’organisation des travailleurs ainsi que comme de nouvelles expériences communes renforçant la conscience de classe.

Or les grèves sont non seulement plus nombreuses, mais elles sont également mieux

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