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PARTIE II TOPONYMIE APPLIQUÉE

Chapitre 3 : Les toponymes et le bon usage de la langue

3.2. La politique linguistique onomastique en Pologne et en France

3.2.1. Rétablissement et sauvegarde des toponymes en Pologne

En Pologne, il y a plusieurs institutions chargées de veiller sur la toponymie et l'onomastique et en général sur la langue polonaise, et que l'on peut solliciter pour une opinion ou une décision concernant les formes correctes des noms propres. On y compte

« Komisja Kultury Języka Komitetu Językoznawstwa Polskiej Ak ademii Nauk » (‘Commission de la culture de la langue auprès du Comité linguistique de l'Académie polonaise des sciences’), « Komisja Nazw Miejscowości i Obiektów Fizjograficznych » (‘Commission des Noms des Lieux Habités et des Objets Physiographiques’) qui s’occupe de la standardisation des noms géographiques en Pologne, et qui est rattachée au Ministère de l’Intérieur et de l’Administration , « Komisja Standaryzacji Nazw Geograficznych poza Granicami Rzeczypospolitej Polskiej » (‘Commission de Standardisation des Noms Géographiques hors du Territoire de la Pologne’), rattachée auprès de l’Arpenteur Général de la Pologne, ainsi que « Rada Języka Polskiego przy Prezydium Polskiej Akademii Nauk » (‘le Conseil de la langue polonaise auprès de l'Académie polonaise des sciences’).

La détermination des noms des lieux habités et des objets physiographiques a en Pologne une longue tradition. Elle date du XVIIIe siècle avec l'élaboration des cartes et le relevé des toponymes de tout le territoire de la République. La publication de l'ouvrage Słownik geograficzny Krolestwa Polskiego (‘Dictionnaire géographique du Royaume de Pologne’), publié en XV volumes entre 1880-1902 (réd. Sulimierski et al.), peut être considérée comme la première tentative de normalisation des noms géographiques de la Pologne. C'est un ouvrage impressionnant contenant les toponymes du territoire historique de la Pologne, donc souvent avec des équivalents des noms en d'autres langues (allemande, lituanienne, ukrainienne). Il servit longtemps de référence pendant pour la normalisation.

La nécessité de la détermination et de la normalisation est apparue dans la période située entre deux guerres mondiales ; on a attribué un statut formel et législatif à cette pratique, pour pouvoir organiser la nomenclature géographique des territoires dont la Pologne a hérité après le traité de Versailles quand le pays est réapparu sur la carte d'Europe et a gagné ou regagné quelques territoires qui étaient depuis longtemps occupés ou qui ne lui avaient jamais appartenu. Les sources les plus anciennes des toponymes du territoire de la Pologne datent de la période située entre le X et le XVe

siècle. Ces documents contiennent les noms latins ou latinisés s. Plus tardives sont les cartes écrites en allemand ou en français qui datent des XVII et XVIIIe siècle (Wolnicz-Pawłowska 2005 : 485).

Dans les époques précédentes, la première et la deuxième République de Pologne (1454-1795 et 1918-1939) étaient des états plurilingues et pluriethniques. Dans l'usage populaire, d'après Wolnicz-Pawłowska (2005 : 485), à côté des noms polonais, étaient utilisés aussi des toponymes d'origine différente : tchèque, ukrainienne et lituanienne.

L'unification de la toponymie du territoire historique de la Pologne a eu lieu pendant le partage du pays entre l'Empire de Russie, le Royaume de Prusse et l'Empire d'Autriche.

Les terres occupées étaient soit russifiées, soit germanisées. Par exemple le nom de la ville Puławy en 1846 a été remplacé par Nowa Aleksandrya, Lviv qui avait comme endonyme le nom polonais Lwów, puis s'est retrouvé sous le règne de l'Empire d'Autriche et a été germanisé en Lemberg, etc. Les terrains polonais qui ont été occupés à partir du 1772 par l'Empire d'Autriche ont reçu un nom général Galicja, de l'ancien nom latin Galiciae. Les nouveaux toponymes, en allemand et en russe, ont été popularisés à travers les cartes et les documents administratifs des occupants et sont entrés dans l'usage courant.

Ce n'est qu'en 1918, après le regain de l’indépendance, que le nouveau gouvernement polonais a entrepris d'établir les toponymes officiels de la Pologne. Les premières cartes topographiques ont été publiées par Wojskowy Instytut Geograficzny (Institut militaire géographique). Ces cartes étaient basées sur les cartes publiées par les occupants, mais elles contenaient des toponymes polonais. Entre 1923-1926 Skorowidz miejscowości Rzeczypospolitej Polskiej (‘le Répertoire des noms de lieux habités de la République de Pologne’) a été publié en XVI volumes et sa version abrégée en II volumes en 1933. En 1934, le Président polonais a promulgué une loi sur la détermination des noms des lieux habités et des objets physiographiques stipulant que seuls les noms officiels approuvés par l’État devraient être utilisés pour l'usage public.

Selon l'ordonnance du Président du 24 octobre 1934, c'est « Komisja Ustalania Nazw Miejscowości » (la Commission de détermination des noms des lieux habités), qui veille sur les formes correctes orales et écrites des toponymes polonais. Elle fut créée dans l'objectif d'établir la nomenclature géographique polonaise après tant d'années d’inexistence. Le nouveau besoin de rétablir la toponymie polonaise est venu très vite.

C'était en 1945, après la Seconde Guerre Mondiale, période pendant laquelle la Pologne a de nouveau disparu de la carte mondiale et pendant laquelle les toponymes polonais ont été de nouveau germanisés et soumis en plus à la propagande du Troisième Reich

puis par la suite, russifiés. L'influence russe ne s'est pas arrêtée après 1945, car la toponymie polonaise a été ensuite soumise à la propagande communiste. Entre 1934-1948 et entre 1934-1948-2003, la Commission de la Détermination des Noms des Lieux Habités et des Objets Physiographiques (Komisja Ustalania Nazw Miejscowości i Obiektów Fizjograficznych) a été réactivée. Sa fonction était de déterminer et d'établir les noms des entités en question après les changements politiques. C'étaient par exemple Oppeln qui est de nouveau devenu Opole, Gleiwitz – Gliwice, Brieg – Brzeg, Allenstein (qui est un nom d'origine prussienne) – Olsztyn93, etc. Certains toponymes ont été créés pour la première fois en polonais par la commission : Wałbrzych a remplacé Waldenburg, Zielona Góra est une traduction de Grünberg, etc. La commission polonaise a publié en 1951 Słownik nazw geograficznych Polski zachodniej i połnocnej (Dictionnaire des noms géographiques de l’Ouest et du Nord de la Pologne) en deux volumes sous la direction de Stanisław Rospond. Les nouveaux toponymes du territoire nord-ouest de la Pologne (qui se trouvait sous l'occupation allemande) ont été publiés dans la revue Monitor Polski entre 1946-1950, dont nous joignons ci-dessous la première page.

93 Il y a de nombreux toponymes qui ont changé plusieurs fois au cours des années, comme Olsztyn, dont la forme en vieux polonais était Holstin, en latin : Holsten, en vieux-prussien : Alnāsteini, qui vient du nom de la rivière Łyna (Alle en vieux prussien).

Document 5 : Monitor Polski, 15.10. 1947.

Après 1945, de nombreux noms de villes, de villages et d'objets géographiques ont changé à la suite des modifications des frontières du pays, notamment vers l'ouest et le nord. Sur les nouveaux territoires polonais, 32000 noms ont été reconstruits, la plupart dans les années 1950-1990 mais les changements de noms de villages sont plus rares. Les changements des noms géographiques ont eu lieu aussi après la réforme de l'administration du pays en 1998, où l'on a introduit une division administrative sur trois niveaux : voïvodie, district et commune (województwo, powiat, gmina).

Aujourd’hui, en Pologne, il y a deux commissions de normalisation94. La normalisation des noms géographiques qui se trouvent sur le territoire de la Pologne actuelle est prise en charge par la Commission des Noms des Lieux Habités et des Objets Physiographiques (Komisja Ustalania Nazw Miejscowości i Obiektów Fizjograficznych) que nous avons mentionnée ci-haut, tandis que la normalisation des noms géographiques en dehors du territoire de la Pologne actuelle relève de la Commission de Standardisation des Noms Géographiques hors du Territoire de la Pologne (Komisja

94 Les publications sur la normalisation des toponymes polonais auxquelles on peut toujours faire référence sont les suivantes : « Wykaz urzędowych nazw miejscowości w Polsce en trois volumes, 1980-1982 » où l’on trouve les formes normalisées des lieux habités, la prononciation et la déclinaison (le cas génitif), ainsi qu’un adjectif et un gentilé normalisé d’office ; la publication « Nazwy geograficzne Rzeczypospolitej Polskiej 1991» a un caractère normatif et on y trouve non seulement les noms de lieux habités (oïkonymes) mais aussi les hydronymes et les oronymes. La dernière publication concerne les Hydronymes : Nazewnictwo Geograficzne Polski, t. I, Hydronimy, Cz. 1 Wody płynące, źródła, wodospady, Cz. 2 Wody stojące, Wyd. Główny Urząd Geodezji i Kartografii, Warszawa 2006 (prace Komisji Nazw Miejscowości i Obiektów Fizjograficznych).

Une base de données avec toutes les unités administratives, réparties de manière hiérarchique se trouve sur le site du Ministère de l'administration et de la numérisation (Ministerstwo Administracji i Cyfryzacji) https://administracja.mac.gov.pl/adm/baza-jst (consulté le 24 mars 2013).

Les urbonymes sont soumis à des pouvoirs locaux et à l'administration des villes. Les informations exhaustives sur le travail de la commission polonaise des toponymes, Komisja Nazw Miejscowości i Obiektów Fizjograficznych, se trouvent sur son site http://www.knmiof.mac.gov.pl/

(consulté le 24 mars 2013).

N'oublions pas que les cartes officielles de la Pologne, publiées par Główny Urząd Geodezji i Kartografii (l'Office général de la géodésie et cartographie) ont une valeur normative officielle.

Une description des ouvrages et publications sur la toponymie polonaise et l'onomastique polonaise se trouve dans un recueil bibliographique numérique de l'Institut de la langue polonaise de l'Académie polonaise de la science (Instytut Języka Polskiego Polskiej Akademii Nauk) : http://bibliografia.onomastyka.ijp-pan.krakow.pl/ (consulté le 24 mars 2013) ainsi que dans les publications du Comité onomastique slave (Komisja Onomastyki Słowiańskiej przy Międzynarodowym Komitecie Slawistów).

Il faut faire une remarque sur les noms des lacs et des rivières qui ne sont pas tous stables, ainsi que les noms de territoires non habités – anaïkonymes. Ils ne sont pas protégés par l'administration du pays et sont souvent créés d'une manière spontanée. Dans la Pologne actuelle on observe aussi une création de nouveaux objets topographiques comme les parcs nationaux et paysagers, des réserves, des chemins de montagne, des grottes ouvertes pour les touristes, etc. Souvent ils reçoivent des noms qui sont très variés et instables.

Standaryzacji Nazw Geograficznych poza Granicami Rzeczypospolitej Polskiej – KSNG), placée auprès de l’Arpenteur général de la Pologne (Główny Geodeta Kraju) et de l’Office général de la géodésie et de la cartographie (Główny Urząd Geodezji i Kartografii).