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Région métropolitaine 3 523 744 (2005) 5 4 770 180 (2005)

3. RÉSULTATS ET SYNTHÈSE

Tout en cherchant une certaine objectivité, nous nous devons de partager les craintes de certains auteurs quant aux limites du commerce équitable. En effet, dans le cas étudié, Agrocel est responsable de la création de l’association et à l’origine des démarches de certification, comme elle l’a été pour la certification biologique. Aussi, même si les producteurs semblent plus confiants et disposent à présent de nombreux avantages sociaux et économiques, tels que l’accès à l’eau potable, le partage de réserves d’eau d’irrigation, de meilleures écoles pour leurs enfants, une prime plus importante, une meilleure production, un accès facile aux intrants biologiques, etc., ils sont un cas unique dans l’état, et ont été choisis par Agrocel pour avoir été tout d’abord certifiés biologiques. La filiale a toutefois mentionné son désir d’étendre la toile équitable à d’autres régions de l’état, et a chapeauté l’essor d’une nouvelle association en Orissa, il y a un an.

Les producteurs les plus défavorisés ne seraient-ils pas ceux qui disposent de mauvaises et petites terres et ne savent plus quelle position adopter par rapport aux produits chimiques? Ceux qui ne disposent d’aucun ou de très peu d’avantages sociaux? Ici encore, les officiers de projet de Agrocel m’ont rappelé le fait que son siège social se situe dans l’état du Gujarat, et c’est pour cette raison, que l’association y a été développée. Aussi, le Gujarat est l’un des états les plus riches de l’Inde (souvenons-nous de la taille moyenne d’une terre appartenant aux producteurs marginaux) et jouit de certaines politiques favorables aux producteurs. De plus, les entrevues montrent bien que les producteurs ont choisi d’entrer dans le réseau équitable non pas pour ses valeurs ou sa quête de

justice, mais bien pour disposer d’une prime supplémentaire et des avantages mentionnés, sans lesquels il leur serait difficile de survivre. Malgré tout, la prime demeure minime, et lorsque j’ai voulu expliquer à certains producteurs le principe du commerce équitable par la diminution du nombre d’intermédiaires, j’ai réalisé que la prime ne serait jamais équivalente au profit engendré suite à la perte de deux ou trois intermédiaires. Il est évident que la plupart des producteurs ne comprennent le commerce équitable que comme un moyen d’augmenter leurs sources de revenus, de participer à des comités et de voir leur coton ramassé à domicile à la condition de ne pas faire travailler leurs enfants. Tous ne connaissent pas la philosophie du commerce équitable et ne savent pas ce qui est fait de leur coton. Néanmoins, nombreux sont les producteurs qui ont intégré le réseau à la suite de recommandations venant d’autres producteurs; de 50 familles de producteurs équitables en 2002, ils sont aujourd’hui plus de 450! Les producteurs certifiés équitables ne sont donc plus aujourd’hui les plus défavorisés, mais il est raisonnable de penser qu’ils seront à l’origine du changement que cherche à opérer le commerce équitable.

Ainsi, il est essentiel de comprendre quelle gouvernance leur permettrait d’y parvenir. Agrocel, en participant et en prenant part à l’organisation des réunions du comité, demeure en position de force et se veut le représentant équitable auprès des producteurs. Leur dépendance à Agrocel les rend-elle capables de prendre des décisions qui les concerneront tous? Si la compagnie décide de les quitter la semaine prochaine, décideront-ils de s’organiser et de prendre les devants pour trouver des acheteurs et des fournisseurs? Ce cas de figure n’est pas envisageable avant plusieurs années, et il m’a été expliqué que cela n’arrivera pas avant une complète prise en charge des producteurs. Cependant, une autre question se pose: avec plus de 400 nouvelles familles de producteurs engagées dans l’association en l’espace de 5 ans, la demande sera-t-elle suffisante dans les années à venir pour répondre à la production? L’association devra-t-elle refuser des producteurs sous prétexte qu’ils affichent déjà complet?

Ces questionnements, j’en suis persuadée, seront soulevés lors du comité dans les années à venir, par les producteurs eux-mêmes. Le comité, en effet est la scène de nombreuses redéfinitions et représente la réelle application significative des critères du commerce équitable. Comment générer plus d’emplois lors de la saison creuse, comment irriguer les champs les plus éloignés à moindre cout, comment faciliter l’accès à l’eau potable, que faire en cas de manque de revenus, en cas de maladie? Le comité est également la scène de rencontres, de réunions entre différentes communautés qui ne se connaissaient pas ou ne se parlaient pas. Les producteurs, grâce au comité, se sentent plus forts et prétendent avoir en main les clés de leur avenir. Le comité est à tous, mais n’est à personne, et se veut

le témoin des besoins et revendications des producteurs. Par exemple, de nombreux producteurs souhaiteraient que la demande en coton à fibre courte soit plus importante, car cette variété est plus facile à cultiver pour des raisons climatiques et d’entretien. Certains filent même ce coton pour ne revêtir que des vêtements faits de coton à fibre courte, et refusent de porter des vêtements faits à base de coton à longue fibre. Toutefois, le marché équitable privilège le coton à longue fibre, et la variété locale serait vouée à disparaître, si ces producteurs ne favorisaient pas sa protection. En ce sens, si l’on voit le commerce équitable comme un outil de développement, les producteurs en sont les acteurs principaux, aujourd’hui et demain.

Les producteurs de coton équitable sont donc des acteurs importants du mouvement, en choisissant de concevoir et d’évoluer à leur manière dans la toile équitable. Ils sont, dans la logique de Bourdieu, dépendants, mais puissants. Aussi, chaque producteur développe sa propre vision du commerce équitable à travers une compréhension limitée des enjeux qu’il soulève. Mais le plus important, bien plus qu’une connaissance parfaite du système marchand contemporain, c’est la façon dont les producteurs se situent dans ce qui leur est présenté comme une solution nouvelle à la crise cotonnière, c’est leur identité.

La relation producteur/consommateur est un concept marchand, mais essentiel, dans lequel les producteurs ne se retrouvent pas. Ce concept, en d’autres termes, lie les consommateurs aux producteurs en ce qui a trait à l’amélioration des conditions de vie de ces derniers, mais repose, du producteur au consommateur sur une dépendance d’ordre économique. Il a d’ailleurs été difficile de leur expliquer que les acteurs du commerce équitable, et les acheteurs de produits équitables dans nos pays, sont souvent étudiants, académiciens ou militants. C’est pourquoi nous préférons envisager le commerce équitable davantage comme une façon de permettre à chacun d’avoir une vision sur le monde, à son échelle.

CONCLUSION

Le commerce équitable est un mouvement sujet à des redéfinitions constantes. Qu’il s’agisse de producteurs de coton, d’académiciens, de militants occidentaux ou de consommateurs cherchant à adopter une certaine ligne de conduite, les acteurs sont multiples et représentent, à petite échelle, les acteurs d’une éthique mondiale de plus en plus importante regroupant les environnementalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les entreprises socialement responsables et bien d’autres. Le fait est qu’il se fond sur des cas variés, issus de particularités culturelles, sociales et économiques spécifiques. Ainsi, on pourrait parler d’un mouvement englobant à éthique unique et ajustable. Acteur de développement durable lorsqu’il permet l’élaboration d’un mode de gouvernance centré sur le producteur et l’équité des trois pôles qui le forment, il semble agir sans toutefois nécessiter la compréhension parfaite de tous les acteurs qu’il implique. Ainsi, le commerce équitable, bien plus qu’un simple lien entre le producteur et le consommateur, est un catalyseur qui porte en son nom et en son sens un cri de ralliement à la nouvelle éthique globale.

ATELIER C1

Gouvernance et législation

Nom Ghislain Arbour

Formation doctorat en administration publique Université École nationale d’administration publique Sous la direction de Richard Marceau

Titre de la communication TRANSFORMATIONS DANS LA GOUVERNANCE DE LA

TRANSPARENCE: CERNER L’INFLUENCE DES INCITATIFS

INSTITUTIONNELS DE LA LOI QUÉBÉCOISE D’ACCÈS

À L’INFORMATION

Date 15 mars 2007

INTRODUCTION

Cette communication porte sur la Loi québécoise d’accès à l’information (LAI) et son rôle dans une gouvernance axée sur la transparence. Elle présente un ensemble de propositions qui contribuent à accroître la compréhension de la LAI, à l’aide, d’une part, d’outils sur le plan conceptuel et, d’autre part, sur le plan méthodologique. Cette communication fait état, principalement, des travaux de recherche entrepris pour la réalisation d’une thèse de doctorat en analyse et management des politiques publiques à l’ENAP.

1. PROBLÉMATIQUE

1.1. Un outil de transparence en croissance

L’accès aux documents détenus par le gouvernement est largement reconnu comme un élément essentiel pour assurer une saine gestion des affaires publiques et le déroulement efficace de la vie démocratique (Roberts, 1998, 2006). L’outil formel le plus évident permettant de soutenir l’accès à l’information est l’adoption, par un pays, ou par l’une de ses constituantes législatives, d’une loi d’accès à l’information.

Les lois d’accès à l’information semblent concerner, traditionnellement, un club de pays riches de l’hémisphère nord. D’ailleurs la majeure partie des démocraties occidentales possèdent ou sont sur le point de se doter de lois régissant l’accès à l’information. Toutefois, les dernières années ont été marquées par un fort mouvement pour l’adoption de lois d’accès à l’information un peu partout dans le monde. Entre 1994 et 2004 le nombre de pays ayant procédé à l’adoption de ces régimes formels a ni plus ni moins doublé pour dépasser légèrement la barre des 50 pays (Banisar, 2006).

1.2. Limites observées

L’adoption par un grand nombre de pays d’une loi d’accès à l’information semble au premier abord une bonne nouvelle. Néanmoins, l’avènement d’une telle loi ne garantit pas toujours un réel accès aux documents détenus par le gouvernement. Les problèmes qui affectent les lois d’accès concernent à la fois leur libellé et leur mise en œuvre. Des observateurs font état de pans importants de l’activité gouvernementale soustraits à l’application des lois d’accès, de larges exceptions dérobant indûment des documents à l’accès, d’ingérence politique dans la gestion des lois, d’antagonisme de la part des responsables de leur application ou encore de non-respect institutionnalisé et systématisé (Banisar, 2006; Roberts 1998).

1.3. Développements au Québec

Pour ce qui est du cas spécifique du Québec, l’Assemblée nationale adoptait en 1982 la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (LAI). Le législateur québécois a prévu, par ailleurs, l’inclusion d’une clause de révision quinquennale à la Loi. L’année 2002 coïncide avec le dépôt du quatrième rapport de la Commission d’accès à l’information (CAI) sur la mise en œuvre de la LAI.

Les propositions avancées dans ce dernier rapport s’inscrivent clairement dans le développement d’une culture de la transparence. Elles visent, de façon générale, à créer un renversement du processus d’accès à l’information gouvernementale (CAI, 2002: ii). Selon le rapport de la CAI, l’information devrait idéalement être automatiquement accessible, plutôt que de dépendre d’une demande d’accès. À cela s’ajoute entre autre des recommandations portant sur l’extension de l’assujettissement des organismes publics à la LAI et la réduction de certains délais de restriction à l’accès. L’ensemble constitue une proposition de réforme majeure du régime légal d’accès à l’information et par le fait même des rapports entre l’État et ses citoyens-mandants. Le Projet de loi 86, adopté en juin 2006, intègre en partie les orientations adoptées par la Commission de la culture et modifie perceptiblement le régime légal québécois d’accès à l’information.

1.4. Le problème et sa pertinence

Les récents développements légaux dans le domaine de l’accès à l’information au Québec ainsi que les difficultés passées quant à la mise en œuvre de la LAI sont l’occasion de soulever un ensemble de questions qui nous apparaissent importantes. La première est celle de l’importance même de l’information gouvernementale et de son accès dans une société démocratique. À cette question

s’en rattache une autre, celle des moyens institutionnels permettant d’atteindre un niveau optimal d’information ou d’accès à l’information. Appliquées au cas spécifique du Québec, ces questions suggèrent un examen de l’état de la situation ainsi que son éclairage par un cadre normatif adéquat. Le manque de connaissance sur ce questionnement constitue un problème qui recèle une forte pertinence, tant sociale que scientifique.

1.4.1. Pertinence sociale

La transparence gouvernementale n’est pas une chose allant de soi, aux dires des observateurs en la matière. Une analyse employant un cadre à caractère économique identifiant les incitatifs institutionnels favorisant l’accessibilité répond conséquemment à une préoccupation d’efficience dans la gestion des affaires publiques.

Également, des sommes importantes sont consacrées à l’administration de la LAI. Bien qu’on ne connaisse pas les coûts exacts de l’administration de la LAI au Québec, une étude datant de 2000 estime que l’application de la loi fédérale coûte annuellement près de 50 millions de dollars aux canadiens (Conseils et Vérification Canada, 2000). Au Québec, le budget de la CAI à lui seul s’élève à près de quatre millions et demi de dollars en 2004-2005 (CAI, 2005). La recherche de la bonne gouvernance veut que ces sommes soient utilisées à bon escient.

1.4.2. Pertinence scientifique

L’étude des lois d’accès à l’information n’est pas un fait nouveau. Maintes recherches ont déjà été réalisées dans ce domaine. Ces travaux sont d’abord le fait de juristes qui se sont intéressés à décrire les tenants et les aboutissants des lois d’accès en termes d’obligations et de droits des différentes parties et institutions impliquées. Une autre partie importante des écrits touchant l’accès à l’information est réalisée par des auteurs en science de la gestion ou en sciences politiques.

Nos recherches viennent ajouter à la compréhension actuelle l’éclairage particulier de l’école des choix publics, de l’économie politique constitutionnelle et de l’analyse économique du droit. Un cadre théorique issu de ces disciplines place l’information comme une composante des coûts de transaction sur le marché politique. Plus spécifiquement, dans une perspective contractuelle des relations État-citoyens, nous examinons comment une meilleure accessibilité à l’information gouvernementale accroît l’efficacité politique.

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