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Explication de la crise de

Paragraphe I : La crise financière de 2007 et le rôle joué par les agences de notation

A) Explication de la crise de

La crise financière de 2007 trouve son origine dans un système économique poussé à ses limites (1) où la rentabilité est le maître mot. Mais une fois les limites atteintes, le retour à la réalité est douloureux (2).

1) Les défaillances d'un système poussé à ses limites

Pour expliquer au mieux cette crise, il est d'abord nécessaire de replacer les événements dans leur contexte. La crise financière internationale de 2007 tient ainsi son origine dans la crise dite des

subprimes américains. Ces subprimes, branche la plus à risque des crédits hypothécaires,

représentaient alors près de 1.200 milliards de dollars soit 13% de la dette hypothécaire américaine. A la suite d'une surchauffe du marché immobilier américain en 2003, différents acteurs financiers vont développer de nouveaux outils afin de favoriser l'endettement. « L’offre de crédit devient de plus en plus innovante, proposant des produits « sur mesure » adaptés à tous les profils d’emprunteurs. À côté du prêt traditionnel à 30 ans et à taux fixe présent sur le prime market (marché « sans risque »), se développe une large gamme de nouveaux produits, essentiellement à taux variable »183. C'est d'ailleurs en partie à cause de la complexité de ces nouveaux produits que les agences de notation se sont trompées quant à leurs évaluations. Ce processus ouvre donc le marché du crédit à une catégorie de la population qui jusque là n'y avait pas accès. « Ces ménages ont souvent été approchés par des courtiers hypothécaires – parfois malveillants – peu soucieux de la qualité de l’emprunteur, cherchant avant tout à gagner leur commission, ou bien par des paiements organisés non assujettis aux contraintes de la réglementation bancaire et qui donc pouvaient s’engager sur des opérations à risque, sachant qu'ils n'avaient plus ensuite qu'à les revendre sur le marché secondaire »184. Circulait alors l'idée (folle) qu'en cas de difficultés financières, les ménages pouvaient rembourser leur crédit en demandant un autre prêt ou en vendant leur bien avec l’espoir d'une plus-value. Un système économique fondé sur la rentabilité était alors à son apogée. A partir de 2006, « la baisse des prix, combinée à la hausse des charges d’intérêt, et surtout l’entrée dans la période de réinitialisation des taux et de remboursement du capital (resets) pour les prêts non traditionnels contractés en 2004 mettent à mal la situation financière des ménages qui ne peuvent plus compter sur la vente de leur bien pour effacer leur dette. Les mensualités augmentent jusqu’à atteindre plus de 50 % du revenu des ménages. Les retards de paiement s’accélèrent. Fin 2007, 20 % des crédits « subprimes » à taux variable connaissent des retards de paiement de plus de six mois, contre 10 % en 2005, et presque 6 % sont entrés en procédure de saisie »185. La suite est connue : la crise immobilière américaine se propage au marché financier, d'abord américain, puis international, pour enfin atteindre toutes les couches de l'économie. La faiblesse des conditions d’octroi des crédits, favorisée par la titrisation, a affaibli le système

183R

IFFLART C., « La crise immobilière aux États-Unis : l'éclatement de la bulle, Crise financière : analyses et propositions », Revue d'économie financière, 2008, p. 2-3.

184 Ibid. 185 Ibid., p. 4.

financier dans son ensemble. « L'idée reçue, jusqu’à l’été 2007, était aussi que ce phénomène, en dispersant le risque entre de nombreux investisseurs de par le monde, renforcerait la solidité du système bancaire. Mais la titrisation, qui s’est accompagnée d’une grande sophistication de produits financiers de plus en plus innovants, a été l'objet d'un certain nombre d’abus et de déviations qui n’ont guère été perçus à l’époque »186

. La titrisation permet aux banques de retirer de leur bilan les prêts qu'elles ont accordés et donc d'accélérer la rotation de leur bilan tout en respectant les accords de Bâle leur imposant des ratios ente leurs fonds propres et leurs engagements. Les banques ont donc trouvé, grâce à ce processus, un moyen de gagner plus d'argent plus rapidement. En effet, après avoir octroyé un crédit, elles le « revendaient » sur les marchés financiers. Dès lors, les banques américaines, pour attirer un maximum d’emprunteurs, ont facilité l'octroi de crédits hypothécaires très risqués à travers des montages financiers complexes sans trop s’attacher à la solvabilité des emprunteurs. L’accès facile aux crédits s'est donc accompagné d'une détérioration de leur qualité, les banques, volontairement peu attentives aux risques potentiels ne se protégeant ainsi plus suffisamment des risques de non remboursement. « Or, cette dégradation de la qualité des crédits a joué un rôle majeur dans la montée en puissance des défaillances d’emprunteurs « subprimes », défaillances qui ont été le « déclencheur » de la crise »187. Le marché financier international s'est alors retrouvé « infecté » par les crédits titrisés de mauvaise qualité, et a donc inévitablement fini par tomber malade. Cette maladie du marché financier international est aussi fortement liée au surendettement des États.

Une part de la croissance de pays occidentaux est due à leur capacité de financement via des crédits et donc à leur capacité d'endettement. Ce type d'économie d'endettement trouve sa source à la fin des années 70 aux États-Unis. Jusqu’à cette date le développement du crédit aux États-Unis était « sain » et les salaires augmentaient de manière constante. Mais dans les années 70, la croissance économique s'est ralentie et les salaires ont cessé d'augmenter alors que dans le même temps, la dette, elle, continuait son ascension, avec un développement nuisible à la capacité de rebond de l’économie ; il était de plus en plus compliqué pour les emprunteurs de rembourser leurs crédits. C'est en 1979 que Paul Volker188 décide de réduire les coûts des emprunts, d'augmenter la valeur des actifs financiers et de stabiliser le pouvoir d'achat afin de lutter contre l'inflation. Dans cette optique, il place le taux directeur de la Federal Reserve System (souvent raccourci en Federal Reserve ou

FED) à 20%. Dès lors, et comme le précise Jacques Attali, « il devient donc possible d'augmenter le

186DE LAROSIERE J., « La crise financière actuelle. Pourquoi le système a-t-il déraillé ? Réflexions sur la titrisation, Crise financière : analyses et propositions », Revue d'économie financière, 2008, p. 3.

187 Ibid.

188 Paul Adolph Volker est un économiste américain qui a notamment été Président de la Réserve fédérale des États- Unis (FED) de 1979 à 1987.

niveau de vie en remplaçant le revenu par des emprunts aisément remboursés par la vente d'actifs […]. L'économie s'installe ainsi dans une économie de la dette où l'endettement des ménages est utilisé comme substitut à l'augmentation des salaires. […]. Cette situation peut durer aussi longtemps qu'augmente la valeur des actifs boursiers et immobiliers. Ce sera le cas pendant près de 30 ans »189. L’endettement est donc un moyen de soutenir la croissance. Or cette économie d'endettement est financée par des innovations financières complexes telles que la titrisation. Comme vu précédemment sur le marché américain, de nombreux foyers ont accédé à la propriété immobilière grâce à la titrisation et à la promotion des crédits hypothécaires ; avec pour conséquence néfaste une forte hausse de l'endettement malgré une faible augmentation des salaires. L'économie d'endettement peut être comparée à une baignoire. « Le volume d'eau de cette baignoire, c'est la masse monétaire. Ce volume augmente lorsque les banques consentent des crédits (qui sont donc le robinet de la baignoire), et il diminue lorsque les particuliers ou les entreprises remboursent ce qu'ils doivent aux banques (les remboursements sont donc la "bonde" de vidange de la baignoire) »190. La baignoire se vide régulièrement grâce aux remboursements, mais elle se remplit de manière très saccadée en fonction des emprunts. Ainsi quand l'économie se porte mal, les emprunteurs se raréfient car les taux de crédits sont élevés ; dès lors la baignoire se vide plus vite qu'elle ne se remplit. Dans cette conjoncture, « la masse monétaire diminue et l'argent manque partout »191. Il suffit d'ajouter à ce phénomène le délaissement de l'industrie dite « réelle » et un événement insignifiant suffit alors à enrayer la machine. C'est donc grâce à ce montage financier que les pays occidentaux ont pu s'assurer une croissance moyenne de l'ordre de 4% malgré une productivité réelle bien inférieure à ce rendement. Le maintien de ce système, l'injection de liquidité dans l'économie par les banques centrales et l'abaissement des taux permettant de soutenir la croissance ont permis à l'économie mondiale de jamais vraiment pâtir des bulles financières qui ont touché le secteur (tel que la bulle internet dans les années 2000 par exemple). Un système sous perfusion ne peut cependant pas vivre éternellement, « la FED mène une politique de taux bas pour relancer la croissance mais elle laisse la perfusion dans le bras américain un peu trop longtemps »192. Ce modèle économique basé sur l'endettement des États conjugué à une masse trop importante de liquidités, à la dérive de produits financiers peu sûrs et à des risques mal mesurés va alors être confronté à des phénomènes financiers qui vont entraîner sa chute. Après l'euphorie, les conséquences du non remboursement des crédits se font sentir sur les institutions financières.

189 ATTALI J., Survivre aux crises, Fayard, 21 octobre 2009, p. 34.

190 BOISSE S., « Les vraies raisons de la crise économique », http://sboisse.free.fr. 191 Ibid.

192DOCKES P., LORENZI J-H., Fin du monde ou sortie de crise ?, Le cercle des économistes, Tempus, 24 septembre 2009, p. 26.

2) Un retour à la réalité douloureux

C'est l'éclatement de la bulle immobilière américaine qui a déstabilisé l'ensemble des marchés financiers. Lorsqu'à la fin de l'année 2005, la FED a commencé à relever ses taux d’intérêt, les foyers américains les plus fragiles se sont retrouvés en défaut de paiement. « Le taux de défaut de paiement sur les prêts hypothécaires des ménages, qui atteignait à peine 4% en 2005 a alors considérablement augmenté pour atteindre 10% en septembre 2007 puis 20% à la fin de cette même année »193. Ces défauts de paiement ont entraîné des saisies immobilières, avec pour conséquences une augmentation importante du nombre de logements à la vente, et un effondrement des prix de l'immobilier. Dès lors, les investisseurs n'investissent plus dans les titres financiers adossés aux créances immobilières et les banques « contraintes par des dispositions contractuelles mal spécifiées […] ont rapatrié massivement dans leurs comptes les instruments de titrisation »194

. Dans l'économie mondialisée telle que nous la connaissons qui s’appuie sur la finance globalisée et la mobilité internationale des capitaux, la crise américaine va affecter l’activité des marchés financiers mondiaux. Un climat de défiance se traduit alors sur le marché interbancaire, les banques ne sachant plus le degré de vulnérabilité de leurs concurrents. Ce sera BNP Paribas195 qui annoncera la première ne plus pouvoir évaluer la valeur de ses titres ; « faisant découvrir par la même occasion qu'ils sont désormais introduits dans les comptes des principales banques du monde développé »196. En janvier 2008, les banques dont les fonds propres sont insuffisants et qui ont subi des pertes importantes sont en faillite. La première banque à se déclarer en faillite sera Bear Stearns197. La banque Lehman Brothers est elle aussi au bord de la faillite à la fin de l'été 2008 lorsque la Maison Blanche s'interroge sur l’opportunité de la sauver ou non. En effet, le gouvernement américain hésite entre l'application du principe « too big to fail »198 ou l'idée de ne pas mettre en place une jurisprudence qui préciserait que toutes les grosses banques seront renflouées en cas de faillite. La deuxième option sera choisie et Lehman Brothers déposera officiellement son bilan le 15 septembre

193RICOL R., Rapport sur la crise financière, Mission confiée par le Président de la République dans le contexte de la présidence française de l'Union européenne, Septembre 2008, p. 27.

194 Ibid. 195

BNP Paribas est un groupe bancaire français présent dans 75 pays et faisant partie de l'indice CAC 40. En 2016, elle est la première banque de la zone euro et la cinquième banque internationale.

196

ATTALI J., op. cit., p. 40. 197

Elle fera dans un premier l'objet d'un prêt de 25 milliards de dollars par la banque fédérale de New-York, mais cette dernière fera finalement volte-face quelques jours après. Elle sera finalement revendue à la banque commerciale JP Morgan Chase à un prix dérisoire de 10 dollars par action.

198

Le principe « too big to fail », en français « trop gros pour faire faillite », veut que certaines banques ou institutions financières soient sauvés par les pouvoirs publics en cas de faillite car les conséquences seraient trop importantes pour l'économie.

2008. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi beaucoup d'autres, de nombreuses sociétés subissant les premiers contrecoups de la crise et se déclarant alors en faillite. Pourtant ce n’est qu’un début car les risques vont se diffuser à l’économie réelle.

Après la sphère financière, c’est la sphère réelle de l’économie qui est impactée. Leur interdépendance s’impose car dans une économie capitaliste de marché, le fonctionnement de toutes les activités économiques suppose des capacités de financement. « L’économie, nationale, régionale ou mondiale, prend donc la forme d’un système dans lequel les diverses composantes, les multiples éléments (agents et opérations) sont plus ou moins en interaction avec les autres composantes, éléments et avec le système lui-même En fait, depuis le début des années 80, diverses évolutions (révolutions pour certains) ont contribué à multiplier les phénomènes interactifs et donc la (sur)réactivité du système »199.

Le 17 septembre 2008, 550 milliards de dollars sont retirés du marché monétaire américain, « La liquidité des banques n'est plus assurée. Le crédit aux entreprises s’arrête. Si ce jour-là, les épargnants s'étaient précipités en masse pour retirer leur argent des banques aux États-Unis et en Europe, le système capitaliste en son entier se serait sans doute effondré »200. Les défauts sur les crédits hypothécaires et le recul brutal des prix de marché des actifs (tels que les obligations d'entreprises) ont fragilisé les banques. Elles ont donc durci les conditions d'accès au crédit rendant alors plus difficiles les financements d'opérations d'investissement. Ce resserrement des conditions de crédit a logiquement entraîné une accession très compliquée aux capitaux, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises. Le système économique entre alors dans un cercle vicieux : la baisse de la consommation génère un ralentissement de l'activité des entreprises, puis une baisse de croissance, et donc une hausse du chômage. Il aura fallu la mise en place de plans d'urgence pour sauver l'économie. La France a par exemple consacré 360 milliards d'euros pour sauver ses banques quand la FED a injecté près de 8,7 trillion de dollars dans le sauvetage de l'économie américaine. Les pays en développement ont eux aussi subi durement cette crise. Alors que jusque-là l’origine des crises se situait souvent dans les pays en développement, celle-ci a débuté dans les pays développés pour atteindre ensuite les pays émergents. « Pour reprendre les mots de Martin Khor, le nouveau directeur exécutif du Centre Sud à Genève, « Les sources de la crise financière mondiale se trouvent dans les politiques financières et autres politiques des pays développés, plus particulièrement des États-Unis. Bien que les pays en développement ne soient nullement responsables de la crise, celle-ci ne les épargne pas. » »201. « Selon le World Economic Outlook

199 MOUREY D., « De la crise financière,... à la crise réelle ? », www.davidmourey.com, 24 août 2007. 200 ATTALI J., op. cit., p. 44.

(WEO) d’avril 2009 du FMI, le ralentissement économique des pays émergents et en

développement a été plus marqué que celui des pays industrialisés »202. L'Organisation des Nations- Unies pour l'éducation, la science et la culture a ainsi estimé que la baisse de croissance en 2009 a coûté 18 milliards de dollars aux quelques 390 millions de personnes d’Afrique subsaharienne vivant dans une pauvreté extrême203. Plusieurs raisons expliquent ces répercussions à l’échelle mondiale. La crise s'est d'abord propagée via les marchés boursiers des pays émergents, le MSCI Marchés Émergents204 ayant par exemple chuté de 23% en une semaine. Ensuite, le flux de capitaux à destination des pays en développement, qui s’élevait à 1157.7 milliards de dollars en 2007, est tombé à 727.3 milliards de dollars en 2008205 alors que ces capitaux sont indispensables à leur développement. Les envois d'argent par les migrants dans leurs pays d'origine ont également fortement diminué notamment en raison des difficultés à trouver du travail et des licenciements. Enfin, le ralentissement de l'économie mondiale s’est répercuté sur la demande de biens et de services. Le ralentissement économique de la Chine et de l'Inde par exemple a entraîné une diminution de leurs demandes d’agents énergétiques et de matières premières minérales, spécialement africaines.

Il est cependant important de préciser que certains économistes insistent sur les effets positifs de cette crise. C'est par exemple le cas de Patrick Artus qui affirme que « Ces conséquences négatives sont assez systématiques, et apparaissent dans toutes les crises. Mais les caractéristiques particulières de cette crise font aussi apparaître des conséquences favorables, à terme »206. Les effets positifs se traduisent notamment par des structures de financement plus orientées vers des ressources stables du fait d'une aversion pour le risque. Patrick Artus affirmait également en 2008 à propose de la titrisation que « La réintégration des risques de défaut des emprunteurs dans les bilans des banques (la réintermédiation) est donc favorable, car elle va inciter les banques à examiner la situation des emprunteurs »207.

La crise financière de 2007 a donc eu des répercussions dans l’économie mondiale, sans distinction du niveau de développement des différents pays. Toutes les sphères de l'économie ont été atteintes, que soit la sphère financière, la sphère monétaire ou encore la sphère « réelle ». Il est

de développement, 15 mars 2010. 202 Ibid.

203 UNESCO, La crise mondiale frappe les plus vulnérables, 3 mars 2009. 204

Le MSCI Marchés Émergents est un indice boursier créé en 1988 mesurant la performance des marchés boursiers de pays à économie émergente.

205 Banque mondiale, Global development finance, I : review, analysis, and outlook, 2009, Tableau 2.1, p. 40. 206ARTUS P., « La crise a aussi des conséquences favorables », Falsh économique Natixis, n°68, 14 février 2008. 207 Ibid.

maintenant nécessaire de s'interroger sur le rôle des agences de notation financière dans cette crise mondiale.

B) Le rôle nuancé des agences de notation financière dans la crise de

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