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Les contrats publics comme une modalité d’investissements soumise à l’arbitrage

Section 2. Les contrats publics et l’UE en tant que domaine en constante évolution

A. Les contrats publics comme une modalité d’investissements soumise à l’arbitrage

Pour connaître la relation entre le droit international des investissements et les contrats publics, il est nécessaire de connaître le traitement juridique des contrats publics dans les traités internationaux de protection des investissements (1). Ce traitement entraîne un régime juridique et certaines conséquences dans le cadre de la responsabilité de l’État en vertu du comportement des entités étatiques (2).

514 LEBEN (Ch), « Introduction » de l’ouvrage collectif: Le droit européenne et l’investissement (KESSEDJIAN (C) et LEBEN (Ch), directeurs), Paris, éditions Panthéon, 2009. p. 15.

515 « Jusqu’à une époque récente, le droit européen et le droit international des investissements fonctionnaient dans des sphères presque cloisonnées », ANOU (G), « Les conflits entre le droit de l’Union européenne et le droit international des investissements dans l’arbitrage CIRDI », Journal du droit international, numéro 2/2015, p. 506.

516 Idem, p. 525.

136 1. Les contrats publics dans le cadre du droit international de l’investissement

En macro perspective, les traités bilatéraux de protection des investissements (TBI) sont l’un des principaux instruments du droit international de l’investissement.517

À titre préliminaire, nous noterons que les TBI contiennent des règles substantives pour le traitement d’investissements et des règles pour la solution de différences entre l’investisseur et l’État d’accueil de l’investissement. Les règles substantives comprennent des aspects comme la définition bilatérale de l’ « investissement »518 et les standards de protection du droit international des investissements comme, par exemple, le « traitement juste et équitable », un terme qui a été considéré comme un concept juridique indéterminé mais qui est aussi accueilli dans les Principes de l’OCDE pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics.519 D’ailleurs, les règles pour solution de différences des TBI accueillent l’arbitrage dans le cadre des mécanismes de règlement des différends.520 Si tel est le cas, la construction d’un éventuel droit international des contrats publics devrait analyser la pertinence et la contribution de l’arbitrage.

517 Il existe environ 2600 accords bilatéraux d’investissement dans le monde. Source: FACH (K), « Acuerdo de protección y promoción recíproca de inversiones », in Enciclopedia de Arbitraje (COLLANTES (J), directeur), Biblioteca de arbitraje, Lima, 2018, p. 45.

518 Dans ce contexte, on va prendre un TBI comme exemple. Dans ce sens, nous prendrons le TBI entre la République française et la République de Turquie signé à Ankara le 15 juin 2006. L’art. 1 de cet accord dit ce qui suit:

« Le terme «investissement» désigne tout type d’avoirs investis par un investisseur d’une Partie contractante sur le territoire de l’autre Partie contractante conformément à la législation de cette dernière et, plus particulièrement mais non exclusivement: ...

e) les concessions accordées par la loi ou en vertu d’un contrat, notamment les concessions relatives à la prospection, la culture, l’extraction ou l’exploitation de richesses naturelles, sur le territoire de chacune des Parties contractantes tel qu’il est défini ci-après ». Nous soulignons.

519 Principe 1 de ces principes.

520 Par exemple, en continuant avec le TBI entre la France et la Turquie, l’article 8 de ce traité, annonce ce qui suit: différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats ouverte à la signature à Washington le 18 mars 1965. Lorsque l’investisseur a soumis ou accepté de soumettre le différend soit aux tribunaux, soit à l’arbitrage, le choix de la procédure est définitif ».

137 2. Les conséquences juridiques de la considération des contrats publics comme une modalité d’investissement

Si un contrat de nature publique peut être une modalité d’investissement, l’exécution du contrat pourrait avoir simultanément deux régimes juridiques: le régime convenu dans le contrat (peut-être régi par le droit étatique) et le régime du droit international des investissements. De ce point de vue, un « concessionnaire » peut être un « investisseur » et, par conséquent, il pourrait être titulaire des droits découlant d’un TBI même si ces droits ne sont pas reconnus sur le contrat ou dans la législation nationale comme, par exemple, le droit de recourir à l’arbitrage.521

De même, d’une manière générale, il faut garder à l’esprit le droit applicable dans l’arbitrage d’investissement, y compris quelques contrats de nature publique.522 Dans l’arbitrage d’investissement, l’ordre juridique applicable peut être l’ensemble des sources du droit international et pas seulement un droit étatique.523 Dans ce contexte, il importe de souligner que les principes du droit international ont une importance particulière en ce qui concerne les contrats qui constituent un investissement. À titre d’exemple, le modèle français de TBI de 2006 reconnaît également les principes du droit international en matière de traitement équitable et applicable.524 Dans cette ligne, par exemple, l’accord entre l’Espagne et la Chine du 14 novembre 2005 considère quelques contrats comme une modalité d’investissement et

521 Pour expliquer cette réalité, prenons comme exemple le TBI entre la France et le Sénégal du 26 juillet 2007, en vertu duquel les entités publiques sont concernées:

« Dans le cas où le différend est de nature à engager la responsabilité pour les actions ou omissions de collectivités publiques ou d’organismes dépendants de l’une des deux Parties contractantes, … ladite collectivité publique ou ledit organisme sont tenus de donner leur consentement de manière inconditionnelle au recours à l’arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), au sens de l’article 25 de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats, signée à Washington le 18 mars 1965 ».

522 Voir aussi: CRÉPET DAIGREMONT (C), « L’arbitrage international des contrats d’investissement, entre droit international public et droit international privé », in Mélanges offerts à Charles Leben Droit international et culture juridique, Paris, Pedone, 2015, pp. 285-308; DUTREY (Y), « El papel del Derecho internacional privado en el Derecho internacional económico y en las inversiones internacionales », in Derecho internacional económico y de las inversiones internacionales, primera parte, (COLLANTES (J-L), directeur), Lima, Palestra 2009, pp. 103-128 (principalment à partir de la p. 114).

523 Voici, sur le terrain, l’importance de ne pas considérer l’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice comme un texte annonçant « toutes » les sources du droit international.

524 Art. 4. Sur cet article voir: BANIFATEMI (Y) et WALTER (A), « France », in Commentaries on Selected Model Investment Treaties (BROWN (Ch) éditeur), Oxford University Press, 2013, pp. 257-261.

138 reconnaît « les principes du droit international universellement acceptés » dans le cadre du droit applicable à un différend dans le contentieux.525

En conséquence, les contrats de nature publique considérés comme une modalité d’investissement peuvent avoir un régime plus spécifique, notamment en ce qui concerne la phase d’exécution du contrat en raison du TBI applicable à l’investissement.526 Dans le même ordre d’idées, il faut noter que, dans le cadre du droit international de l’investissement, la coutume internationale peut être appliquée527 et les Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international aussi.528

En résumé, si un contrat est considéré comme une modalité d’investissement, il y a aussi une nuance très importante en ce qui concerne le régime juridique, qui serait plutôt une simultanéité de régimes entre le régime contractuel et le régime conventionnel; et celui-ci peut signifier une conséquence juridique très importante: la responsabilité de l’État en vertu du droit international et non pas seulement la responsabilité contractuelle de l’entité contractante dans le cadre du droit administratif de l’État.

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