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Des conventions pour étudier la comptabilité, la relation salariale et les suppressions d’emplois

Conclusion Des outils chiffrés vecteurs d’une coordination entre acteurs, malgré leurs carences techniques

Section 2 Des théories conventionnalistes à l’appareil d’investigation précis

2.2 Des conventions pour étudier la comptabilité, la relation salariale et les suppressions d’emplois

Plusieurs travaux conventionnalistes ont des problématiques connexes à la nôtre. Présenter ces études permet d’envisager la forme possible de nos résultats et d’aborder la spécificité de notre approche. En effet, une vraie confusion peut naître de la théorie des conventions. Elle provient des différences dans le niveau d’analyse de ces conventions. Alors que certains auteurs s’intéressent à des niveaux généraux (par exemple une convention en place dans une société toute entière), d’autres, comme ce sera le cas dans nos études, observent des conventions à l’intérieur d’une seule organisation. Il est important d’avoir en tête ces différences même si les deux niveaux ont des liens.

Les travaux d’Amblard (2002 ; 2003 ; 2004) nous intéresse particulièrement car l’auteur s’est focalisé sur les conventions en comptabilité (2.2.1). Dans des domaines plus tournés vers la GRH, Salais (1989) et Mercier (2000 ; 2003) analysent la relation de travail entre un salarié

et son employeur (2.2.2). Des travaux ont même été menés sur les réductions d’effectifs, en empruntant ce cadre (2.2.3).

2.2.1L’

IDENTIFICATION DE CONVENTIONS COMPTABLES

Ainsi, Amblard (2002 ; 2003 ; 2004 ; 2007) analyse la comptabilité comme une convention, soit comme un construit social dont la légitimité provient de l’adhésion d’un nombre important d’acteurs. L’auteur montre que les acteurs, confrontés à une situation d’incertitude, se conforment à des conventions comptables. Les situations d’incertitude en comptabilité sont nombreuses : la délimitation du champ d’observation, le langage monétaire, la procédure et le fait générateur. En se basant sur une approche par questionnaire, Amblard (2004) aboutit à une typologie de quatre grandes conventions comptables, chacune pouvant être décomposée en plusieurs conventions. Premièrement, les « conventions d’observation » délimitent les frontières de l’entreprise par l’approche patrimoniale et la période annuelle de l’exercice. Deuxièmement, les « conventions de mesure » préconisent la quantification monétaire des flux. Ensuite, les « conventions de réalisation » définissent la nature et le moment de la constatation effective de l’opération économique. À ce titre, la « convention de qualification », intégrée dans cette typologie, détermine ce qui doit être considéré comme une charge ou non. En effet, une charge « ne devient une charge que lorsqu’on accepte de la considérer comme telle. Il faut donc

faire des choix qui permettront aux agents de se soustraire à l’incertitude » (Amblard 2007, p.

104). Cette idée fait particulièrement écho aux différentes préoccupations des disciplines contrôle et GRH et notamment à la vision charge développée dans les ouvrages de contrôle. Enfin, les « conventions de procédure » concernent le mécanisme des comptes et de la partie double. Pour Amblard (2004), les conventions influencent énormément l’image comptable et « entrainent discrètement le praticien et plus généralement l’utilisateur dans un schéma de

pensée très orienté » (p. 16). L’auteur rejoint ici le courant développé dans la revue Accounting, Organization and Society, qui appréhende la comptabilité comme un construit social qui n’est

pas neutre. L’approche est plus critique dans Amblard (2002) et l’auteur analyse la construction de ces conventions par les « rapports de force favorables aux propriétaires » (p. 15). Cet exemple nous rappelle que la théorie des conventions intègre la dimension du pouvoir, mais, à la différence de l’approche critique, inclut une part de marge de manœuvre des acteurs.

Amblard insiste à plusieurs reprises sur l’importance d’analyser les évolutions des conventions. L’article de 2007 dans CCA propose une lecture conventionnaliste des évolutions

des normes IFRS en se concentrant sur la norme 2. L’auteur identifie des conventions comptables, issues d’arrangements entre acteurs, qui sont désormais utilisées « comme une

vérité que nul ne songe à discuter » (Amblard 2007, p. 110).« Au demeurant, c’est bien là le

propre d’une convention que de guider l’individu dans la résolution d’un problème jusqu’à faire disparaître le problème lui-même, de sorte qu’aucune question ne se pose et que la voie à suivre s’ordonne comme une évidence » (p. 110).

2.2.2L’

IDENTIFICATION DE CONVENTIONS DANS LE CADRE SALARIAL

Salais (1989) analyse la relation de travail sous l’angle conventionnaliste. Il montre que le salarié et l’employeur font face à une situation d’incertitude qu’ils dépassent par certaines conventions. Par exemple, une convention de productivité règle l’équivalence entre un temps de travail et une somme monétaire à un moment où le produit du travail n’existe pas encore. L’approche est complétée dans l’ouvrage avec Storper (Salais et Storper 1993). Les auteurs distinguent quatre mondes de production au regard de deux critères conventionnels que sont l’incertitude de marché et l’incertitude de la production. Ces mondes se traduisent par des conventions de travail propres. Les auteurs distinguent ainsi quatre conventions de travail liées à chacun des mondes. Alors que le monde industriel propose au salarié un poste de travail, une hiérarchie et un salaire en fonction du taux horaire, le monde marchand cherche un individu disponible et autonome dont le salaire sera plus personnalisé. Dans le monde interpersonnel, le travailleur participe à une communauté de travail dans laquelle les règles sont souvent informelles. Enfin, dans le monde immatériel, le salarié est considéré comme l’expert, le salaire ayant le caractère d’un investissement.

Mercier (2000 ; 2003) s’appuie en partie sur les apports de Salais (1989) pour décrire l’émergence d’une nouvelle « convention d’effort » dans les pratiques de GRH des entreprises publiques. Cette convention correspond à une structure de coordination entre l’employeur et le salarié concernant le travail à fournir. En explorant en détail le cas de la RATP, l’auteur montre une évolution de la convention en place. En effet, le « statut-contrepartie » représentatif de la société publique bureaucratique laisse place à une nouvelle convention fondée notamment sur le mérite, les objectifs et la valorisation des compétences managériales.

Alors que Salais (1989) demeure sur l’analyse de conventions assez larges, Mercier (2000 ; 2003) décrit des conventions locales au sein de la RATP. Ces deux types de travaux montrent

bien que les conventions peuvent être appréhendées à des niveaux différents. Pour notre part, l’accord entre les acteurs se fait à l’intérieur d’une entreprise.

2.2.3

L’

APPORT DES CONVENTIONS DANS DES RESTRUCTURATIONS AVEC SUPPRESSIONS D

EMPLOIS

Moulin (2001a) analyse la réduction des effectifs en s’aidant en partie du cadre conventionnaliste. Selon l’auteur, « l’amélioration de la performance par le biais d’une

réduction des effectifs est une convention reconnue par les managers. Elle constitue une réponse-reflexe aux difficultés financières identifiées. En tant que telle, elle se diffuse entre les firmes et au sein des groupes, sans que sa pertinence ne soit interrogée » (p. 147). Il s’agit donc

d’expliquer les décisions de suppression d’emplois par l’existence d’une convention adoptée par les acteurs. L’auteur va plus loin en prenant le parti de relire les résultats de Beaujolin (1997) sous l’angle conventionnaliste. Ainsi, Moulin (2001a) montre que l’ensemble des conditions de la notion de convention sont validées dans le cadre de réductions des effectifs. Pour autant, l’auteur n’analyse pas son propre matériau par ce prisme et admet même la limite d’une « reconstruction auquel l’auteur [Beaujolin 1997] n’adhérait pas forcément » (p. 153). Bien que la recherche de Moulin (2001a) n’ait pas vocation à éclairer la décision de suppression d’emplois par le cadre théorique des conventions, l’utilisation de ce courant par l’auteur montre que des voies de recherche sont encore ouvertes.

L’analyse de quatre cas de restructuration par Noël et Wannenmacher (2012) en est d’ailleurs un exemple. Les auteurs s’intéressent aux accords entre des acteurs. Ainsi, ils démontrent que chaque monde, au sens de Boltanski et Thévenot (1991), porte une convention différente au regard de la gestion de l’effectif, ce qui entraine des représentations de ce qu’on considère comme juste et légitime tout aussi différentes. Finalement, seule une explicitation de ces mondes peut permettre d’entrevoir un accord avec les différents partis.

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