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Introduction générale

TEMPORELS EN ANGLAIS

IV. L E PRESENT PERFECT : APPROCHES ET PROBLEMATIQUES THEORIQUES

3. Current Relevance Theory (CRT)

3.1. Arguments principaux de la CRT

Dans son ouvrage The English Perfect: Tense-Choice and Pragmatic Inferences, McCoard (1978) recense, décrit et met en rapport les différentes approches théoriques afférentes au PP. La théorie de la current relevance renvoie à un ensemble de réflexions et de remarques

PARTIE 1 – Chapitre IV – Approches théoriques du PP

sur le sémantisme du PP, ce n’est donc pas une théorie per se mais plusieurs réflexions théoriques qui ont été regroupées sous ce nom :

“[The different versions of the current relevance theory] all agree in holding that the defining function of the perfect in English is to express the pastness of the event(s) embodied in the lexical verb, together with a certain applicability, pertinence, or relevance of said past event(s) to the context of coding – the ‘now’ of the speaker or writer.” (McCoard, 1978, p.31)

La CRT signifie principalement qu’un énoncé au PP « décrit une situation qui [a plus de pertinence avec le] présent que, par exemple, un énoncé au prétérit » (Ritz, 2013 :883), le prétérit ne présentant pas de « pertinence avec le présent » (McCoard, 1978 :31), matérialisant la rupture temporelle.

Smith (1991) indique que les constructions perfect partagent des caractéristiques communes de « location temporelle et de valeurs aspectuelles » (147) et met la notion de résultat au centre de sa définition. La linguiste donne trois caractéristiques du perfect :

 le procès décrit précède le moment de référence (ce qu’a mis au jour la représentation temporelle de Reichenbach, cf. supra, I.1.1.) ;

 un état résultant découle de la construction, le procès au perfect désigne un résultat, un « état conséquent » (Moens & Steedman, 1988) (John has read Sophie’s choice  the state of John having read Sophie’s choice) ;

 une propriété spéciale est assignée au sujet, à cause de sa participation dans la situation (c’est l’idée que le référent du sujet doit posséder les propriétés intrinsèques qui légitiment sa participation dans la situation).

Derrière l’idée de résultat, il y a l’idée d’un changement d’état d’un achèvement ou d’un accomplissement (cf. supra, I.2.3.), c’est-à-dire une distinction aspectuelle, à laquelle s’ajoute une localisation temporelle au présent ; la notion de current relevance apparaît alors comme une conséquence de cette interaction. La lecture résultative du PP s’opère lorsque ce changement d’état est localisé temporellement entre le moment du procès et le moment de référence (Kiparsky, 2000 :5). Prenons l’exemple de I have read the newspaper qui est un accomplissement. L’activité reading the newspaper correspond au moment du procès et s’étend jusqu’au moment de référence, ce point étant synchronisé au moment de parole lorsque la forme est au PP. Le changement d’état (le passage de la lecture partielle à la lecture totale du livre)

se fait quelque part entre le moment du procès et le moment de référence et l’état résultant commence à ce moment-ci. Puisque le moment de référence et le moment de parole sont synchronisés dans un énoncé au PP, l’énoncé I have read the newspaper implique qu’au moment où le locuteur le produit, il présente l’activité de lecture comme ayant atteint son terme (me having read the newspaper), et qu’une autre lecture signifiera forcément une deuxième lecture du journal (même si elle peut être différente). L’accent est ainsi mis sur une série d’effets ( after-effects) qui découle de cet accomplissement. C’est sur cet ensemble d’effets immédiats et

« visibles » que la théorie de la current relevance s’appuie en plaçant la notion de résultat au centre de sa définition. Moens & Steedman (1988, cf. supra, I.4.2.1.) développe une idée similaire, un énoncé au PP est acceptable s’il est possible d’identifier un état conséquent, par le truchement de « connaissances générales », qui entretient une relation de pertinence et de contingence avec le procès que décrit l’énoncé.

3.2. Limites de la CRT

McCoard (1978) se questionne sur la définition de la pertinence en détaillant les différents termes qui en sont à l’origine, pour montrer leur hétérogénéité qui a pour conséquence l’impossibilité de trouver une définition qui unifie le concept de pertinence actuelle :

Tableau 8. Termes à l’origine de la théorie de la pertinence actuelle

Termes Auteurs

Recency / present validity Poutsma (1926) Present existence / connection with

present / continuity

Jespersen (1932)

Iterativity Jespersen (1931)

Zandvoort (1932)

Experientiality Zandvoort (1932)

Present possibility Joos (1964)

McCawley (1971)

Les termes de Poutsma, Jespersen, Joos et McCawley mettent l’accent sur le lien entre le passé du procès et le présent du locuteur. Poutsma remarque que les adverbes qui accompagnent le PP se rapportent à l’idée de présent tandis que Jespersen insiste sur le fait que la forme assure une connexion entre le passé et le présent d’une façon ou d’une autre, assurant une continuité. Il met l’accent sur le caractère rétrospectif de la forme, sur une transition que coderait le PP, présentant ainsi une dimension résultative. Quant aux termes « experientiality »

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et « iterativity », McCoard (1978) souligne qu’ils échappent aux idées de lien avec le présent et de résultat, l’un désignant l’expression de l’expérience et l’autre l’idée de répétition.

McCoard regrette que cette théorie ne mette pas le locuteur assez en avant, car c’est lui seul qui « choisit d’inclure un [procès] passé dans son présent ». La théorie de la current relevance semble plutôt porter sur l’analyse des inférences pragmatiques, en fournissant une

« glose intuitive fondée sur un rapport lâche entre énoncés et situations » (Adamczewski, 1982 :120) qui sont le résultat d’une variété de paramètres « linguistiques » (choix du verbe et de ses compléments, adverbes…) et « cognitifs » (type de situation, rapport au monde…) (Corre, 2002 :9). McCoard fournit une citation de Bryan (1936) qui met en lumière la confusion que fait cette théorie entre la forme elle-même et le contexte communicationnel dans laquelle elle s’insère :

“Any idea there is of results or consequences is not implied in the perfect tense form but derives from the meaning or character of the verb, or from the context, or from the statement as a whole. That is, to assign to the perfect tense-form itself a resultative function means a failure in analysis and a consequent confounding of essentially different matters.” (Bryan, 1936, p.369)

Portner (2003) critique la notion de contingence avancée par Moens & Steedman (1988) en prenant les exemples suivants (empruntés à Spejewski, 1997) :

(24) a. Has Katy paid her bills this month?

b. # Has Katy paid her bills this week?

c. # Has Katy paid her bills today?

Selon Spejewski, la mobilisation des connaissances générales permet d’expliquer l’incohérence de (24b-c) : on paye ses factures tous les mois, this week et today ne font donc pas sens, l’état conséquent (Katy est à jour avec le paiement de ses factures) ne fait sens que dans l’énoncé (24a) car il est en adéquation avec le fait que l’on paye ses factures tous les mois.

La contingence, telle qu’elle est définie par Moens & Steedman (1988) est une relation entre des éventualités (cf. supra, I.4.2.1.), l’état conséquent « Katy est à jour » a une relation de contingence avec l’énoncé (implicite) passé, « Katy a payé ses factures dans le laps de temps qui constitue un mois », peu importe qu’elle les ait payées cette semaine ou aujourd’hui. Portner (2003) note que la relation de contingence entre l’état conséquent des énoncés (24) et l’événement décrit (payer ses factures) devrait subsister, en dépit de l’ancrage temporel des adverbes. L’auteur conclue que la

notion de contingence n’est pas un outil adéquat pour expliquer (24) et préfère la relation entre deux propositions que propose Inoue (1979, cf. supra, IV.2.1.) en expliquant que les énoncés (24) ne présentent pas les mêmes inférences pragmatiques : le fait que Katy n’ait pas payé ses factures durant le mois dernier permettrait d’inférer qu’elle n’est pas à jour alors que le fait qu’elle ne les ait pas payées durant la semaine dernière ne le permettrait pas.

Si la notion de résultat est pertinente alors pourquoi un énoncé tel que ?Gutenberg has discovered the art of printing est irrecevable alors qu’il est évident qu’il y a des résultats pertinents

« identifiables » (Portner, 2003 :472) liés à l’invention de l’imprimerie. Smith (1997) explique l’irrecevabilité de cet énoncé par le fait que le participant est décédé donc ne possède pas les propriétés internes qui permettent sa compatibilité avec l’énoncé. Portner (2003) souligne alors que la CRT a du mal à rendre compte d’énoncés qui n’ont pas de référent du sujet comme It has already snowed quite a bit.

La dernière limite de la CRT réside dans sa difficulté à rendre compte du contraste entre les lectures continuative et non-continuative. Il semble que l’idée de résultat ou d’état conséquent annule d’emblée la lecture continuative car elle ne réfère pas à un procès complètement passé (ibid., 473).

Surtout, l’auteur souligne qu’il est possible de ne pas trouver de résultats identifiables, pertinents dans des énoncés à lecture expérientielle tel que (25) :

(25) The Earth has been hit by giant asteroids before (and it probably will be again).

Suite à la mise en lumière de ces limites, d’autres auteurs mènent une réflexion sur le sens et la pertinence de la notion de résultat afin de la définir plus clairement et plus minutieusement dans le but d’enrichir la CRT.

3.3. Réélaboration de la CRT et variabilité de la notion de résultat

Il est possible de considérer la notion de résultat comme le noyau de la pertinence actuelle dans lequel le critère de la pertinence du résultat est le plus important « parmi un nombre de délimitations possibles », faisant ainsi de la pertinence actuelle une notion « graduée » (Dalh et Hedin, 2000) qui se nourrit aussi bien de la sémantique de la structure que des inférences pragmatiques qui sont toutes deux fortement ancrées et conditionnés par le discours. Il semble cependant que les inférences pragmatiques attachées aux énoncés au PP soient de nature différente (implication / implicature, cf. supra, I.2.2.3.).

Pour rendre compte des différences entre implication et implicature, Depraetere (1998 :601) revient sur les termes même de la CRT, “current” concerne la dimension

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temporelle, la situation a un lien avec T0 alors que le terme “relevance” concerne les « énoncés résultatifs » qui en sont dérivés et qui peuvent être de nature multiple. La linguiste explore la distinction entre « implication pragmatique » et « implicature conversationnelle » :

(26) a. I have opened the door.

b. He has caught malaria.

Dans les exemples (26), les propositions matérialisant le résultat de ces énoncés sont des implications : si le locuteur dit I have opened the door, cela exige The door is open ou si le locuteur dit He has caught malaria, cela exige He has malaria. Selon l’auteur, ce sont des implications car ces propositions ne peuvent être « annulées » (Quirk et al., 1985 :211) et elles portent la négation (si le co-locuteur contredit I have opened the door, il va contredire le fait que la porte soit ouverte en produisant No, you haven’t). Même si ce résultat (la porte ouverte, être atteint de la malaria), selon son statut réversible ou irréversible, peut ou ne pas être modifié par une autre action, il n’en demeure pas moins validé au moment de parole. Depraetere précise (1998 :607) que plus le laps de temps entre le procès que décrit l’énoncé au PP et le moment de parole est long, plus son résultat est susceptible d’être annulé.

(27) a. I have lived in London.

b. I have studied a lot.

En revanche, les exemples (27) ne donnent pas lieu à des résultats qui seraient des implications mais puisqu’en produisant un PP, le locuteur dispose de la structure temporelle de la forme qui lie passé et présent, il est logique qu’il veuille indiquer un lien entre un procès passé et le moment de parole. De ce lien tissé par le locuteur vont naître des implicatures conversationnelles en rapport avec le contexte, qui cont iendront également la notion de résultat mais d’une autre manière : I have studied a lot présente un résultat tels que I am clever or I feel tired. Ce sont des implicatures conversationnelles car, par exemple, contrairement aux implications pragmatiques, I have studied a lot n’exige pas I feel tired, et ne sont pas concernées par la négation. Depraetere établit ainsi une distinction capitale qui éclaire la notion de résultat attachée au PP, dont le terme « résultat » est discutable dans le cas d’implicatures conversationnelles car le résultat de l’énoncé n’est pas logiquement impliquée (comme pour les implications) mais dépend entièrement d’autres indices trouvés dans le contexte de la conversation. Par ailleurs, lier la notion de résultat à des énoncés à lecture continuative reste toujours problématique.