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D E LA PLANIFICATION DES EFFECTIFS A LA GESTION ANTICIPEE DES COMPETENCES

entreprises de service

F IGURE 6 C HIFFRER LES EFFECTIFS SELON B ASSETT (1973)

1.2 Les insuffisances des modèles de chiffrage des effectifs dans le cadre d’entreprise de service

1.2.1 D E LA PLANIFICATION DES EFFECTIFS A LA GESTION ANTICIPEE DES COMPETENCES

Évoquant la GPEC, Gilbert (2011) avance que la prévision est facile et inutile en période stable. En revanche, lorsque l’activité est caractérisée par l’instabilité des marchés et l’urgence, elle devient aussi importante que compliquée. Or, deux éléments entrainent une vraie difficulté à planifier quantitativement les effectifs. Tout d’abord, bien que cette considération puisse paraître banale, la demande est incertaine (1.2.1.1). De plus, il parait difficile de corréler précisément les effectifs et le volume d’activité (1.2.1.2). De fait, on devrait observer une évolution de la planification quantitative des effectifs vers une gestion plus fine des compétences. Toutefois, qu’ils s’agissent des outils chiffrés présentés par les acteurs dans l’étude exploratoire ou les modèles issus de la littérature, ils ne semblent pas prendre en compte cette évolution.

71 Gervais et Thenet (2004) caractérisent un service « par la nature immatérielle de sa prestation et une production

1.2.1.1 De la difficulté à planifier en contexte incertain

L’incertitude à prévoir la demande vient des marchés (a) et de la spécificité de l’activité de service (b).

a) Incertitude des marchés

Les méthodes de chiffrage de l’effectif identifiées dans la littérature et l’étude exploratoire définissent un volume d’emplois par rapport à une activité connue (ou prévue). L’hypothèse sous-jacente est celle d’un environnement certain ou probabilisable. Cette hypothèse peut être valable dans plusieurs cas. Par exemple, une entreprise qui intervient dans une industrie règlementée, avec des contrats signés sur de longues périodes connait précisément la demande à laquelle elle devra faire face. Elle peut donc planifier ses ressources. Certes, cette caractéristique de marché peut être encore d’actualité, mais la libéralisation de l’économie (ouverture à la concurrence et liberté de circulation des capitaux) ainsi que les effets de la crise économique entrainent une généralisation de l’incertitude sur les perspectives de ventes. Ainsi, la volatilité de la demande nuance la pertinence des modèles. Martinet (2001) décrit avec précision la manière dont la planification stratégique a évolué historiquement dans les organisations. La période de l’après-guerre, symbolisée par une « foi en l’avenir » (p. 175) et une forte planification, a laissé place à des environnements plus turbulents. Dietrich et Pigeyre (2016) parlent de « rupture dans la perception des environnements », « un environnement

instable, concurrentiel et imprévisible » succédant à « un univers de stabilité favorable à la planification et à la prévision » (p. 7). Ce changement de modèle productif a des conséquences

sur la manière de gérer les ressources humaines (Cadin et al. 2012) : « là où la gestion

prévisionnelle cherche à prévoir pour limiter les ajustements en situation d’urgence, la flexibilité a pour vocation de faciliter des ajustements rapides et permanents à des situations non prévisibles » (p. 228). Les auteurs insistent sur le fait que les deux modèles ne s’opposent

pas, il y a plutôt « complémentarité », dans le sens où le nouveau modèle productif de la flexibilité ne vient que compléter le précédent, qui demeure, en partie en place.

Finalement, qu’importe l’environnement, les organisations doivent agir. En effet, elles doivent définir les moyens nécessaires à l’action. Dans les conditions exposées précédemment, le défi des organisations n’est plus de planifier les moyens d’un avenir connu, mais de piloter les ressources en contexte incertain. En ce qui concerne le volume d’effectif, cette évolution est très présente. Gilbert (2011) l’exprime en analysant l’évolution des conceptions liées à la gestion prévisionnelle des ressources humaines. Selon l’auteur, la « planification des effectifs »

a laissé la place à une « gestion anticipée des compétences ». Cette évolution se traduirait par un passage d’une planification uniquement quantitative des emplois à une analyse plus qualitative et dynamique des compétences. Or, cette évolution ne ressort pas des outils présentés.

b) Incertitudes sur l’activité de service

Nous l’avons dit, les spécificités des activités de service entrainent plusieurs difficultés à l’utilisation de modèles systématiques. Nous nous appuyons sur les quatre attributs des services rappelés par Meyssonnier (2012) : l’aspect immatériel, l’hétérogénéité des situations dans la délivrance des prestations, la coréalisation de la prestation avec le client et, l’adaptation permanente aux fluctuations de la demande et gestion des files d’attente.

Tout d’abord, la prestation de service est immatérielle. En effet, une prestation de service correspond à « l’exécution d’un concept dans un acte ou un processus » et non à « la réalisation

d’un objet physique » (Meyssonnier 2012, p. 77). Or, cette immatérialité entraine de

l’incertitude. Elle complexifie la mesure du résultat, notamment parce que celui-ci peut « se

manifester au-delà de la réalisation de la prestation » (Gervais et Thenet 2004, p. 148). Par

conséquent, il s’apprécie sur une période difficilement quantifiable a priori (Ducrocq et al. 2001, p. 91).

De plus, la prestation est contingente à l’environnement. En effet, une prestation de service est généralement beaucoup moins standardisée qu’une production en série. Les auteurs parlent d’ « hétérogénéité des services » (Meyssonnier 2012, p. 77) ou de « singularité des services » (Jany-Catrice 2012, p. 57). Dès lors, le temps d’une prestation dépend largement de la spécificité de chaque prestation, ce qui complexifie la planification. Cette hétérogénéité s’explique par deux éléments : la relation spécifique avec le client et l’influence de l’environnement. Premièrement, concernant un service, la relation avec le client définit la prestation. Ainsi, des carences de communication peuvent entrainer une « variabilité de la

prestation » par rapport aux attentes initiales du client (Ducrocq et al. 2001, p. 92). Ainsi, les

ajustements nécessaires pour répondre au client entraineront des moyens supplémentaires non prévus, ce qui engendre de l’incertitude. Ensuite, l’environnement a des conséquences directes sur la prestation. Par exemple, dans le cadre de prestation sur un site nucléaire, la réouverture d’un débat public sur la sûreté nucléaire peut retarder une prestation en cours. L’activité est donc sujette régulièrement à des aléas qui peuvent l’interrompre ou au contraire, nécessiter de l’accélérer.

L’incertitude sur l’activité à produire pose un premier problème aux acteurs qui cherchent à chiffrer les effectifs en s’appuyant sur un volume de demande. Par ailleurs, connue ou probabilisable, l’activité de service les empêche d’ajuster le volume d’emplois au fur et à mesure.

1.2.1.2 De la difficulté à faire varier les effectifs

Les modèles proposées en gestion de production nécessitent de pouvoir ajuster les effectifs aux volumes d’activités connus. Or, les effectifs ne peuvent être ajustés aussi facilement. Deux raisons peuvent l’expliquer. Tout d’abord, l’impossibilité de stocker un service oblige les effectifs à être corrélés à la demande de court-terme (a). De plus, la masse salariale ne peut pas être considérée comme une charge variable (b).

a) Impossibilité de stocker la prestation de service

Dans la définition même d’un service, il y a l’impossibilité de stocker la prestation. La production et la consommation du service sont simultanées. Cette caractéristique quand elle existe en parallèle d’une demande souvent volatile, a des conséquences importantes sur la manière d’appréhender le pilotage des effectifs. En effet, une baisse de la demande ne peut pas entrainer une augmentation du stock de produits qui seraient vendus plus tard. Ainsi, les effectifs devraient, si l’organisation souhaite toujours optimiser sa gestion financière, être en corrélation permanente avec le niveau de la demande. Or, l’effectif ne peut pas être considéré comme une charge variable.

b) La masse salariale, une charge « quasi-fixe »

L’adaptation permanente des effectifs aux volumes d’activités est contestée par des recherches théoriques et des constats concrets. Les travaux de Walter Oï (1962) montrent que l’emploi est un facteur « quasi-fixe ». L’auteur avance que certains coûts engendrés pour un salarié (coûts d’embauche, coûts d’emplois, coûts de séparation) entrainent une absence de proportionnalité entre le travail fourni et les coûts. De plus, en pratique, les contraintes sociales et juridiques interdisent l’adaptation immédiate des effectifs pour bon nombre de salariés. Cette idée se retrouve d’ailleurs dans les débats en contrôle sur la manière de considérer les charges du personnel. Hilton et al. (2010) préconisent dans leur manuel de les considérer comme des coûts de structure.

De fait, l’environnement actuel dans les entreprises de service nécessite un pilotage renouvelé dans lequel le seul chiffrage quantitatif n’est pas suffisant. Or, il semble que les outils chiffrés décrits dans l’étude exploratoire et les modèles présentés dans la littérature n’intègrent pas ces évolutions.

Par ailleurs, la conception taylorienne du travail qui imprègne les outils chiffrés ne peut pas être considérée comme la norme unique dans les entreprises de service.

1.2.2

L

ES LIMITES DE LA CONCEPTION TAYLORIENNE DU TRAVAIL DANS LES

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