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Chapitre 3 : Une grammaire du toponyme

3.1. Critères et caractéristiques dans la grammaire traditionnelle

3.1.3. Caractéristiques morphologiques des toponymes comparées aux caractéristiques générales des noms propres générales des noms propres

3.1.3.8. Le toponyme et la préposition locative politiquement incorrecte

En français, les oïkonymes (en tant que noms de villes et de quartiers), qui dans l'emploi non modifié ne prennent jamais d'article, sont introduits en tant que circonstanciels par la préposition locative à. Les choronymes (noms de pays et de régions) dans le même emploi sont introduits par la préposition en ou au qui est une préposition à contractée avec l'article défini masculin le. Ainsi, dans la syntaxe, la préposition est déterminée par la morphologie du choronyme : par le fait de prendre un article ou pas et par son genre grammatical. Les choronymes féminins (ils sont en majorité féminins) s'emploient avec la préposition en en tant que direction et en tant que location :

Je vais en Bretagne, en France, en Europe, etc.

J'habite en Bretagne, en France, en Europe, etc.

Les choronymes masculins s'emploient avec la préposition contractée au, en tant que direction et location :

Je vais au Pays-Basque, au Japon, au Vénézuela, etc J'habite au Pays-Basque, au Japon, au Venézuela, etc.

Pour des raisons purement phonétiques, les noms de pays qui commencent par une voyelle sont introduits par la préposition en même s'ils sont masculins. Ainsi on dit :

Je vais au Pakistan mais en Afghanistan, en Israël, en Équateur, en Iran, etc.

Les choronymes, qui morphologiquement (et en réalité) sont qualifiés en tant que pluriels, sont introduits par la préposition contractée aux :

Je vais aux Etats-Unis, aux Pays-bas, aux Philippines, etc.

J'habite aux Etats-Unis, aux Pays-bas, aux Philippines, etc.

Bien évidemment, la syntaxe des choronymes de structure mixte (appellatif et proprial) est régie par l'appellatif générique, le classifieur, ex. Pays-Basque.

Remarquons qu'il existe tout de même des noms de pays qui, tout en étant des pays indépendants, s'emploient sans article. Ce sont Chypre, Cuba, Singapour, Malte, Israël, Djibouti, Madagascar, El Salvador, etc. Dans la phrase, ils sont introduits, comme les noms de villes, par la préposition à (sauf Israël mentionné ci-dessus, pour des raisons phonétiques). Ainsi on dit :

Je vais à Cuba, Singapour, Malte, etc.

J'habite à Cuba, Singapour, Malte, etc.

Mais : J'habite en Israël, Je vais en Israël

Cette irrégularité dans l'emploi de l'article devant ces choronymes peut avoir comme explication le fait que géographiquement, il s’agit des îles. Dans le cas de Taïwan qui, en tant que pays historiquement indépendant, a aujourd'hui un statut discutable et est considéré comme territoire non-autonome par la majorité des pays, on n'emploie pas d’article non plus. Effectivement, les noms d’autres états insulaires comme Saint-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Saint-Christophe-et-Niévès (Saint-Kitts-et-Nevis) 44 s'emploient aussi sans article. Nous dirons donc :

J'habite à Saint-Christophe-et-Niévès, à Saint-Lucie, à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, etc.

Je vais à Saint-Christophe-et-Niévès, à Saint-Lucie, à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, etc.

Tandis que le choronyme El Salvador s'emploie sans article parce que ce nom est déjà composé de l'article El donc l'absence de l'article français évite la redondance.

44 Le gentilé de ce choronyme est aussi de deux formes, correspondant aux deux endonymes anglais, qui sont assez particulières : Christophien, Christophienne pour masculin et féminin et Kitticien et Névicien, Kitticienne et Névicienne, Kittien-Névicien, Kittienne-Névicienne, cf. liste officielle des pays et des gentilés, réalisée par la Commission de toponymie du Québec en collaboration avec la Commission nationale de toponymie de France, publiée sur le site de la Division francophone du GENUNG :

http://www.toponymiefrancophone.org/divfranco/Bougainville/Liste_generale.aspx?nom=liste_pays (consulté le 24 mars 2013).

En ce qui concerne l'exemple d'Israël, il ne convient à aucune de nos explications et il est difficile d’en trouver une.

Il nous semble que l'usage linguistique est loin d’être politiquement correct. Ou, si l'on veut, l'usage linguistique ne suit ou n'arrive pas toujours à suivre les changements politiques. L'exemple de la préposition qui s'emploie avec les choronymes polonais ne peut que le confirmer.

En polonais, quels que soient le genre grammatical et le nombre, on emploie normalement avec les noms de pays et de continents deux prépositions : locative w et de direction do, qui régissent, par conséquent, les cas génitif et locatif des toponymes.

Ex : Jadę do (Gen.) Europy, Francji, Izraela, etc. (=Je vais en Europe, France, Israël) Mieszkam w (Loc.) Europie, Francji, Izraelu, etc. (=J'habite en Europe, France, Israël)

Mais, concernant les régions qui se trouvent en Pologne, pour les deux emplois : locatif et de direction, il existe une seule préposition na (peu importe le genre grammatical et le nombre) qui régit les cas accusatif et locatif des toponymes :

Ex : Jadę na (Acc.) Mazury, Śląsk, Kaszuby

Mieszkam na (Loc.) Mazurach, Śląsku, Kaszubach

Mais à cause du composant Polska : Jadę do (Gen.) Małopolski, Wielkopolski, Mieszkam w (Loc.) Małopolsce, w Wielkopolsce

Ce que nous voulions signaler ici, est le fait que pour certains noms de pays, comme Ukraina (Ukraine), Litwa (Lituanie), Słowacja (Slovaquie), Łotwa (Lettonie), Białorus (Biélorussie/Biélarus), Węgry (Hongrie), le polonais emploie égalament la préposition na, avec des cas lui correspondant, comme pour les régions polonaises ci-dessus.

Jadę na (Acc.) Ukrainę, Białoruś, Węgry

Mieszkam na (Loc.) Ukrainie, Białorusi, Węgrzech

L’explication de ce phénomène linguistique vient du fait que ces pays furent pendant les siècles passés des territoires intégrés au sein d’autres pays ou structures politiques45. En effet, au cours des siècles, on a observé une hésitation concernant cet usage ; l’emploi traditionnel est néanmoins celui avec la préposition na auquel certains reprochent d'être politiquement incorrect puisque ces pays sont autonomes depuis longtemps (surtout la Hongrie). Dans la presse46, on rencontre de plus en plus l’emploi des prépositions do et w avec ces noms de pays.