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RSE et capitalisme en République Populaire de Chine

Section 2 Le mode de développement chinois

2.3. Identification de la configuration institutionnelle chinoise contemporaine

2.3.2. L’intégration de la Chine dans les échanges commerciaux internationau

L’ouverture de l’économie chinoise est une autre caractéristique fondamentale de la période qui s’est ouverte par l’arrivée de Deng au pouvoir. Les chiffres du commerce extérieur n’ont de cesse de susciter des commentaires élogieux ou craintifs depuis la fin des années 1990 (Lemoine et Unal, 2012; Zhu et Kotz, 2011)131. Il serait pourtant hasardeux de réduire le modèle de croissance chinois à son caractère extraverti, voire de considérer que les structures économiques n’ont fait que s’adapter au processus d’intégration dans les échanges

131 La Chine serait ainsi devenue la 1ère nation exportatrice en 2009, puis la 1ère puissance commerciale en 2013

internationaux132. Il apparaît au contraire que cette ouverture est restée largement maîtrisée par les dirigeants chinois, voire, comme le souligne Breslin, qu’elle ait pu être instrumentalisée à des fins de politique intérieure (Breslin, 2004).

On peut identifier quatre phases dans l’internationalisation de l’économie chinoise depuis 1978. Jusqu’à 1986, les zones économiques spéciales sont conçues comme une « fenêtre sur le monde » (Breslin, 2004). Cette stratégie inspirée par les exemples coréen et taiwanais permet de développer – tout en les contenant – les contacts avec l’étranger. Si ces ilots de libéralisme économique constituent des expériences importantes d’apprentissage des techniques capitalistes modernes du point de vue des transferts des technologies ainsi que de l’organisation du travail (Ruffier, 2006, p. 161), la Chine ne connaît pas encore d’explosion de la balance commerciale et des IDE. La croissance de la production agricole et des biens de consommation est alors absorbée par la hausse des revenus du travail. À cette époque, seuls Taiwan et Hong Kong sont mis à contribution de manière significative, donnant forme à un autre particularisme du développement chinois. Selon Bergère, la diaspora aurait en effet fourni 60 à 70% des IDE jusqu’au milieu des années 2000, notamment dans les industries intensives en main-d’œuvre peu qualifiée (Bergère, 2007).

Le processus s’accélère ensuite pour créer un environnement plus favorable aux investissements étrangers. Ces derniers bénéficient de la promulgation de nouveaux statuts d’entreprises (Joint Venture (JV) et Wholly Foreign Owned Enterprise (WFOE)), d’une baisse des taxes, de la possibilité de convertir leurs profits dans une monnaie étrangère et de les rapatrier. Cette politique permet d’attirer d’avantage d’IDE, en particulier dans les zones côtières. À partir de 1985, une plus grande partie de la production chinoise est en outre destinée à l’export, notamment les produits manufacturés dans les entreprises de bourg et de village (voir annexe n°2.6).

Ce n’est qu’après le « Voyage dans le Sud » (nan xun) de Deng, en 1992, que la Chine commence à émerger en tant que puissance commerciale mondiale. Depuis la dépréciation du RMB en 1994, la balance commerciale est chaque année excédentaire (voir annexe n°2.6), notamment grâce aux surplus accumulés dans les échanges avec les États-Unis. La décennie n’en est pas moins marquée par d’intenses discussions au sein de l’élite politique sur l’opportunité que représente l’adhésion à l’OMC, finalement approuvée en 2001. Un groupe représenté par l’économiste Han Deqiang met en garde contre les conditions fixées par les

132 Les partisans du consensus de Washington vont encore plus loin en considérant que l’ouverture réduira à

règles internationales qui empêcheront la Chine de soutenir les groupes sociaux et les secteurs les plus faibles, en particulier l’agriculture et les grandes entreprises publiques (Breslin, 2004). Considérer l’entrée à l’OMC comme la suite logique et inéluctable du processus de réformes revient donc en réalité à sous-estimer l’importance des conflits politiques internes au PCC. Si cette décision a été prise en partie pour s’assurer l’accès aux marchés du monde développé et dans l’espoir d’accélérer la diffusion du progrès technique, elle reflète de manière plus fondamentale le positionnement d’un groupe guidé par le premier ministre Zhu Rongji (1998- 2003), pour qui l’adhésion à l’OMC sert de catalyseur à des réformes institutionnelles profondes conduisant à soumettre les secteurs domestiques à la compétition (Breslin, 2004 ; Bergère, 2007). Face au scepticisme des bureaucrates, l’équipe dirigeante s’est ainsi appuyée sur la pression internationale pour accélérer le rythme des réformes.

Dans la période qui s’ouvre après 2001, les exportations deviennent le principal moteur de la croissance. Entre 2001 et 2007, les exportations augmentent de 20,9% par an en moyenne, leur part dans le PIB passant de 22,7 à 38,6%. Elles contribuent à 57,4% de la croissance du PIB sur l’ensemble de la période, venant pallier l’appauvrissement d’une partie de la population qui ne peut suivre le rythme de consommation imposé par le développement des capacités de production (Kotz et Zhu, 2011). À partir de 2002, la Chine devient en outre la destination favorite des IDE, au détriment des États-Unis (OCDE, 2003). Les dirigeants ne se sont cependant pas rangés à la norme libérale consistant – en théorie – à exposer l’ensemble de son économie à la concurrence internationale. L’État s’attèle en effet à sécuriser les intérêts qu’ils considèrent comme essentiels, et ce tant en interne – aux niveaux central et provincial – qu’à l’international133. Comme le souligne Boyer, “[q]uantitatively, the opening of the Chinese economy is impressive, but qualitatively, public authorities have a remarkable amount of control over entries of capital, the management of norms, the interventions in the exchange market, and the constitution of large reserves in order to prevent the equivalent of the 1997 Asian crisis” (Boyer 2013a, p. 9).

Cette crise a profondément marqué les autorités chinoises qui ont fait de l’accumulation de réserves de change une priorité. Une grande partie des dirigeants considère en outre la faible insertion dans le système financier mondial comme un rempart face aux flux – et reflux – de capitaux internationaux. Le gouvernement garde ainsi le contrôle des places

133 Voir par exemple l’analyse de la stratégie des « entreprises centrales » en Afrique par Pairault (Pairault,

de Shanghai et Shenzhen et continue à résister aux pressions visant à une réévaluation du RMB (Aglietta et Landry, 2007; Aglietta et Guo, 2012; Pairault, 2008; Boyer, 2013a)134.

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