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Faibles taux d’épargne publique

SECTION 5. LA DIVERGENCE CROISSANTE DES REVENUS ENTRE PAYS PAUVRES ET PAYS RICHES PAUVRES ET PAYS RICHES

5.3. Le cercle vicieux de la pauvreté et l’investissement éducatif

Selon les modèles à générations imbriquées, les comportements altruistes déterminent le taux d’accumulation du capital humain et donc le taux de croissance d’un pays. Les faits stylisés montrent que les pays à faibles niveaux de revenus ont tendance à consacrer une faible part de leurs dépenses publiques à l’investissement éducatif, ce qui expliquerait le faible taux de croissance économique. Les graphiques 1 et 2 suivants, mettent donc en évidence les disparités de taux de scolarisation entre les différents groupes de pays. Il s’avère donc que les pays développés sont également ceux qui ont des taux de scolarisation élevés (OCDE à hauts revenus et OCDE, 95% et 89% de taux de scolarisation combinés),et que de facto, les pays à faibles taux de scolarisation sont ceux qui sont à la traine (Afrique subsaharienne, 50%), Asie du Sud (56%).

Graphique I.7 : Variables éducatives et croissance du PIB

62,00

trente pays se situant à un taux inférieur à 80%. Au rythme actuel, ces pays ont très peu de chances d’atteindre les objectifs d’alphabétisation des adultes d’ici à 2015 fixé à 100%. En outre, seuls le Kenya et le Botswana avaient de bonnes chances de réaliser la parité entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire en 2005 et 2015 puisque leur taux actuels sont de. Alors que l’Ile Maurice a déjà réalisé ces objectifs en 2002, la Gambie, la Mauritanie, l’Ouganda, le Rwanda et le Zimbabwe risquent de ne pas réalisé cet objectif en 2015.

Source : Construit par l’auteur sur la base des données du World développement report, PNUD 2005 Graphique I.8 : Indice d'éducation et indice du PIB

61% 83% 87% d’inscriptions combinés et le PIB per capita d’une part et les indices d’éducation et les indices du PIB d’autre part, sont intimement liées. Ces données mettent clairement en évidence l’importance des facteurs éducatifs dans la croissance des revenus.

Pourtant, les différentes études menées plus récemment sur les économies africaines remettent globalement en cause, le rôle de l’éducation dans la croissance économique. On examinera, dans le chapitre 2, les différents inhibiteurs d’impact de l’éducation sur la croissance économique en Afrique et dans le reste des pays en voie de développement.

Alors que l’on croirait mettre définitivement un terme à la polémique et le doute manifesté sur le rôle de l’éducation comme moteur de la croissance économique et par conséquent des progrès économiques, les recherches récentes ont tendance à renouveler le débat à cet effet.

En effet, dans leurs contributions intéressantes à la compréhension du rôle de l’éducation dans la croissance économique, Pritchett L. (1999), Richard. Freeman and David L. Lindauer (1999), ont conclu, sur l’analyse des données transversales issues de 96 pays, qu’il y a pas de

lien direct entre la croissance du capital éducatif résultant de l’augmentation des résultats scolaires des travailleurs et le taux de croissance de la production par travailleur. Et qu’en plus, l’impact de l’éducation varie d’un pays à l’autre.

Ces résultats étonnants et incompréhensibles apparaissent au moment où les variables éducatives en particulier, les taux d’inscription au primaire et au secondaire se sont fortement améliorées ces deux dernières décennies dans la plupart des pays en voie de développement comme le montrent les graphiques I.7 et I.8. Ils corroborent avec les conclusions de Caselli, Esquivel et Lefort (1996) qui, « relançant le débat sur la convergence des économies à la suite de Mankiw, Romer et Weil (1992), Caselli, Esquivel et Lefort (1996) ne parviennent pas à observer un effet positif de l’investissement en capital humain sur la croissance » (Sébastien Dessus40, 2000). Beaucoup d’autres recherches antérieures ont mis en doute le rôle de l’éducation sur le progrès économique et surtout dans les pays en voie de développement (cf.

Richard B. Freemann, David L. Lindauer (1999)41).

Les sources de données utilisées par l’auteur indiquent également que ces taux sont passés de 66 à 100% et de 14 à 40% respectivement pour la scolarisation primaire et secondaire au cours des trente dernières années.

A l’incohérence des résultats empiriques, l’auteur a développé trois séries d’explications sur l’impact ambigu et quelque peu décevant de l’éducation sur le progrès économique dans les pays les mois nantis. Premièrement, il met en cause la qualité des systèmes éducatifs et le faible nombre d’années de scolarisation dans l’accumulation du capital humain : « la qualité du système éducatif évolue différemment d’un pays à l’autre, et qu’en conséquence, accumuler du capital humain brut au même rythme pourrait produire des résultats différents ». Deuxièmement, il suppose que le rendement marginal de l’éducation décroîtrait plus vite que l’offre tandis que la demande de la main d’œuvre qualifiée stagne. Enfin, la mauvaise qualité de l’environnement institutionnel des nombreux pays expliquerait le faible impact de l’éducation sur la croissance économique.

40 Dessus Sébastien, Capital humain et croissance: le rôle retrouvé du système éducatif, Economie Publique, n°6, 2000/2, Boeck Université, Bruxelles, pp.95-116.

41 Richard B. Freemann, David L. Lindauer: Why not Africa?, NBER Working Paper N°6942, February 1999.

Le faible impact empirique de l’éducation en ASS ne s’explique pas seulement par les variables éducatives mais aussi l’environnement socioéconomique, politique et naturel. Les conclusions de ces études indiquent que la nature des données – micro ou macroéconomiques – jouerait un rôle important (2000)42. Or, “The reliability of country level education data is no higher than the reliability of individual-level education data […]. The correlation between Barro and Lee’s (1981) and Kyriacou’s (1991) measures of average education across in 68 countries in 1985 is 0.65 and the correlation between the change in schooling between 1965 and 1985 from these two sources is 0.34” (Alan Krueger et Mikael Lindahl)43.

Il ne faut pas non plus oublier l’impact des systèmes éducatifs sur les mesures des variables éducatives et par conséquent, sur les résultats. Legendre (1993)44 caractérise le système d’éducation par « un ensemble plus ou moins intégré d'institutions (système scolaire, famille, groupes religieux, médias, bibliothèques, musées, associations, etc.), de structures, de législations, de finalités, d'objectifs, de programmes, de méthodes, d'activités, de modes de fonctionnement ainsi que de ressources humaines, matérielles et financières dont se dote une société pour offrir à ses membres les services et les ressources nécessaires au développement de leurs habiletés et de leurs connaissances"

Aux arguments empiriques ci-dessus s’ajoutent une série d’explications théoriques. Pour ces dernières, du fait de la courroie de transmission de l’éducation sur la croissance qui est tantôt l’imitation, tantôt l’innovation, il est important de se poser la question de savoir quel type d’éducation pour quelle économie. Autrement dit, les pays aux économies faiblement modernisées ont-ils besoin de l’enseignement primaire ou supérieur ? A cette question, AGHION P. et COHEN E. (2004) ont suggéré qu’une telle catégorie de pays doit préférer l’enseignement primaire et secondaire à la formation supérieure dans un premier temps afin

42 Alan B. and Michael Lindahl, Education for Growth: Why and for Whom?. NBER Working Paper N° 7591, March, 2000, JEL N° J24, E20.

43 Pour ceux-ci, les erreurs de mesure sont particulièrement plus importantes quand il s’agit des variables relatives à l’éducation secondaire et celle du supérieur. Ils indiquent que ces erreurs de mesure sont positivement corrélées dans le temps mais cette corrélation n’est pas aussi importante que la corrélation entre les vraies valeurs des variables éducatives elles-mêmes.

44 Renald LEGENDRE(1993), Dictionnaire actuel de l’éducation, Montréal : Guérin/Paris, Eska (2ème édition).

d’apprivoiser la technologie avant de se lancer dans la formation supérieure nécessaire à l’innovation.

Comme Aghion P. et Howitt P. (1992), on peut distinguer, en plus des clivages traditionnels, deux groupes de pays à savoir : les pays qui sont éloignés de la frontière technologique de ceux qui en sont le plus proche. Cela permettrait d’appliquer le modèle d’imitation ou celui d’innovation. Dans le premier cas, la variable éducative intégrant la scolarisation primaire et secondaire conviendrait alors qu’il serait adéquat d’utiliser les variables relatives à la scolarisation au tertiaire pour le deuxième groupe. Dans notre, cas, c’est donc le premier cas qui est envisagé.

De ce qui précède, l’importance du rôle de l’éducation dans le décollage de l’économie implique que les politiques de promotion de la croissance économique mettent l’accent sur l’amélioration de la qualité des variables éducatives pour créer des opportunités d’attraction des investissements directs étrangers générateurs des nouvelles technologies favorables à la croissance. Ainsi donc, s’il est intéressant de discriminer les pays en fonction de leur distance par rapport à la frontière de technologie pour filtrer les vrais déterminants de la croissance économique, il l’est encore davantage de stratifier l’analyse en distinguant d’une part, les variables de flux et d’autre part, les variables de stock de capital humain. Pour notre part, nous avons retenu l’option relative aux variables de flux notamment aux taux de scolarisation primaire et secondaire pour des raisons qui seront détaillées ultérieurement.