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Introduction générale

TEMPORELS EN ANGLAIS

III. G RAMMATICALISATION DU PRESENT PERFECT ET ACQUISITION DU LANGAGEDU LANGAGE

1. Genèse et développement de la construction HAVE + V-EN

1.4. Réflexions sur la grammaticalisation du present perfect

1.4.1. Hypothèses relatives à la grammaticalisation du present perfect

Brinton (1988: 100) nous présente une série d’hypothèses relatives à la grammaticalisation du PP :

Hypothèse 1 : Les participes passés ont perdu leur désinence. Fridén (1948: 41), Mitchell (1985: 283-4, 292) indiquent que la plupart des participes ne sont pas infléchis. La grammaire du Vieil Anglais établie par Quirk & Wrenn (1958) considère que les participes en Vieil Anglais sont « normalement invariables » avec HABBAN, même s’ils s’accordent parfois avec l’objet (1957: 75).

Hypothèse 2 : L’objet et le participe passé ont changé de position dans les constructions transitives, on est passé de l’ordre objet/participe passé à participe passé/objet. Brinton

indique que l’on trouve les deux possibilités en Vieil Anglais tout comme Mitchell (1985 : 283) qui note l’existence de tous les ordres possibles (HABBAN + objet + participe ; objet + HABBAN + participe ; objet + participe + HABBAN) lorsque l’objet est à l’accusatif, au génitif ou au datif. Visser (1973: 2190) indique que la post-position de l’objet est devenue la norme peu après la période élisabéthaine pour éviter la confusion avec des structures telles que he had it done, he got it done où le sujet he n’est pas la personne qui a réalisé l’action matérialisée par le participe passé. Visser mentionne aussi que ces structures permettent la focalisation sur l’état résultant et que leur apparition est plus tardive (Anglais Moderne) que la périphrase perfect.

Hypothèse 3 : Le sémantisme de possession de HAVE et d’existence de BE se sont réduits à l’expression de simples relations. Brinton s’interroge sur le bien-fondé de cette hypothèse car l’on trouve déjà des occurrences en Vieil Anglais où HABBAN a un sens très large. Elle mentionne également qu’il est incohérent de restreindre le sens de HABBAN à la possession lorsqu’il est suivi d’un complément alors que l’on trouve un sémantisme plus large autre part.

Hypothèse 4 : La construction s’est généralisée pour inclure une large classe de participes passés. Il est vrai que la plupart des linguistes reconnaissent que la construction était d’abord réservée aux participes passés de verbes transitifs puis s’est étendue aux particip es passés de verbes intransitifs. Mitchell (1985 :289) mentionne cependant que l’on trouve ces derniers dans les écrits les plus anciens et Fridén (1948:115) note que les participes passés issus de verbes intransitifs étaient plus fréquents avec la structure en WESAN/BEON + participe passé.

Les critères syntaxiques (morphologie des participes passés, position du participe passé, transitivité) ne suffisent pas pour caractériser la grammaticalisation du PP, ni la morphologie des participes passés, ni la position du participe passé. Brinton (1988: 102) considère que « les premiers exemples de la construction HAVE + participe passé [en Vieil Anglais] apparaissent être sémantiquement conformes à des perfects ». Elle s’appuie sur le rejet des hypothèses vues précédemment que récapitule Wischer (2002: 250) :

 la grande majorité des participes apparaissent sans désinence finale ;

 les constructions avec un sens strict de possession sont très rares ;

 HABBAN peut être combiné avec des participes formés à partir de verbes intransitifs ;

 les constructions perfect avec un sens actionnel (où le sujet grammatical est le sujet sémique) sont apparues dès le départ.

PARTIE 1 – Chapitre III – Grammaticalisation du PP

Brinton (1988: 102) indique qu’aucune chronologie claire du développement de la forme, partant de l’expression d’un état à un sens plus résultatif jusqu’à l’interprétation

« actionnelle » (où le sujet fait l’action) et perfective, ne peut être établie.

1.4.2. L’approche sémantique et contextuelle de la grammaticalisation du present perfect

“Different stages of evolution tend to be reflected in the form of different context clusters.” (Heine, 2002: 83)

Heine (2002: 84) constate que l’étude de corpus denses montre qu’il y a plusieurs facteurs associés à la grammaticalisation : le contexte, la fréquence de la forme, les processus d’inférences, les mécanismes de transfert (métaphore, métonymie…), les phénomènes de directionnalité (abstraction, concrétisation) ainsi que les implications sémantiques (javellisation, généralisation). Heine s’intéresse uniquement au contexte en considérant que

« l’évolution des catégories grammaticales est, dans une certaine mesure, conduite par le contexte et que l’analyse des variations contextuelles offre un outil puissant [qui nous permet de la] reconstruire » (2002: 83). Heine s’interroge en fait sur les conditions contextuelles qui permettent l’évolution des formes grammaticales.

Nous avons déjà observé les quatre étapes de son scénario (cf. supra, III.1.1.), Wischer (2002: 248) adapte ce scénario à la grammaticalisation de notre construction. Elle déroule ainsi quatre étapes :

1. Initial Stage : expression de la possession

2. Bridging context : interprétation résultative/perfective mise en avant 3. Switch context : expression de la possession reléguée au second plan 4. Conventionalization : interprétation résultative/perfective uniquement

Wischer précise que l’analyse de ses données suggère que la construction HAVE + participe passé avait déjà atteint l’étape 3 en Vieil Anglais (tout comme le suggère Brinton), la plupart des exemples étant incompatibles avec le sens originel de possession. La linguiste considère que « le verbe lexical HAVE s’était déjà auxiliarisé en Vieil Anglais et que la construction périphrastique s’était déjà [nettement] grammaticalisée » (250) en s’appuyant sur plusieurs arguments que nous avons mentionnés. En ce qui concerne l’acceptation de la construction de participes passés issus de tous types de verbes, Wischer précise d’abord que cela est important si la construction se grammaticalise en un marqueur temporel ; si elle devient un marqueur aspectuel, alors la complémentation avec tous types de participes n’est pas

impérative. Elle mentionne ne pas avoir uniquement trouvé des participes issus de verbes intrinsèquement téliques dans son corpus, c’est la preuve irréfutable que la construction a étendu sa complémentation à tous types de verbes. Wischer insiste sur la distinction entre le développement de la construction en tant que un marqueur temporel ou marqueur aspectuel, si l’on considère la construction HAVE + V-EN comme un marqueur aspectuel alors la distinction fonctionnelle prétérit / PP et le fait que la construction participe à la consolidation du système temporel ne sont pas des notions pertinentes. Elles le demeurent cependant si l’on retient le développement de la forme en tant que marqueur temporel. Enfin, Wischer revient sur le fait qu’HAVE n’exprime plus la possession en établissant un lien avec le changement des rôles sémantiques. Si HAVE ne peut plus se comprendre dans le sens de possessio n, il est normal que le rôle sémantique de ses arguments soit changé, le sujet et l’objet ne sont plus analysés comme des arguments trouvés dans l’expression de la possession mais comme des arguments du procès que décrit le participe passé.

Wischer confirme les conclusions de Brinton en réaffirmant le statut d’auxiliaire de HAVE dès le Vieil Anglais et rejoint Heine en précisant que le phénomène général de grammaticalisation « n’est pas conduit par des besoins fonctionnels mais plutôt par des ambigüités syntaxiques, c’est-à-dire des contextes syntaxiques spécifiques qui ouvrent des chemins de grammaticalisation spécifiques » (253).

Brinton (1988: 102) souligne toutefois que la dernière étape développementale du PP, celle qui irait de l’expression de l’état de résultat à l’expression pure d’un procès précédemment achevé, n’a jamais été atteinte. En effet, comme le note Wischer (252), le PP en Anglais Moderne reste dans un entre-deux : il combine l’expression d’une action passé et d’un état présent. Ainsi, on aboutit à deux lectures différentes en synchronie :

 une lecture continuative : He has lived in London for twenty years ;

 une lecture non-continuative (résultative) : I can’t write. I have broken my arm.

Notre partie sur la grammaticalisation du PP s’achève sur la mise en lumière de deux lectures résultantes d’un processus complexe néanmoins inachevé. Il semble que la grammaticalisation de notre construction ait eu lieu dès le Vieil Anglais, les époques su ivantes ayant servi à développer et sérier les contextes d’utilisation du PP, qui se sont affirmés parallèlement aux contextes réservés au prétérit, ayant pour résultat la mise en concurrence quasi-systématique des deux formes en anglais moderne.

PARTIE 1 – Chapitre III – Grammaticalisation du PP

Avant d’étudier le PP contemporain, il est important de nous interroger sur l’utilisation du concept de grammaticalisation en acquisition du langage. L’enfant qui apprend les formes en contexte n’est pas influencé par l’histoire des marqueurs mais nous pouvons nous interroger sur l’existence de similitudes ou de différences entre le processus de grammaticalisation et l’entrée dans la grammaticalité en acquisition du langage.