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3. ANALYSE DES DONNÉES RECUEILLIES

Dans ce chapitre nous analyserons les ordres juridiques ayant une influence positive sur l’éradication du travail des enfants ou négative c'est-à-dire qui bien au contraire constitue un obstacle à la cessation des activités. Nous étudierons plus précisément les mouvements ascendants, c'est-à-dire les mouvements de la société civile indienne mais aussi les ONG internationales. Pour ce faire, nous avons effectué une synthèse des informations contenues dans les documents officiels des organisations internationales compétentes telles que les rapports de la commission de l’OIT, sur la Convention du travail forcé (numéro 29) et la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfance (CRC). Cette analyse nous permet de comparer notre typographie sociojuridique à l’analyse des résultats.

3.1. Les ordres juridiques contre le travail des enfants

Notre première analyse nous permet de démontrer l’existence d’un certain nombre d’ordres juridiques pour délégitimer le travail des enfants. Au niveau international, il s’agit surtout des campagnes médiatiques. Ces campagnes de sensibilisation sur le travail des enfants visent à favoriser l’implantation de la convention des Nations unies de 1989.

Nous observons ainsi une sensibilisation de la population, des fonctionnaires et bien sûr des premiers concernés, les enfants. L’information est propagée par le biais des médias ainsi que par des évènements divers (CRC; 2000, 2003, 2004). Ce processus visant à sensibiliser et mobiliser toutes les couches de la société est nécessaire pour diffuser la connaissance des normes du droit international relatif au travail des enfants. Au niveau du cadre législatif national, la diffusion par l’État se fait par le ministère du travail qui formule et met en application des politiques et des programmes pour le bien être des enfants travailleurs (CRC; 2000, 2003, 2004). Il fournit aussi directement de l’aide des organismes volontaires qui élaborent des projets pour la réadaptation par l’intermédiaire de l’éducation informelle, de la santé et de la nutrition. Par le biais de la police nationale du travail des enfants (NCLP), l’État s’est fixé comme objectif l’éducation obligatoire et universelle, l’amélioration du système d’éducation publique et la prévention du travail des enfants. Enfin, des organisations non gouvernementales (ONG), telle l’IPEC, évaluent les programmes tout en collaborant avec le gouvernement (CRC; 2000, 2003, 2004). Le gouvernement indien a ainsi engagé plus de 155 millions de dollars au cours de l’actuel plan entre 2002 et 2007. L’IPEC, quant à lui, n’a investi que 5 millions au cours de ces dernières années.

On observe une forte volonté de faire intervenir différents acteurs. Les organisations internationales et l’État ont recours à différents groupements, comme par exemple, la NCLP, la Cour suprême et les ONG.

3.2. Les ordres juridiques exerçant une résistance

Toutefois, notre pouvons observer un certain nombre d’ordres juridiques constituant autant d’obstacles à l’éradication du travail des enfants tel que le droit traditionnel ou le droit des collectivités locales.

Ce manque d’efficacité de la loi s’explique par le manque de surveillance et d’inspection périodique de la part des provinces et du ministère du travail. De plus, les employeurs cherchent un avantage concurrentiel en employant des enfants (Argawal, 2004). Ils peuvent échapper à la loi en divisant leur entreprise en petites structures ou en se faisant passer pour une entreprise familiale. Enfin, même si les inspecteurs essayent de faire respecter la loi, il y a un manque de personnel et les inspecteurs sont parfois mal formés (Argawal, 2004). Toutefois, comme le souligne Argawal (2004), les enfants travaillant avec leurs parents sont moins susceptibles d’exploitation que les enfants occupant un emploi salarié. Il est avant tout nécessaire de régler les conditions du travail, comme les heures du travail et les salaires plutôt que de légiférer pour éradiquer le travail des enfants (Argawal, 2004). Deux décisions de la Cour Suprême, en 1991 et 1996, vont dans ce sens et considèrent qu’il vaut mieux mettre en œuvre une approche holistique. C’est à dire que le gouvernement doit s’attaquer aux causes socio-économiques comme les lacunes du système d’éducation, et les problèmes systémiques liés aux castes, à la religion et à la position de la femme dans la société. Cette position entre en conflit avec la position de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui défend qu’une approche promotionnelle et de développement ne puisse remplacer la règle de droit (RCCIT, 2003).

3.3. Les mouvements ascendants

Dans cette partie nous essayons de démontrer que les mouvements sociaux favorisent la mise en place d’un pluralisme juridique au droit du travail en Inde. Les forces contre-hégémoniques permettraient de rendre la sphère du travail davantage compatible avec les normes à portées universelles par le biais de ce pluralisme juridique légal national. Tout d’abord nous faisons un bref rappel historique

Le droit du travail indien est né sous l’impulsion de syndicalistes. Issu de l’héritage colonial, il a été mis en place par des juristes formés à l’école juridique anglo-saxonne (Jaffrelot, 1996). C’est ainsi que certaines lois fondamentales ont été ratifiées pour satisfaire aux exigences de la nouvelle démocratie indienne (Jaffrelot, 1996). Elles codifient la durée du travail, les pratiques syndicales et l’âge minimum d’accès au travail (Jaffrelot, 1996). Jusque dans les années 80, il y eut une multiplication des lois protégeant les libertés du salarié (Jaffrelot, 1996). Cette évolution a été fortement influencée par la constitution progressive des standards internationaux. Jean-Bernard Auby (2003) parle de ce patrimoine commun d’identification des principes à sauvegarder et des violations à combattre. Cependant les grands bastions du syndicalisme, ces univers organisés des élites ouvrières, ne prennent pas en considération les branches anciennes et les entreprises isolées ou moyennes (Jaffrelot, 1996). Le syndicalisme étant rare dans ces structures, les dispositions légales sont en conséquence rarissimes, favorisant la multiplication du travail informel (Jaffrelot, 1996).

On peut considérer actuellement que se sont les ONG qui agissent comme groupe de pression en exigeant que les politiques soient encadrées et mises en application. Ces mouvements ascendants ont permis d’aboutir notamment au 93ème amendement (Devi, 2002). Ce dernier rend l’école obligatoire pour tous jusqu’à 14 ans et est surtout la réponse la plus récente et la plus emblématique à un mouvement populaire en matière d’éducation, initié par la société civile et surtout les ONG. Le rôle du SAACS (The South Asian Coalition on Child Servitude) a été déterminant dans cette démarche en attirant l’attention Internationale sur le travail des enfants dans l’industrie du tapis (Devi, 2002). En effet un grand nombre d’acteurs de la société civile, d’organisations et de communautés telles que les ONG, les juges, les professeurs, les parents, les enfants, les syndicats, les communautés religieuses, les gouvernements locaux etc. ont participé à cette coalition (Devi, 2002). Ce mouvement ascendant a également joué un rôle moteur dans la ratification de la convention 182 de l’OIT sur l’éradication des formes les plus dangereuses du travail des enfants.

Les audits locaux ont montré que le gouvernement ne peut pas agir sur tous les fronts. L’opinion publique reconnaît la nécessité de faire intervenir d’autres acteurs comme les ONG, les organismes religieux, les groupes d’intérêts communs etc.… Le concept de «gouvernance participative» devient alors une évidence face aux limitations des moyens du gouvernement et à la montée de l’influence de la société civile (Devi, 2002). Toutefois, certains auteurs contestent cette représentation de l’Inde fortement démocratique, car la société civile, tout comme le monde syndicale, peut être perçue comme aussi exclusive que l’État car réduite à la petite proportion de citoyens cultivés qui la représente (Chaterjee, 2001).

CONCLUSION

L’ensemble de notre recherche nous permet de démontrer que le paradigme du pluralisme juridique est essentiel pour comprendre les influences diverses qu’exerce le droit sur la problématique du travail des enfants. Ceci se dégage de la réponse de nos données. Différents types d’ordres juridiques agissent simultanément et se coordonnent plus ou moins difficilement. Tout comme Jean Guy Belley (2002), nous pouvons remarquer que l’État n’est plus nécessairement le centre névralgique de la production du droit. A travers notre analyse, nous avons pu identifier sept facteurs principaux: l’État fédéral, les organisations internationales, les ONG, les mouvements sociaux, les autorités locales, l’administration décentralisée et la communauté locale. Nous pouvons ainsi tracer une typologie sociojuridique du travail des enfants en Inde suite à l’analyse des données recueillies (Figure II, p 13). Nous observons que la plupart des acteurs opposés au travail des enfants exercent essentiellement des contraintes juridiques ou morales, mais l’effectivité reste limitée car elle ne permet pas une cessation des activités répréhensibles. De par la participation de ces protagonistes nous constatons que l’Inde est un cas d’école très intéressant car sa démocratie peut être considérée comme dynamique et plurielle. Nous ne voulons pas définir le pluralisme juridique comme deux champs hétérogènes, avec d’un côté les normes internationales et de l’autre les normes sociales, pourtant il faut remarquer que l’influence de la société civile est issue des traditions indiennes.

Notre étude permet d’effectuer le lien entre le pluralisme juridique et la reconnaissance d’une plus grande variété d’acteurs en relations industrielles (Belllemare, 2000; Bellemare et Ackeyi, 1999). Tout comme le pluralisme juridique on peut considérer que la critique du pluralisme des relations industrielles se fait eu égard de la coordination des différents acteurs et aux relations de puissance qui peuvent se mettre en place. On dépasse donc largement le cadre de Dunlop ou le système des relations industrielles est composé uniquement de trois acteurs: le syndicat, l’employeur et l’État (Bellemare, 2000). On peut rajouter les acteurs internationaux agissant au niveau national des relations industrielles (Bellemare et Ackéyi, 1999) mais aussi l’influence des mouvements ascendants qui n’a que peut de place dans les theories standards en relations industrielles.

Pourtant notre partie sur les mouvements ascendants nous a permis de démontrer que les mouvements sociaux peuvent être à l’origine de la mise en place d’ordres juridiques. Les acteurs aussi bien locaux, nationaux que globaux argumentent en utilisant à la fois les normes et les lois issues du droit national et du droit international. La «démocratie cosmopolite» ou «la gouvernance participative» constituent des forces contre hégémoniques (Held, 2005). La théorie politique estime que les mouvements sociaux favorisent un discours universel au-dessus de l’État Nation, tout en prenant en considération les spécificités locales. Bien que la démocratie et la constitution indiennes aient été mises en place en s’appuyant sur des mouvements de classes et de castes, elles ne véhiculent pas toujours les principes d’égalité. La société indienne guidée par une vision sociale du droit a naturellement intégré le pluralisme juridique dans sa constitution. De plus, une multiplication légale des acteurs juridiques a favorisé l’émergence du pluralisme juridique. On s’écarte ainsi de la vision classique du droit où l’État est l’acteur principal. La démocratie plurielle suit le même cheminement au niveau du droit du travail.

La société indienne a été schématiquement constituée de deux grands mouvements. Le premier courant a permis de faire émerger une démocratie plurielle. Malheureusement, la normalisation du monde ouvrier est surtout le fait d’une culture d’élites favorisant la mise en place de privilèges propres à leurs communautés. Il s’agit de la notion «top down» mettant en exergue le fait que les intérêts corporatifs puissent influencer la vision de la société civile comme vision moralisatrice pour stabiliser le statu quo social (Perret, 2003). Le monde rural et le secteur informel sont très rarement concernés par les dispositions du gouvernement et ne bénéficient que peu des centrales syndicales. C’est à la suite de ce constat qu’est apparu le deuxième courant qui est beaucoup moins sous l’emprise formelle de l’État. Ce courant se positionne réellement comme un mouvement plébéien. C’est-à-dire qu’il joue avant tout un rôle de catalyseur, en tant que groupe de pression, il essaye de faire appliquer les droits fondamentaux. On peut donc considérer qu’il y a deux courants opposés. La démocratie et l’universalisme ne sont pas forcément le seul fait des sociétés civiles indiennes actuelles, mais de plus en plus sont la conséquence des actions menées par des ONG internationales avec la finalité de réellement mettre en place une démocratie cosmopolite basée sur la solidarité communautaire.

FIGURE 2

Une typologie sociojuridique du travail des enfants en Inde suite à l’analyse des données recuillies

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