• Aucun résultat trouvé

Quels rôles les outils chiffrés jouent-ils dans cette coordination ?

SIGNIFICATIONS PRATIQUES ET CADRAGE DE LA RECHERCHE

Section 1 La démarche générale de la recherche

3. Quels rôles les outils chiffrés jouent-ils dans cette coordination ?

1.2.2L

A VALIDITE ET LA FIABILITE DE NOTRE RECHERCHE

Bien que les critères ne soient pas aussi clairement définis que dans des approches positivistes (Girod-Séville et Perret 2002), la validité41 et la fiabilité42 de travaux qualitatifs nécessite une transparence particulière à toutes les étapes de la recherche (Gephart 2004). Pour notre part, la variété des méthodologies employées entraine un morcellement des parties consacrées à cette transparence. En effet, la démarche concrète suivie dans l’étude exploratoire est expliquée dans les sections 2,3 et 4 de ce chapitre alors que celle entreprise pour les études de cas sont renvoyés au sixième chapitre. La description du codage des données y est détaillée.

41 La validité vise à « s’assurer de la pertinence et de la rigueur des résultats et évaluer le niveau de généralisation

de ces résultats » (Drucker-Godard et al. 2014, p. 298).

42 La fiabilité cherche à « démontrer que les opérations de la recherche pourraient être répétées par un autre

Pour autant, il est possible d’avancer trois principes généraux qui ont animé tout le déroulement de notre recherche. Tout d’abord, la validité de nos résultat de signifie pas la reproductibilité des phénomènes observés (1.2.2.1). De plus, le caractère subjectif de notre posture a exigé de mettre en œuvre différentes précautions (1.2.2.2). Enfin, l’adoption d’une attitude critique sur notre travail a guidé notre démarche de recherche (1.2.2.3).

1.2.2.1 Le caractère non-reproductible des phénomènes observés

Qu’ils s’agissent des entretiens exploratoires ou de nos études de cas, on pourrait nous rétorquer que les positions sont trop spécifiques pour dévoiler des connaissances scientifiques. Pour rappel, l’objectif de notre recherche n’est pas de fournir des lois universelles. L’ensemble de la thèse fournit un travail exploratoire « au sens noble du terme (découverte d’un phénomène

jusqu’alors peu connu) » (Hlady Rispal et Saporta 2002, p. 209). En effet, nous visons

« l’identification de mécanismes sociaux » (Dumez 2013, p. 147) concernant la coordination entre acteurs dans le cadre du pilotage des effectifs. Dumez considère

d’ailleurs cet apport comme l’un des trois possibles de la démarche compréhensive. Il cite la définition de mécanismes sociaux de Elster (1998, p. 45) : « grosso modo, les mécanismes sont

des formes causales se produisant fréquemment et aisément reconnaissables qui se déclenchent dans des conditions généralement mal connues ou avec des conséquences indéterminées ».

L’intérêt est triple : expliquer les exceptions des régularités, intervenir sur les phénomènes sociaux ou enfin isoler le mécanisme et chercher à l’appliquer à d’autres phénomènes sociaux (Schelling Thomas 1998). Les mécanismes identifiés ont pour ambition d’expliciter comment les acteurs participent aux évolutions des effectifs, d’expliquer les raisons de tels comportements et de comprendre la place des outils chiffrés dans ces mécanismes. Les trois sous-questions de recherche répondent à ces objectifs.

Pour autant, les phénomènes observés ne peuvent être restreints à nos seuls cas. En effet, l’analyse de cas « atypiques » facilite « l’identification de phénomènes peu visibles dans les cas

ordinaires » (Thiétart 2014, p. 201). C’est à ce titre que nous avons opté pour le cas MecaNuc

présentant une politique de hausse des effectifs. Ces dernières sont plus rarement formalisées par le biais d’un plan, comme peuvent l’être les suppressions d’emplois. Dans les faits, la comparaison avec un cas plus classique de réduction programmée du volume d’emplois a permis d’identifier des phénomènes intéressants.

1.2.2.2 La prise en compte du caractère subjectif de la recherche

Sans être renié, le caractère subjectif de la posture adoptée doit être encadré par plusieurs précautions. La « triangulation » des données (Hlady Rispal et Saporta 2002 ; Dumez 2013) définit comme « le fait que des analyses fondées sur un type de données peuvent être confirmées

par l’analyse de données obtenues de manière indépendante « (Dumez 2010, p. 49) permet

d’avancer des résultats, avec une validité acceptable. D’ailleurs, Hlady Rispal et Saporta (2002) affirme qu’ « un recueil de données diversifié est aujourd’hui vivement recommandé par les

auteurs émanant d’un courant qualitatif » (p. 111). Dumez (2010) va plus loin : « C’est notamment l’hétérogénéité des sources empiriques dans la recherche qualitative qui en garantit l’objectivité43 » (p. 49). La multiplicité des acteurs rencontrés et la variété des données

secondaires recueillies relèvent de ce principe (Yin 2012). La diversité des sources dont sont issues nos données est un gage de validité, à condition d’y maintenir une certaine cohérence. Dumez (2013, p. 27) décrit bien l’équilibre que tout chercheur qualitatif essaie de trouver entre une approche de récolte bien bordée, mais parfois trop restreinte pour comprendre des phénomènes en détail et une approche d’accumulation, certes riche, mais trop hétérogène. Bien que des conseils permettent d’éviter les extrêmes, le matériau demeure « très riche, hétérogène

et lacunaire » (Dumez 2013, p.29).

En plus de la triangulation, les éléments de discours et les observations de pratiques ont été régulièrement validés par les acteurs de terrain, que ce soit par des renvois de comptes rendus ou par la présentation orale des résultats de terrain. Ainsi, le chercheur réduit le risque d’interpréter les discours comme cela l’arrange.

1.2.2.3 Une attitude critique par rapport au travail entrepris

La validité parfaite d’une recherche qualitative n’existant pas, il revient d’abord au chercheur « d’adopter une attitude critique par rapport à son propre travail » (Drucker-Godard

et al. 2014, p. 330). Dans notre cas, l’analyse des résultats a été guidée par des questions du

type « est-ce le résultat est plausible ? » ; « est-ce qu’il existe des illustrations diverses dans le cas ? » ; ou « existe-t-il des éléments qui remettent en cause ou nuancent ce résultat ? ».

Par ailleurs, l’approche abductive permet d’ajuster régulièrement la posture adoptée. À ce titre, par exemple, les entretiens semi-directifs menés dans le cadre de l’étude exploratoire ont contribué à affiner la technique lors des études de cas. D’autre part, des approfondissements

dans la récolte ont d’ailleurs parfois été nécessaires, ils ont permis de confirmer certains résultats et d’en abandonner d’autres.

Enfin, la présence du directeur de thèse et du reste de la communauté de chercheurs participe également de cette posture critique. Plus éloigné du recueil des données, ils n’ont pas hésité à interroger la rigueur des méthodes et de proposer des pistes d’amélioration. Les nombreuses présentations d’étape et d’ateliers doctoraux ont ainsi garanti un suivi durant la recherche44.

1.2.3L

ES TROIS RISQUES DE LA RECHERCHE QUALITATIVE

Les problématiques de validité et de fiabilité renvoient, en recherche qualitatives, à des trois risques spécifiques, identifiées par Dumez (2013) : le risque des acteurs abstraits, le risque de circularité et le risque d’équifinalité.

Face à la complexité des problèmes posés par les évolutions des effectifs, le « risque des

acteurs abstraits » est réel. Il correspond à une description en surface des acteurs, balayée par

des concepts collectifs larges. Les situations sont alors évoquées sous des termes trop généraux pour appréhender la finesse des interactions sociales. Dans notre thèse, ce risque est accentué par l’alternance continue entre la notion de disciplines de gestion, celle de fonctions de l’organisation et celle d’acteurs. Dumez (2012) préconise d’analyser les acteurs « pensant,

agissant et interagissant, développant des projets, des stratégies, réussissant ou échouant »

(p. 32). Dans cette perspective, l’observation d’acteurs en action ainsi que l’entretien semi- directif ont été les méthodes privilégiées. La description des cas a été effectuée avec une vigilance particulière afin de faciliter la compréhension de la place de chaque acteur dans un système global complexe.

Par ailleurs, pour Dumez (2013), « il est facile de trouver dans la matériau des éléments

qui confirment une théorie en laissant de côté ce qui pourrait la mettre en cause, ou la nuancer » (p. 17). Ce « risque de circularité » provoque des mécanismes confirmatoires

contraire à une démarche rigoureuse de recherche. La description complète des deux cas dans

44 Il y a eu deux dans le cadre de l’école doctorale, deux dans le cadre d’ateliers doctoraux (AGRH en 2012, et

AFC en 2013) ainsi que diverses présentations dans le cadre de la chaire Mutations-Anticipations-Innovations (IAE de Paris) et des réunions de recherche du CEREFIGE. La pré-soutenance de juillet 2016 peut également être intégrée à ce suivi.

les chapitres 7 et 8, ainsi que l’approche abductive, jusqu’au codage final45 a permis de limiter

ce risque.

Le « risque d’équifinalité » correspond à la limitation du matériau au seul cadre théorique choisi. Dumez (2013) préconise de confronter le matériau empirique à différentes alternatives théoriques. Le cinquième chapitre rend compte de la démarche entreprise au cours de toute notre recherche. La pré-soutenance a d’ailleurs permis de consolider le cadre conventionnaliste prévu par les apports de Boltanski et Thévenot (1991) et de Callon et Latour (1981).

Synthèse de la section 1

Notre recherche a une visée compréhensive et s’appuie sur une méthodologie qualitative mise en place par abduction. Cela a permis, en partant d’une question concrète posée par l’entreprise (« quels sont les besoins en effectif l’année prochaine ? »), d’aboutir à une question de recherche (« comment les acteurs se coordonnent-ils pour piloter et contrôler les effectifs dans les entreprises de service ? »)46.

La validité et la fiabilité de la recherche sont contrôlées par une vigilance continue et des précautions prises durant l’ensemble de la recherche. La section les explicite et en fournit plusieurs exemples.

L’ambition du projet de recherche nécessite de mener une méthodologie en deux temps. Dans un premier temps, l’analyse des manuels universitaires et les discours des acteurs issus d’entretiens individuels et collectifs fournissent des indications sur la manière dont les disciplines et les professionnels appréhendent leurs rôles. Dans un second temps, les interactions sont analysées en contexte par le biais de deux études de cas. Le rôle des acteurs et leurs relations, ainsi que la matérialité des outils et les interactions avec les acteurs sont observés dans le cadre de deux entreprises de service.

Afin de distinguer clairement les deux études, nous choisissons de les justifier chacune au préalable de la présentation des résultats. Ainsi, la méthodologie des études de cas est évoquée dans le sixième chapitre alors que celles mises en place dans l’étude exploratoire sont expliquées dans les trois sections suivantes.

45 Celui-ci est décrit précisément dans le sixième chapitre.

Section 2 - La démarche méthodologique des entretiens

Outline

Documents relatifs