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Master. Reference. Mouvements sociaux, mobilisation & réseaux sociaux numériques: le cas des militants antispécistes en suisse.

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Mouvements sociaux, mobilisation & réseaux sociaux numériques: le cas des militants antispécistes en suisse

TARAZI, Léo

Abstract

Ce mémoire s'intéresse aux usages des réseaux sociaux numériques dans les mouvements antispécistes romands ainsi qu'à l'influence de ces réseaux sur les parcours militants individuels et les organisations. A travers les concepts de mouvements sociaux, de mobilisation et de radicalisation, j'interroge les parcours des militants antispécistes pour comprendre les effets et usages des réseaux sociaux numériques dans ces milieux. La recherche consiste en une observation des réseaux sociaux, ainsi que d'évènements et de happenings, complétée par une série d'entretiens semi-directifs avec des militant-e-s de la sphère antispéciste romande.

TARAZI, Léo. Mouvements sociaux, mobilisation & réseaux sociaux numériques: le cas des militants antispécistes en suisse. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150388

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MÉMOIRE DE DIPLÔME

MOUVEMENTS SOCIAUX,

MOBILISATION &

RÉSEAUX SOCIAUX NUMÉRIQUES : LE CAS DES MILITANTS ANTISPÉCISTES EN SUISSE

Sous la direction du Docteur Sébastien Salerno

LÉO TARAZI

13340302

Session de Janvier 2021

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Remerciements :

Je souhaite remercier particulièrement mon superviseur, le Docteur Sébastien Salerno, pour son soutien et ses retours pendant toute la durée de réalisation de ce Mémoire, et pour m’avoir encouragé à aller plus loin.

Je remercie également toutes les personnes rencontrées pendant mes observations et mes entretiens pour leurs réponses et leur ouverture.

Enfin, je remercie mes parents, Emmanuelle et Basil, ainsi que Kenza Wadimoff et tous ceux qui m’ont supporté pendant ce dernier semestre par leurs encouragements et leurs relectures, je n’aurais pas pu le faire sans eux.

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1. Table des matières

2. Tables des illustrations ... 4

3. Introduction :... 5

3.1 Internet et mobilisation ... 5

3.2 L’antispécisme... 6

3.3 Les antispécistes en Suisse romande ... 7

3.4 Intérêt de la recherche et structure ... 7

4. Question de recherche : ... 8

5. Hypothèses : ... 8

6. Conceptualisation : ... 11

6.1 Media sociaux numériques et réseaux sociaux numériques (RSN) : ... 11

6.2 Action collective, mouvements sociaux & mobilisation ... 14

6.3 Radicalisation & radicalisation en ligne ... 17

6.3.1 Radicalisation ... 17

6.3.2 La radicalisation en ligne ... 18

6.4 Idéologies ... 19

7. Méthodologie : ... 20

7.1 Les réseaux sociaux numériques en Suisse romande ... 23

7.2 Observation des réseaux sociaux numériques antispécistes romands ... 24

7.3 Sélection des associations et militants ... 27

7.4 Les entretiens individuels ... 29

8. Analyse : ... 30

8.1 Les associations et media antispécistes sur les Réseaux Sociaux Numériques ... 30

8.1.1 Association Co&xister (Suisse) : une approche proche du blog ... 34

8.1.2 269 Libération Animale (France) : une approche centrée sur l’activisme ... 37

8.1.3 PEA – Pour l’Égalité Animale (Suisse) ... 39

8.1.4 VieVégane (Suisse), la page d’un medium classique ... 42

8.1.5 Antispeciste.ch (Suisse) ... 45

8.1.6 Mise en perspective et comparaison ... 47

8.2 Observations non-participantes ... 49

8.2.1 Soirée de soutien et de rencontre chez 269 Libération Animale ... 49

8.2.2 Dans leurs Yeux à Lausanne avec PEA – Pour l’Égalité Animale... 51

8.2.3 Visite publique au sanctuaire de Co&xister ... 53

8.3 Mise en perspective du matériel récolté, des entretiens et des observations ... 54

8.3.1 Internet dans les stratégies des associations ... 54

8.3.2 Internet dans les parcours militants ... 63

8.3.3 Militantisme individuel en ligne ... 70

8.3.4 Radicalité dans les mouvements antispécistes romands et Réseaux Sociaux Numériques ... 73

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9. Conclusion : ... 84

9.1 Retour sur les résultats ... 84

9.1.1 H1 : Les réseaux sociaux numériques permettent aux cinq organisations étudiées de mobiliser des militants 84 9.1.2 H2 : Les RSN ne permettent pas aux cinq organisations antispécistes étudiées de mobiliser de militants 85 9.1.4 H4 : Les cinq organisations antispécistes romandes étudiées utilisent les RSN pour populariser leurs idées ... 87

9.1.5 Le cas particulier de l’action directe et des associations antispécistes radicales : un rapport ambivalent aux RSN ... 88

9.2 Limites de la recherche ... 90

9.3 Ouverture et perspectives ... 91

10. Bibliographie : ... 93

11. Table des références ... 98

11.1 Articles de journaux & sites Internet ... 98

11.2 Articles de revues ... 100

11.3 Pages Internet ... 101

11.4 Publications sur les réseaux sociaux numériques et profils publics ... 101

12. Annexes : ... 106

12.1 Questionnaire : ... 106

12.2 Cahier d’observation : 17 mai 2019, espace auto-géré : ... 107

12.3 Manifeste de l’association (récupéré sur place, mais aussi disponible sur leur page Facebook) : ... 115

12.4 Document produit par 269 Libération Animale et récupéré lors de la soirée de rencontre et de soutien à l’Espace autogéré de Lausanne : ... 117

12.5 Cahier d’observation : Dans leurs yeux, PEA (12.09.2020) ... 119

12.6 Entretien avec Marie-Laure de PEA (28.09.2020) ... 127

12.7 Entretien avec Antoine de PEA (28.09.2020) ... 138

12.8 Entretien avec Bryan de PEA (28.09.2020) ... 144

12.9 Entretien avec Benjamin de PEA et VieVégane (22.12.2020) ... 155

12.10 Flyer récupéré sur le stand de PEA (recto/verso) ... 174

Dans cette recherche, toute désignation de personne, de statut ou de fonction s'entend indifféremment au féminin et au masculin

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2. Tables des illustrations

FIGURE 1LES PAGES ANTISPÉCISTES REPÉRÉES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, CHIFFRES VÉRIFIÉS LE 15.12.2020 ... 26

FIGURE 2LES RÉPONDANTS ET LES DIFFÉRENTES ASSOCIATIONS DANS LESQUELLES ILS/ELLES MILITENT ... 29

FIGURE 3TOTAL DES POSTS PAR CATÉGORIE SUR LA PÉRIODE ALLANT DU 01.04.2020 AU 16.12.2020 ... 33

FIGURE 4UNE PUBLICATION DE PHOTOGRAPHIES, REPRÉSENTATIVE DU CONTENU DE LASSOCIATION CO&XISTER ... 35

FIGURE 5DU CONTENU PLUTÔT LÉGER, AVEC CEPENDANT UN MESSAGE ANTISPÉCISTE ... 35

FIGURE 6PARTAGE D'UN ARTICLE ÉCRIT PAR UNE DES RESPONSABLES DE L'ASSOCIATION ... 36

FIGURE 7NOUNOURS &ÇANO (ILLUSTRATION DE LA PUBLICATION "A NOS GESTES DÉROBÉS") ... 38

FIGURE 8LE COQ SHAMS,(ILLUSTRATION DE LA PUBLICATION TOI SHAMS") ... 38

FIGURE 9PARTAGE D'UNE ACTION EN LIGNE ET PARTAGE DU SONDAGE DOPINION MENÉ PAR PEA ... 41

FIGURE 10EXEMPLE DU PARTAGE D'ARTICLE AGRÉMENTÉ D'UNE ANALYSE ET DUN MESSAGE ANTISPÉCISTE ... 42

FIGURE 11DU CONTENU PLUS CLASSIQUE DES RSN ... 43

FIGURE 12UN ARTICLE D'OPINION, PUBLIÉ SUR LE SITE VIEVÉGANE PAR LUN DES AUTEURS BÉNÉVOLES ... 44

FIGURE 13UN ARTICLE RÉDIGÉ PAR UN-E BÉNÉVOLE ET CONSACRÉ À UNE SÉLECTION DE CRÈME SOLAIRES RESPECTUEUSES DES ANIMAUX ... 45

FIGURE 14RELAIS PAR ANTISPECISTE.CH D'UNE PÉTITION LANCÉE PAR PEA. ... 46

FIGURE 15UN ARTICLE PUBLIÉ SUR LE SITE ANTISPECISTE.CH ET PARTAGÉ SUR LA PAGE FACEBOOK DU MEDIUM ... 47

FIGURE 16VISUEL DE L'ÉVÈNEMENT DE RENCONTRE ET DE SOUTIEN À 269LIBÉRATION ANIMALE ... 49

FIGURE 17PHOTO PRISE PAR UN(E) MILITANT(E) DANS LE CADRE DE L'ÉVÈNEMENT DU 12 SEPTEMBRE 2020 ET PUBLIÉE SUR LES PAGES DE LASSOCIATION SUR LES RSN... 51

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3. Introduction :

3.1 Internet et mobilisation

Internet et les nouveaux outils de communication n’ont cessé de susciter le débat depuis leur apparition, au début des années 70. Véritables outils de démocratisation pour certains, territoires plus troubles, vecteurs de nouveaux risques pour d’autres.

Nombre de chercheurs se sont intéressés au lien existant entre internet et les mouvements sociaux, entre opportunités de mobilisation et de diffusion d’informations.

L’histoire récente nous offre quelques exemples frappants de cas où les réseaux sociaux numériques (RSN dans la suite de la recherche) semblent avoir joué un rôle majeur : Printemps Arabes en 2012, risques djihadistes, homegrown terrorism, crise des fake-news ou encore manifestations des Gilets Jaunes. Cette importance prise par les RSN dans l’organisation et la diffusion de ces phénomènes semblent être prise au sérieux par les gouvernements, qui multiplient les rapports et les plans de prévention. En France, l’intense communication sur les RSN autour des mouvements sociaux, dans le cadre notamment des manifestations des « Gilets jaunes », ainsi que dans le cadre plus général des dénonciations de violences policières, a conduit le gouvernement a adopter un projet de loi visant interdire la diffusion d’images dans le but de nuire aux forces de l’ordre1. L’assassinat d’un enseignant en France en octobre 2020, suite à une polémique qui avait été largement diffusée sur les RSN, a conduit à une attention encore plus marquée aux mécanismes de radicalisation et de mobilisation sur le net2. Cette diversité de phénomène est principalement rassemblée par l’importance prise dans leur analyse par les RSN. Cependant, étant donné la relative nouveauté des technologies en œuvre dans ces phénomènes, ainsi que l’apparition rapide de ces mouvements sociaux, il n’existe pas de consensus sur l’influence mutuelle de ces mouvements sociaux et des RSN.

De plus en plus de mouvements sociaux semblent également prendre naissance sur les RSN, ou utilisent ceux-ci pour rendre publiques leurs actions et faciliter leur organisation. Si leur diversité est représentative de la nature variée du web et des RSN, ces groupes ont rencontré un succès divers en Suisse et y ont plus ou moins essaimé. Ainsi, les mouvements antispécistes se sont-ils fait particulièrement remarquer dans le courant de l’année 2018, en Suisse romande. Parti d’une mouvance globale, avec des organisations présentes dans le monde entier, ce mouvement hétérogène regroupe des associations et collectifs aux modes d’organisation et d’action variés, allant des groupes et lobbys les plus légalistes aux groupuscules d’action clandestins.

1 Reuters (19.11.2020). l’article qui interdit de filmer les policiers sera amendé, dit Matignon. Ouest France. Repéré à https://www.ouest-france.fr/societe/police/l-article-qui-interdit-de-filmer-les-policiers- sera-amende-dit-matignon-7057701

2 Delafoi, F. (19.10.2020). La France veut s’armer contre le « cyberislamisme ». Le Temps. Repéré à https://www.letemps.ch/monde/france-veut-sarmer-contre-cyberislamisme

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3.2 L’antispécisme

Apparu dans les années 70, le concept d’antispécisme est né d’une notion philosophique basée sur l’utilitarisme qui veut que le « spécisme » soit une

discrimination basée sur l’espèce, et à ce titre soit aussi immorale que le sexisme ou le racisme. A la suite de Peter Singer et de son fameux ouvrage intitulé « La

libération animale » et paru en 1975, de nombreux auteurs ont ainsi cherché à déconstruire les fondements du système spéciste, défini comme « l'idéologie qui justifie et impose l'exploitation et l'utilisation des animaux par les humains de manières qui ne seraient pas acceptées si les victimes étaient humaines. »3 La philosophie antispéciste s’est depuis répandue, et de nombreux courants de pensées divergents ont pu faire leur apparition au sein de la mouvance générale. En France et dans le monde francophone, les « Cahiers antispécistes » ont grandement participé à la popularisation de ces idées, depuis 1991, notamment en traduisant et diffusant les textes produits à l’étranger4.

Les personnes se revendiquant de l’antispécisme se distancient des mouvements de défense des animaux pour revendiquer la « libération animale » (DUBREUIL, 2009 : 117) : leurs membres refusant la dénomination de « défenseurs » 5 ou d’« amis »6 des animaux. Cette opposition est exprimée par Singer lui-même, et reprise ici par les « Cahiers antispécistes » :

« Si je suis pour la libération animale, ce n'est pas pour sa radicalité. Je ne reproche pas à la défense animale d'être « molle », ou « modérée » ; je lui reproche de défendre le spécisme. Je ne cherche pas l'extrémisme des idées, je suis pour la justesse des idées. Et le spécisme n'est pas une idée juste. »

A ce titre, nombre de mouvements antispécistes ont fait le choix des actions choc, légitimées à leur sens par la justesse morale de leur cause. Actifs sur les réseaux- sociaux, ces groupes y mobilisent des stratégies variées, autant au niveau de leur gestion de l’anonymat que du type d’interactivité qu’ils instaurent avec leurs followers et abonnés.

Ainsi, la cause antispéciste se caractérise par des courants de pensée variés, desquels se réclament une grande variété d’associations et d’organisations, plus ou moins radicales dans leurs demandes et leurs stratégies d’action. Celles-ci, selon leurs positionnements idéologiques, formulent ainsi des demandes parfois proches de la protection animale, ou des revendications plus radicales. L’association One Voice en France, par exemple, met en place des méthodes de « lobbying et de sensibilisation »7

3 Olivier, D. Le spécisme. Les Cahiers antispécistes. Repéré à https://www.cahiers- antispecistes.org/le-specisme/

4 Les Cahiers antispécistes. Présentation de la Revue. Repéré à https://www.cahiers- antispecistes.org/presentation-de-la-revue/

5 Olivier, D. (1991). Défense animale / libération animale. Repéré à https://www.cahiers- antispecistes.org/defense-animale-liberation-animale/

6 LAIR Publications (1991). Non, je ne suis pas une amie des bêtes. Les Cahiers antispécistes.

Repéré à https://www.cahiers-antispecistes.org/non-je-ne-suis-pasune-amie-des-betes/

7 One Voice. La vision. Repéré à https://one-voice.fr/fr/one-voice/la-vision.html

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pour arriver à ses objectifs, mais d’autres font le choix de méthodes plus directes : des happenings spectaculaires de 269 Life, dont les militants se sont par exemple fait marquer la peau au fer rouge en solidarité avec les animaux d’élevage, aux enquêtes menées illégalement en abattoirs de L214-Éthique et Animaux8 jusqu’aux actions directes de 269 Libération Animale en France, en Suisse, en Belgique et en Espagne ainsi que de la Hunt Saboteurs Association9 en angleterre.

3.3 Les antispécistes en Suisse romande

Depuis 2018, les antispécistes font beaucoup parler d’eux en Suisse romande. En effet, au mois d’avril de cette année, des militants antispécistes ont revendiqué le caillassage des vitrines de plusieurs boucheries à Genève10. Depuis, de nombreuses autres actions, telles que des blocages d’abattoirs et des vols, ou des libérations selon le point-de-vue adopté, d’animaux d’élevage ont été menées par ces activistes11. Les antispécistes occupent également la scène politique, avec l’initiative contre l’élevage intensif, lancée par Sentience Politics12 au niveau fédéral. L’année 2019 a ainsi été marquée par les procès d’activistes antispécistes, plusieurs d’entre eux étant condamné à des peines privatives de liberté ou à des jours-amendes13.

3.4 Intérêt de la recherche et structure

Si la doxa14 15 semble prendre pour acquis le rôle clé de l’internet et des RSN dans la mobilisation et la radicalisation des individus, de récentes études apportent un point de vue plus nuancé sur la question16. Le cas des militants antispécistes apporte selon nous une occasion d’aborder la problématique de la mobilisation en prenant pour cas d’étude un mouvement qui fait parler de lui depuis relativement peu de temps en Suisse romande, et sur lequel peu d’études ont encore été publiées en Suisse.

Dans le cadre de ce travail, nous commencerons par proposer des hypothèses quant à la relation entre les RSN et la mobilisation des individus. Nous proposerons ensuite

8 L214 – Éthique et Animaux. Vidéos et enquêtes. Repéré à : https://www.l214.com/enquetes/videos/

9 Hunt Saboteurs Association.

10 Hussain, M. (19.05.2018). Nécessaire ou extrémiste, l’activisme antispéciste crée la controverse.

RTS Info. Repéré à : https://www.rts.ch/info/suisse/9550427-necessaire-ou-extremiste-lactivisme- antispeciste-cree-la-controverse.html

11 Rippstein, J. (20.12.2018). Avec une première condamnation, l’antispécisme suisse vit un tournant.

Le Temps. Repéré à https://www.letemps.ch/suisse/une-premiere-condamnation-lantispecisme- suisse-vit-un-tournant

12 Sentience Politics (2018). Non à l’élevage intensif – Initiative populaire fédérale. Repéré à https://sentience-politics.org/de/elevage-intensif

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14 Conférence Québec-UNESCO (2016). Internet et la radicalisation des jeunes : prévenir, agir et vivre ensemble. Repéré à https://fr.unesco.org/ConfQcUNESCO/home

15 Vuilleumier, L. (21.10.2020). Radicalisation sur Internet: «Il faut amener à parler des religions autrement, à travers l’art, la musique, le théâtre». Le Temps.

https://www.letemps.ch/societe/radicalisation-internet-faut-amener-parler-religions-autrement-travers- lart-musique-theatre

16 A ce sujet, voir Bonelli et Carrié (2018), Ducol, Bouchard, Davies, Neudecker et Ouellet (2018) ou encore Von Behr, Reding, Edwards et Gribbon (2013).

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les concepts clés qui nous guideront tout au long de ce travail. Nous présenterons ensuite la méthodologie qui a guidé notre présence sur le terrain, avant de présenter nos résultats et de les mettre en lien avec nos concepts pour exposer notre analyse.

4. Question de recherche :

Lors de cette recherche, nous chercherons donc à répondre à la question suivante : QR : « Quelle est l’influence des réseaux sociaux numériques sur la mobilisation des militants au sein des organisations antispécistes romandes ? »

Ce questionnement visera donc à déterminer l’ampleur de l’importance d’Internet et des réseaux sociaux numériques dans ce processus de mobilisation. Nous chercherons ainsi à déterminer si les réseaux sociaux numériques peuvent être un vecteur idéologique et un moyen de contact suffisant pour amener une personne à se mobiliser et à militer au sein d’organisations antispécistes. Nous observerons les effets des RSN aussi bien au niveau des militants et des individus qu’au niveau de la stratégie des associations. Notre recherche portera sur le milieu antispéciste romand, et particulièrement les organismes suivants : PEA – Pour l’Égalité Animale, VieVégane, Antispéciste.ch, 269 Libération Animale et l’association Co&xister.

5. Hypothèses :

L’état de la recherche sur les sujets de la radicalisation et de la mobilisation politique nous amène à formuler les hypothèses suivantes concernant l’effet d’Internet dans le processus de radicalisation des individus :

H1 : Les RSN permettent aux cinq organisations antispécistes étudiées de mobiliser des militants

Cette hypothèse s’appuie sur l’idée que les formes d’engagement en ligne déboucheraient sur une mobilisation hors-ligne, que ce soit dans des formes d’actions directes, comme des actions de désobéissance civile, des sabotages, des blocages ou des actions plus violentes, ou dans un parcours militant plus classique, tel que le boycott, la participation à des manifestations légales, le tractage, etc. Cette hypothèse reprend la théorie dite de la « mobilisation » (MABI, THEVIOT, 2014.), selon laquelle Internet et les media sociaux, de par leur configuration et leurs modes d’interaction, permettraient à des publics traditionnellement désengagés de se mobiliser. On pourrait ainsi imaginer que des individus à l’origine peu engagés en politique entrent en contact avec du contenu antispéciste diffusé ou non par nos organisations et commencent à s’engager dans l’antispécisme. Cette hypothèse se rapproche des courants optimistes quant au potentiel démocratique de l’Internet et des technologies qui y sont liées. Dans le cadre des mouvements sociaux, on peut imaginer que l’Internet et les RSN permettent à des personnes et des groupes géographiquement éloignés d’entrer en contact et d’interagir. Un individu peut ainsi être sensibilisé à une idéologie avec

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laquelle il n’aurait autrement pas été en contact et décider d’entrer en action. On peut ici donner l’exemple plus général du groupe Al-Qaïda, qui a multiplié les appels à ses sympathisants à l’étranger d’agir dans leur propre pays, sans que ces derniers ne les rejoignent physiquement et géographiquement (PICART, 2015).

H2 : Les RSN ne permettent pas aux cinq organisations antispécistes étudiées de mobiliser de militant

Cette hypothèse est la négative de H1. Elle pourrait se réaliser dans le cas, probable selon certains chercheurs, où la mobilisation en ligne constituerait une forme d’exutoire. L’individu se limiterait ainsi à certaines activités en ligne et n’éprouverait pas le besoin de transposer son activité dans sa vie hors-ligne. Cette situation a par exemple été décrite par des chercheurs étudiant le phénomène des trolls de droite sur les forums anglophones que sont 4chan et Reddit, des internautes qui prennent un malin plaisir à faire tourner leurs interlocuteurs en bourrique. Les chercheurs ont ainsi noté que, pour une majorité de ces trolls, l’activité en ligne, pourtant souvent virulente et très axée à droite (anti-féminisme, attaques contre les libéraux, soutien de Donald Trump, etc.), ne semblait pas s’accompagner d’un engagement hors-ligne (CONWAY, 2017). Cette hypothèse se réaliserait aussi dans le cas où les réseaux sociaux ne permettraient pas aux mouvements antispécistes d’atteindre de nouveaux publics susceptibles de se mobiliser, par exemple si les messages diffusés par les groupes antispécistes n’atteignent que les individus déjà sensibilisés à la cause. Certains individus pourraient aussi ne pas avoir accès aux ressources nécessaires à une activité militante hors-ligne, ou simplement ne pas désirer y prendre part pour des raisons plus personnelles.

Cette hypothèse se réaliserait également dans le cas où les individus qui se mobilisent en ligne s’avéreraient être les mêmes que ceux qui se mobilisent hors-ligne, rejoignant ainsi la théorie de la « normalisation » (MABI-THEVIOT, 2014 : 492). L’hypothèse serait ainsi qu’Internet et les RSN ne permettent pas de mobiliser les individus, seules les personnes disposant déjà d’un capital militant hors-ligne se mobilisant sur les réseaux sociaux numériques. Nous retrouverions ainsi les mêmes groupes et individus actifs sur le web que hors-ligne, le risque étant qu’Internet ne finisse par bénéficier qu’à des « super-militants » (EARL, 2018 : 296).

H3 : Les cinq organisations antispécistes étudiées utilisent les RSN pour mobiliser de nouveaux militants

Cette hypothèse est la corollaire de H1, nous faisons ici l’hypothèse que les RSN permettent effectivement la mobilisation, et sur cette base, que les mouvements antispécistes romands les incluent dans leurs stratégies de recrutement et de mobilisation pour l’action. Cette hypothèse sera principalement vérifiée au niveau de l’organisation des cinq associations étudiées.

H4 : Les cinq organisations antispécistes étudiées utilisent les RSN pour populariser leurs idées

Cette hypothèse se base sur la théorie du « choix rationnel » (ROHLINGER, CORRIGALL-BROWN, 2018 : 134), selon laquelle les activistes peuvent faire un

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usage différencié des RSN pour « viser les media généralistes, […] amener leurs idées jusqu’à des audiences larges et variées […] ou participer à former le débat public » (ROHLINGER, CORRIGALL-BROWN, 2018 : 136). Nous faisons donc ici l’hypothèse que les mouvements antispécistes romands font un usage des RSN destiné à populariser leurs idées et cadrages, ainsi qu’à faire rentrer ces idées dans les media grand public.

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6. Conceptualisation :

Notre questionnement de base nous amènera à aborder les concepts de réseaux sociaux numériques, qui sont le champ dans lequel évoluent les acteurs que nous devrons approcher, d’action collective et de mobilisation, d’idéologies et de radicalisation. Il convient donc de revenir sur les interprétations et utilisations qui ont été faites de ces termes, pour arriver à la définition que nous retiendrons lors de cette recherche et mieux saisir la manière dont ces concepts interagissent.

6.1 Media sociaux numériques et réseaux sociaux numériques (RSN) :

Avec l’avènement du web, la possibilité s’est offerte aux internautes de communiquer avec des millions d’utilisateurs à travers le monde et ce de manière quasi-instantanée.

Le phénomène s’est encore amplifié au début des années 2000, avec le passage au web 2.0 et les outils simplifiés qui se ainsi sont vu proposer aux utilisateurs. On parle du web 2.0 comme de l’« interactional web » (Edwards et al. 2013). Cette interactivité est due en partie à l’apparition des media sociaux numériques, terme qui comprend les « réseaux sociaux numériques, la blogosphère et le micro-blogging » (EDWARDS et al., 2013 : 246 ; traduction par nos soins). Ces media sociaux numériques sont caractérisés par un fort accent mis sur le user generated content et permettent sa mass communication (EDWARDS et al., 2013 : 246). Asur et Huberman (2010 : 492) expriment ainsi cette particularité :

« Social media has exploded as a category of online discourse where people create content, share it, bookmark it and network at a prodigious rate. Examples include Facebook, MySpace, Digg, Twitter and JISC listservs on the academic side. Because of its ease of use, speed and reach, social media is fast changing the public discourse in society and setting trends and agendas in topics that range from the environment and politics to technology and the entertainment industry »

Nous nous focaliserons dans cette recherche sur les RSN, qui permettent à leurs utilisateurs de « créer un profil personnel dans un environnement contrôlé », de se connecter à d’autres utilisateurs et de parcourir leurs listes de contacts ainsi que celles établies par d’autres (BOYD, ELLISON, 2007 : 211).

Les données personnelles générées par ces media sociaux ont longtemps paru représenter une manne pour les chercheurs en sciences sociales, intéressés par la possibilité d’en dégager un indicateur de l’opinion publique, « la masse et la variété d’information se propageant à travers de larges communautés d’utilisateurs présentant une opportunité intéressante de collecter cette information sous une forme autorisant des prédictions spécifiques sur des sujets particuliers » (ASUR, HUBERMAN, 2010 : 492). Jansen, Zhang, Sobel et Chowdury (2009) se sont ainsi intéressés, à travers une analyse de plus de 150'000 postes Twitter contenant des références à des marques, au potentiel du réseau social de permettre l’analyse du « bouche-à-oreille », le processus par lequel on « transmet l’information de personne à personne, (…) qui joue

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un rôle majeur dans la décision d’achat » (SOBEL, CHOWDURY, 2009 : 2169).

Animés de cette confiance en la force de prédiction des réseaux sociaux, Asur et Huberman sont parvenus à un modèle de régression linéaire qui leur a permis de prévoir efficacement le succès au box-office de plusieurs films étasuniens, leurs prédictions s’avérant souvent plus proches des résultats effectifs que le pourtant très précis hollywood stock market (voir également GRUHL, GUHA, KUMAR, NOVAK &

TOMKINS, 2005, pour une analyse similaire des plateformes de blogging, cette fois pour prévoir les ventes de livres).

Les deux auteurs concluent leur étude en affirmant leur croyance dans l’applicabilité de leur méthode à « une large variété de sujets, allant de la future évaluation de produits à l’agenda settings et aux résultats d’élections » (Asur et Huberman, 2010 : 499). Les auteurs affirmant qu’« à un niveau plus profond, [leur] étude montre comment les medias sociaux expriment une sagesse collective qui, si analysée correctement, peut fournir un indicateur très puissant et fiable de futurs résultats » (Asur, Huberman, 2010 : 499).

Si ce genre de recherches s’adresse plus ou moins directement aux marques, pour lesquelles l’avantage d’une surveillance en temps réel de la réputation est évident en termes de marketing, nombre de chercheurs ont aussi voulu utiliser les données à disposition sur les réseaux sociaux pour dégager des indices de prédiction de l’opinion publique fiables. Ainsi, Friemel et Dötsch (2015) ont cherché à vérifier si la section

« commentaires » de huit journaux suisses constituait un indicateur fiable de l’opinion des lecteurs de ces quotidiens. Les chercheurs ont ainsi pu observer que la teneur de ces commentaires ne pouvait pas être généralisée et ne constituait pas un indicateur fiable de l’opinion générale des lecteurs. En effet, l’étude a permis de démontrer que les lecteurs dont les opinions politiques étaient orientées à droite étaient surreprésentés dans la section commentaires des articles analysés, entraînant une

« perception déformée de l’opinion publique » (FRIEMEL, DÖRTSCH, 2015 : 166).

Les auteurs notent aussi que le type de modération adopté par les différents journaux influence également la teneur générale des commentaires qui y sont postés. Chung et Yoo (2008) ont ainsi montré que le type d’interface mis en avant par les sites internet des media influence la manière dont les usagers utilisent ces outils pour interagir avec ceux-ci. Nombre de chercheurs ont également voulu vérifier la fiabilité et la portée généralisable des données trouvables sur les réseaux sociaux (voir par exemple, sur Twitter et le contexte américain : O’CONNOR et al., 2010 ; sur Twitter et les élections fédérales allemandes : TUMASJAN et al., 2010 ; sur l’importance de Facebook dans les résultats de l’élection américaine de 2008 : WILLIAMS, GULATI, 2008), souvent avec un optimisme marqué quant au potentiel de celles-ci (GAYO-AVELLO, 2012).

Certains chercheurs sont ainsi plus mitigés quant au pouvoir prédictif des données issues des réseaux sociaux, et réclament une plus grande prudence dans leur analyse (GAYO-AVELLO, MEITAXAS, MUSTAFARAJ, 2011 ; GAYO-AVELLO, 2012).

Sur les réseaux sociaux, les élections présidentielles de 2016 aux États-Unis d’Amérique, ainsi que la campagne pour la présidentielle de 2019 en Indonésie (YANG HUI, 2020) sont des bons exemples de la manière dont les messages publiés, ainsi que leur volume, sont influencés par des facteurs qui viennent troubler la captation de l’opinion publique pour qui voudrait les observer. Affrontements par memes interposés,

« cyber-troupes » harcelant les partisans des opposants, recours à des équipes de

« buzzers » professionnels pour répandre de fausses informations au potentiel viral

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étudié, les élections Indonésiennes ont par exemple été le centre d’expérimentation de nouvelles stratégies électorales en ligne (YANG HUI, 2020 : 161). Les élections présidentielles de 2008 aux USA ont été marquées par le même genre de phénomènes, Allcott et Gentzkow (2017 : 213) ayant par exemple estimé que chaque Américain avait été confronté à 1.14 « fake-news » en moyenne durant la période précédant les élections. L’observation du volume des messages disponibles sur Internet, et même de leur teneur, est sujette à de nombreux biais qui interdisent pour le moment d’en déduire de quelconques conclusions au sujet de l’opinion publique (GAYO-AVELLO, 2011 ; YANG-HUI, 2020). Le potentiel de généralisation des données trouvées sur les réseaux sociaux est ainsi amoindri par de nombreux phénomènes qui restent encore à définir clairement, et dont l’influence doit encore être clairement quantifiée pour pouvoir imaginer exploiter directement ces données (MELLON, PROSSER, 2017).

Les chercheurs qui souhaitent utiliser les RSN comme sources d’informations et de données sont aussi confrontés aux mécanismes complexes de l’identité en ligne des individus, qui introduisent une nouvelle barrière entre la récolte de données en ligne et leur exploitation par les chercheurs (CASILI, 2012). En effet, ces dernières présentent un aspect paradoxal puisque la grande personnalisation du contenu qui est diffusé sur les RSN est contrebalancée par la grande liberté d’agence dont jouissent les internautes dans la définition de leur identité online. Selon Antonio Casili,

« La présence en ligne passe donc par une forme de monstration – naturaliste ou idéalisée – du corps de l’usager. En mettant en scène son corps, un usager arrive à être « téléprésent » dans un échange en ligne et peut interagir avec les autres par l’entremise d’un personnage qui est son représentant à l’écran » (CASILLI, 2012 : 16).

Cette construction de l’identité en ligne, et les grandes possibilités pour les utilisateurs en termes de « confection, de création et d’appropriation des identités dans ces circuits d’échange » (MCNEILL, ZUERN, 2015 : 7) rend difficile l’interprétation des données personnelles et pose la question de la correspondance entre identité online et physique. Le relatif anonymat autorisé par les RSN rend difficile l’exploitation des données récoltées sur les réseaux, mais aussi la prédiction de la « réception de la production » (BONELLI, CARRIÉ, 2018 : 251) et des messages publiés sur ceux-ci par les personnes qui en font usage. Nous verrons dans le chapitre consacré aux mouvements sociaux et à la mobilisation que la question de ces identités « liquides » (CASILLI, 2012 : 17) entraîne également des implications pour la communication en ligne de ces mouvements.

Lors de cette recherche, nous retiendrons la définition de Asur et Huberman (2010 : 492) et considérerons donc les media sociaux numériques comme une « catégorie de discours » permettant la « création de contenu, le partage, et le stockage de celui-ci ».

Cette définition englobe donc des réseaux comme Facebook, Twitter, Instagram, Youtube, Linkedin, ou encore des applications de messagerie comme Telegram, qui rentrent dans cette catégorie par la possibilité offerte à leurs utilisateurs de créer des réseaux par la voie de groupes de discussions. La construction d’une identité particulière en ligne sera aussi abordée, dans le cas de militants interagissant sur le web de manière anonyme. La manière dont cette identité online est fabriquée sera ici particulièrement intéressante.

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6.2 Action collective, mouvements sociaux &

mobilisation

L’action collective peut être définie comme « l’action collective d’individus poursuivant un intérêt commun » (Tilly, 1977 : 11). L’action collective inclut la plupart des comportements des foules, et peut décrire des phénomènes aussi divers que les mouvements de foules lors de concerts, les activités de gangs, les actions d’émeutiers, ou encore les activités de lobbying de certains groupes d’intérêts qui mobilisent leurs adhérents pour faire peser leurs demandes (SNOW, SOULE, KRIESI, MCCAMMON, 2019 : 5). Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement aux mouvements sociaux.

Les mouvements sociaux se distinguent d’autres formes d’actions collectives par le fait qu’ils « impliquent des acteurs (et leurs actions) qui contestent collectivement l’autorité, parfois dans une volonté d’amener un changement social, mais dans d’autres circonstances, pour prévenir la réalisation de ce changement » (SNOW, SOULE, KRIESI, MCCAMMON, 2019 : 5). Les mouvements sociaux se distinguent par leur utilisation de moyens d’actions non-institutionnalisés, ainsi que par leur utilisation non-conventionnelle de l’espace public et quasi-public (SNOW et al., 2019 : 6). Les mouvements sociaux diffèrent donc des autres formes d’actions collectives par leur aspect « coordonné et planifié » (SNOW et al., 2009 : 6), ainsi que par le fait qu’ils impliquent des « demandes et doléances articulées » (SNOW et al., 2009 : 6).

On peut ainsi définir les mouvements sociaux comme

« […] des collectivités agissant avec un certain degré de d’organisation et de continuité temporelle, en dehors des canaux institutionnels et organisationnels dans le but de remettre en question, ou de défendre, l’autorité existante, qu’elle soit institutionnellement ou culturellement basée, dans le groupe, l’organisation ou l’ordre mondial dont elles font partie » (SNOW et al., 2019 : 10).

Pour Tilly (1977 : 11), l’action collective résulte d’une combinaison d’« intérêts, d’organisation, de mobilisation et d’opportunité ». Chacune de ces « dimensions » pouvant évoluer, au travers de processus tels que la mobilisation individuelle, l’innovation tactique ou le cadrage (SNOW et al, 2019 : 11).

Cette recherche nous conduira également à considérer les militants antispécistes comme des « entrepreneurs de cause » (NEVEU, 2017 : 7). En effet, ceux-ci

« agissent pour constituer une pratique ou un fait », ici le spécisme, ou l’ensemble des pratiques portant préjudice aux animaux, « en problème dont on puisse débattre, sur lequel on puisse agir » (NEVEU, 2017 : 7). Nous distinguerons donc les personnes engagées dans cette activité de promotion (NEVEU, 2017), les militants, des personnes qui constituent l’audience de ces entrepreneurs, les media, les politiques, ou les personnes non-sensibilisées à la cause antispéciste, ou non-militantes.

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La mobilisation peut être décrite comme le fait d’« amener les groupes concernés à l’action » (SMELSER, 1963 :17). La mobilisation serait ainsi construite par opposition à l’apathie ou à l’inaction (WILSON, 1973). Charles Tilly (1977:10) décrit pour sa part la mobilisation comme :

« Le processus par lequel un groupe acquiert le contrôle collectif sur les ressources nécessaires pour l’action. Ces ressources peuvent être la force de travail, des biens, des armes, des votes, et beaucoup d’autres choses, tant qu’elles sont utilisables pour agir dans l’intérêt du groupe.

Parfois, un groupe tel qu’une communauté peut avoir une structure interne complexe mais peu de ressources mises en commun. Parfois, le groupe est riche en ressources, mais celles-ci sont en possession des individus. L’analyse de la mobilisation traite de la manière dont les groupes acquièrent des ressources et les rendent disponibles pour l’action collective ».

La mobilisation dépend ainsi de nombreux facteurs et procédés par lesquels les mouvements sociaux peuvent diffuser leurs idées, acquérir des ressources, recruter de nouveaux membres ou sympathisants et rendre ceux-ci disponibles pour l’action.

Le processus de cadrage, ou framing, est le processus par lequel les mouvements sociaux définissent leur relation aux mass media, qu’il s’agisse de journaux ou chaînes de télévision, ou de RSN, et adaptent leurs messages selon leurs objectifs (diffusion d’idées, mobilisation, etc.) ou leur public cible (sympathisants, grand public, etc.) (ROHLINGER, CORRIGALL-BROWN, 2019 : 133).

La relation des mouvements sociaux aux media de masse a ainsi été décrite comme relevant du modèle du Choix Stratégique (ROHLINGER, CORRIGALL-BROWN, 2020). Les activistes formulent ainsi leur message pour une certaine audience et disséminent leurs idées via les mediums qu’ils estiment adéquats pour atteindre ces audiences ROHLINGER, 2019). Les mouvements sociaux font ainsi usage des RSN dans différents objectifs tels que « mobiliser les témoins pour l’action », « vendre leurs idées à un public plus large », ou encore « s’adresser à leurs membres pour les tenir au courant des stratégies du mouvement » (ROHLINGER, CORRIGALL-BROWN, 2018 : 133). Le modèle de Choix Stratégique proposé par Rohlinger et Corrigall-Brown (2019 : 133) propose deux facteurs déterminants pour analyser la communication des mouvements sociaux : « 1.) La cible de la communication ; et 2.) le contexte médiatique dans lequel les activistes évoluent ». Selon le message véhiculé et l’audience à laquelle ils souhaitent s’adresser, les activistes pourront ainsi passer par les media mainstream et grand public, utiliser leurs propres canaux de communication ou passer par des media plus spécialisés, aux publics de niche.

Les RSN présentent ainsi de nombreuses opportunités pour les mouvements sociaux.

Internet et le web ont en effet souvent été décrits comme des terrains favorables à la croissance de la participation politique des citoyens (MABI, THÉVIOT, 2014 ; GEORGE, 2000). Ainsi, « le rôle d’Internet comme instrument de veille, de diffusion et de mobilisation (circulation de l’information, accroissement des pratiques pétitionnaires) » est décrit comme « de plus en plus central dans le fonctionnement démocratique » (HAEGEL, 2009, p. 52). Mabi et Théviot rapportent les notions de « démocratie électronique » (CHAMBAT, 2003; VEDEL, 2003), de «cyberdémocratie»

(POUPA, 1998) et d’ « hyperdémocratie » (FLICHY, 2001) qui viennent illustrer les

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16

espoirs placés par certains chercheurs dans le potentiel démocratique des technologies liées à l’Internet. Comme le note Matteo Cernison (2019), les différents aspects de la relation entre les RSN et les mouvements sociaux ont été étudiés par de nombreux chercheurs. Cernison (2019 : 32) note ainsi quatre principaux aspects qui ont retenu l’attention des chercheurs : « la promotion de la participation individuelle à l’action collective et de la diffusion des protestations », « la capacité des RSN à entretenir sur de longues périodes la communication entre des organisations et communautés physiquement fragmentées », « la fourniture de nouveaux espaces en lignes pour les protestations », « l’aide à la coordination et à la diffusion rapide des mobilisations ».

Il est donc peu surprenant que les mouvements sociaux incluent ces outils dans leurs stratégies globales de communication et de diffusion, comme l’ont montré nombre d’exemples récents, des Gilets Jaunes aux mouvements Extinction Rebellion et Occupy, dont la diffusion doit beaucoup aux RSN, ceux-ci devenant même parfois un enjeu majeur de la mobilisation (voir : BRANNEN, HAIG, SCHMIDT, 2020 ; ARMED CONFLICT LOCATION & EVENT DATA PROJECT, 2020).

A ces chercheurs « optimistes » (MABI, THEVIOT, 2014) quant au potentiel démocratique et mobilisateur des RSN s’opposent des chercheurs plus critiques de ces outils. Pippa Norris (2003) a par exemple démontré que les personnes s’impliquant en ligne sont celles qui disposent déjà d’un capital militant élevé dans le monde réel, c’est-à-dire des mêmes ressources théoriques, relationnelles et expérientielles nécessaires à la poursuite d’une carrière militante traditionnelle hors-ligne. D’autres considèrent que les activités militantes en ligne ne sont d’aucune efficacité et tendraient même à entretenir d’illusions quant à leur efficacité les activistes online (MOROZOV, 2001). Malcolm Gladwell (2010) a ainsi fondé sa critique du militantisme online sur la notion de weak-ties : la nature même des liens entre les usagers des réseaux sociaux, fondés sur des bases d’intérêts communs ou de relations distantes rendraient impossibles des mobilisations collectives d’envergure, par opposition aux strong-ties reliant les membres de groupes sociaux ou de collectifs dans le monde physique.

Mabi et Theviot (2014) réduisent les différents courants de la recherche par rapport aux effets des RSN et de l’Internet sur la mobilisation dans les mouvements sociaux à trois grands courants que nous allons décrire ci-dessous :

En premier lieu, la « thèse de la normalisation », qui « défend l’idée que sont actifs en ligne, ceux qui l’étaient déjà hors ligne » (NORRIS, 2003 : 24). Le risque étant ainsi de

« prêcher les convertis » et de renforcer ainsi les inégalités dans la participation politique » (NORRIS, 2003 : 24). Cette thèse se vérifie en partie selon Norris, qui cite par exemple l’étude de Pedersen et Saglie (2005), qui démontrent qu’en Norvège et au Danemark les activistes actifs en ligne pendant le début des années 2000 sont les mêmes qui étaient déjà actifs sur le terrain (NORRIS, 2003 : 24).

Ensuite, il y a la « thèse de la mobilisation » (MABI, THÉVIOT, 2014 : 8). Les auteurs regroupent sous cette appellation les chercheurs confiants dans la capacité d’Internet et des RSN, de par leurs caractéristiques telles que leur « architecture ouverte et leur communication distribuée, [à] favoriser les interactions entre gouvernants et

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gouvernés, au sens où les gouvernés peuvent prendre la parole en ligne et formuler des critiques ou des suggestions » (MABI, THEVIOT, 2014 :8.)

Enfin, la thèse de la « différenciation » (MABI, THEVIOT, 2014 : 9) « avance l’idée que les usages participatifs en ligne varient en fonction de plusieurs facteurs tels que les caractéristiques socio-démographiques de l’usager, les cadrages des dispositifs techniques, etc. » (MABI, THEVIOT, 2014.). Ainsi, les auteurs citent-ils les résultats de 2014 du groupe de recherche Marsouin sur les usages d’Internet en Bretagne, qui concluent que les usagers d’Internet sont principalement jeunes et éduqués (MARSOUIN, 2014). En Suisse, l’enquête « Monitoring Media Suisse », réalisée par l’OFCOM en partenariat avec publicom, révèle des tendances similaires. L’influence des réseaux sociaux, calculée ici sous forme de parts de marché, est très marquée chez les jeunes et a tendance à diminuer avec l’âge. Les media sociaux passent ainsi de 34% de parts de marché chez les 15-29 ans à 9% de parts de marché chez les 45- 69 ans et seulement 5% chez les 60-79 ans pour 201917. Il est intéressant de constater que la version 2019 de l’enquête Marsouin, menée en France, fournit des résultats relativement similaires, les variables âge et celles relatives au niveau social et économique restant les plus fortes pour expliquer l’utilisation d’Internet, même si les effets de l’âge tendent à s’estomper progressivement (peut-être avec le vieillissement des populations utilisatrices d’Internet et des media sociaux) (MARSOUIN, 2019).

6.3 Radicalisation & radicalisation en ligne

6.3.1 Radicalisation

Terme rendu inévitable par l’actualité, la radicalisation est définie ainsi dans le Plan d’action national suisse de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent (2017) :

« [...] une personne adopte des positions toujours plus extrêmes sur les plans politiques, sociaux ou religieux pouvant aller jusqu’au recours à la violence extrême pour atteindre ses buts.»18. Cette recherche nous amènera à aborder ce concept afin de pouvoir comprendre les stratégies et motivations d’association antispécistes suisses adeptes de l’action directe et d’un haut niveau de conflictualité avec les institutions étatiques.

Ce lien entre les notions d’extrémisme et de radicalisation est aussi mis en avant par le UK terrorism act dans lequel la radicalisation est définie comme « le processus par lequel une personne en vient à supporter le terrorisme et/ou des formes d’extrémisme qui mènent au terrorisme »19 (traduction par nos soins).

17 MONITORING MÉDIAS SUISSE (2019). Factsheet. Influence sur l’opinion des médias sociaux.

Office Fédéral de la Communication, Publicom.

18 PLAN D’ACTION NATIONAL DE LUTTE CONTRE LA RADICALISATION ET L’EXTRÉMISME

VIOLENT (2017). Radicalisation. Repéré à :

https://www.ejpd.admin.ch/dam/data/ejpd/aktuell/news/2017/2017-12-04/171204-nap-f.pdf

19 HOME OFFICE. UK Terrorism Act [en ligne]. http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2000/11 (consulté le 05.06.2018).

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Il est intéressant de constater la proximité entre les sciences sociales et les organes étatiques sur ces sujets, beaucoup des sources disponibles étant issues de rapports destinés à guider des politiques publiques, ou de plans publiés par les administrations et organes en charge de la lutte contre le terrorisme. Nous pouvons supposer que cette proximité est provoquée par l’actualité et l’urgence induites par les faits étudiés.

Il faut aussi rappeler la collaboration étroite entre les agents actifs sur le terrain de la lutte contre la radicalisation et les chercheurs étudiant ces phénomènes, les champs de recherche en sciences sociales étant énormément mobilisés pour comprendre ces faits sociaux peu analysés. Il a donc été intéressant et particulièrement significatif de constater qu’une grande partie de la littérature disponible sur le sujet était constituée de rapports destinés aux gouvernements ainsi que de recommandations d’actions sur le sujet.

Les sciences sociales permettent toutefois de prendre un certain recul par rapport à ces problématiques, souvent analysées comme des faits isolés à chaque fois qu’une nouvelle organisation ou qu’un groupe aux méthodes radicales fait son apparition dans l’espace politique (BONELLI, CARRIÉ, 2018). Il convient donc de dépasser les définitions offertes par les sources judiciaires et étatiques pour fournir une définition de la radicalité qui permette l’analyse. Dans le cadre de cette recherche, nous retiendrons la définition de Bonelli et Carrié (2018 : 67), qui appréhendent la radicalité comme une « relation » caractérisée par « un rapport dialectique entre des actes qui transgressent des normes établies (locales ou institutionnelles) et la réaction des familles et des institutions publiques (de l’école à la justice) ». La radicalité se distingue d’autres actions transgressives telles que la délinquance par les « fins impliquant un renversement des hiérarchies et des principes de division existants » (BONELLI, CARRIÉ, 2018 : 67).

La difficulté du terrain de la radicalité vient donc de cet aspect essentiellement relationnel. Est radical ce qui est défini comme tel à un moment donné par l’Etat et les constituants de la norme sociale (BONELLI, CARRIÉ, 2018). Bonelli et Carrié (2018 : 68) définissent ainsi la radicalité comme la « transgression de la subversion acceptable ». Nous verrons que cette définition s’avérera utile pour appréhender les différences dans le traitement de différentes organisations et mouvements sociaux aux méthodes relativement proches.

En lien avec la radicalisation de militants et l’apparition d’organisations radicales au sein d’un mouvement social, McCammon (2015 : 160) note les implications que peut avoir ce qu’elle nomme le « radical flank effect » sur les « opportunités politiques » et l’attitude générale de ces organisations face aux media de masse et au public en général. McCammon (2015 : 165) décrit ainsi l’existence d’un « positive radical flank effect » quand les organisations modérées gagnent en légitimité et en opportunités politiques suite à l’apparition d’organisations plus radicales. Cette théorie se base aussi sur l’idée que les structures politiques et les institutions choisissent leurs interlocuteurs lors de négociations et préfèrent donc interagir avec les organisations plus modérées (HAINES, 1984).

6.3.2 La radicalisation en ligne

Bermingham définit la radicalisation en ligne comme :

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19

« (...) un processus par lequel les individus, à travers leurs interactions en ligne et leur exposition à différents types de contenus sur internet, en viennent à voir la violence comme une méthode légitime de résolution de conflits sociaux et politiques » (BERMINGHAM, CONWAY, MCINERNEY, O’HARE, SMEATON, 2009 : 231).

Cette radicalisation en ligne, de par son aspect nécessairement privé et intime, lié à la sphère privée, inquiète nombre de décideurs. La possibilité de voir se multiplier les homegrown terrorist et autres loups solitaires n’a en effet rien pour réjouir les politiques. Du côté de la recherche, Maura Conway (2017) note que peu d’études ont été menées sur ce phénomène, particulièrement au niveau des déterminants individuels qui peuvent mener à la radicalisation. La chercheuse note aussi l’absence d’études sur la pénétration de certains contenus violents diffusés sur le net, surprenante étant donné le nombre de données disponibles sur la toile.

Cette définition est intéressante car, si elle considère la disposition mentale et affective d’un individu par rapport à l’utilisation de la violence comme moyen politique, elle ne s’intéresse pas à son passage à l’acte (qu’il soit en ligne ou physique, par le biais d’usage direct de la violence, d’incitation à l’usage de la violence ou encore de facilitation de celle-ci par autrui). La question reste donc de savoir si internet et les media sociaux numériques peuvent être les vecteurs d’une réelle mobilisation de militants.

6.4 Idéologies

Interagissant avec les concepts de radicalisation et de mobilisation, on trouve la notion d’idéologie. On doit au marxisme l’évolution de la conception de l’idéologie de la

« science des idées » (PHILIPPINI, 2017) vers une approche pouvant être rapprochée du matérialisme historique et qui prend en compte l’évolution des idéologies avec la

« superstructure » (PHILIPPINI, 2017.). Les idéologies s’opposent donc par leur essence normative à la science, qui cherche à rendre compte du réel et à l’expliquer.

Le concept d’idéologie peut donc être défini comme « un système d’idées sur ce que devrait être le monde pour être vivable (...), un savoir systématique, organisé, cohérent, fait de principes philosophiques et éthiques que l’on voudrait voir appliquer le plus vite et du mieux possible, chez soi et même ailleurs » (SCHEMEIL, 2012 : 436) et décrit donc des « ensembles d’idées systématiques (...) qui se renforcent mutuellement et ne se dissocient pas facilement les unes des autres » (SCHEMEIL, 2012 : 436). Yves Schemeil note la « vocation de l’idéologie à être diffusée » et donc le caractère nécessairement « prosélyte » de « l’idéologue » (SCHEMEIL, 2012 : 436).

L’idéologie peut ainsi être décrite comme un « langage qui donne sens à la vie et à la politique » (SCHEMEIL, 2012 : 436). Le chercheur note aussi le caractère unificateur de l’idéologie, qui constitue le « ciment d’une communauté militante » (SCHEMEIL, 2012 : 436.) réunie autour d’éléments récurrents :

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« […] un livre sacré, avec son vocabulaire et sa syntaxe, un sentiment de persécution, en tout cas d’incompréhension, des héros et des initiateurs auxquels on se fie et dont on s’inspire, des sacrifices coûteux pour assouvir sa passion, au-delà du raisonnable, la fréquentation des mêmes lieux publics et la participation aux rassemblements de tous ceux qui partagent la même foi. » (SCHEMEIL, 2012 : 436).

Yves Schemeil rappelle aussi la tendance des idéologies à se fragmenter en des segments bien distincts, en fonction d’éléments contextuels et de dynamiques internes, induites en partie par la concurrence entre les idéologues.

Enfin, il faut rappeler la tendance de l’idéologie à la radicalité et à l’extrémisme (SCHEMEIL, 2012 : 436.). Les extrêmes rassemblant des « citoyens dont les convictions sont plus intensément vécues qu’au centre de l’échiquier politique » (SCHEMEIL, 2012 : 436), ces acteurs seraient plus susceptibles d’adhérer à des systèmes de pensées aussi absolus.

La question des mécanismes et dynamiques qui poussent des acteurs à adhérer à des idéologies est complexe, et touche, comme nous avons pu le voir, aux questions de la mobilisation. Mais la croyance de personnes dans une idéologie pose aussi la question de l’adhésion totale à un système de croyance, au point de parfois considérer la violence comme seul acte légitime et efficace pour atteindre les objectifs fixés par un système de pensée.

7. Méthodologie :

Lors de cette recherche, nous mobiliserons des méthodes essentiellement qualitatives. Nous sommes en effet convaincus que ce type de méthodes est le plus adapté pour nous permettre de faire ressortir la subjectivité des acteurs quant à leurs curriculums et parcours militants. Nous nous rapprochons en cela des méthodes préconisées par Filleule (2015) dans son approche du désengagement chez les militants et qui conviennent également, selon nous, à l’approche de l’engagement.

Nous chercherons donc à observer l’influence d’Internet et des RSN sur l’engagement des militants à plusieurs niveaux. Au niveau micro, nous nous intéresserons aux dispositions ainsi qu’à la socialisation des militants. Le niveau meso nous permettra de mieux appréhender les organisations des mouvements sociaux. Et finalement, nous devrons également porter attention au contexte politique, à la question de la répression ainsi qu’aux différentes opportunités et menaces au niveau macro (Filleule, 2015).

Nous procéderons ainsi en plusieurs étapes, la première consistant en une observation des réseaux sociaux afin de mieux cerner la configuration des réseaux antispécistes en Suisse. Nous chercherons ainsi plus particulièrement à identifier les profils marquants, qu’il s’agisse de profils individuels, d’organisations ou autres. Nous retiendrons les pages et profils qui se démarqueront soit par une forte communauté (nombre d’abonnés, de likes, de vues, etc.), soit par une forte activité (volume de posts, etc.), ou par toutes autres caractéristiques qui nous sembleront significatives durant cette observation. Il est ici difficile de prévoir d’avance les volumes attendus et la taille de la communauté antispéciste suisse online. Les critères de sélection des profils

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retenus seront donc essentiellement adaptés et décidés lors de cette observation préliminaire des RSN.

Notre recherche de profils s’effectuera sur les réseaux sociaux et plateformes Facebook, Instagram et Twitter, qui sont les plateformes les plus populaires en Suisse20. Nous identifierons également les groupes actifs par la recherche d’annonces concernant des évènements (conférences, et soirées de soutien, etc.) dans les media grand public, mais également sur les sites plus spécialisés.

A l’issue de cette première étape, nous disposerons ainsi d’une sélection de profils représentant, nous l’espérons, une image relativement représentative du milieu antispéciste militant en suisse. Dans le cas où ces organisations et profils se révélaient trop nombreux, nous retiendrons une sélection qui se voudra la plus diverse possible en termes de variables sociologiques (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle) dans le cas des profils individuels, et en termes de modes d’action et d’organisation, dans le cas des groupes et associations.

Suite à la constitution de cette sélection, nous disposerons d’un aperçu (via le matériel collecté sur les RSN et les différents sites et pages animés par ces groupes et militants) qui nous permettra d’obtenir une image de l’utilisation des RSN et des différentes stratégies qui y sont mises en place par ceux-ci. Nous pourrons ainsi arriver à une classification de ces groupes et militants selon leurs méthodes et stratégies d’action dans le monde physique, mais aussi leurs stratégies et modes de communication sur les RSN. Il sera également intéressant de comparer les relations de ces groupes et militants aux mass media plus traditionnels, tels que les journaux ou les chaînes de télévision afin d’établir des points de comparaison qui pourront s’avérer instructifs. Nous porterons ainsi une attention particulière aux relations des groupes aux RSN selon leur degré de radicalité et leurs choix de stratégies et de modes d’action, ceci en lien avec la relation théorisée par Rohlinger (2015), selon laquelle les activistes formulent leur message pour une certaine audience et disséminent leurs idées via des media qu’ils estiment adéquats pour les atteindre.

L’étape suivante sera l’entrée sur le terrain. Pour cela, nous prendrons contact avec les organisations et militants retenus. Bien entendu, l’accès au terrain n’étant pas garanti, et des possibilités de rencontres et de contacts pouvant s’établir au cours de la recherche, des allers et retours seront parfois faits entre la première et la deuxième étape de la recherche, selon les aléas du terrain. Nous chercherons ainsi à réaliser des entretiens avec les militants retenus, ou des membres des organisations dont les pages sur les RSN auront été étudiées. Le but ici sera d’approfondir les observations effectuées sur les RSN par l’apport des récits développés par les militants concernés.

Les rencontres, organisées sous la forme d’entretiens semi-directifs, toujours dans le but de laisser se développer la subjectivité des acteurs, permettra d’éclairer sous un jour nouveau la première partie de la recherche, mais aussi d’appréhender l’influence d’Internet et des RSN sur les carrières militantes. Les discussions seront basées sur le guide d’entretien disponible en annexe de ce texte, mais la grande variété des profils

20 Rhême François, Giusoni, Olivia (22.12.2017). Infographie : les médias sociaux en Suisse, chiffres clés pour 2018. Frank. Repéré à https://frankr.ch/infographie-les-medias-sociaux-en-suisse-chiffres- cles-pour-2018

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