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Le réexamen du contrôle international des agences de notation financière

Paragraphe II : La volonté de renforcer le contrôle des agences de notation financière après la crise de 2007/

B) Le réexamen du contrôle international des agences de notation financière

C'est donc la crise financière qui a poussé les organisations internationales à remettre en question les règles alors en vigueur à propos de l'encadrement des agences de notation financière. Les quelques années après la crise ont donc vu se succéder constats (1) et surtout propositions (2) destinées à conférer plus d'efficacité au contrôle de ces agences.

1) Un état des lieux encourageant

Il est tout d'abord nécessaire d'évoquer une note de l'OICV de 2009322 dans laquelle l'organisation internationale soulève le fait que les agences de notation financière ne connaissent pas de régulation et donc de contrôle dans la plupart des juridictions323. Aussi, et afin de mieux contrôler les agences, l'OICV avance plusieurs propositions. Parmi elles, la création d'un organisme international de surveillance, d'un organisme d’auto-réglementation ou encore une plus grande coopération transfrontalière entre les régulateurs nationaux324. Selon l'OICV, la coopération entre régulateurs nationaux serait la solution la plus efficace pour contrôler les agences de notation, « [...] le Comité Technique est d'accord avec le fait que l'approcche la plus efficace serait à travers une

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G20, Declaration on Strengthening the Financial System, 2 avril 2009, p. 6 : « Toutes les agences de notation dont les notations sont utilisées à des fins de régulation devraient être sujettes à une réglementation incluant un enregistrement. Le système de réglementation devrait être établit à la fin de l'année 2009 et devrait être en totale coordination avec le Code de bonne conduite de l'OICV ». Traduction de l'auteur.

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OICV, Intenational cooperation in oversight of credit rating agencies, mars 2009.

323 Ibid., p. 2 : « Actuellement, les agences de notation ne sont pas régulées dans la plupart des juridictions ». Traduction de l'auteur.

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Ibid., p. 3 : « Cela inclu la création d'un corps international, améliorant le respect et le renforcement par les régulateurs nationaux, établissant une organisation de régulation, et améliorant une coopération trans-frontalière entre autorités de régulation ». Traduction de l'auteur.

coopération trans-frontalière en les régulateurs nationaux ayant un pouvoir de régulation et d'inspection des agences de notation »325. Cette solution permettrait ainsi d'améliorer l'efficacité de la régulation326 ou encore d'avoir une meilleure surveillance de l'activité des agences327. Cette coopération transfrontalière serait gérée par un collège de régulateurs nationaux et/ou une série d'accords bilatéraux. Elle permettrait de résoudre les problèmes de surveillance propres aux agences de notation qui opèrent le plus souvent dans de multiples juridictions et s'appuient fréquemment sur des bureaux et des analystes étrangers328. En 2009, après la crise financière, l'OICV met donc en avant la coopération interétatique à petite échelle pour contrôler l'activité des agences de notation. Cette idée est bonne, c'est d'ailleurs le chemin suivi par l'Union européenne la même année à travers un règlement commun à l'ensemble des pays de l'Union. Mais elle ne se développera pas en dehors du vieux continent, les rapports de force entre États étant bien trop disproportionnés.

En mai 2009, l'OICV prend également une décision importante et convertit le détachement spécial pour les agences de notation en un Comité permanent sur les agences de notation (C6). Ce Comité reçoit notamment mandat non seulement d'évaluer et d'envisager de nouvelles initiatives de régulation mais aussi de faciliter le dialogue entre les régulateurs et l'industrie de la notation.

Un rapport relatif à la mise en œuvre des principes prônés par le Code de bonne conduite par les différents régulateurs329 mérite également attention. Il y est ainsi développé que les quatre grands axes de travail du Code de bonne conduite ont été traités par les différents régulateurs nationaux. Concernant la qualité et l'intégrité des notes, le programme australien de réglementation des agences de notation dispose comme condition préalable à l'obtention d'une licence permettant d'exercer une activité de notation de se conformer entre autres aux exigences du Code de bonne conduite de l'OICV relatives à la qualité et à l'intégrité des notes330. Pour ce qui est de

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Ibid. Traduction de l'auteur. 326

Ibid., p. 4 : « Promouvoir la coordination d'une conception réglementaire efficace - en engageant un dialogue régulier les uns avec les autres, les régulateurs peuvent mieux coordonner leurs réponses aux menaces actuelles du marché de manière à éviter les exigences redondantes ou inefficaces. Ainsi, le potentiel d'une régulation inefficace est minimisé ». Traduction de l'auteur.

327 Ibid. « Faciliter le suivi et la surveillance - en regroupant les informations sur les activités des agences de notation dans les juridictions étrangères, les régulateurs seront en mesure de mieux comprendre les activités des agences de notation dans leurs propres juridictions nationales. Également, en tant que réalité juridique, que le respect de la substance du Code de l'OICV sera nécessairement ». Traduction de l'auteur.

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Ibid. p. 3, « Cette coopération renforcée pourrait, par exemple, prendre la forme d'un collège de régulateurs et/ou d'une série d'accords bilatéraux, conçus pour résoudre les problèmes de surveillance propres aux agences de notation qui opèrent dans plusieurs juridictions et qui font fréquemment appel à des bureaux et des analystes étrangers quand les émetteurs de notation opèrent eux-mêmes sur plusieurs marchés ». Traduction de l'auteur.

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OICV, Regulatory Implementation of the Statement of Principles Regarding the Activities of Credit Rating Agencies, février 2011.

330 Ibid., p. 23-24, « [… les agences de notation doivent] surveiller et mettre à jour périodiquement les notations, évaluer de façon indépendante les cours de formation pour les analystes de crédit, prendre les dispositions adéquates pour se conformer aux lois sur les services financiers et se conformer aux exigences du Code de l'OICV concernant la qualité et l'intégrité des notations ». Traduction de l'auteur.

l'indépendance et des potentiels conflits d'intérêt, le Japon a traité ce problème en imposant aux agences de notation d'indiquer les actes créant ou pouvant créer des conflits d’intérêt et de veiller à ce que ces actes ne portent pas atteinte aux intérêts des investisseurs331. En ce qui concerne ensuite la transparence et le moment de publication des notes, le texte réglementaire mexicain dispose que « Additionnellement, une agence de notation doit publier suffisamment d'informations sur ses procédures, ses méthodologies et ses hypothèses pour permettre aux parties extérieures de comprendre comme la notation a été déterminée par l'agence de notation »332. Cette disposition est une reprise quasi mots pour mots du point 3.5 du Code de bonne conduite de l'OICV cité précédemment. Enfin, pour les informations confidentielles fournies par des émetteurs et non autorisées à être rendues publiques par les agences, la réglementation japonaise exige que les agences prennent des mesures pour s'assurer que les renseignements et les secrets appris pendant le déroulement de l'activité de notation de crédit ne soient utilisés qu'à des fins jugées nécessaires pour mener l'activité de notation de façon juste et appropriée333. Ainsi en 2011, que ce soit aux États-Unis avec l'adoption du Dodd Frank Act, en Europe avec l'adoption de deux règlements (le troisième interviendra en 2013), ou dans des pays dont l'impact sur le contrôle des agences de notation est moindre, les grands principes édictés par l'OICV sont souvent mis en application.

Un dernier rapport de l'OICV datant de 2012 mérite également réflexion. Ce rapport334, qui se concentre sur les contrôles internes mis en place par les agences pour s'assurer de l'intégrité du processus de notation et pour lutter contre les conflits d’intérêt met en lumière leurs efforts dans ce domaine. En ce qui concerne l'intégrité du processus de notation, ce rapport révèle que certaines agences ont un directeur de crédit dont la responsabilité est d’examiner de manière indépendante les méthodes de notation, d'analyser et valider les modèles utilisés335. D'autres agences ont quant à elles mis en place des systèmes d'audit interne. Pour ce qui est des plus grandes agences de notation, elles ont tendance à avoir des « départements de conformité indépendants ». En règle générale, le personnel du service de conformité est chargé de surveiller le respect des exigences réglementaires

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Ibid., p. 29, « Le programme de réglementation des agences de notation japonnais comporte un certain nombre de dispositions visant à obliger une agence à identifier et à éliminer, ou à gérer et à divulguer, les conflits d'intérêts réels ou potentiels. L'agence de notation est tenue de préciser les actes qui créent des conflits d'intérêts ou des conflits d'intérêts potentiels à l'égard des activités de notation et de veiller à ce que de tels actes ne portent pas atteinte aux intérêts des investisseurs ». Traduction de l'auteur.

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Ibid., p. 34. Traduction de l'auteur.

333 Ibid., p. 36-37, « La réglementation japonaise des agences de notation contient également des exigences conçues pour promouvoir les objectifs du quatrième principe de l'OICV. [...] En outre, cette réglementation des agences de notation exige que les agences prennent des mesures pour s'assurer que les informations et les secrets appris au cours de l'activité de notation ne sont pas utilisés à d'autres fins que celles jugées nécessaires ». Traduction de l'auteur.

334 OICV, Credit Rating Agencies: Internal Controls Designed to Ensure the Integrity of the Credit Rating Process and Procedures to Manage Conflicts of Interest, décembre 2012.

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Ibid., paragraphe 3.1.1, « les responsabilités du responsable de la notation peuvent inclure l'examen indépendant des méthodologies de notation et l'analyse et la validation des modèles utilisés dans le processus de notation de crédit ». Traduction de l'auteur.

mondiales et des directives sur la politique et les lignes directrices de l'agence comme par exemple son Code de bonne conduite. Afin d'assurer la totale indépendance de ce département, celui-ci gère son activité en parfaite autonomie envers les autres secteurs d'activité de l'entreprise et relève en dernier ressort du chef de la direction de la société. De plus, la rémunération de ses employés n'est pas liée à la performance financière de l'entreprise. Il est en outre interdit à son personnel d'exercer des fonctions de commercialisation ou de vente, de participer à l'établissement des niveaux de rémunération des autres employés, de siéger dans un comité de notation particulier ou d'opter pour une mesure de notation particulière336. Pour ce qui est de la qualité des notations, des systèmes ont été mis en place pour savoir si les ressources nécessaires ont été allouées. Ainsi, certaines agences ont en leur sein un groupe chargé tous les six mois de rendre un rapport permettant de savoir si les ressources humaines et financières sont suffisantes pour produire des notations rapides et rigoureuses337. Afin d'éviter les conflits d’intérêt, certaines agences émettent des notations via une filiale dont le but est de séparer l'activité d'analyse de crédit des autres activités commerciales338. Mais d'autres vont parfois plus loin. Ainsi, certaines agences dissocient le personnel d'analyse des activités commerciales ; « par exemple, une agence de notation a expliqué que tout le personnel d'analyse et le personnel impliqué dans les activités de notation de crédit ont interdiction d'initier, d'organiser, de négocier ou de participer aux discussions concernant les frais ou les paiements pour les notations »339. Enfin, en ce qui concerne les cadeaux, les employés doivent faire face à une restriction plus ou moins importante selon leur fonction. « Par exemple, une entreprise interdit aux employés ayant des rôles analytiques ou de contrôle, d'accepter tout divertissement des contacts d'affaires (y compris le divertissement lors de conférences), mais applique une règle moins restrictive aux autres employés, leur permettant d'accepter un divertissement non excessif ou extravagant dans but commercial légitime. Une autre entreprise applique une politique plus libérale aux employés qui ne sont pas directement impliqués dans les activités de notation, leur permettant de recevoir des cadeaux, mais uniquement dans le cadre des conventions sociales et des pratiques commerciales et uniquement dans la mesure du nécessaire. Cela dit, le cabinet exige que les

336 Ibid., paragraphe 3.4.2, « Le service de la conformité est indépendant des secteurs d'activité du cabinet et relève en fin de compte du chef de la direction de la société. De plus, la rémunération des employés du service de la conformité n'est pas liée à la performance financière de l'entreprise. Il est interdit au personnel du service de la conformité d'exercer des fonctions de marketing ou de vente et de participer à l'établissement du niveaux de rémunération pour les autres employés. Il ne siège pas non plus dans un comité de notation spécifique ni ne donne son avis sur une action particulière ». Traduction de l'auteur.

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Ibid., paragraphe 3.2.1, « Par exemple, une agence de notation a indiqué que son groupe de gestion des risques produit un rapport tous les six mois qui évalue si l'agence a consacré suffisamment de personnel et de ressources financières pour produire des notations rigoureuses et opportunes ». Traduction de l'auteur.

338 Ibid., paragraphe 4.1.2, « Par exemple, plusieurs agences de notation ont noté qu'elles émettaient des notations par l'intermédiaire d'une filiale conçue exclusivement à cette fin afin de séparer les activités d'analyse de crédit des autres sociétés opérant sous la même société de portefeuille ». Traduction de l'auteur.

employés de tous les départements signalent et demandent l'approbation pour les cadeaux, les repas ou les divertissements de plus d'environ 40 dollars US. »340. Ce document met donc en évidence le fait que les agences de notation ont pris en main certains des principaux problèmes liés à leur activité et qu’elles ont décidé de mieux les contrôler. Cette prise de conscience de la part des principaux acteurs du marché financier est une chose qu'il faut souligner. Il est également important de préciser qu'en 2012, les principaux régulateurs mondiaux avaient déjà pris des dispositions pour mieux contrôler les agences de notation.

Derrière cet état des lieux encourageant car il démontre qu'un contrôle international des agences se met lentement en place, il est également possible de relever plusieurs propositions séduisantes.

2) Les propositions

A la fin de l'année 2010, le CSF a publié un document instructif visant à réduire la dépendance aux agences de notation financière341. Une de ses propositions est la suppression des références aux agences dans les textes réglementaires ou leur remplacement par des normes de solvabilité appropriées. En effet, selon le CSF, « le «câblage rigide»342 des notes des agences de notation dans les normes et les règlements contribue considérablement à la dépendance du marché à l'égard des notations »343. Ce document propose également la mise en place par les investisseurs, les banques ou encore tous les participants des marchés financiers de leurs propres moyens d'évaluation sans privilégier les agences344. Ces deux mesures seront assez largement reprises par les régulateurs nationaux et internationaux et le CSF s'en félicitera en 2013345. Enfin, pour le CSF, les émetteurs ont aussi un rôle à jouer pour mettre fin à la dépendance vis à vis des agences de notation. Ils devraient ainsi divulguer des renseignements complets et fréquents, permettant ainsi aux investisseurs de se faire leur propre jugement346. Cette dernière recommandation apparaît cependant utopiste, les émetteurs n'ayant notamment pas intérêt à divulguer les « mauvaises nouvelles ». En effet, leur intérêt serait de ne divulguer que les bonnes nouvelles, permettant ainsi à l'entreprise émettrice d'être bien vu des marchés financiers et d'en tirer les avantages qui y incombent.

340 Ibid., paragraphe 4.2.6, page 37. Traduction de l'auteur. 341

Conseil de Stabilité Financière, Principles for Reducing Reliance on CRA Ratings, op.cit. 342 « Hard wiring » en anglais.

343 Conseil de Stabilité Financière, Principles for Reducing Reliance on CRA Ratings, op.cit., p. 1. Traduction de l'auteur. 344

Ibid., principe II, « Les banques, les participants au marché et les investisseurs institutionnels devraient espérer faire leurs propres évaluations, et ne pas dépendre seulement ou mécaniquement aux notes des agences de notations ». Traduction de l'auteur.

345 Conseil de Stabilité Financière, Credit Rating Agencies Reducing reliance and strengthening oversight, août 2013, p. 3, « La plupart des juridicitions du CSF ont effectué l'inventaire demandé des références aux notations des aggences de notation dans les lois et règlements des autorités nationales […] ». Traduction de l'auteur.

Cependant, si l'entreprise connaît des pertes, elle s’aperçoit d'erreurs, etc., elle n'a aucun intérêt à les divulguer aux investisseurs au risque de « se tirer elle-même une balle dans le pied ».

Un autre document mérite également d’être signalé. Il s'agit d'un rapport de l'OICV sur la possibilité de créer des collèges internationaux de supervision des agences de notation au sein de ses membres347. « Ces collèges seraient des accords collaboratifs entre les superviseurs s'efforçant de promouvoir le partage de l'information, la consultation et la coopération afin d'améliorer l'évaluation des risques des agences de notation actives sur le plan international et de soutenir une supervision efficace de ces agences de notation »348. Ne devraient être supervisées par ces collèges que les agences actives sur le plan international, qui ont d'importantes opérations transfrontalières, ont des filiales et / ou des succursales situées dans de multiples juridictions ayant des programmes de supervision des agences de notation et dont les notes sont utilisées par les investisseurs349. Enfin, les 3 critères suivants détermineraient les conditions d’appartenance aux différents collèges350

: 1) L'agence de notation possède une filiale ou une succursale implantée dans la juridiction d'un

membre de l'OICV. Cette filiale doit émettre ses avis au nom de l'agence et est obligatoirement soumise aux politiques et procédures de l’agence dont elle dépend.

2) Un membre de l'OICV doit avoir le pouvoir de superviser directement la filiale ou la succursale de l'agence en tant qu'agence de notation et être capable de mener des inspections, saisir des éléments de preuve et être en mesure d'engager des mesures coercitives en cas de violation des statuts et de réglementation liés aux agences de notation.

3) Le membre de l'OICV a l'autorité et la volonté de partager des informations pertinentes avec d'autres membres du collège de l'agence de notation et l'autorité légale pour sauvegarder la confidentialité des informations non publiques qu'il reçoit des autres membres du collège de l'agence de notation.

Aussi, pour les agences ne répondant pas à ces critères mais ayant tout de même des activités transfrontalières, une coopération bilatérale ou unilatérale ad hoc serait préférable. Cette méthode favorise sans aucun doute le contrôle à un niveau mondial des agences de notation financière. De nombreuses propositions voient donc le jour dans les années post-crise, orientées vers un meilleur contrôle des agences de notation financière.

347 OICV, Supervisory Colleges for Credit Rating Agencies, juillet 2013. 348

Ibid., point 3.1. Traduction de l'auteur. 349 Ibid., point 5.1.

Une évolution positive et encourageante dans le domaine du contrôle des agences de notation a marqué les années post-crise. Que ce soit à travers des régulateurs nationaux et régionaux, ou même via les agences elles-mêmes, de nombreuses propositions ont été soumises et des mesures significatives adoptées avec pour conséquence de nouveaux textes internationaux.

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