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Le règlement du 16 septembre 2009, un règlement innovant

Paragraphe II : L'adoption du premier règlement européen en

A) Le règlement du 16 septembre 2009, un règlement innovant

Un long travail préparatoire a été nécessaire pour aboutir au premier règlement européen sur les agences de notation financière (1). La mesure phare de ce règlement est incontestablement la mise en place d'une procédure d'enregistrement des agences de notation, une première sur le vieux continent (2).

1) La préparation du règlement du 16 septembre 2009

Entre la proposition de règlement et le règlement lui-même, à peine un peu plus d'un an s'est écoulé. C'est à la demande de la Commission européenne qu'un rapport sur les instruments de crédit structurés a été élaboré par le CERVM. Ce rapport publié en mai 2008 a mis en évidence les actions spécifiques à entreprendre pour améliorer le contrôle des agences de notation financière561. Par la suite, de nombreux autres documents ont permis l'élaboration de ce premier règlement. Le 25 juin 2008, le Comité économique et financier note dans un premier temps « [...] avec satisfaction que l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) procède à la révision de son Code de conduite au niveau international » et considère que « les modifications apportées au Code de conduite de l'OICV fournissent un point de référence minimum […] ». Cependant, le Comité « partage l'avis de la Commission selon lequel les initiatives menées actuellement ne répondent pas pleinement aux défis qui se présentent, que des mesures complémentaires sont nécessaires et que des modifications de la réglementation pourraient l'être ». Le 8 juillet 2008, le Conseil des affaires économiques et financières de l'Union décide de soutenir les propositions de la Commission quant à la mise en place d'un système d'enregistrement des agences562. Le 16 octobre 2008, le Conseil de l'UE demande à la Commission d'établir une proposition législative visant à renforcer l'encadrement et la supervision des agences de notation. Le 12 novembre de la même année, Charles McCreevy, alors Commissaire au marché intérieur en charge de la régulation financière, fait adopter par la Commission une proposition législative relative aux agences de notation563. Il est expliqué dans ce texte en quoi une réglementation communautaire sur les agences de notation respecte le principe de subsidiarité énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, CE, aux termes duquel la Communauté n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. Ainsi, l'activité des agences a une influence sur l'ensemble de la Communauté européenne et plus particulièrement sur son marché et l'absence de cadre réglementaire ou un cadre réglementaire défaillant dans un des États membres pourrait affecter l'ensemble du marché européen. « Le règlement proposé respecte aussi le principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, troisième alinéa, du traité CE : il ne cible pas toutes les agences de notation, mais seulement celles dont les notations sont utilisées à des fins

561 SIMON Y., Notation et Agences de Rating, Economica, p. 141.

562 Conseil de l'Union européenne, Council conclusions on Transparency and Rating Agencies. 2882nd Economic and Financial affairs Council meeting, Bruxelles, 8 juillet 2008.

563 Commission des communautés européennes, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les agences de notation de crédit, {SEC(2008) 2745} {SEC(2008) 2746}, 12 novembre 2008.

réglementaires par les établissements financiers, c’est-à-dire celles dont l’activité a un impact potentiellement élevé sur le système financier »564. Il est également relevé que sur un plan mondial, avoir une position convergente sur le plan communautaire rendrait l'UE plus forte face à d'autres ordres juridiques importants comme peuvent l’être les États-Unis. Un règlement permettra de mettre en place beaucoup plus rapidement qu'une directive un cadre réglementaire uniforme et engendrera moins de contraintes administratives pour les agences puisqu'un seul texte s'appliquera. Cette proposition de règlement contient enfin un certain nombre de propositions. En ce qui concerne le champ d'application, la proposition prévoit l’introduction d’un régime d’enregistrement et de surveillance juridiquement contraignant pour les agences de notation émettant des notations de crédit pour utilisation à des fins réglementaires par les établissements de crédit, les entreprises d’investissement, les entreprises d’assurance vie et non-vie, les entreprises de réassurance, les organismes de placement collectif et les fonds de pension. (article 2). D'autres propositions portent sur l'indépendance et prévention des conflits d’intérêts (articles 5 et 6 et annexe I, sections A, B et C), la qualité des notations (article 7), les obligations de publicité et de transparence (articles 8 à 11 et annexe I, sections B, D et E) et l'enregistrement (articles 12 à 17) et surveillance (articles 19 à 31). Le 25 février 2009, le rapport De Larosière est remis, il y est affirmé « En fait, nous avons deux possibilités : la première, le chacun pour soi; ou la seconde, une coopération européenne renforcée, pragmatique, raisonnable pour le bien de tous et pour une économie mondiale ouverte. Cette solution offre sans aucun doute des avantages économiques, et c'est pourquoi nous la préférons »565. Le 15 avril 2009, les représentants de la Commission économique et monétaire du Parlement et la présidence du Conseil européen s'accordent sur un texte voté le 23 avril 2009 par le Parlement. Le 16 septembre 2009, le premier règlement sur les agences de notation financière est publié au

Journal officiel de l'Union Européenne. Ce règlement « s’applique aux notations de crédit qui sont

émises par des agences de notation de crédit enregistrées dans la Communauté et qui sont communiquées au public ou diffusées sur abonnement »566. Sont donc exclues du champ de ce règlement les notations personnalisées de nature privée (qui relèveraient alors du Conseil et tomberaient dans le champ d'application de la directive relatives aux marchés d'instruments financiers), les scores de crédit, les notations établies par des organismes de crédit à l’exportation et les notations établies par les banques centrales. Ce règlement donne au régulateur le pouvoir de superviser l'activité des agences de notation, d’accéder à tous leurs documents et de procéder à des

564 Parlement européen et Conseil, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les agences de notation de crédit, Paragraphe 2.2.

565 Présidé par DE LAROSIERE J., op. cit. p. 4.

inspections dans leur locaux avec ou sans préavis567. Le texte instaure également un système de surveillance des agences de notation dont la mise en œuvre requiert la coordination entre le CERVM et les autorités nationales, et entre les autorités des différents États membres, d’origine et d’accueil. Cette coordination est également exigée lors de la procédure d'enregistrement.

2) La mise en place d'une procédure d'enregistrement des agences de notation

L'enregistrement des agences de notation au niveau européen était un processus encouragé par de nombreux documents de travail. Le rapport d'initiative de la Commission économique et monétaire sur le rôle et les méthodes des agences de notation de crédit en fait état, mais également le projet de conclusion sur la transparence et les agences de notation568 qui dispose que « le Conseil est favorable au principe envisagé par la Commission selon lequel les agences de notation devraient être soumises à un système d'agrément auprès de l'UE »569. Dès lors, l'objet principal de ce premier règlement européen est l'établissement d'une procédure d'enregistrement des agences de notation financière. Il s'agit d'une procédure associant le CERVM et les autorités des États membres. Ce sont les articles 14 et suivants qui décrivent la procédure d'enregistrement. L’enregistrement ouvre droit à l’utilisation des notations à des fins réglementaires par leurs utilisateurs. Toutes les agences établies en Europe et dont les notes sont destinées à être utilisées à des fins réglementaires doivent déposer une demande d’enregistrement auprès du CERVM. La procédure d’enregistrement se compose d’une phase d’enregistrement de la demande et d’une phase d’instruction. Le règlement prévoit également le cas où certaines agences de notation de crédit se composent de plusieurs entités juridiques liées entre elles (entreprise mère et filiales), formant ensemble un groupe d’agences de notation de crédit. Lorsqu’un groupe d’agences de notation demande l’enregistrement, les membres du groupe donnent à l’un d’entre eux mandat de soumettre toutes les demandes au CERVM, au nom du groupe570. Le dispositif prévoit que l’agence de notation mandatée fournit les informations requises pour chaque membre du groupe (article 17).

Ainsi, une agence de notation doit soumettre sa demande d'enregistrement au CERVM et, dans un délai de cinq jours ouvrables suivant la réception de la demande, celui-ci la transmet à l'autorité compétente de l'État membre d'origine. L'article 16 paragraphe 1 dispose que l'autorité compétente de l’État membre d'origine et le Collège d'autorités pertinentes désigné par cette dernière disposent alors de 60 jours ouvrables pour examiner la demande. Une prolongation de trente jours peut être

567 Ibid., article 23, paragraphe 3, alinéa c). 568

Comité économique et financier, Projet de conclusion sur la transparence et les agences de notation, op. cit. 569 Ibid., p. 4.

obtenue (paragraphe 2 du même article). De plus, les membres du Collège choisissent un facilitateur afin de coordonner leurs actions et échanges. En cas de désaccord entre les membres du collège, « l’autorité compétente de l’État membre d’origine élabore et soumet au facilitateur un projet de décision de refus dûment motivé, se fondant sur les avis écrits transmis par les membres du collège qui s’opposent à l’enregistrement. Les membres du collège favorables à l’enregistrement élaborent et soumettent au facilitateur une explication détaillée des raisons sur lesquelles ils fondent leurs avis »571. Dans un tel cas, le facilitateur intervient (dans un délai maximum de 90 jours après la réception de la demande) et communique au CERVM le projet de décision d’enregistrement ou de refus dûment motivé, accompagné des explications écrites des différentes parties572. Le paragraphe 6 dispose que « Dans les vingt jours ouvrables suivant la réception de la communication visée au paragraphe 5, le CERVM communique aux membres du collège pertinent son avis sur la conformité de l’agence de notation de crédit aux exigences d’enregistrement. Après réception de l’avis du CERVM, les membres du collège réexaminent le projet de décision ». Dans les quinze jours ouvrables suivant la réception de cet avis, l'autorité compétente de l’État d'origine arrête une décision et si elle est contraire à l'avis du CERVM, alors elle devra dûment le motiver573. Dans le cas d'une acceptation de la demande et comme le précise le paragraphe 3 de l’article 18, « La Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne et sur son site internet une liste des agences de notation de crédit enregistrées conformément au présent règlement. [...] ».

Le retrait de l'enregistrement est toutefois possible. Les conditions évoquées dans l'article 20 paragraphe 1 et peuvent être constituées par le renoncement de la part de l'agence de notation ou par le fait que celle-ci ne remplisse plus les conditions sous lesquelles elle a été enregistrée. Les informations à fournir par les agences sont listées à l'annexe II du règlement et tiennent en 17 points tels que la description de leur structure sociale, de leur actionnariat, leurs méthodes de notation, leurs régimes de rémunération, etc.

Enfin, un traitement spécifique est prévu pour les agences de notation opérant exclusivement à partir d'ordres juridiques non européens, pour autant que leur pays d’origine ait instauré un dispositif de réglementation et de surveillance aussi rigoureux que celui mis en place par l’Union européenne. Ainsi, les notations extracommunautaires devront être avalisées (mécanisme d’endossement des notes) par une agence communautaire enregistrée, en conformité avec le

571 Ibid., article 16, paragraphe 4. 572

Ibid., article 16, paragraphe 5 : « Dans les soixante jours ouvrables suivant la notification visée à l’article 15, paragraphe 5, deuxième alinéa, et, en tout cas, dans les quatre-vingt-dix jours ouvrables si le paragraphe 2 s’applique, le facilitateur communique au CERVM le projet de décision d’enregistrement ou de refus dûment motivé, accompagné des explications détaillées visées au paragraphe 4, deuxième alinéa ».

573

Ibid., paragraphe 7 : « L’autorité compétente de l’État membre d’origine arrête une décision dûment motivée d’enregistrement ou de refus dans les quinze jours ouvrables suivant la réception de l’avis du CERVM. Si l’autorité compétente de l’État membre d’origine s’écarte de l’avis du CERVM, elle le motive dûment […] ».

nouveau Règlement. Cette agence sera chargée de vérifier et de contrôler que les activités de notation des agences extracommunautaires sont conformes aux règles. Pour les petites agences extracommunautaires qui ne sont pas présentes dans l’Union européenne, un régime de certification sera mis en place. La Commission européenne décidera au cas par cas de l’équivalence entre le cadre juridique du pays tiers et les dispositions communautaires et par conséquent de la possibilité d’utiliser cette notation dans l’Union européenne.

La procédure d'enregistrement instaurée par le règlement de 2009 est donc une procédure complète et constitue un réel pas en avant, cependant son application et sa mise en œuvre se sont avérées longues. Ainsi, la procédure d'enregistrement des agences du big three a duré 14 mois, s'étendant d’août 2010 à octobre 2011. Le nombre de documents communiqués explique cette longueur, près de 28 800 pages (en ce qui concerne les trois principales agences de notation) ayant dû être traitées.

Tableau n°15 : Nombre de documents et de pages fournies par les trois grandes agences de notation pour leur enregistrement en Europe574

Nombre de documents Nombre de pages

Standard and Poor's 145 2 600

Moody's 92 17 700

Fitch 913 8 500

Cette procédure a été conduite pour l'essentiel par les autorités nationales de régulation et cette multiplicité d'acteurs explique également la longueur du processus. En effet, ces autorités ont dû élaborer une doctrine commune d'examen des dossiers575, indispensable pour S&P, Moody's et

Fitch qui disposent de filiales dans plusieurs pays européens. La procédure a connu plusieurs

phases ; la phase d'examen du caractère complet des trois dossiers s'est achevée aux mois de mars et d'avril 2011, avec l'envoi d'une lettre de complétude aux trois agences (3 mars pour Fitch, 14 mars pour S&P et 6 avril pour Moody's). Cette première phase a été particulièrement longue, au regard du règlement européen qui prévoyait seulement 25 jours pour vérifier que les dossiers étaient complets. Mais il a fallu que les autorités nationales s'accordent sur les documents complémentaires à demander aux agences ; ainsi au moins trois lettres d'incomplétude ont été envoyées à chaque

574E

SPAGNAC F., DE MONTESQUIOU A., op. cit., p. 178. 575

Les axes d'examen ont été regroupés en sept rubriques : organisation générale et gouvernance ; contrôle interne (dont conformité) ; relations commerciales et ressources ; conflits d'intérêts ; procédures de notation et méthodologies ; publications ; endossement.

agence. La phase de complément des dossiers (août 2010 - mars 2011) a été plus longue que la phase d'analyse et de vérification des données fournies par les agences (avril 2011 - octobre 2011).

Tableau n°16 : Thèmes des échanges entre les autorités européennes chargées de leur enregistrement et les trois grandes agences de notation576

Séries d'envois Standard and Poor's Moody's Fitch

Août 2010 Actionnariat Gouvernance Méthodologies Informations financières Externalisation Conflits d'intérêts Ressources humaines Rémunérations Actionnariat Gouvernance Méthodologies Informations financières Externalisation Conflits d'intérêts Ressources humaines Rémunérations Actionnariat Gouvernance Méthodologies Informations financières Externalisation Conflits d'intérêts Ressources humaines Rémunérations Novembre 2010 Gouvernance Méthodologies Informations financières Externalisation Gouvernance Méthodologies Conflits d'intérêts Rotation des analystes

Actionnariat Gouvernance Méthodologies Informations financières Contrôle de conformité Conflits d'intérêts Ressources humaines Rémunérations Janvier - Février 2011 Gouvernance Méthodologies Conflits d'intérêts Informations financières Rotation des analystes

Gouvernance Méthodologies Conflits d'intérêts

Rotation des analystes Rémunérations Externalisation Gouvernance Conflits d'intérêts Méthodologies Externalisation Contrôle de conformité Printemps 2011 Gouvernance

Méthodologies Contrôle de conformité

Eté 2011 Gouvernance Méthodologies Contrôle de conformité Méthodologies Conflits d'intérêts Externalisation Gouvernance Méthodologies Conflits d'intérêts Externalisation Rémunérations

Septembre 2011

Gouvernance Méthodologies Rotation des analystes

Méthodologies Conflits d'intérêts Externalisation Gouvernance Conflits d'intérêts Octobre 2011 Méthodologies Externalisation Méthodologies

Conflits d'intérêts Méthodologies

A la suite d'un long travail préparatoire, cette toute nouvelle procédure d'enregistrement est donc une procédure complète mais longue. Sa complexité est notamment due aux nombreux acteurs qui freinent l'enregistrement des agences et alourdissent la procédure. L'enregistrement des agences de notation n'est cependant pas la seule avancée, la régulation des conditions de notation en fait également partie.

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