• Aucun résultat trouvé

Introduction générale

TEMPORELS EN ANGLAIS

V. L E PRESENT PERFECT : APPROCHES ET PROBLEMATIQUES EMPIRIQUES

L’émergence et la fiabilité croissante de nouveaux outils informatiques de constitution, d’annotation et d’analyse de corpus ont permis d’étudier certaines problématiques soulevées par le PP afin de dresser un état des lieux de la fréquence et de l’usage du PP en tenant compte des variations dialectales et du canal sélectionné (écrit ou oral). Les études empiriques sur l’anglais oral spontané offrent notamment de nouvelles perspectives qui font écho aux approches théoriques et enrichissent le débat.

1. Etudes sur la fréquence et la co-occurrence

1.1. Fréquence, genres et variétés d’anglais à l’écrit

Elsness (1997) mène une étude quantitative diachronique sur la fréquence du PP et du prétérit où il fait la distinction entre anglais britannique (désormais abrégé en AngBr) et anglais américain (désormais abrégé en AngAm) à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle.

L’auteur veut montrer la proportion de formes au PP, selon les époques et les dialectes, par rapport aux autres formes verbales référant au passé afin de caractériser l’évolution de la fréquence du PP. Pour assurer une meilleure fiabilité et représentativité des résultats, il propose de les présenter selon le genre dans lequel les formes apparaissent, il en retient cinq : la presse, l’épistolaire, les parties de narration et les parties de dialogue dans les romans de fiction et le théâtre. Les conclusions de son étude montrent que « la hausse de la fréquence [des formes aux PP] en Vieil en Moyen Anglais […] s’est arrêtée au cours de l’Anglais Moderne » (ibid., 235), même plus, que la fréquence de ces formes a régressé. Elsness souligne que c’est aussi bien le cas en AngBr qu’en AngAm, même si les formes aux PP sont, pour la période moderne, plus fréquentes en AngBr (19,7 % de l’ensemble des formes référant au passé) qu’en AngAm (9,8

% des formes). Toutefois, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, les formes aux PP en AngBr représentent environ 16,4 % du nombre total des formes référant au passé alors qu’elles représentent 21,7 % en AngAm, la chute de la fréquence des formes au PP est donc moindre pour l’AngBr et plus radicale pour l’AngAm (de 19,7 % à 16,4 % pour l’AngBr, de 21,7 % à 9,8 % pour l’AngAm).

Il est à noter que, selon les résultats issus du corpus de l’auteur, même si la fréquence de formes au PP en AngBr a connu un déclin global, il existe des différences inter -genres. À

partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle, le déclin le plus grand s’observe dans le genre théâtral, il est cependant très faible dans l’épistolaire et dans les dialogues d’œuvres de fiction, il est plus important dans les parties narratives des œuvres de fiction (mais le nombre total de formes est très faible). Il existe un genre où le nombre de formes au PP a progressé, c’est la presse. L’auteur reconnaît qu’il est difficile d’interpréter cette explosion (qui n’est pas statistiquement significative) qui peut être due à l’expansion du genre lui-même. S’il existe une véritable explosion des formes aux PP, Elsness l’attribue à la possibilité croissante (par les moyens de télécommunication) de traiter des informations de plus en plus récentes, ce qui expliquerait les formes aux PP. L’auteur note que, dans cette période, les occurrences aux PP reçoivent fréquemment une lecture “hot news” alors que le prétérit réfère plutôt à des procès clairement repérés dans un passé plus lointain. Selon l’auteur, le déclin général des formes aux PP n’est pas dû à l’explosion du prétérit mais au fait qu’il existait auparavant des contextes où le PP était possible là où il ne l’est plus maintenant. Elsness donne plusieurs exemples d’occurrences de PP qui contiennent un adverbe temporel référant au passé (en contradiction avec le present perfect puzzle, cf. supra, IV.6.3.), illustrant le fait que les contextes d’apparition du prétérit et du PP étaient moins distincts auparavant.

Des études plus récentes (Elsness, 2009 ; Hundt et Smith, 2009) comparent l’évolution des fréquences des formes aux PP et au prétérit à l’écrit, dans les corpus Brown et Frown pour l’AngAm et dans les corpus LOB et F-LOB pour l’AngBr. Ces quatre corpus sont divisés en quatre genres : la presse, la prose générale, la littérature académique et la fiction, ce qui permet des études sur les variations inter-genres. Elsness (2009) mène ses recherches sur la version non-annotée des corpus, à partir d’une liste de vingt verbes lexicaux fréquents avec les pronoms personnels sujets, alors qu’Hundt et Smith (2009) travaillent sur la version annotée des corpus sans restriction de verbes. Les résultats obtenus par Elsness (2009) montrent que l’AngAm a une tendance plus nette que l’AngBr à gommer les différences entre le PP et le prétérit, cette réduction des différences expliquant la raison du déclin plus rapide en AngAm qu’en AngBr.

Hundt & Smith (2009) obtiennent des résultats qui ne vont pas dans ce sens, si la proportion de PP décroît dans les corpus, cette tendance n’est pas significative dans la comparaison des deux variétés, il existe « des variations régionales relativement stables plutôt qu’un [véritable]

changement» et « la proportion de PP et de prétérit au sein des corpus est stable dans le temps » (ibid., 57). Sur les différences inter-genres, les résultats diffèrent également d’Elsness (2009) car Hundt & Smith (2009) concluent à une fréquence d’usage du PP qui s’homogénéise parmi les genres, la variabilité inter-genres étant de plus en plus faible.

PARTIE 1 – Chapitre V – Approches empiriques du PP

1.2. Co-occurrence avec les adverbes temporels à l’écrit et à l’oral

Schlüter (2002) et Hundt & Smith (2009) arrivent à la même conclusion : une large majorité d’occurrences au PP ne sont pas accompagnées d’adverbes temporels dans le contexte immédiat aussi bien en AngAm qu’en AngBr, 34 % des occurrences au PP le sont en AngAm contre 33 % en AngBr.

Hundt & Smith soulignent directement le lien avec le concept de pertinence actuelle (cf. supra, IV.3.) qui explique cette absence d’ancrage temporel spécifique. Les auteurs distinguent deux types d’adverbes pour observer le phénomène de co-occurrence à l’écrit et à l’oral : les adverbes qui indiquent la pertinence actuelle (already, (n)ever, recently, yet) et ceux qui indiquent un ancrage temporel passé, tel que yesterday. Concernant l’écrit, il ressort clairement que les adverbes indiquant la pertinence actuelle se trouvent majoritairement dans des occurrences au PP, bien qu’en AngAm, les co-occurrences du prétérit et de always diminuent alors qu’elles augmentent avec yet. Les adverbes temporels, quant à eux, se trouvent en grande majorité dans les occurrences au prétérit et extrêmement rarement avec le PP.

Pour l’oral, Hundt & Smith obtiennent des résultats différents de l’écrit, les auteurs explorent les corpus Longman Corpus of Spoken American English et British National Corpus. D’une part il est possible de trouver des co-occurrences de prétérit et d’adverbes marquant la pertinence actuelle (surtout just et already) surtout en AngAm mais aussi en AngBr. D’autre part, des co-occurrences de PP et d’adverbes temporellement ancrés dans le passé sont de plus en plus courantes en anglais oral spontané, aussi bien en AngAm qu’en AngBr, comme dans les exemples (46) et (47) issus des corpus analysés :

(46) I haven’t smoked yesterday. (LCSAE)

(47) We’ve been out in it yesterday. (BNC, KBE 3003)

Ce phénomène va en contradiction avec l’impossibilité grammaticale (désigné present perfect puzzle, cf. supra, IV.6.3.) d’avoir un énoncé au PP qui contient un adverbe temporel référant au passé, nous y reviendrons plus en détail dans une section réservée à l’étude du PP de narration (cf. infra, V.3.).

1.3. Etudes sur la distribution des différentes lectures du present perfect

Schlüter (2002) observe la distribution de ce qu’il nomme les « fonctions » du PP, qui constituent en fait les différentes lectures du PP en fonction du contexte dans lequel il est produit. Il souligne, à juste titre, la difficulté de comparer les études qui se sont penchées sur le sujet car les terminologies et les méthodologies sont différentes selon les études.

L’auteur propose d’envisager seulement deux lectures du PP selon des critères temporels, à la manière de Declerck (1991, cf. supra, IV.1.), afin de comparer plusieurs études :

 une lecture qu’il nomme « indéfinie », qui correspond à la lecture non-continuative, où le procès décrit un événement qui s’est produit dans le passé ;

 la lecture continuative où le procès décrit un événement qui a commencé dans le passé et qui continue jusqu’au présent.

Les trois études mises en relation par Schlüter obtiennent des résultats similaires, comme le montre le graphique ci-dessous :

Figure 15 : Distribution des lectures du PP en fréquences relatives (Schlüter, 2002 :146)

La lecture indéfinie reçoit dans les trois études la fréquence la plus haute, qui représente quatre énoncés sur cinq en moyenne. L’auteur note cependant qu’il faut étudier plus en détail les subdivisions des deux types de lecture pour obtenir des résultats plus spécifiques.

 Ces études quantitatives permettent de dégager de grandes tendances dans l’usage du PP :

 la proportion de formes au PP produites est plutôt stable dans le temps, même s’il existe des variations régionales (Hundt et Smith, 2009) ;

 les adverbes temporels sont produits plus rarement avec le PP par rapport au prétérit (Schlüter, 2002 ; Hundt & Smith, 2009) et l’on trouve, à l’oral, des énoncés qui contredisent le present perfect puzzle (Hundt & Smith, 2009) ;

 les énoncés qui reçoivent une lecture non-continuative sont plus fréquents que ceux qui reçoivent une lecture continuative (Schlüter, 2002).

88% 83% 82%

12% 17% 18%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Korsakov (1969) Mindt (2000) Schlüter (2002) Lecture indéfinie Lecture continuative

PARTIE 1 – Chapitre V – Approches empiriques du PP

2. Fonctions discursives du present perfect (Nishiyama & Koenig, 2005) Nishiyama & Koening (2005) examinent le rôle joué par le PP dans la mise en place des relations discursives et de la cohérence textuelle dans un corpus de plusieurs genres (presse, discussion, conversation, narration). Pour les auteurs, le PP impose la présence d’une variable sémantique X dont la valeur est retrouvée grâce à des inférences pragmatiques de nature différente. Le but de leur étude est donc d’identifier les inférences qui sont à l’origine de la valeur sémantique (variable) et qui fournissent la lecture spécifique de l’énoncé au PP.

Dans leur corpus, les auteurs ont identifié trois types d’inférences (nous fournissons également les exemples donnés) :

Type 1. “entailed resultative or continuative” – le procès décrit est validé dans le passé et implique un résultat, une conséquence à T0 ;

(48) …he has been a member of a household ever since. (continuative)

(49) Yeltsin’s health has become a major issue in the closing days of Russia’s presidential race. (entailed resultative)

Type 2. “speech-act/epistemic perfects” – la valeur sémantique de l’énoncé s’appuie sur les dires du locuteur et du co-locuteur, il en existe deux sous-types :

 “evidential use” – avec des verbes performatifs ou épistémiques (say, promise, see) qui décrivent un procès validé ou qui sera validé grâce aux conditions de vérité de l’acte de langage ;

(50) Sumitono has said its losses from Mr Hamanaka’s trading stand at $1.8 billion.

“topic negociation” – au début d’une conversation, l’énonciateur veut savoir si le co-énonciateur connaît le sujet de la conversation pour pouvoir en parler, l’énonciateur questionne l’expérience du co-énonciateur en produisant un énoncé PP.

(51) Have you done a lot a camping recently?

Type 3. “ commonsense entailment” – l’énonciateur produit le PP pour indiquer qu’un énoncé trouvé dans le co-texte droit ou gauche justifie sa production.

(52) Iraq still keeps U.S. forces busy, too. U.S. Air Force fighter jets have flown an average of 1,500 missions a month over southern Iraq since 1992 …

Dans ces exemples, les auteurs montrent que, pour chaque type, la valeur sémantique est de nature différente :

Type 1. c’est le lien entre le moment de parole (qui correspond au moment de référence)