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Les orientations différentes des accords de Bâle

Paragraphe III : Un dispositif qui reste contradictoire

B) Les orientations différentes des accords de Bâle

A l'instar des accords de Bâle I et II (2), les accords de Bâle III vont encore une fois à l'encontre des directions prises par les autres acteurs de la régulation internationale. Ils cachent ainsi une réalité, celle de la mise en place d'une dépendance accrue aux agences de notation (1).

1) Les accords de Bâle III, des avancées ambiguës

Sous l’impulsion du G20, les accords de Bâle III sont publiés dans leur version initiale en décembre 2010 et visent à augmenter les niveaux de réserves minimum en capital pour les banques et leurs garanties de liquidités. A titre d'exemple, le ratio de fonds propres est porté de 8 à 10,5%. De plus, à cette augmentation du ratio de fonds propres valable en tout temps, s’ajoute un degré supplémentaire d'exigence caractérisé par le « coussin contracyclique ». « Cette augmentation du ratio exigible est, elle, variable et appréciée selon la conjoncture économique et le cycle : les banques doivent accumuler des fonds supplémentaires durant les périodes de croissance. Cela leur permettra de ne pas complètement fermer les vannes du crédit lorsque la conjoncture est défavorable »358. Bâle III introduit également des normes sur le risque de liquidité, « les banques doivent sélectionner des actifs facilement cessibles sans perte de valeur, pour alimenter leur trésorerie en cas de difficulté à cause de retraits massifs de la clientèle ou de l’assèchement du marché interbancaire »359. Mais, pour ce qui est des agences de notation financière, les accords de Bâle III sont ambigus. Dans un premier temps, il est possible de remarquer une volonté de limiter l'influence des agences. Ainsi, la principale innovation est la mise en place d’un plafond d’effet de levier mesurant l’importance de la détention d’actifs par une banque proportionnellement à ses fonds propres. Ainsi, avant Bâle III, en choisissant d’investir massivement dans des actifs peu risqués, les banques pouvaient considérablement accroître l’écart entre leurs fonds propres et les

358 DE CLERCK J., « Bâle III : Trop ou trop peu ? », http://convention-s.fr, 28 février 2013.

359DEGOS J-G., BEN HMIDEN O., « Le rôle et le pouvoir des agences de notation ont-ils changé au fil des accords de Bâle I, Bâle II et Bâle III ? », Revue d'économie financière, 28 avril 2015, p. 245.

actifs détenus. Mais les actifs évalués comme peu risqués par les agences de notation se sont parfois révélés risqués, voire très risqués. L’introduction de ce plafond d’effet de levier a donc pour objectif de contenir ce risque en se basant moins sur l’évaluation du risque des actifs, c'est-à-dire les notes données par les agences, et davantage sur l’effet de levier « objectif » soulevé par les banques. Dans un second temps, la révision des accords de Bâle III en 2013 a maintenu et même renforcé la dépendance à l'égard des agences de notation. En effet, cet accord continue à utiliser des notations émises par les agences et donc à les institutionnaliser à un niveau international. Ainsi, une décote de 15% s'applique à la valeur de marché courante des titres de dette d'entreprise et des obligations sécurisées qui satisfont notamment à l'exigence « soit i) afficher une note de crédit à long terme d’au moins AA- attribuée par un organisme externe d’évaluation du crédit (OEEC) reconnu ou, en l’absence d’une note de crédit à long terme, une note à court terme équivalente en termes de qualité ; soit ii) en l’absence de note de crédit d’un OEEC reconnu, afficher une notation interne dont la probabilité de défaut est au moins équivalente à AA- »360. Dans ce dernier cas, il est toujours possible de faire appel à un système d'évaluation interne mais dans d'autres circonstances, la note des OEEC est inévitable. Ainsi, une décote plus élevée (supérieure à 15%) s’applique à la valeur de marché courante de chaque actif de niveau 2B de l’encours des actifs liquides de haute qualité. Par exemple, les titres adossés à des créances immobilières résidentielles peuvent obtenir une décote de 25% si elles remplissent notamment la condition « d'afficher une note de crédit à long terme égale ou supérieure à AA attribuée par un OEEC reconnu ou, en l’absence d’une note de crédit à long terme, une note à court terme équivalente en termes de qualité »361. Contrairement aux dispositions de l'article 52, il est impossible de ne pas recourir à un OEEC et donc à une agence pour obtenir une décote. Les agences de notation financière sont donc bel et bien implantées de manière réglementaire et institutionnelle au niveau international.

Les accords de Bâle III, malgré un effort apparent, demeurent dans la lignée des accords de Bâle II. Malgré des efforts vers une plus grande transparence et pour la diminution des risques de conflits d’intérêt, l'institutionnalisation des agences reste croissante et la dépendance vis à vis des notes toujours présente. C'est là d'ailleurs la problématique : même si certaines des mesures contenues dans ces accords pourraient laisser entrevoir une volonté de réduire le pouvoir des agences, elles ne sont pas assez contraignantes pour y parvenir.

360

Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires, op. cit., article 52, paragraphe b.

2) Les accords de Bâle, une volonté contrariée

« Les agences de notation ont vu leur pouvoir s’accroître progressivement dans les accords de Bâle. Les tentatives visant à affaiblir leur position, en recherchant une alternative aux notations contraires externes, n’ont pas connu le succès attendu »362

. Cette situation créée par les Accords de Bale est évidente. Entre la réglementation de Bâle I, où la référence aux notations externes était mineure, et le renforcement accru de l’intervention des agences de notation dans Bâle III, le pouvoir des agences a connu une évolution certaine. Afin de réduire le recours aux agences de notation et, par extension une certaine dépendance, deux mesures principales ont été prises par les différents accords de Bâle. La première mesure incitait les banques à mettre en place des systèmes internes d'évaluation des risques de crédit. La deuxième mesure les incitait à limiter le nombre d'agences en mesure d’évaluer ces risques, les obligeant à respecter les exigences définies par le Code de bonne conduite de l'OICV telles que l'objectivité, l'indépendance, des ressources suffisantes ou encore la crédibilité. Mais ces mesures, à l’origine bien intentionnées, se sont révélées inefficaces et trop compliquées. En raison du volume de données à obtenir, la mise en place de systèmes internes d'évaluation s’est avérée complexe et très coûteuse. « Elle est aussi, souvent, incomplète. Kaufman363 souligne l’insuffisance des modèles mathématiques qui font abstraction des facteurs humains et historiques. Seuls les grands établissements financiers sont en mesure, après validation réglementaire, d’investir dans des systèmes d’information pertinents et robustes »364

. De plus, une mise en place effective de ces évaluations internes exige un niveau d’évaluation au moins équivalent sinon supérieur à celui des OEEC et donc des agences de notation financière. Or, comme vu précédemment, les agences ont mis des dizaines d'années pour atteindre leur niveau d'expertise, grâce notamment au facteur historique et à l'expérience accumulée. De plus, ce système d’évaluations internes se heurte à un autre problème : l’exposition des banques à des risques de conflits d’intérêts. En effet, la nécessité de recueillir des données fiables et crédibles peut quelquefois prévaloir sur la nécessité ou à la volonté d'obtenir ou de garder un client important. La banque pourrait ainsi être incitée à sous-évaluer ou à ne pas réviser les risques à la baisse, « Moosa365 remarque qu’« en utilisant leurs propres modèles, les banques peuvent se montrer trop optimistes quant à leur exposition au risque afin de minimiser le capital réglementaire et maximiser le retour sur les capitaux propres. En ce sens, Bâle II crée des incitations perverses à sous-estimer le

362 DEGOS J-G., BEN HMIDEN O., op. cit, p. 246. 363

KAUFMAN H., The Road to Financial Reformation: Warnings, Consequences, Reforms, août 2009, 260 p. 364 DEGOS J-G., BEN HMIDEN O., op. cit, p. 247.

365MOOSA I. A., Basel II as a casualty of the global financial crisis. Journal of Banking Regulation, Volume 11, 2010, pp. 95-114

risque de crédit » »366.

Pour ce qui est des exigences des Codes de bonne conduite de l'OICV reprises par les accords de Bâle, les agences de notation financière toujours soucieuses de leur réputation, ne sont pas hostiles à l’accroissement de leurs obligations d’information et de transparence vis-à-vis du public même si elles mettent en garde contre une harmonisation ou une standardisation de leurs méthodes de notation. Elles se sont par exemple déclarées favorables à la révision de leurs procédures pour mettre en place une stricte application du Code de l'OICV. « Par exemple, elles possèdent une clientèle très diversifiée, ce qui augmente leur indépendance à l’égard d’un même client ou d’un secteur particulier. Par ailleurs, elles rendent leurs critères de notation publics et leurs opinions transparentes, favorisant ainsi une meilleure compréhension du raisonnement qui sous-tend les notes qu’elles décernent par les investisseurs et les analystes. Elles dissocient les activités analytiques et commerciales associées à chacune des notes attribuées afin de soutenir l’indépendance de leurs appréciations. La rémunération de leurs analystes n’est pas tributaire des honoraires liés à la notation effectuée ; des comités sont chargés d’examiner et d’approuver les notes proposées par les experts »367. Ces mesures témoignent indiscutablement d'un respect des procédures souhaitées par le Code de bonne conduite.

De manière générale, les accords de Bâle ne sont pas une franche réussite en matière de contrôle des agences de notation financière. En effet, ils ne limitent pas leur pouvoir et ont même tendance à l'accentuer. Il est cependant possible de constater que l'idée d'auto-régulation des agences longtemps prônée a révélé ses limites et qu'un contrôle des méthodes de notation reste toutefois problématique.

C) Des difficultés de l'autorégulation à l'impossible contrôle des

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