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Le rôle des facteurs conjoncturels et structurels

3.1. Le rôle des indicateurs de mesure des méthodes d’évaluation économétrique

L’une des critiques adressées aux techniques d’évaluation des effets de l’éducation porte sur les différentes mesures des variables éducatives ainsi que sur les méthodes économétriques.

Dans sa critique du rôle de l’éducation dans la croissance, Pritchett (1999) constate que « […]

there is evidence that appears to be contradictory from two sources : growth regressions using enrollment rates, and regressions in which the growth of output is specified as a function of the level of schooling ». Les résultats dépendent aussi d’équations reliant l’éducation à la croissance et bien évidemment de l’inclusion ou l’exclusion des déterminants potentiels de la croissance et selon qu’elles utilisent les variables de changement ou les variables de niveau (Freeman R. et Lindauer D. L., 1999). Les divergences de résultats empiriques de l’éducation et surtout son faible impact sur la croissance, s’expliqueraient tant par la diversité des sources de données que par la médiocrité de sa qualité ainsi que par son caractère quelque peu approximatif (Sébastien Dessus, 2000)19.

Les analyses utilisant le stock du capital humain portent sur le nombre d’années d’études20, tandis que celles qui adoptent les variables de flux emploient les taux de scolarisation et les dépenses éducatives. La sur-utilisation de l’une ou de l’autre catégorie de variables tient beaucoup plus à sa disponibilité qu’à sa qualité. Il semble donc que le nombre d’années de scolarisation de la population active et le taux d’alphabétisation largement utilisés dans les différents modèles économétriques portant sur les pays de l’OCDE tiennent essentiellement à sa disponibilité. La forte tendance qu’ont les auteurs à recourir, pour les pays en voie de développement, et en particulier ceux d’Afrique Subsaharienne, au taux de scolarisation plutôt qu’aux nombres d’années de scolarisation de la population active n’est pas sans signification.

Dans ces pays, les taux de scolarisation souvent approximatifs au primaire et au secondaire

19Sébastien Dessus, Capital Humain et Croissance : le Rôle retrouvé du système éducatif, Economie publique, 2000 / 2 Économie publique ;

20 C’est le cas notamment des analyse de Benhabib and Spiegel (1994) and Spiegel (1994) qui, en régressant le taux de croissance du nombre d’années de scolarisation sur le revenu par tête de initial, ont trouvé des effets négatifs ; Lau, Jamison et Louat (1991) ont également obtenu des effets négatifs du niveau d’éducation primaire et secondaire sur la croissance en Afrique subsaharienne et dans les pays du MENA, non significatifs pour l’Amérique latine et l’Asie du Sud et positif pour l’Asie de l’Est. Un résultat similaire est obtenu par Jovanovic, Lach and Lavy (1992) sur les pays non-OCDE avec les mêmes types de données. De même, Behrman (1987) and Dasgupta et Weale (1992) observent que le taux d’alphabétisation a des effets non significatifs sur l’évolution du produit par tête ;

sont largement utilisés dans les régressions économétriques pour quantifier l’impact de l’éducation sur la croissance, en raison de sa disponibilité et de son accessibilité. Or, cette variable généralement utilisée comme proxy de l’accumulation du capital éducatif, en constitue un faible indicateur parce qu’elle ne dit rien sur l’accroissement de la main d’œuvre éduquée à la disposition d’une économie21. Peut-être est-ce pour cela que beaucoup n’ont pas pu observer les effets significatifs sur la croissance.

En fait, les contradictions entre les résultats économétriques dépendent du choix des variables utilisées dans les équations de la croissance. En effet, l’utilisation du taux de scolarisation comme proxy de la croissance des années de scolarisation donne des résultats inverses à ce que l’on attendait. Par exemple, estimant les fonctions de production reliant le stock d’éducation au primaire en 1960 et le taux de scolarisation au primaire et secondaire de la même année donne des résultats significativement négatifs.

Certaines estimations donnent la corrélation de la croissance du capital éducatif avec les taux d'inscription équivalente à -0,48 et primaires et -0,41 pour le secondaire. Ceci implique que la croissance des acquis scolaires repose non pas sur le taux d’inscription courant mais sur la différence des taux de scolarisation entre la cohorte de la main-d’œuvre sortant et entrant sur le marché de travail.

De plus, les différents clivages dans le rôle de l’éducation sur la croissance reposent sur deux approches différentes mais complémentaires. La première, reconnue à Solow pour ses travaux historiques sur la croissance économique en 1956, se trouve être à l’origine des différentes thèses sur la croissance économique, les consensus et les oppositions autour des questions liées à la disparité des revenus entre pays. La deuxième approche inspirée de Denison (1967), Mankiw, Romer et Weil (1992) et Barro R. (1990) par leurs travaux très déterminants sur la convergence des économies et tous les développements qui en résultent22 confrontent les

21 Freeman B. R. et Lindauer David L., Why not Africa?, NBER Working Paper No. 6942 February, 1999

22 Summers Robert et Alan Heston, “A new set of International Comparisons of Real Product and Price Levels Estimates for 130 Countries, 1950-1985”, Review of Income Wealth, 34, Mars 1988, pp. 1-26. Les tests empiriques de MKW sont faits sur les données de Penn World Tables de plusieurs pays construites par Summers et Heston pour la période 1960-1985.

différents faits à la réalité économique afin de mieux éclairer sur les pistes d’analyse de la convergence des revenus ainsi que le rôle des différents facteurs dans ce processus.

Tout d’abord, les investigations théoriques entamées vers la fin des années 60 par Solow ont mis en relief que l’accumulation du capital physique, l’accroissement de la force du travail et le progrès technique sont les trois principaux déterminants de la croissance économique. Et ceci grâce à une technologie de production reliant l’output à ces derniers par la fameuse fonction de production de Cobb-Douglas. Ces travaux sont devenus de plus en plus sophistiqués au point de donner lieu à une discipline entière sur la croissance économique. Ils se subdivisent en trois familles : néoclassique à la Solowienne, endogène du point de vue de Lucas (1998) et évolutionniste par l’approche de Romer (1990), R. Nelson et Phelps (1997).

Basée d’une part, sur l’hypothèse d’un taux d’épargne et d’un taux de croissance démographique exogènes et d’autre part, sur le rendement décroissant du capital, le modèle de Solow a aboutit à deux conclusions fondamentales. Premièrement, le taux d’épargne et le taux de croissance démographique déterminent le niveau de revenu réel par tête à l’état stationnaire. Et par conséquent, si les économies ne diffèrent que par leurs niveaux initiaux de capital par travailleur, les économies pauvres devraient croître plus vite que les économies riches, étant donné que l’hypothèse de rendement décroissant du capital implique qu’une unité additionnelle de capital génère des additions plus qu’importantes de la production quand le stock initial du capital est faible. En d’autres termes, un stock initial de capital par travailleur important produirait des résultats inverses. Car, l’ajustement du capital humain étant plus difficile que celui du capital physique, à un niveau du PIB donné, un stock élevé du capital humain implique un ratio capital humain-capital physique élevé. Par conséquent, un niveau élevé de ce ratio tendra à générer un fort taux de croissance économique ; autrement dit, un pays qui dispose d’un stock initial de capital humain élevé aura tendance à croître plus vite en ajustant vers le haut, son capital physique.

Graphique I.1 : Présentation du taux de croissance des quatre pays européens

Source : Construit par l’auteur sur la base des WDI, 2005, Banque Mondiale

Alors que le taux de croissance des cinq pays de l’OCDE à revenus élevés (Graphique 1) présente une tendance semblable dans son ensemble, les amplitudes sont plus ou moins variées : plus élevées que pour l’Allemagne sur toute la période de 1975 à 2003, suivie de la France, le Canada et la Belgique.

Parmi les quatre blocs de pays ci-dessus, les variables scolaires suivent pratiquement les variables économiques : le taux brut de scolarisation au primaire (TBSP) de l’Afrique Subsaharienne est le plus faible de tous. Il est respectivement de 83,03%, 96,25% 98,18 pour les blocs 1, 2 et 3. Il en est de même pour le taux de scolarisation secondaire (TBSS) et tertiaire (TBST). Par contre, le ratio des flux nets moyens d’investissements directs étrangers par travailleur (FNIDE) en direction de l’Afrique Subsaharienne ne suivent pas les mêmes tendances que les taux de scolarisation. Ils représentent 0,40% du PIB pour le groupe 3, 0,96% pour le bloc 2 et 1,68% pour le bloc 1. La trajectoire moyenne du PNB sur la période est plus sinusoïdale et ne suit pas l’évolution des variables sociales. Le tableau (tableau I.2)

suivant classe les différents groupes selon un ordre décroissant des valeurs des indicateurs concernés.

Tableau I.2 : Moyennes de la période 1985-2005 de cinq variables fondamentales

Source : WDI, CD-ROM 2007.

Ce tableau établit un classement net entre les groupes de pays retenus et relègue les pays d’ASS au dernier rang aussi bien en ce qui concerne les taux de scolarisation primaire (TBSP), secondaire (TBSS) et tertiaire (TBST). Même si le continent semble attirer le plus d’investissement directs étrangers sur la période retenue par rapport aux pays d’Asie du sud, du Moyen Orient et Maghreb, la moyenne de son PNB par tête au cours des 21 dernières années reste toutefois la plus faible du monde.

Mais il faut relever cependant que les économies ne diffèrent pas que de leurs ratios initiaux capital physique-force de travail mais également de leur niveau de technologie, de leurs taux d’épargne, de leurs taux de déclassement du capital ainsi que de leurs taux de croissance démographique. Dès lors, leurs taux de croissance à l’état stationnaire seraient différents, d’où les limites du modèle solowien.

En effet, toutes les investigations empiriques qui s’étaient développées à la suite des travaux de Solow consistaient à vérifier si les pays pauvres avaient tendance à croître plus vite que les pays développés. Autrement dit, il s’agissait de savoir si les pays à bas niveau de revenus par tête rattrapent les pays riches. Le modèle de Solow-Swan suggère que les pays ayant les mêmes technologies de production mais des taux d’épargne et de croissance de la population différents, convergent tous vers un sentier et vers un même taux de croissance du revenu par tête.

Groupes de pays Moy. TBSP Moy. TBSS Moy. TBST Moy. FNIDE Moy. PNBPCPPA

Afrique Subsaharienne 83,96 27,21 3,05 1,60 2 025,54

Moyen Orient et Maghreb 92,02 61,35 18,86 1,01 7 307,74

Asie du Sud 93,47 40,91 5,18 0,38 1 598,95

Pays OCDE à Hauts Revenus 100 100 52,46 6,35 22 415,68

Les développements ultérieurs de ce modèle de Solow dans le cadre de travaux de Mankiw, Romer et Weil (1992) ont conduit à des résultats variés dont la convergence absolue (ou β-convergence) et la convergence conditionnelle (ou δ-convergence).23 Ce point de vue de MRW a été contesté par Gundlach (1995) et De la Fuente (1997) qui ont relevé, parmi tant d’autres auteurs, à partir d’une même structure de la fonction de production que MRW, que l’hypothèse suggérée ne se vérifie pas sur la période 1975-1985. En effet, ces derniers insinuent qu’une variable importante aurait été omise dans le modèle suggéré par MRW.

Ainsi, la révision du modèle de MRW par Ben S. Bernanke et Refet S. Gürkaynak (2001)24 a permis de montrer plus tard que la corrélation entre le taux d’épargne et le taux de croissance de long terme est très forte et positive. Leurs investigations ont conduit au rejet des restrictions du modèle de Solow notamment concernant le taux de croissance démographique et le taux d’épargne exogène.