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Les écarts de revenus entre pays pauvres et pays riches, un effet d’accumulation du capital humain

Faibles taux d’épargne publique

SECTION 5. LA DIVERGENCE CROISSANTE DES REVENUS ENTRE PAYS PAUVRES ET PAYS RICHES PAUVRES ET PAYS RICHES

5.1. Les écarts de revenus entre pays pauvres et pays riches, un effet d’accumulation du capital humain

En effet, alors que les pays d’Asie du Sud-est et de l’Est ont enregistré des taux de croissance moyen sans cesse croissants (de 2,6% et 5,6% respectivement) au cours des trente dernières années, ceux d’Afrique subsaharienne voient la croissance moyenne de leur produit par tête régresser (de - 0.12%) au cours de la même période. En outre, les taux de croissance annuels du PIB réel de l'Asie du Sud-est ont été en moyenne de 5,5 % sur une période de 35 ans (1960-1995) soit plus de deux fois supérieurs à ceux de l’Afrique Sub-saharienne (Philippe HUGON, 1997). Une tendance divergente de même type a été également mise en évidence par les études de Madison (1995) sur les Etats Unis. D’après les données fournies par ces études, de 1820 à 1989, le produit national brut des pays développés a augmenté de 13 fois plus, celui des pays du périphérique de 9 fois. Elle était de 7 fois pour l’Amérique latine et 8 fois pour l’Asie mais seulement de 4 fois pour les pays d’Afrique pris dans leur ensemble.

Pour Lucas (1988), ces différences de taux de croissance du produit par tête peuvent trouver leur explication dans le taux de croissance du niveau d’éducation.

En outre, une autre plage de données fournie par le PNUD33 sur la période de 28 ans allant de 1975 à 2003 confirme la disparité des revenus entre les différentes régions du monde. Le tableau I.2 ci-dessous en donne quelques renseignements.

33 Human Development Report, 2005

Graphique I.5 : Evolution du taux de croissance du PIB par tête de 1975 à 2003 et de 1990 à 2003

0,20 6,00

0,60 2,60

-0,700,00 2,00 2,20

-2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7

Etats Arabes Asie de l'Est et Pacifique Amérique Latine et Caraïbes Asie du Sud ASS Europe du Centre et de l'Est OCDE OCDE à Hauts revenus

Croissance du PIB per capita (1975-2003)

Source : Human Development Report 2005, PNUD

Ainsi donc, se reportant au tableau I.2, on observe que trois groupes de pays ont enregistré des taux moyens de croissance du PIB par tête les plus forts durant les 28 dernières années. Il en est ainsi du groupe des pays d’Asie de l'Est et Pacifique (6,0%), d’Asie du Sud (2,6%), de l’OCDE tranche de hauts revenus (2,2%). Ces trois groupes ont gardé leurs rangs respectifs sur la période 1990-2003. Cependant, il faut relever qu’entre 1990 et 2003, le PIB par tête croît moins vite que dans la première période. Les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes ainsi que ceux de l’Afrique Subsaharienne, de l’Europe de l’Est et les pays Arabes restent à la traîne durant ces 28 années. Les enseignements fournis par ces données permettent de nuancer l’assertion que les pays à faibles revenus croîtraient plus vite que ceux à hauts revenus de façon à rendre possible le rattrapage de ces derniers. Dès lors, le rôle de l’éducation comme facteur d’innovation et d’adoption du progrès technique apparaît primordial pour sortir de ce gouffre. Cependant, le consensus sur le rôle du facteur éducatif sur le progrès économique reste contesté.

Par ailleurs, si l’analyse des variables économiques ne donne pas de résultats satisfaisants, il importe donc de rechercher les sources de la disparité de la croissance entre pays dans les déterminants institutionnels et les déterminants du marché de l’offre du marché.

Au niveau institutionnel, les études politico-économiques ont mis en évidence la question des déterminants politiques de la décision publique dans les pays en voie de développement et notamment, l’importance des principaux canaux de transmission de la politique sur les choix en matière de politique économique (politiques macroéconomiques et politiques budgétaires).

A cet effet, trois déterminants institutionnels seront mis en avant.

Il s’agit, en premier lieu, de l’influence du calendrier électoral qui soulève la question de l’existence de comportements opportunistes et/ou de comportements partisans sur les décisions publiques.

En deuxième lieu, on notera que les modes de scrutin et la structuration de l’offre partisane peuvent également influencer la décision publique notamment au travers de l’instabilité des coalitions gouvernementales. Ce qui pénalise les priorités réelles du pays au profit des intérêts de la coalition en présence et qui influent substantiellement sur les politiques éducatives.

Enfin, la composition de l’électorat particulièrement en termes de statut de travail joue également un rôle déterminant.

En plus des éléments cités, le taux de croissance du revenu par tête est déterminé par quatre facteurs : le stock du capital humain (Nelson R. & Phelps E., 1988), l’investissement étatique en infrastructures qui entraîne des externalités génératrices des rendements techniques (Barro R. J., 1990) et la Recherche-Développement (Romer, 1990), les indicateurs de l’innovation - nombre de brevets d’invention - (Rafiquzzaman M. & Whewell L., 1998), l’investissement direct étranger (Surendra Gera, Wulong Gu et Frank C. Lee, 1999)34, les dépenses éducatives et ainsi que d’autres variables institutionnelles auxquels s’ajoutent l’épargne et

34 Investissement étranger direct et croissance de la productivité : l’expérience du Canada comme pays d’accueil, Surendra Gera, Wulong Gu et Frank C. Lee, Direction de l’analyse de la politique micro-économique, Industrie Canada, 1999.

l’investissement. Des travaux de Solow (1956) et de Denison (1967) ont permis de poser un premier diagnostic sur les causes de la croissance et du retard de certaines économies et ont montré qu’une proportion considérable de la croissance observée ne s’explique ni par l’accumulation du capital, ni par la croissance de la population active. De plus, selon cette approche, seuls des progrès dans la productivité des facteurs peuvent justifier à long terme une persistance de la croissance du produit par habitant. Pour Jean-Claude Barthélemy et Aristomène Varoudakis (1996)35, ce raisonnement ne vaut bien entendu que pour le très long terme, et n’est de ce fait pas nécessairement contradictoire avec l’existence d’un rôle moteur de l’investissement dans la croissance actuelle des économies émergentes, qui sont à mi-parcours issues d’un long processus de rattrapage par rapport aux pays développés. Les estimations courantes sur la vitesse de convergence montrent qu’il faudrait en moyenne au moins trois décennies à un pays pauvre en phase de décollage pour parcourir la moitié du chemin qui le sépare des pays avancés. Le moteur de la croissance observée au cours des deux à trois dernières décennies dans les économies émergentes pourrait donc résider simplement dans les efforts d’investissement accomplis par ces pays, plutôt que dans des politiques spécifiques conduisant à des gains de productivité. Pour l’auteur, les conditions de la transposition de l’expérience des économies émergentes à d’autres pays en développement seraient alors assez facilement identifiées. Et que si en revanche, on en croit la théorie traditionnelle de la croissance, ce moteur serait appelé à ralentir progressivement, ce qui inciterait à une grande prudence dans les projections de croissance future des économies émergentes. Autrement dit, ces économies ne pourront probablement pas croître au cours des prochaines décennies à un rythme de croissance comparable au rythme actuel.

Cette situation qui met en relief la tendance divergente de la croissance des revenus et remet en cause la convergence telle que prédite par le modèle néoclassique et renouvelle le pessimisme quant au décollage des pays en voies de développement, constamment soumis aux pressions et contraintes intérieures, pesant lourdement sur leurs investissements

35 Barthélemy Jean-Claude et Varoudakis Aristomène. (1996) . Quelles politiques pour un décollage économique

? cahier de politique économique n° 12, Centre de développement de l'OCDE.

productifs. Mais comme l’a si bien souligné l’auteur, il faut établir une distinction entre ce qui est dû à un processus de rattrapage imputable à l’accumulation du capital, et ce qui résulte d’un progrès technique dont les causes resteraient à identifier. Ce qui permettrait de bien expliquer la performance des économies des pays émergents et donner une piste de réflexion sur la croissance future des pays en développement.

Des travaux récents menés sur la croissance en Asie de l’Est tendent à privilégier nettement la thèse du rattrapage par accumulation du capital physique. Sur la période allant de 1970 à 1993, l’investissement dans les six pays d’Asie du Sud-est à savoir la Chine, la Corée, l’Indonésie, la Malaisie, le Singapour et la Thaïlande, vont croissant. Ils passent d’un minimum de 16% du PIB à 44%. En revanche, cette donnée décroît de 21% du PIB à 16%

dans les pays d’Afrique Subsaharienne et de 22 à 20%36 en Amérique latine. La montée en puissance du premier groupe de pays semble trouver son explication essentiellement dans les efforts d’investissement tandis que l’Afrique Subsaharienne serait pénalisée par son bas niveau d’investissement et en particulier, dans un piège de la pauvreté.

5.2. Les écarts de revenus entre pays riches et pays pauvres : l’existence des effets