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Radicalité dans les mouvements antispécistes romands et Réseaux Sociaux Numériques

8. Analyse :

8.3 Mise en perspective du matériel récolté, des entretiens et des observations

8.3.4 Radicalité dans les mouvements antispécistes romands et Réseaux Sociaux Numériques

8.3.4.1 Différents niveaux de radicalité chez les associations antispécistes de Suisse romande

Durant notre recherche, la question de l’action directe et de la désobéissance civile a été omniprésente, dans les discours des activistes rencontrés, mais aussi dans la presse généraliste et les publications des organisations antispécistes sur les RSN et leurs sites Internet. Les militants semblent eux-mêmes divisés sur l’efficacité de ces méthodes et ce au sein même des organisations. Il convient également de noter que parmi les organisations que nous avons observées sur les RSN, seules 269 Libération Animale et PEA ont recours à l’action directe et à la désobéissance civile, avec des stratégies et attitudes différentes par rapport à ces actions, toutes les autres associations et organisations ont cependant participé à la diffusion d’enquêtes en abattoirs, dont les images sont obtenues grâce à des infiltrations illégales dans des abattoirs.

La définition de la radicalité donnée par Bonelli et Carrié (2018 : 68) qui en parlent comme de la « transgression de la subversion acceptable » est ici éclairante pour comprendre la réaction de l’état et des institutions judiciaires aux affaires de caillassages de vitrines, de blocages d’abattoirs et de sauvetages d’animaux qui ont eu lieu en Suisse. En effet, tous les activistes rencontrés, même parmi ceux qui ne pratiquent pas et désapprouvent stratégiquement l’usage de l’action directe, s’accordent pour considérer que la répression qui a frappé les milieux antispécistes ces dernières années a été particulièrement violente.

La notion de radicalité est de plus revendiquée par des associations comme 269 Libération Animale pour décrire les méthodes et stratégies mises en place par l’association, basées sur la « confrontation et l’installation d’un rapport de force avec les institutions de domination »137. Mais aussi par des militants comme Benjamin, membre de PEA, qui parle de la lutte antispéciste comme d’une « lutte minoritaire, et

136 Benjamin, entretien avec Léo Tarazi (22.12.2020)

137 2018. MANIFESTE : L’avenir antispéciste s’ouvre au pied de biche. 269 Libération Animale – Suisse [page Facebook]. Repéré à https://www.facebook.com/pg/269

LIBERATION.ANIMALE/about/?ref=page_internal (consulté le 10.04.2019).

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[…] une lutte qui est qualifiée d’extrême et de radicale, même s’[il] n’a pas de problème avec la radicalité »138.

La répression policière, bien que décrite par tous comme « violente », est racontée et vécue de différentes manières par les militants. Nous pouvons ainsi citer à nouveau le manifeste de 269 LA, qui déclare l’association victime d ’un « acharnement judiciaire et politique d’une rare intensité »139 et rapprocher ce genre de tournures du

« sentiment de persécution, en tout cas d’incompréhension » dont parle Schemeil (SCHEMEIL, 2012 : 436). Ce sentiment est partagé à l’extérieur de l’association, les militants que nous avons pu interroger parlant du sentiment de voir « [ses] potes qui disparaissent »140. Les textes émis par 269 Libération Animale, et diffusés sur la page Facebook de l’association, à propos de cette répression participent aussi de la formation de figures héroïsées, malgré le fait que les responsables de l’association rejettent cette idée de martyr, qui participe « à déculpabiliser d’un échec qui dure depuis trente ans » le mouvement antispéciste141. Ainsi, Matthias, un militant soupçonné d’actes de vandalisme sur des vitrines et qui a été maintenu en détention préventive à Genève pendant une année142 en attente de son jugement, a-t-il été l’objet de nombreux textes au contenu émotionnel 143 144 145, contribuant à construire une figure d’exemple. Cette valorisation des « héros et des initiateurs auxquels on se fie et dont on s’inspire », la notion de « sacrifices coûteux pour assouvir sa passion, au-delà du raisonnable, la fréquentation des mêmes lieux publics et la participation aux rassemblements de tous ceux qui partagent la même foi » rapprochent l’antispécisme prônée par 269 Libération Animale d’une forme d’idéologie (SCHEMEIL, 2012 : 436).

8.3.4.2 Radicalité et mobilisation en ligne

Ce qui est présenté comme un risque de glissement vers la radicalité et la violence inhérent à toute idéologie (Schemeil, 2012 : 436) est ici revendiqué par l’association dans ses statuts. La revendication de cette radicalité peut ainsi jouer le rôle de filtre dans les adhérents aux groupes. Ce processus par lequel les plus « modérés » finissent par s’exclure eux-mêmes des groupes militants a ainsi été décrit par Bonelli

138 Benjamin, entretien avec Léo Tarazi (22.12.2020)

139 Tiphaine, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2020)

140 Benjamin, entretien avec Léo Tarazi (22.12.2020)

141 269 Libération Animale (26.10.2019). MATTHIAS ENFIN SORTI DE PRISON : CAMARADE, DEPUIS TA CELLULE, A CHEMINÉ UNE RAGE PUISSANTE ET POLITIQUE. Facebook. Repéré à https://www.facebook.com/269LIBERATION.ANIMALE/posts/2451432615145272

142 Revello, Sylvia (05.05.2019). A Genève, un antispéciste attend son jugement en prison. Le Temps.

Repéré à : https://www.letemps.ch/suisse/geneve-un-antispeciste-attend-jugement-prison

143 269 Libération Animale (14.01.2019). TÉMOIGNAGE DE NOTRE CAMARADE ET AMIE, MIRABELLE, SUR LA PRISON : LA LUTTE ANTI-CARCÉRALE N’EST PAS QU’UNE LUTTE PÉRIPHÉRIQUE. Facebook. Repéré à

https://www.facebook.com/events/2440211552872663/?post_id=2442370215990130&view=permalink

144 269 Libération Animale (26.10.2019). MATTHIAS ENFIN SORTI DE PRISON : CAMARADE, DEPUIS TA CELLULE, A CHEMINÉ UNE RAGE PUISSANTE ET POLITIQUE. Facebook. Repéré à https://www.facebook.com/269LIBERATION.ANIMALE/posts/2451432615145272

145 269 Libération Animale (16.05.2019). UNE NOUVELLE LETTRE DE MATTHIAS À SES CAMARADES ACTIVISTES – COLLECTE DEMAIN SOIR POUR LUI À LAUSANNE, VENEZ NOMBREUX.SES ! Facebook. Repéré à

https://www.facebook.com/269LIBERATION.ANIMALE/posts/2328699757418559

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et Carrié (2018) dans leurs entretiens avec des jeunes mis en examen pour des faits liés au terrorisme djihadiste, les plus convaincus en venant « à partager une vision du monde de plus en plus proche ». Cette notion de glissement progressif et de formation par l’action ressort clairement des discours des responsables mêmes de l’organisation.

Les différentes étapes nécessaires pour rejoindre ces groupes militants contribuent ainsi elles aussi à restreindre le groupe et rassembler des « individus de plus en plus semblables dans leurs comportements et leurs modes de pensée. La coupure qui s’instaure renfor[çant] les liens affectifs en son sein » (Bonelli, Carrier, 2018, p.231).

Dans le cas de 269 LA, nous pouvons observer le cas de personnes, visiblement sensibles à la cause antispéciste, souhaitant rejoindre la page et qui se voient rediriger vers une adresse mail. Le nombre de personnes qui ne reçoivent pas de réponse suite à ces sollicitations (selon leurs propres déclarations en commentaire de la page) laisse penser que l’association se livre à une vérification et à un tri des profils des membres potentiels avant de lancer un processus d’adhésion. Les discours de Tiphaine indiquent également que le tri entre les militants « s’effectue dans l’action », les moins motivés participant à une ou deux actions avant de ne plus revenir146. Tiphaine évoque ainsi le « rôle formateur » des actions, qui permettent de « former et écrémer »147 les membres du groupe. Ce discours concernant le tri des membres, entre ceux qui sont aptes à participer aux actions, revient très souvent dans le discours de Tiphaine et Ceylan, qui parlent de l’action directe comme du seul moyen de fixer un « noyau de vrais militants », ceux qui sont prêts à envisager la prison, ou des poursuites judiciaires. « Certains viennent à une… deux… trois actions et ne reviennent jamais »148. Nous avons ainsi pu observer une volonté d’effectuer un resserrement du cercle militant associé à une « montée en radicalité » (Sommier, 2016) des discours et des pratiques, qui est à rapprocher des mécanismes observés chez les jeunes candidats au Djihad par Bonelli et Carrié (2018 : 273) et qu’ils décrivent comme « une série de petits glissements qui s’opèrent à la fois à l’intérieur du groupe qu’ils constituent et dans les relations qu’ils entretiennent avec les institutions, notamment coercitives ».

L’intervention d’une militante suisse est à ce propos évocatrice, rebondissant sur les propos de Ceylan à propos de la prison et des frais entraînés par les poursuites, elle renchérit :

« […] il faut être déterminés sur le fait qu’on finira dans la pauvreté […]

on ne peut pas toujours faire des caisses de soutien, des soirées anti-répressions […] si on veut partir faire des belles vacances, il ne faut pas militer ». (Militante de 269 Libération Animale149)

Ces méthodes indiquent un processus de mobilisation moins direct que PEA ou l’association Co&xister, dont les évènements et les actions sont ouverts au public de leurs pages sur les RSN, qui sont, comme nous l’avons vu, mises à forte contribution dans le recrutement des membres. Les stratégies mises en place par 269 Libération Animale semblent ainsi s’accompagner d’un mode de recrutement beaucoup plus prudent, dont les étapes peuvent décourager les militants potentiellement intéressés.

146 Tiphaine, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2019)

147 Tiphaine, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2019)

148 Tiphaine, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2019)

149 Militante de 269 Libération animale, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2020)

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Nos observations semblent donc indiquer que la montée en radicalité du mouvement rend le processus de mobilisation sur les réseaux sociaux difficile, parfois peu efficace, mais aussi moins désirable, et ce en raison de plusieurs facteurs. Au niveau meso, qui concerne la structure de l’association et sa stratégie, le recrutement en ligne se heurte à la surveillance dont font l’objet les différents profils et pages gérés par l’association.

La méfiance envers les tentatives de prise de contact venant d’inconnu freine inévitablement le processus de recrutement (en témoignent les nombreux mails restés sans réponse de personnes intéressées par le mouvement, se plaignant dans les commentaires des publications de 269 Libération Animale sur Facebook, au moment de notre observation). Les responsables sont ainsi moins enclins à répondre aux prises de contact d’inconnus, et préfèrent fonctionner par un système de bouche-à-oreille, recrutant leurs membres par cercles de connaissances contigus ou dans le milieu militant. Tiphaine explique ainsi qu’un des avantages représentés par le recours à l’action directe est l’afflux de militants antifascistes intéressés par ces méthodes. Le recrutement s’effectue donc en partie par l’action. De manière intéressante, l’influence sur le recrutement de l’usage de nouveaux modes d’action est également rapportée par Marie-Laure qui explique : « en tous cas, quand on propose des nouveaux types d’actions, on a remarqué que ça faisait venir des nouveaux militants »150.

La méfiance des activistes de 269 Libération Animale s’explique au niveau macro par un contexte défavorable aux antispécistes radicaux, 2018 et 2019 ayant vus les enquêtes et les procès s’enchaîner contre les militants affiliés à 269 Libération Animale. Ceylan explique ainsi que les sanctuaires de l’association sont placés sous surveillance policière constante151 152. Compte tenu des arrestations dans le milieu antispéciste suisse, Ceylan est persuadé que la soirée de soutien où nous étions présent était surveillée : « on ne doit pas sous-estimer la surveillance policière, dans un endroit ouvert comme ça, ils ont très bien pu venir en avance et mettre des micros »153. Benjamin, également présent dans l’audience de la soirée, me rapporte :

« mais en fait, on savait que c’était une soirée qui était probablement surveillée. On savait qu’il y avait probablement des micros qui ont été posés, ou des gens qui étaient là juste pour enregistrer et écouter. » (Benjamin154)

Cette surveillance, qui témoigne du climat général défavorable aux antispécistes radicaux, est aussi de mise en Suisse, Au niveau micro, nous avons pu recueillir le discours des membres de l’association, peu favorables aux RSN qu’ils estiment peu efficaces, et ne valant pas le contact direct entre militants.

Nous avons pu observer des manifestations de cette volonté d’éloigner ou de décourager les éléments les moins radicaux et motivés lors de la soirée de rencontre et de soutien à laquelle nous avons pu assister. Un jeune présent dans l’assemblée

150 Marie-Laure, entretien avec Léo Tarazi (17.05.2020)

151 Ceylan, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2020)

152 Bouard, Emmanuelle (14.02.2020). Lorraine : les antispécistes de 269 Libération Animale installent leur sanctuaire. France Info. Repéré à https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/lorraine-anti-specistes-269-liberation-animale-installent-leur-sanctuaire-1787833.html

153 Ceylan, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2020)

154 Benjamin, entretien avec Léo Tarazi (22.12.2020)

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ayant ainsi semblé ennuyé par la question de la répression policière est intervenu pour demander comment militer sans s’exposer à des suites judiciaires. Tiphaine lui a ainsi répondu en expliquant que les militants doivent être prêts en tout temps à assumer leurs actes. Ceylan renchérit : « la prison… et même la mort, c’est une chose à laquelle on doit être préparé et l’accepter ». Cette intervention est accueillie par quelques rires dans la salle, mais le responsable ne rit pas : « au Kurdistan vous croyez quoi, les gens ils savent que tous les jours ils peuvent mourir, ils sont prêts »155. Ce discours peut être rapproché de la notion de « sacrifices coûteux » nécessaires pour « assouvir sa passion » évoquée par Schemeil (2012, P.436), auxquels doivent être prêts en tout temps les militants. Cette notion peut aussi s’appliquer à la remarque de la militante évoquée plus haut à propos de la pauvreté inévitable pour les militants antispécistes.

Plusieurs plaisanteries des deux responsables semblent aussi avoir pour vocation de mettre à distance les éléments les moins radicaux du mouvement, en même temps que les associations et organisations antispécistes aux méthodes plus légalistes.

Ainsi, Tiphaine ironise-t-elle sur les antispécistes qui vont débattre sur les plateaux de télévision ou acceptent de débattre avec des bouchers, tandis que Ceylan moque les militants qui participent aux actions de blocages des abattoirs et qui se rendent compte que ce type d’action n’est pas fait pour eux : « ils n’ont qu’à retourner sur les stands au marché ! ». Un jeune militant qui faisait allusion plus tôt au stand qu’il animait au centre de Lausanne rit de manière visiblement gênée.

8.3.4.3 Action directe et démobilisation

Notre recherche, commencée juste avant les premiers procès de militants antispécistes romands, et achevées à la fin de l’année 2020, s’est déroulée dans une période particulière pour le milieu militant animaliste romand. Pour résumer, notre observation a commencé avec la soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale, à un moment où :

« […] Mathias était encore en prison à Champ-Dollon, le procès n’avait pas eu lieu. Virginia Marcus n’était pas non plus passée en procès, donc la répression était encore en train gentiment de s’abattre. Mais les sentences étaient pas prononcées… » (Benjamin156)

Benjamin décrit ainsi l’état du mouvement antispéciste en Suisse romande comme une

« gueule de bois », suite à « une gigantesque période d’activité où il y a eu plein, plein de trucs, plein d’évènements […] et là boum ! C’est genre […] “qu’est-ce qu’il s’est passé ?“ Il y a plein de gens qu’on a perdu, qui militent plus. Donc faut reconnaître que la répression a fait effet. » En effet, la vague d’actions de désobéissance civile et d’actions directes antispécistes qui avait eu lieu en Suisse romande s’est tarie. Des militants ont fait le choix d’arrêter l’action directe pour se concentrer sur d’autres

155 Tiphaine et Ceylan, soirée de rencontre et de soutien à 269 Libération Animale (17.05.2019)

156 Benjamin, entretien avec Léo Tarazi (22.12.2020)

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activités, comme Virginia Markus, qui a décidé de se concentrer sur ses activités au sanctuaire Co&xister157.

Le sujet a beaucoup été évoqué par les militants de PEA, actifs autour des évènements Dans leurs Yeux, qui ont vu beaucoup de militants se diriger vers 269 Libération Animale, motivés par les méthodes plus directes de l’association. Marie-Laure décrit ainsi l’état d’esprit qui traversait selon elle les milieux antispécistes :

« Il y avait un environnement, une atmosphère militante complètement différente. Parce que c’était l’époque où il y avait eu tous ces militants qui faisaient partie d’AV et qui avaient quitté l’association pour rejoindre 269 Libération Animale, et qui ont du coup commencé des blocages d’abattoirs et tout ça. […] Ils en avaient marre de faire que des petites actions légales, où on reste dans le cadre de la loi et au final il y a pas grand-chose qui bouge, eux ils voulaient vraiment concrètement aller sauver les animaux. » (Marie-Laure158)

L’action directe et les discours développés par l’association 269 Libération semblent ainsi attirer les militants pour les résultats concrets, immédiats et observables de ce genre d’actions, en termes de retombées médiatiques, mais également en ce qui concerne le bien-être des animaux libérés, dans le cas des actions de sauvetage.

Benjamin explique lui aussi l’attrait fort de l’action directe pour les militants :

« […] l’action directe, c’est extrêmement tentant. L’action directe c’est quelque chose où tu as l’impression d’avoir un résultat direct. En fait, c’est plus une recherche du résultat direct… c’est une bonne formule, ça.

Bien sûr que c’est tentant, bien sûr que j’ai été tenté d’aller bloquer un abattoir. Bien sûr que j’ai été tenté de faire des dommages, parce que c’est tellement rageant de voir l’exploitation animale au quotidien. T’y peux pas grand chose, alors tu te dis “bah ouais, là, je pourrais faire un truc”. » (Benjamin159)

Certains des militants interrogés, comme Reem, sont favorables à l’action directe, par exemple les caillassages de vitrines, qui permettent d’attirer l’attention médiatique sur la lutte antispéciste160. Ce recours à l’action directe permettrait ainsi au mouvement dans son ensemble d’atteindre une efficacité tactique, quand associé à d’autres méthodes dont celles, plus pédagogiques, mises en place par PEA. Certains des militants de PEA sont aussi actifs au sein de 269 Libération Animale, ce qui ne pose pas de problème à l’association tant que ces militants gardent leurs activités séparées161. Certains militants interrogés semblent ainsi estimer que la mise en place de tactiques conjointes par différentes associations représente un intérêt stratégique pour le mouvement antispéciste. Bryan explique ainsi :

157 ATS (19.11.2020). Peine pécuniaire avec sursis pour l’activiste antispéciste Virginia Markus. Le Temps. Repéré à https://www.letemps.ch/suisse/peine-pecuniaire-sursis-lactiviste-antispeciste-virginia-markus

158 Marie-Laure, entretien avec Léo Tarazi (28.09.2020)

159 Benjamin, entretien avec Léo Tarazi (22.12.2020)

160 Reem, discussion avec Léo Tarazi (12.09.2020)

161 Reem, discussion avec Léo Tarazi (12.09.2020)

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« Pour moi, en fait, c’est la multiplicité des actions qui va créer l’efficacité d’une lutte, en fait. On a besoin de tout, en fait, […] on a besoin d’avoir des gens qui sauvent des animaux, on a besoin d’avoir des gens qui parlent à d’autres personnes, on a besoin d’avoir des conférenciers, on a besoin d’avoir des talk-shows sur internet, on a besoin d’avoir des documentaires, on a besoin d’avoir des gens qui vont parler aux politiques, on a besoin d’avoir tous ces groupes d’actions différents pour arriver à une cohérence de lutte qui fait sens et qui permet en fait des vrais changements profonds. » (Bryan)162

Antoine, qui a lui-même milité au sein de PEA et de 269 Libération Animale, avant de se concentrer sur PEA suite aux répercussions judiciaires qu’il a essuyées après un procès pour des libérations d’animaux dans des élevages suisses, parle lui aussi de cette cohérence des luttes et des méthodes, il relève également un autre aspect intéressant de l’émergence d’associations aux méthodes plus radicales dans un mouvement social :

« […] j’ai assez tendance à dire que la lutte elle est énorme, et puis qu’on a tout intérêt à se rassembler. Du coup, c’est bien qu’il y ait plusieurs associations avec des stratégies différentes. […] Ça permet ensuite d’avoir une crédibilité ensuite à PEA quand elle va sur un plateau télé, que 269 aura peut-être pas. » (Antoine163)

Cette conséquence de l’action directe est évoquée par de nombreux militants à qui nous avons parlé. Tous notent ainsi la lumière apportée sur le mouvement antispéciste par les actions radicales ayant eu lieu en Suisse romande. Benjamin note ainsi le côté

« good cop, bad cop »164 que ce genre d’actions permettent de mettre en place médiatiquement.

La période allant du début de ces actions aux procès des militants antispécistes a ainsi permis de mettre en lumière différents rapports aux media généralistes et aux RSN, les associations aux méthodes plus modérées et légalistes telles que PEA multipliant les actions ouvertes et les tentatives de sensibilisation et d’éducation dans les mass

La période allant du début de ces actions aux procès des militants antispécistes a ainsi permis de mettre en lumière différents rapports aux media généralistes et aux RSN, les associations aux méthodes plus modérées et légalistes telles que PEA multipliant les actions ouvertes et les tentatives de sensibilisation et d’éducation dans les mass