• Aucun résultat trouvé

Section 2. L’harmonie au-delà de la diversité des règles et principes

A. La syntonisation des obligations internationales

Une lecture parallèle des directives de la quatrième génération permet de constater que l’évolution du droit des contrats publics renforce certaines matières couvertes par les différents traités multilatéraux tels que, par exemple, la promotion des droits des personnes handicapées, la protection de l’enfance et la lutte contre la traite des êtres humains (1). De même, les directives choisissent parfois de ne pas préciser de mesures concrètes en utilisant la formule « prendre les mesures nécessaires » Le recours au terme « mesures appropriées », est-ce que cela signifie une ambiguïté dans l’harmonisation? (2).

After Ruggie: Foundations, the Art of Simplification and the Imperative of Cumulative Progress », in UN Guiding Principles on Business and Human Rights: Foundations and Implementation (MARES (R) éditeur), Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2012, p. 21.

324 Dans ce contexte, il faut garder à l’esprit que le droit des contrats publics n’est pas un droit isolé des différents domaines du droit. À cet égard, le professeur Roberto Caranta précise ce qui suit: « Suffice it here to recall that environmental impact assessment has for a long time been a necessary procedural step for the realisation of many public works projects and that social legislation ranging from security at the workplace to accessibility for all is relevant for both the design and implementation of public works contracts », CARANTA (R), « Sustainable Public Procurement in the EU », in The Law of Green and Social Procurement in Europe (CARANTA (R) et TRYBUS (M), éditeurs), Copenhagen, DJØF Publishing, 2010, p. 16 (cette œuvre collective décrit le développement des clauses sociales et de protection de l’environnement dans le droit de l’Union européenne et de certains États membres avant les directives de 2014). Voir aussi: GONZÁLEZ (J), « Sostenibilidad social y ambiental en la Directiva 2014/24/UE de contratación pública », Revista española de Derecho europeo, numéro 56, 2015, pp. 13-42.

Le professeur Christopher Bovis souligne que le facteur environnement dévoile « the importance of public procurement in relation to harmonization and even standardization of national policies », BOVIS (Ch), « The principles of public procurement regulation », in Research Handbook on EU Public Procurement Law (BOVIS (Ch) éditeur), Cheltenham / Northampton, Elgar, 2016, p. 57.

89 1. Les contrats publics dans la promotion des droits des personnes handicapées, la protection de l’enfance et la lutte contre la traite d’êtres humains

L’humanisation du droit des contrats publics, c’est est un long chemin à parcourir. L’UE a fait un grand pas en ce qui concerne la relation entre les contrats publics, les droits des personnes handicapées (i) et la protection de l’enfance et la lutte contre la traite d’êtres humains (ii). La relation existe, mais au sein de l’UE, cette relation, révèle-elle aussi une fragilité ?

(i) Les droits des personnes handicapées

L’harmonisation est consciente de la Convention relative aux droits des personnes handicapées325qui oblige les États:

« … à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap. À cette fin, ils s’engagent à: …

c). Prendre en compte la protection et la promotion des droits de l’homme des personnes handicapées dans toutes les politiques et dans tous les programmes ».326

Sur ce sujet, la directive 2014/23/UE a une « clause de concessions réservées » en faveur des personnes handicapées et des défavorisés.327 La directive 2014/24/UE cite expressément la convention328 et va dans le même sens en utilisant une clause de contrats réservés.329 La

325 Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies par sa résolution 61/106 du 13 décembre 2006. Dans le cadre de l’UE, approuvée par la Décision du Conseil du 26 novembre 2009 concernant la conclusion, par la Communauté européenne, de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (2010/48/CE).

326 Nous soulignons. Art. 4.1.

327 Art. 24: « Les États membres peuvent réserver le droit de participer aux procédures d’attribution de concession à des ateliers protégés et à des opérateurs économiques dont l’objet principal est l’intégration sociale et professionnelle de personnes handicapées ou défavorisées, ou prévoir que ces concessions ne peuvent être exploitées que dans le contexte de programmes d’emplois protégés, à condition qu’au moins 30 % du personnel de ces ateliers, opérateurs économiques ou programmes soient des travailleurs handicapés ou défavorisés… ».

Nous soulignons. Voir les arts. 19 et 36 aussi.

328 Voir le Considérant 3 cette convention.

329 Art. 20, sur les « marchés réservés »:

« 1. Les États membres peuvent réserver le droit de participer aux procédures de passation de marchés publics à des ateliers protégés et à des opérateurs économiques dont l’objet principal est l’intégration sociale et professionnelle de personnes handicapées ou défavorisées, ou prévoir l’exécution de ces marchés dans le

90 directive 2014/25/UE faite la même chose.330 Cependant, il n’est pas possible d’affirmer que ces directives obligent développer politiques sociales en faveur des personnes handicapées parce que celles-ci n’imposent pas d’obligations aux États, mais ces directives « permettent » de faire politiques publiques en harmonie avec la convention cité. En effet, une lecture des dernières notes de bas de page permet de voir que la rédaction des articles précités (le verbe

« peuvent ») ne crée pas une obligation stricto sensu, mais une option, ou un pouvoir discrétionnaire si l’on préfère. Et, en vertu de ce pouvoir, par exemple, les pouvoirs publics pourraient décider d’attribuer un contrat à certaines sociétés qui poursuivent l’intégration sociale des personnes handicapées331, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une stratégie pour contourner la libre concurrence.

(ii) La protection de l’enfance et lutte contre la traite des êtres humains

Il est reconnu que les enfants sont des êtres humains particulièrement vulnérables et sans protection.332 La lutte contre le travail des enfants et la traite des êtres humains sont deux thèmes vivants dans le droit international contemporain. L’harmonisation du droit des contrats publics au sein de l’UE constitue une impulsion sectorielle dans la lutte contre ces deux fléaux de l’humanité en raison des clauses d’exclusion des opérateurs économiques.

Dans ce sens, les directives 2014/24/UE333 et 2014/23/UE334 renforcent la protection des

contexte de programmes d’emplois protégés, à condition qu’au moins 30 % du personnel de ces ateliers, opérateurs économiques ou programmes soient des travailleurs handicapés ou défavorisés.

2. L’appel à la concurrence renvoie au présent article ».

Voir le paragraphe1 de l’art. 42 et l’art. 62 aussi.

330 Art. 38: « Les États membres peuvent réserver le droit de participer aux procédures de passation… ».

Voir aussi le paragraphe 1 de l’art. 60 et l’art. 81.

331 Par exemple, en France, voir, dans le Code de la commande publique, les règles sur la « Réservation de marchés aux opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés et défavorisés » (arts. L2113-12, L2113-13, L2113-14 et R2113-7).

332 TRINIDAD (P), « ¿Qué es un niño? Una visión desde el Derecho Internacional », Revista Española de Educación Comparada, numéro 9, 2003, p. 17.

333 Art. 57, paragraphe 1: « Les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché lorsqu’ils ont établi, en procédant à des vérifications…, ou qu’ils sont informés de quelque autre manière que cet opérateur économique a fait l’objet d’une condamnation, prononcée par un jugement définitif, pour…:

f). travail des enfants et autres formes de traite des êtres humains définis à l’article 2 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil ». Nous soulignons.

334 Art. 38, paragraphe 4, lettre f): « Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices au sens de l’article 7, paragraphe 1, point a), excluent un opérateur économique de la participation à une procédure d’attribution de concession lorsqu’ils ont établi que cet opérateur économique a fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement définitif pour l’une des raisons suivantes:

91 droits de l’homme en vertu de l’exclusion de certains opérateurs économiques et sous-traitants335 en raison de leurs antécédents.

2. L’ambiguïté des « mesures appropriées »

La protection de l’environnement et les droits sociaux sont aussi assumés par l’harmonisation en ce qui concerne l’exécution du contrat.336 Dans ce sens, on va vérifier la question dans la directive 2014/25 et dans le cadre des principes de la passation de marché. Le paragraphe 2 de l’article 36 (et le renvoi de cette norme) annonce que:

« Les États membres prennent les mesures appropriées pour veiller à ce que, dans l’exécution des marchés publics, les opérateurs économiques se conforment aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par le droit de l’Union, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales en matière de droit environnemental, social et du travail énumérées à l’annexe XIV ».337

Cette précision permet deux types d’appréciation, une appréciation optimiste et une appréciation critique.

...

f) travail des enfants et autres formes de traite des êtres humains définis à l’article 2 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil ». Nous soulignons.

L’exclusion en ces termes révèle la progression de la protection dans la mesure où l’exclusion dans le cadre des contrats publics est plus précise que l’art. 6 de la directive 2011/36/UE, qui ne mentionnait pas les contrats publics: « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que toute personne morale déclarée responsable… soit passible de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, qui incluent des amendes pénales ou non pénales et éventuellement d’autres sanctions, notamment:

a) des mesures d’exclusion du bénéfice d’un avantage ou d’une aide publics ».

Nous pouvons voir ici que l’harmonisation renforce un thème des droits de l’homme dans un cadre spécifique.

335 Lettre b) du paragraphe 5 de l’art. 88 de la directive 2015/25. Lettre b) du paragraphe 6 de l’art. 71 de la directive 2014/24.

336 Voir : Paragraphe 3 de l’art. 30 de la directive 23/2014 et Paragraphe 2 de l’art. 18 de la directive 24/2014.

337 L’annexe XIV regroupe plusieurs traités internationaux, tels que les Conventions de l’OIT 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective, 29 sur le travail forcé, 105 sur l’abolition du travail forcé, 138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, 182 sur les pires formes de travail des enfants; la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone et son protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone; la Convention de Rotterdam du 10 septembre 1998 sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet du commerce international et ses trois protocoles régionaux, etc.

92 En ce qui concerne l’appréciation optimiste, ce précepte démontre que l’harmonisation n’oublie pas complètement la phase d’exécution du contrat parce que la norme précitée déploie ses effets sur cette phase du contrat, où le risque de dommages transfrontières à l’environnement est présent.

En ce qui concerne l’appréciation critique, l’utilisation de l’expression « prennent les mesures » pourrait conduire à certaines ambiguïtés (quelles sont les « mesures appropriées » ?). En tout cas, les directives du 2014 énoncent clairement une politique législative respectueuse du droit international environnemental, social et du travail.

B. Le renforcement mutuel entre le droit de l’Union européenne des contrats publics,

Outline

Documents relatifs