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Les questions auxquelles la loi du 15 mars 2005 ne répond pas ou auxquelles elle ne répond

manifestant une appartenance religieuse

6. Les questions auxquelles la loi du 15 mars 2005 ne répond pas ou auxquelles elle ne répond

qu’imparfaitement

6.1 Le port de signes religieux par les stagiaires des GRETA suivant des formations dispensées dans des lycées

Les stagiaires de la formation continue dispensée par les groupements d’établissements (GRETA) au sein des établissements scolaires publics, qui ne sont pas des élèves au sens de la loi du 15 mars 2004, ne peuvent se voir interdire sur ce fondement législatif le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse (TA Paris, 5 novembre 2010, n° 0905232). Cette solution a été reprise par le tribunal administratif de Caen dans un jugement n° 1200934 du 5 avril 2013.

La Halde, puis le Défenseur des droits se sont prononcés à plusieurs reprises contre l’interdiction de ports de signes religieux par les stagiaires des GRETA (voir par exemple délibération de la Halde n° 2009-235 du 8 juin 2009, décision du Défenseur des Droits n° LCD-2013-7 en date du 5 mars 2013), mais comme a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises le Conseil d’Etat, ces autorités administratives indépendantes émettent des recommandations ou des avis qui n’ont pas l’autorité de la chose jugée.

Toutefois, l’encadrement du port de signes religieux ostensibles par les stagiaires des GRETA à l’intérieur des établissements scolaires publics peut être justifié par des considérations d’intérêt général liées à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de ces établissements et d’éviter la coexistence, dans un même établissement et aux mêmes moments, d’usagers de la formation initiale et de la formation continue soumis à des règles différentes.

Le ministère estime donc fondé que le règlement intérieur d’un GRETA tienne compte de cette circonstance et puisse interdire le port de signes d’appartenance religieuse par les stagiaires accueillis en formation pendant les créneaux horaires partagés avec les élèves.

Le tribunal administratif de Caen (TA Caen, 5 avril 2013, n° 1200907) a, par un jugement du même jour que celui mentionné ci-dessus, estimé que le règlement intérieur du Greta pouvait imposer que les stagiaires de la formation professionnelle qui suivent une formation dispensée dans un établissement scolaire respectent les règles de vie propres à cet établissement dès lors que celui-ci est ouvert aux élèves de l’éducation nationale et en leur présence. Appel de ce jugement a été déposé devant la cour administrative d’appel de Caen.

De même, le tribunal administratif de Melun a considéré que les décisions de refus opposées à une stagiaire du Greta de porter le voile dans un établissement ouvert concomitamment aux élèves de l’éducation nationale, motivées par la nécessité de soumettre les stagiaires du Greta aux règles de vie propres à cet établissement étaient justifiées par la nécessité de garantir le fonctionnement normal du service public sans qu’il ait été au demeurant nécessaire que de telles obligations figurent expressément dans le règlement intérieur du Greta (TA Melun, 19 novembre 2013 n° 1106254) . 6.2 Le port de signes religieux par les parents accompagnateurs des élèves lors des sorties scolaires

La question du respect du principe de laïcité par les parents accompagnateurs de sorties scolaires a donné lieu à une délibération n° 2007-117 du 14 mai 2007 par laquelle la HALDE a estimé que « ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposent a priori à ce que des mères d’élèves portant le foulard collaborent au service public de l’enseignement ».

Début 2011, le ministre de l’éducation nationale Luc Chatel a pris position contre le port de signes religieux par les parents accompagnateurs des élèves lors des sorties scolaires, au motif que leur participation au service public de l’éducation les soumettait, au même titre que les agents publics, au principe de neutralité du service public.

La circulaire n° 2012-056 du 27 mars 2012 portant orientations et instructions pour la préparation de la rentrée 2012 a prévu dans son point 10. Soutenir l'engagement de la communauté éducative qu’« il est recommandé de rappeler dans le règlement intérieur que les principes de laïcité de l'enseignement et de neutralité du service public sont pleinement applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces principes permettent notamment d'empêcher que les parents d'élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu'ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires ». Cette disposition n’a pas été reprise dans la circulaire de rentrée 2013.

Le tribunal administratif de Montreuil, par un jugement n° 1012015 du 22 novembre 2011, a rejeté une demande d’annulation d’un règlement intérieur qui imposait aux parents d’élèves accompagnateurs lors des sorties scolaires le respect du principe de laïcité.

Saisi par le Défenseur des droits d’une demande d’étude55 portant sur la question de la liberté d’expression religieuse et de son encadrement, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question du port de signes religieux par les parents accompagnateurs de sorties scolaires (étude adoptée par l’Assemblée générale du Conseil d’Etat le 19 décembre 2013, disponible sur le site Internet du Défenseur des droits).

Le Conseil d’Etat considère que, pour les usagers et les tiers au service public, des restrictions à la liberté de manifester des opinions religieuses peuvent résulter soit de textes particuliers – c’est par exemple le cas de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation qui interdit le port de signes par lequel les élèves de l’enseignement public manifestent ostensiblement leur appartenance religieuse –, soit de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service.

55- En application de l’article 19 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits

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Le Conseil d’Etat en déduit que« les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ».

Le juge des référés du tribunal administratif de Nice, saisi le 29 décembre 2013 d’une requête tendant à la suspension de l’exécution du refus opposé le 17 décembre à une mère d’élève d’accompagner la classe de son fils dans le cadre d’une sortie scolaire prévue le 6 janvier 2014, l’a rejetée par une ordonnance du 31 décembre. Le juge des référés a fait sien le raisonnement du Conseil d’Etat et considéré que« Le respect du principe de laïcité et les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ». La requête au fond tendant à l’annulation de cette décision de refus du 17 décembre 2013 est en cours d’instruction au tribunal administratif de Nice.

6.3 Le port de signes religieux par les parents élus aux instances des établissements L’article L. 111-4 du code de l’éducation prévoit que « les parents d’élèves sont membres de la communauté éducative. Leur participation à la vie scolaire et le dialogue avec les enseignants et les autres personnels sont assurés dans chaque établissement. Les parents d’élèves participent, par leur représentants aux conseils d’école, aux conseils d’administration scolaires et aux conseils de classe».

La circulaire n° 2006-137 du 25 août 2006 relative au rôle et à la place des parents à l’école précise que

« tout parent d’élève, membre ou non d’une association de parents d’élèves, peut présenter une liste de candidats aux élections des représentants des parents d’élèves au conseil d’école (…) ». Ce texte incite d’ailleurs les chefs d’établissement à donner une information précise aux parents sur le fonctionnement de l’école et le déroulement des élections afin de « favoriser la participation électorale ».

L’article L. 141-5-1 du code de l’éducation ne s’applique pas aux parents d’élèves. S’agissant des représentants élus des usagers, aucun texte n’encadre le port de signe religieux.

La Cour de cassation a confirmé la condamnation d’un maire pour discrimination en raison de l'appartenance religieuse qui, lors d'une réunion du conseil municipal, avait privé une élue de l'exercice de son droit de parole en raison du port par cette dernière d'un insigne symbolisant son appartenance à la religion chrétienne. La Cour a en effet considéré qu'il n'était nullement établi qu'en l'espèce le port d'une croix ait été un facteur de trouble susceptible de justifier que le maire, usant de son pouvoir de police, la prive de son droit à s'exprimer et qu'aucune disposition législative, nécessaire en vertu de l'article 9 de la CEDH pour que des restrictions soient apportées à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, ne permettait au maire d'une commune, dans le cadre des réunions du conseil municipal, lieu de débats et de confrontations d'idées, d'interdire aux élus de manifester publiquement, notamment par le port d'un insigne, leur appartenance religieuse (Cass.crim, 1er septembre 2010, n° 10-80.584, publié au Bulletin).

Aussi, en réponse à des questions en provenance des académies, le ministère de l’éducation nationale a estimé que des parents d’élèves qui arborent des signes ostensibles religieux ne peuvent se voir interdire l’accès aux établissements ou la participation aux réunions de parents d’élèves, au demeurant essentielles à la bonne marche de l’école, sur le fondement des dispositions du L. 141-5-1. La solution est la même en matière de participation aux instances élues des établissements. Des parents porteurs de tels signes, qui, au terme d’une consultation électorale, sont désignés de façon tout à fait régulière par leurs pairs comme leurs représentants, doivent pouvoir y siéger normalement.

Le principe de la liberté religieuse ne s’oppose toutefois pas à ce que des restrictions y soient apportées lorsqu’elles sont guidées par des impératifs de sécurité, d’ordre public ou encore de protection des droits et libertés d’autrui. Le Conseil d’Etat a ainsi rappelé dans un arrêt du 24 octobre 2003 que « le port du voile ou du foulard, par lequel les femmes de confession musulmane peuvent

entendre manifester leurs convictions religieuses, peut faire l’objet de restrictions notamment dans l’intérêt de l’ordre public » (CE, n° 250084, 24 octobre 2003). Les chefs des établissements scolaires en charge de veiller au respect de l’ordre public au sein des établissements pourraient donc prescrire l’encadrement du port de signes religieux ostensibles par les parents d’élèves à l’intérieur des établissements dès lors que l’intérêt de l’ordre public le justifierait.

En ce qui concerne cette question particulière, il convient en effet de rappeler que les réunions auxquelles sont appelés à participer les représentants des parents d’élèves ont lieu le plus souvent en soirée, en dehors des heures de cours ou d’étude, lorsque les élèves ne sont pas présents dans l’établissement.

Cette circonstance est de nature à limiter le risque d’incompréhension qui pourrait découler de la présence simultanée, au sein des mêmes locaux scolaires, d’usagers soumis à des règles différentes.

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Bilan de l’application du principe

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