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Vers une réduction des divergences dans le discours des acteurs ?

Conclusion Une méthodologie variée pour un objet de recherche peu étudié

Section 3 Vers une réduction des divergences ?

3.2 Vers une réduction des divergences dans le discours des acteurs ?

Le regard des acteurs fournit également des éléments intéressants concernant la potentielle réduction des divergences entre acteurs de la GRH et contrôleurs. Il permet tout d’abord de confirmer que le pilotage des effectifs fournit plusieurs occasions de rencontre aux acteurs et représente donc un espace privilégié de confrontation des préoccupations (3.2.1). Pour autant, les acteurs nuancent les divergences marquées identifiées dans les deux sections précédentes (3.2.2). Enfin, des rapprochements entre les familles d’acteurs ont été identifiés (3.2.3). Des acteurs témoignent d’espace de coordination dans lesquels les préoccupations des disciplines peuvent être exprimées.

61 Dietrich et Pigeyre (2016) : « … à une époque où tout le monde s’accorde à voir dans la « ressource humaine »

3.2.1L

E PILOTAGE DES EFFECTIFS

,

UN ESPACE DE CONFRONTATION

Le pilotage des effectifs ressort comme un sujet sensible qui cristallise nombre de tensions entre les acteurs. La difficulté à avoir accès au terrain, la crainte des acteurs à en parler, la suspicion qui a entouré régulièrement notre acte de recherche en témoignent. Un contrôleur de gestion dans un groupe de télécommunications l’exprime :

« Les effectifs, c’est un cauchemar, ça cristallise les passions. Il y a beaucoup

d’affect. »

Contrôleur de gestion dans un groupe de télécommunication Cette tension se traduit dans les relations entre acteurs RH et contrôleurs de gestion :

« Normalement la détermination des effectifs est faite par les ressources humaines.

Ça, c’est la règle écrite dans le marbre. Les effectifs, c’est un problème RH, ce qui n’est pas complètement délirant à la base. Mais ça a toujours été un peu une petite guerre-guerre entre le controling et les RH pour savoir qui les déterminaient, comment ils les déterminaient, si c’était bien fait d’un côté, ou bien fait de l’autre. »

Contrôleur de gestion dans un groupe de télécommunication En toile de fond, nous retrouvons la question de la prise en compte des préoccupations de chaque discipline. Le DRH d’une entreprise de maintenance industrielle l’exprime en synthétisant les enjeux des décisions de suppression d’emplois.

« D’un côté, supprimer des postes, c’est réduire des coûts, de l’autre, c’est se priver

d’une richesse. »

DRH d’une entreprise industrielle Les préoccupations qui ressortent des manuels disciplinaires se retrouvent dans le discours des acteurs.

Tout d’abord, plusieurs acteurs évoquent la « vision charge », en appréhendant l’effectif comme un agrégat à réduire ou à flexibiliser. Cette vision, que l’on retrouve dans les ouvrages de contrôle, est la vision dominante.

« Là, on est vraiment dans un monde dont l’objectif n’est pas d’augmenter l’effectif,

c’est de l’optimiser, donc à la limite presque non rationnel. On est dans un monde où presque on force le trait pour voir jusqu’où ça va tenir. »

DRH dans la mécanique industrielle

« De toute façon, on est toujours dans la course à l’effectif le plus bas, à la masse

salariale la plus basse. »

« L’entreprise est une machine à faire plus avec moins. »

DRH d’une entreprise industrielle D’un autre côté, l’effectif est considéré comme une ressource primordiale qu’il faut développer sur le court et le long terme. Cette idée se retrouve surtout dans le discours des RH lorsqu’ils s’opposent aux contrôleurs.

« Comme toujours, c’est un conflit entre le contrôle de gestion et la RH. Il y a

toujours des petites tensions, on essaie d’aplanir, ce n’est pas toujours évident parce que les contrôleurs de gestion ont leurs règles. Mais une entreprise c’est aussi des ressources humaines donc on ne peut la gérer qu’avec des chiffres. Il faut réussir à sortir un peu des chiffres, voilà notre difficulté avec le contrôle de gestion. »

RRH dans une entreprise de service

« Les gestionnaires y vont voir la logique charge, de quantification de coûts, et nous

ce qu’on voit, c’est la logique humaine. Pour nous, le collaborateur, c’est une carrière, ce n’est pas à un budget en K€. »

Responsable RH dans un groupe de bâtiment Ces préoccupations se traduisent dans les rôles assignés aux acteurs des RH et de la finance.

« Le financier doit dans sa fonction pousser à un peu moins. Le DRH, ça dépend. »

DRH d’une entreprise industrielle Remarquons que les acteurs ne suivent pas forcément les préoccupations décelées dans les ouvrages de leur discipline. Ainsi, on ne peut pas affirmer que les DRH adoptent les préoccupations des ouvrages de GRH. En effet, ils expriment parfois des préoccupations proches de celles de contrôleurs et les rejoignent dans une logique d’optimisation quantitative des effectifs.

« Je disais toujours à mes DRH : à chaque fois qu’un salarié part, il faut toujours

se poser la question du non-remplacement. Peut-on s’organiser sans remplacer le salarié ? Chaque mouvement d’effectif est un moyen de challenger. »

DRH d’une entreprise industrielle

« Après sur les activités type marketing, là, c’est plus un travail avec la RH et une

vision top/down, on dit « de toute façon on n’a pas les moyens d’augmenter les effectifs supports donc… ». Aujourd’hui dans le marché tel qu’il est, tu cherches même à réduire, tu n’as même pas besoin d’argumenter. »

Contrôleur de gestion dans un groupe télécom Bien que l’analyse des manuels se soit restreinte à la GRH et au contrôle, en situation, d’autres acteurs interviennent.

Un contrôleur de gestion dans les télécommunications évoque la perception des managers de proximité lorsque les effectifs sont réduits : « T’as l’impression que tu leur enlèves un bras ! »

Les indicateurs de productivité utilisés se confrontent à la charge de travail perçue par les opérationnels. Dans le cas présent, les évolutions de productivité sont ressenties par les commerciaux.

« J’ai regardé le ratio CA / effectif et là on voit très concrètement une augmentation

plus que significative, ce qui montre bien que cette recherche de productivité se traduit dans les chiffres. En 2002 : 325 000 € ; En 2012 : 415 000 €. On le voit bien, mes commerciaux me le disent, ils gèrent des portefeuilles beaucoup plus importants. Dire qu’ils sont contents, ce serait mentir. Dans l’entreprise, il y a un sentiment très fort qu’on pousse à la productivité à son maximum. »

DRH d’une entreprise de mécanique industrielle Finalement, l’étude exploratoire a permis de préciser le processus de chiffrage et de pilotage des effectifs. Les acteurs RH, les contrôleurs ainsi que les managers opérationnels doivent se coordonner. Bien que des tensions importantes aient été identifiées, le discours

des acteurs nuance quelque peu ces tensions.

3.2.2D

ES TENSIONS MOINS MARQUEES

Bien que des tensions entre RH et contrôleurs soient identifiées, les entretiens collectifs ont permis de les approfondir et finalement de les nuancer.

3.2.2.1 Une même représentation de la bonne gestion de l’effectif

Les entretiens collectifs ont commencé par un travail individuel sur des post-it concernant les représentations sur ce que chacun considère comme la bonne gestion de l’effectif. Les participants devaient donc compléter l’énoncé suivant : « bien gérer l’effectif, c’est… ». Les deux populations ne semblent pas se distinguer sur leurs représentations. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que les acteurs du contrôle ou de la RH soient plus sensibles à certaines préoccupations, nous n’avons repéré aucune différence. En effet, les RH et les contrôleurs font référence aux préoccupations des deux disciplines. Ainsi, les acteurs expriment l’importance d’ « anticiper les évolutions des métiers » autant que de « gérer la masse salariale ». Tous les entretiens dans les groupes RH ont fait ressortir plusieurs idées sur le contrôle du coût de l’effectif. Du côté du master contrôle et audit, les références à l’investissement en capital humain sont très présentes dans les discours. Le tableau 9 fournit la retranscription des post-its

sur un groupe de contrôleurs et un groupe d’acteurs RH. Aucune différence notable ne peut être identifiée. Finalement, les acteurs ne semblent pas aussi catégoriques que les manuels de leur discipline.

TABLEAU 9-RETRANSCRIPTION DES REPRESENTATIONS :« BIEN GERER

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