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Le régime plurilatéral des contrats publics à partir de l’exclusion du GATT et de l’AGCS

Section 1. Les contrats publics dans le cadre de l’OMC

A. Le droit des contrats publics comme partie du droit du commerce mondial

1. Le régime plurilatéral des contrats publics à partir de l’exclusion du GATT et de l’AGCS

L’harmonisation dans le cadre de l’OMC fait partie des règles du commerce mondial (A) en comprenant droits et obligations (B).

A. Le droit des contrats publics comme partie du droit du commerce mondial

Les contrats publics ont été expressément exclus de très importantes règles de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Cette exclusion a conduit à la création d’un régime juridique « plurilatéral » des contrats publics (1) sous les principes de non discrimination, transparence et équité (2).

1. Le régime plurilatéral des contrats publics à partir de l’exclusion du GATT et de l’AGCS

L’exclusion des contrats publics du GATT et de l’AGCS (i) explique l’existence des accords plurilatéraux spécifiques de 1994 et de 2012 déjà cités (ii). Le Code de Tokyo de 1979, fréquemment cité comme le précédent de l’actuel droit des contrats publics à l’OMC, permet une meilleure compréhension de l’actuelle harmonisation dans une perspective historique. En résumé, les accords plurilatéraux de 1994 et de 2012 constituent le corpus iuris de l’harmonisation et cette harmonisation peut être aperçoit comme une ligne de continuité et une progression législative (iii).

591 Préambule de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation Mondiale du Commerce.

161 (i) L’exclusion sans préambules

L’article III du GATT, consacré au traitement national en matière d’impositions et de réglementations intérieures, n’est pas applicable: « aux lois, règlements et prescriptions régissant l’acquisition, par des organes gouvernementaux, de produits achetés pour les besoins des pouvoirs publics et non pas pour être revendus dans le commerce ou pour servir à la production de marchandises destinées à la vente dans le commerce ». 592 Ce sont les termes de l’exclusion.

D’ailleurs, l’AGCS établit ses règles sur le traitement de la nation la plus favorisée (article II), sur l’accès aux marchés (article XVI) et sur le traitement national (article XVII); et ce même accord exclu les contrats publics:

« Les articles II, XVI et XVII ne s’appliqueront pas aux lois, réglementations ou prescriptions régissant l’acquisition, par des organes gouvernementaux, de services achetés pour les besoins des pouvoirs publics et non pas pour être revendus dans le commerce ou pour servir à la fourniture de services destinés à la vente dans le commerce ».593

Les termes de ces deux exclusions ont conduit à un rythme particulier des contrats publics dans le cadre des règles du commerce mondial au sein de l’OMC. Dans le contexte de l’époque de la signature du GATT et du AGCS, il s’agissait d’une question

« pragmatique » à cause de la politique interne d’acquisitions594, ce qui a conduit à un

592 Paragraphe 8 a) de l’art. III du GATT. Nous soulignons.

593 AGCS: paragraphe 1 de l’art. XIII. Voir: ZACHARIAS (D), « Article XIII », in WTO-Trade in Services: Trade in Services (WOLFRUM (R), et al, éditeurs), Max Planck Commentaries on World Trade Law, vol. 6, Max Planck Institute for Comparative Public Law and International Law, 2008, pp. 272-286.

594 ANDERSON (R) et MULLER (A), « The revised WTO Agreement on Government Procurement (GPA): Key Design Features and Significance for Global Trade and Development », WTO Working Paper ERSD-2017-04 (26 janvier du 2017), p. 15: « The exclusion of government procurement from these provisions reflects a pragmatic acceptance » on dit.

< https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201704_e.pdf >. Vu le 8.08.2018.

162 régime spécifique pour les contrats publics595; spécifique, mais non complètement déconnecté de l’OMC.596

En effet, l’harmonisation plurilatérale des contrats publics au sein de l’OMC doit être vue comme un régime spécifique de libéralisation d’un secteur au sein de cette organisation internationaleet non comme un secteur en dehors des objectifs de l’OMC, comme nous le détaillerons.

(ii) L’harmonisation à partir de l’exclusion

Suite à l’exclusion des contrats publics du GATT et de l’AGCS, il convient de préciser que « plurilatéralité » ne signifie pas « multilatéralité »; il est indispensable de retenir cette précision avant de continuer. Effectivement, dans la terminologie du droit international, « plurilatéralité » et « multilatéralité » ne sont pas synonymes; la différence entre ces deux termes juridiques implique quelques difficultés. On dit qu’il n’est pas du tout facile de définir les expressions « plurilatéral » et « multilatéral ».597 Il ne s’agit pas d’un jeu de mots, mais de deux significations juridiques différents. Dans grandes lignes:

« Du point de vue objectif, les traités plurilatéraux visent à régler des questions qui intéressent seulement les parties, alors que les traités multilatéraux visent à énoncer des normes générales de droit international ou à régler des questions d’intérêt général.

L’élément subjectif est que seul un groupe restreint d’États peuvent devenir parties aux traités plurilatéraux, alors que les traités multilatéraux sont ouverts à la participation de tous les États ou, du moins, d’un nombre considérable d’États ».598

595 Tenir compte du paragraphe 2 de l’art. XIII de l’AGCS: « Des négociations multilatérales sur les marchés publics de services relevant du présent accord auront lieu dans un délai de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC ».

596 Voir: ANDERSON (R) et MULLER (A), « The revised WTO Agreement on Government Procurement (GPA): Key Design Features and Significance for Global Trade and Development », op. cit, pp. 15-18.

597 Annuaire de la Commission du droit international 1962, vol. I (A/CN.4/SR.642), p. 86.

598 Idem, p. 87. Nous soulignons.

163 En ce qui concerne les contrats publics, le caractère « plurilatéral » de l’AMP 1994 et de l’AMP 2012 implique une particularité à l’intérieur de la même OMC à mesure que les règles de ces accords ont force obligatoire uniquement pour quelques membres de l’OMC, concrètement pour ceux qui sont partie des deux accords et pas pour tous les membres de l’OMC.599 En synthèse, ces accords doivent être lus en évitant d’identifier ses règles avec les obligations multilatérales qui concernent tous les membres de l’OMC.600

(iii) L’harmonisation en perspective historique

Le Code de marchés publics issu du Tokyo Round de 1979 est bien assumé comme le point de départ de l’harmonisation du droit des contrats publics à l’échelle mondiale.

Dans ce code, les Parties reconnaissaient déjà « la nécessité d’établir un cadre international... en matière de marchés publics, en vue de réaliser l’expansion et une libération plus large du commerce mondial... » et « d’assurer la transparence des lois, règlements, procédures et pratiques en matière de marchés publics ».601 Ce code fût conçu sur la base du principe du traitement national et du principe de non-discrimination602 et celui-ci était « conditionné par le principe de la réciprocité qui éloigne de la clause de la nation le plus favorisée en introduisant une logique bilatérale ».603

599 Voir le paragragrahe 3 de l’art. II de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation Mondiale du Commerce.

600 Voir le paragragrahe 2 de l’art. II de l’Accord de Marrakech.

601 Préambule.

< https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/tokyo_gpr_f.pdf >. Ce code est le résultat d’une période de négociations entre 1976-1979.

602 Article II, paragraphe 1: « En ce qui concerne toutes les lois, tous les règlements, ainsi que toutes les procédures et pratiques concernant les marchés publics visés par le présent accord, les Parties accorderont immédiatement et sans condition, aux produits originaires du territoire douanier (y compris les zones franches) des Parties au présent accord et aux fournisseurs offrant ces produits, un traitement qui ne sera pas moins favorable:

a) que celui accordé aux produits et aux fournisseurs nationaux, ni

b) que celui accordé aux produits de toute autre Partie et à leurs fournisseurs ».

603 RICHER (L), L’Europe des marchés publics: Marchés publics et concessions en droit communautaire, Paris, LGDJ, 2009, p. 52.

164 Le Code de Tokyo est entré en vigueur en 1981. Ce code n’acceptait pas de réserves.604 Il prévoyait les procédures de passation des contrats publics605 et un traitement spécial et différencié en faveur des pays en voie de développement.606 Ce code constituait un ensemble de règles et il se servait déjà du système de listes pour identifier les entités étatiques concernées et les contrats couverts par ses règles607 (une technique législative standard utilisée aussi au sein de l’UE et à l’AMP 1994 et à l’AMP 2012). Les règles du Code de Tokyo étaient applicables en fonction d’un seuil.608 En plus, ce code déjà empêchait le fractionnement du contrat609 (faite pour éviter l’application de ses règles, c’est le « saucissonnage » comme on dit dans l’argot du droit administratif de la francophonie).

Dans ce contexte historique, il y avait une adhésion très significative: l’adhésion de l’ancienne Communauté économique européenne.610 L’adhésion de l’UE aux textes d’harmonisation mondiale du droit des contrats publics reflète, d’un côté –comme le professeur Emanuel Castellarin remarque-, « la recherche de l’harmonie entre les activités de l’Union et des institutions économiques internationales »611; et, d’un autre côté, le rôle de l’UE « comme un acteur collectif à l’OMC »612 et comme un membre de l’OMC « sur un pied d’égalité avec ses États membres ».613 L’effet de cette adhésion sur le droit administratif est incontestable, mais relatif aussi à cause du seuil qui trace une

604 Art. IX, paragraphe 2.

605 Art. V.

606 Art. III.

607 Art 1, paragraphe 1, lettre c): « Jusqu’à l’examen et aux nouvelles négociations... le champ d’application du présent accord est déterminé par les listes des entités et, dans la mesure où des rectifications, des modifications ou des amendements y auraient été apportés, des entités qui leur auront succédé, reprises à l’annexe I ».

608 Art 1, paragraphe 1, lettre b): « Les quantités à acquérir ne seront en aucun cas scindées dans l’intention de ramener la valeur des marchés à conclure au-dessous de 150 000DTS ».

609 Dans le cadre de l’harmonisation de l’UE, voir: Paragraphe 3 de l’art. 5 de la directive 2014/24, paragraphe 4 de l’art. 8 de la directive 2014/23, paragraphe 3 de l’art 16 de la directive 2014/25.

610 Faite sur la base de la Décision 80/271/CEE du Conseil du 10 décembre 1979 concernant la conclusion des accords multilatéraux résultant des négociations commerciales 1973-1979.

611 CASTELLARIN (E), La participation de l’Union Européenne aux institutions économiques internationales, Paris, Pedone, 2017, p. 53.

612 SERDAREVIC (A), The European Union as a collective actor in the World Trade Organization, Londres, Cameron May, 2013; voir pp. 133-210.

613 NEFRAMI (E), Les accords mixtes de la Communauté européenne: aspects communautaires et internationaux, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 235.

165 frontière entre les contrats en fonction de leur valeur économique, comme nous le verrons dans les pages suivantes.

En suivant le fil historique, le Code de Tokyo fut révisé en 1987614 et, après, l’AMP 1994 est apparu.615

L’AMP 1994 est un traité de vingt-quatre articles616 qui assume la force conventionnelle du système de listes qu’il utilise.617 Cet accord a conçu une harmonisation sur la base de trois principes: non discrimination, transparence et équité procédurale.618 La révision de l’AMP 1994 conduit à l’AMP 2012619, connu aussi sous le nom de « l’accord révisé ».

L’accord révisé ne constitue pas un changement d’orientation, c’est une évolution du texte de 1994620; ces accords génèrent un ensemble de règles qui fortifient la libre concurrence au secteur des contrats publics. Effectivement, les règles créées empêchant des « subtilités » administratives pour camoufler le protectionnisme, sur tout dans le

614 < https://www.wto.org/french/tratop_f/gproc_f/gpa_rev_text_1988_f.pdf >; à l’époque, la CEE participait au développement du droit international des contrats publics (le Code fût pris en compte par la directive 88/295/CEE du Conseil du 22 mars 1988 modifiant la directive 77/62/CEE, les deux cités au premier chapitre du titre I).

615 Pour connaître l’accord dans son contexte, voir le document: HOEKMAN (B) et MAVROIDIS (P), « The World Trade Organization’s Agreement on Government Procurement: Expanding Disciplines,

Declining Memberships? » 1995 <

http://documentos.bancomundial.org/curated/es/719271468740698259/The-World-Trade-Organizations-agreement-on-government-procurement-expanding-disciplines-declining-membership > Vu le 8.08.2018.

616 Sur l’AMP 1994 au contexte de l’époque (avant l’AMP 2012), voir: LUFF (D), Le droit de l’organisation mondiale du commerce. Analyse critique, Bruxelles, Bruylant; Paris, LGDJ, 2004, pp. 735-759; MATSUSHITA (M), SCHOENBAUM (T) et MAVROIDIS (P), The World Trade Organization.

Law, Practice and Police, Oxford University Press, 2006, pp. 739-762; parmi d’autres textes de référence.

617 Le paragraphe 12 de l’art. XXIV remarque ce qui suit: « Les Notes, Appendices et Annexes au présent accord en font partie intégrante ».

618 Entre d’autres auteurs: BARRET (J) et STANKS (R), « La question des marchés publics à l’OMC ».

Commentaire sur la politique économique et commerciale, Ministère des Affaires étrangers et du commerce (Canada), 1998, p. 4; ZAPATERO (P), « La transformación del Estado en un nicho de mercado:

Disciplinas globales de la contratación publica », Revista Electrónica de Estudios Internacionales, numéro 27, 2014, p. 6.

619 Voir: ANDERSON (R) et MULLER (A), « The revised WTO Agreement on Government Procurement (GPA) », op. cit, pp. 6-8.

620 L’AMP 1994 n’est plus en vigueur. On peut lire sur le site de l’OMC ce qui suit : « Cet accord a été modifié le 30 mars 2012 et a été entièrement remplacé par l’AMP 2012 le 1er janvier 2021) »

< https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gpr-94_02_f.htm >.

166 cadre des spécifications techniques des appels d’offres publiques.621 De cette façon, l’harmonisation introduit « des règles internationales de concurrence sans droit international de la concurrence »622 au sein de l’OMC.623

2. La continuité des principes du droit des contrats publics dans le cadre de l’OMC

Les professeurs Anderson et Arrowsmith confirment que l’accord révisé essaie de simplifier la structure du texte de 1994.624 Philippe Pelletier résume, l’AMP 2012

« améliore significativement le texte de l’AMP 1994, toute en demeurent basé sur les mêmes principes ».625 En effet, les deux accords partagent les principes de non discrimination, de transparence et d’équité procédurale.

En ce qui conerne le principe de non discrimination, comme le professeur William J.

Davey remarque, la non discrimination « is a fundamental principle underlying the World Trade Organization and many of its agreements have specific non discrimination rules ».626 En ce qui concerne la non discrimination aux contrats publics, l’AMP 1994 reconnaissait déjà deux obligations: d’un côté, l’obligation de donner un traitement non moins favorable « que celui accordé aux produits, aux services et aux fournisseurs

621 Par exemple, dans le cadre de l’AMP 2012, voir: le paragraphe 5 de l’art. X (en matière des spécifications techniques), le paragraphe 1 de l’art. XIII (sur l’appel d’offres limité), l’art. XVII (sur la divulgation de renseignements).

622 ABDELGAWAD (W), « Les règles de la concurrence dans les accords de l’OMC: le déséquilibre d'un système de libre-échange sans police des marchés », in Mondialisation et droit de la concurrence. Les réactions normatives des Etats face à la mondialisation des pratiques anticoncurrentielles et des opérations de concentration (Actes du colloque des 14 et 15 Jun 2007 à Dijon) (ABDELGAWAD (W), directeur), Paris, LexisNexis Litec, 2008, p. 239.

623 D’ailleurs, garder à l’esprit que l’accord sur les Obstacles Techniques au Commerce dans l’OMC précise ce qui suit: « Les spécifications en matière d’achat qui sont élaborées par des organismes gouvernementaux pour les besoins de la production ou de la consommation d’organismes gouvernementaux ne sont pas assujetties aux dispositions du présent accord, mais sont couvertes par l’Accord sur les marchés publics conformément à son champ d’application », paragraphe 4 de l’art.1. Nous soulignons.

624 ANDERSON (R) et ARROWSMITH (S), « The WTO regime on government procurement: past, present and future », in The WTO Regime on Government Procurement: Challenge and Reform (ANDERSON (R) et ARROWSMITH (S), éditeurs), Cambridge University Press, Cambridge, 2011, p.

23.

625 PELLETIER (Ph), « La révision de 2012 de l’Accord de l’OMC sur les marchés publics: son contexte et les dimensions de son champ d’application », op. cit, p. 124.

626 DAVEY (W), « Non-discrimination in The World Trade Organization: The Rules and Exceptions », Ail-Pocket, La Haye, 2012, p. 55.

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