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Introduction générale

Partie 2. Corpus et méthodes d’analyse

2. E TUDES ANTERIEURES SUR LE CORPUS DE T HOMAS

2.2. Chronologie des travaux publiés sur le corpus de Thomas 11

2.2.3. Développement lexical et syntaxique – productivité et créativité

Trois études s’intéressent au développement lexical et syntaxique dans le corpus de Thomas, en adoptant la méthodologie du traceback :

 Dabrowska & Lieven (2005) se penchent sur l’influence du lexique dans la production des questions ;

 Lieven et al. (2009) s’intéressent aux productions d’énoncés à plusieurs mots au regard de l’évolution de la LME ;

 Bannard & Lieven (2009) étudient les phénomènes de répétition et de réutilisation dans le processus d’acquisition du langage.

Les deux premières études portent sur la période 2;00 à 3;00 tandis que la dernière étude se restreint à une période très courte d’un mois (2;00 à 2;01) et présente des résultats similaires à la première. Par conséquent, nous nous intéresserons aux deux premières études uniquement.

2.2.3.1. Production des questions

L’étude de Drabowsa & Lieven (2005) propose de mesurer de ce qui est nouveau dans les productions précoces de questions et d’expliquer ces productions par le truchement d’unités lexicales spécifiques et d’opérations de juxtaposition et de substitution afin de rendre compte du développement des capacités linguistiques de l’enfant entre 2 et 3 ans. Les chercheuses mentionnent qu’il est difficile de mesurer les productions qui sont nouvelles, puisque les scientifiques n’ont pas à leur disposition la trace complète de l’expérience linguistique de l’enfant, il est toutefois possible de déterminer ce qui n’est pas nouveau (non-creative).

PARTIE 2 – Chapitre 2 – Etudes antérieures Thomas

Les résultats montrent qu’à l’âge de 2 ans, le nombre d’opérations nécessaires à la dérivation se limite à un maximum d’une opération et le taux de réussite est très élevé, seulement un type de question donne lieu à une forme non standard. À l’âge de 3 ans, 68 % des questions requièrent zéro ou une opération, le reste nécessitant deux ou trois opérations (seulement 5 %). Thomas produit des questions avec plus d’unités symboliques mais le taux de réussite est moins élevé qu’à 2 ans. Cela témoigne toutefois d’une capacité mémorielle plus importante ainsi que la mise en place d’une complexité syntaxique et d’une diversité lexicale plus importantes.

La question de la « primauté lexicale » et de la créativité peut également se poser dans les productions précoces de PP :

 Quelle est la part d’auto-répétitions et de réplications de l’adulte dans la production précoce de la forme ?

 Existe-t-il des types de verbes systématiquement associés aux premières productions de la forme ?

2.2.3.2. Etude des énoncés à plusieurs mots

L’étude menée par Lieven et al. (2009) vise à évaluer la productivité lexicale et le développement syntaxique dans la production d’énoncés à plusieurs mots. Pour ce faire, les chercheurs suivent la méthodologie du traceback, dont ils mettent les résultats en regard avec le développement linguistique de l’enfant.

Les résultats obtenus sur la dérivation réussie permettent d’identifier deux périodes concernant le développement des capacités linguistiques de l’enfant :

 à deux ans, le lexique est restreint, les productions sont pour la plupart la reproduction identique de tronçons figés ;

 à trois ans, les catégories sémantiques s’affinent, la capacité à associer et à modifier plusieurs tronçons mémorisés se développe et des opérations de plus en plus complexes peuvent s’effectuer.

Concernant les formes non standard, les auteurs soulignent toutefois l’idée que la production précoce de questions puisse s’inscrire dans une duplication intégrale (tronçons appris « par cœur ») ou constituer du langage formulaïque n’est pas nouvelle (Brown, 1973).

Ils considèrent cependant que ce processus dure plus longtemps et apparaît comme un élément

central de l’acquisition, non pas comme une stratégie primitive qui est abandonnée dès lors que l’enfant accède à une plus grande autonomie syntaxique.

 Les premières productions de PP peuvent-elles être apparentées à du langage formulaïque ?

 Au niveau syntaxique, les premières productions sont-elles déjà identiques à celles de la structure-cible (sujet, auxiliaire, participe passé) ou est-ce qu’il existe un taux important de productions non standard (non-expression de l’auxiliaire par exemple) ?

2.2.3.3. Négation

L’étude menée par Cameron-Faulkner & Lieven (2007) s’intéresse à l’émergence et à l’usage des différents marqueurs de la négation en anglais (no, not, can’t, won’t, don’t) chez Thomas et dans le langage qui lui est adressé au cours d’une pér iode d’un an (2;03 à 3;03).

Deux échantillons (à 2;01 et à 2;08) de cinq heures chacun ont été utilisés pour étudier l’adulte.

Trois types d’analyses ont été menés :

 une étude du développement de tous les marqueurs de la négation (ceux produits avec au moins trois items lexicaux différents) chez l’enfant et chez l’adulte afin d’étudier l’usage global de ces marqueurs au cours de la période sélectionnée ;

 une étude plus spécifique du développement des marqueurs de la négation dans les énoncés du type neg V (no sleep, not see, can’t reach) chez l’enfant pour comparer les résultats obtenus aux résultats de l’étude précédente

 une étude des associations formes / fonctions des énoncés neg V chez l’enfant selon une typologie de fonctions spécifiques de la négation préalablement établie (Choi, 1988, nous gardons les termes anglais) :

o FAILURE : négation de la relation prédicative ;

o (SELF-) PROHIBITION : négation de l’activité supposée du co-locuteur (ou du locuteur lui-même) ;

o REJECTION : négation d’un procès proposé dans lequel le locuteur doit être impliqué ; o INABILITY : négation de la capacité physique.

Les résultats obtenus montrent que le marqueur no matérialise les quatre fonctions à 2;03. À 2;06 le marqueur no décline au profit de not, surtout pour les fonctions FAILURE et INABILITY. No reste toutefois le marqueur privilégié pour les fonctions PROHIBILITION et REJECTION. À 2;09, not est majoritaire pour toutes les fonctions, no n’est plus produit pour la

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fonction FAILURE et très peu produit pour les fonctions REJECTION (12 %) et INABILITY (9

%). Les marqueurs don’t et can’t émergent à cette période et assurent 11 % des énoncés qui ont pour fonction PROHIBITION et 35 % des énoncés qui ont pour fonction INABILITY. À 3;00, Thomas produit not V pour toutes les fonctions, sauf pour la fonction INABILITY où can’t reste le marqueur privilégié. À 3;03, toutes les fonctions sont assurées par la production du clitique n’t ce qui indique un parcours complet du continuum no-not-n’t dans l’association formes / fonctions des marqueurs de la négation chez l’enfant.

 L’approche développementale à l’œuvre dans cette étude permet d’examiner la mise en place des fonctions communicatives liées à un marqueur. Cependant, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d’associer directement des fonctions « adulte » plutôt que de faire émerger celles propres à l’enfant (Beaupoil, Morgenstern et Boutet, 2015).

 Nous pourrons nous demander s’il existe un continuum syntaxique dans la production des premières formes de PP, à savoir s’il existe plusieurs formes syntaxiques successives qui traduiraient plusieurs phases de son acquisition.