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CONSTATS ET CONTRAINTES MÉTHODOLOGIQUES

Région métropolitaine 3 523 744 (2005) 5 4 770 180 (2005)

FIGURE 3 Niveaux d’investigation

2. CONSTATS ET CONTRAINTES MÉTHODOLOGIQUES

Dans le cas du bill 26, nous avons retenu la totalité des mémoires déposés à l’assemblée nationale, les procès verbaux des débats reliés à la loi et le Rapport du comité d’étude sur l’assistance publique (Rapport Boucher) de 1963. En ce qui concerne la loi 112, 114 auditions publiques ont été tenues et toutes les organisations conviées ont déposé un mémoire. Comme il nous a paru irréaliste de prendre en considération tous ces documents dans le cadre d’un mémoire de maîtrise, nous avons dû procéder à une classification suivie d’un échantillonnage. Ainsi, à partir des quatre grands acteurs correspondant aussi aux forces sociales en présence lors du sommet socio-économique de 1996, précurseur de la loi 112, soit le Patronat, les Syndicats, l’État et le Socio-communautaire, nous avons élaboré une classification adaptée à notre objet en tenant compte des typologies d’acteurs déjà existantes (Voir annexe). Pour chaque catégorie d’acteur, un échantillon minimum de 20% jusqu’à concurrence de 100% des mémoires et des audiences publiques a été retenu.

2.1. Les acteurs en présence dans l’adoption du Bill 26

D’entrée de jeu, il est impossible d’analyser les acteurs en présence sans faire référence à l’État fédéral puisque le destin de la loi de l’aide sociale était intimement lié à celui du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) qui prévoyait d’assumer 50% des frais encourus par les programmes d’assistance publique mis en place par les provinces. Comme le souligne Boychuk (1998, p.85), la présence de l’acteur fédéral pourrait avoir constitué un levier dans l’adoption du bill 26: “The extension of federal cost-sharing coincided quite closely with the emergence of the

powerful forces unleashed by the fracturing of traditional Quebec society, through it is difficult to gauge the relative weight of each in reshaping the social assistance system.” Par contre, même si la

nécessité d’un interventionnisme accru apparaissait aux acteurs des deux paliers, un fossé les séparait: la dimension constitutionnelle. Ainsi, autant le gouvernement Lesage que Bertrand a voulu s’extraire du programme à frais partagé, estimant que l’aide sociale devait être de juridiction provinciale. Le Québec voulait mettre en place un modèle de développement qui soit à son image.

2.2. L’État québécois, acteur central dans la construction de l’État-providence

Jusqu’à la fin du régime Duplessiste, la gestion de la pauvreté relevait essentiellement de la sphère privée et prenait place dans les solidarités traditionnelles. À partir de la prise du pouvoir par le parti libéral de Jean Lesage en juin 1960, l’État québécois a pris un grand virage pour s’engager dans la Révolution tranquille. Les bureaucrates ont joué un rôle décisif dans la promotion des idées réformistes, notamment les auteurs du rapport Boucher. Bien que la réflexion sur l’adoption d’une loi de l’aide sociale ait été impulsée sous le gouvernement Lesage, c’est par l’Union nationale qu’elle a été sanctionnée. Nous constatons que le processus d’adoption de la loi s’est fait sans débat idéologique, sans remise en question des stratégies fondamentales à privilégier. Tous partageaient une même conscience du retard du Québec dans le développement social et du caractère inacceptable d’une telle situation dans un pays développé. Sans conteste, l’État devait endosser son rôle de régulateur social.

2.3. Les acteurs sociaux impliqués dans la formulation du Bill 26

Bien que l’on sache que les syndicats et le mouvement ouvrier, au cœur du rapport salarial et du compromis fordiste, ont été des acteurs décisifs dans la construction des États-providence (Lipietz, 1989; Vaillancourt, 1986), notre corpus de données ne nous permet pas de confirmer leur implication. Nonobstant cette absence, on dénombre une vingtaine d’associations s’étant prononcée en commission parlementaire, pour la plupart des organisations religieuses ou des comités de citoyens, ces derniers étant le fidèle reflet de la décennie des années 1960 où ils constituaient la principale forme organisationnelle du mouvement populaire. Mettant de l’avant la notion de droits sociaux, ces acteurs proposaient des stratégies fortement démarchandisantes et évoquaient les causes structurelles de la pauvreté. Pensons à la phrase fracassante de Paul Deboies (P.V., p.3801) : « You goddamn pea

soup, speak white! » qui témoigne de la domination économique structurelle des francophones par les

anglophones. Bien que favorables à l’adoption du bill 26, certains acteurs mettaient de l’avant des stratégies inclusives, se distinguant du modèle de développement fordiste providentialiste et de sa bureaucratisation, sa centralisation et sa hiérarchisation. Soulignant le déficit de participation caractéristique des rapports de consommation providentialistes, le Secrétariat social de St-Roch (mémoire, p.2) a critiqué ainsi le rôle de l’État: «S’il veut tout remplacer, il détruit sa principale richesse qui est l’initiative des citoyens et des corps intermédiaires et se précipite dans une aventure sans issue.». Nous constatons que déjà des acteurs sociaux proposaient des stratégies innovantes et marquant une rupture avec la logique bureaucratique inhérente au providentialisme.

2.4. Processus technocratique ou volonté de consultation?

À l’instar du fait que le gouvernement Bertrand ait manifesté une ouverture à entendre les acteurs sociaux en commission parlementaire, le processus d’audition a été contesté à cause du délai très court accordé aux organisations pour préparer leur mémoire et leur intervention en chambre. Ainsi, plusieurs ont souligné les vices de procédure, qualifiant celle-ci de vétuste et d’insatisfaisante; d’autres allant jusqu’à tenir des propos fumants à l’égard du processus et manifestant un réel mécontentement. Bien que nous reconnaissions une certaine recherche de démocratisation qui nous permette de conclure à la mise en place des premiers jalons d’une démarche plus inclusive et

délibérative; l’adoption du bill 26 s’est fait de manière somme toute assez bureaucratique et technocratique, laissant à l’État, son gouvernement et ses fonctionnaires, l’essentiel de la tâche. Nous pourrions dès lors affirmer que la vision du monde fordiste selon laquelle il était efficient que «l’organisation de la production soit réservée à des groupes dominants» (Lipietz, 1989, p.24) a été appliquée à l’élaboration du bill 26. La construction et la réalisation des politiques sociales de la Révolution tranquille s’est souvent faite en passant à côté de la contribution de la société civile (Vaillancourt, à paraître). Envers positif de la crise du providentialisme, c’est suite à la critique des mouvements sociaux qu’une plus grande pluralité d’acteur a été reconnue et, qu’à la recherche d’un nouveau compromis, les acteurs de la société civile sont parvenus à obtenir un pouvoir dans la production et l’ingénierie des politiques sociales à travers des partenariats institutionnalisés (Lévesque, 2003).

2.5. Le Bill 26: incertitudes et premiers pas vacillants d’un État-providence

Globalement, nous avançons que les discussions ont été orientées davantage vers le comment que le pourquoi. La teneur pratique des questions soulevées nous en apprend beaucoup sur le contexte de l’époque qui en était un de changement et de grand déploiement d’un appareil providentialiste. Alors que jusque là les structures étaient disparates et peu fonctionnelles, il s’agissait de mettre en place une architecture sociale moderne et unifiée qui soit efficace. La nature des rapports de consommation entre le bénéficiaire et l’agent de service social devaient être fondés sur la compétence et non pas, comme dans le passé, sur la bienveillance et la bonne foi. Au plan des idéologies et des valeurs il semblait régner une certaine unanimité, entre les différents paliers gouvernementaux, entre les partis politiques, mais aussi au sein de la société civile: tous reconnaissaient la nécessité de faire la transition d’un État libéral à un État-providence et de faire se substituer une loi moderne, démarchandisante, progressiste et fondée sur la notion de droits sociaux à un système de sécurité social minimaliste et désuet.

3. LES ACTEURS EN PRÉSENCE DANS LA LOI 112 VISANT À LUTTE CONTRE

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