• Aucun résultat trouvé

de France et représentant de M. Marc Henry, Grand Maître de la grande loge de France

« Nous sommes particulièrement sensibles à l'invitation de votre Observatoire à venir exprimer ce qu'est le point de vue de la Grande Loge de France sur la laïcité dans notre pays.

Au demeurant, il convient d'expliquer qu'il n'y a pas par définition « un » point de vue de la Grande Loge de France que quelque sujet que ce soit. La franc-maçonnerie telle que nous la concevons est une démarche de libération, une quête de liberté de la pensée. Elle propose une méthode et non un enseignement.

Le second commentaire liminaire à mon propos est que précisément nous privilégions le travail sur les valeurs et les questions d'éthique et de morale qui sont intemporelles. Nous nous distinguons d'autres obédiences maçonniques qui travaillent et s'expriment davantage sur des questions d'actualité et des faits de société.

Chacun de nous, selon ses aptitudes, son environnement, ses capacités peut et donc doit s'engager et, comme le dit notre Constitution, s'efforcer d'être un membre utile et conscient de la société.

Nous n'adoptons pas en tant que telle la posture d'un laïcisme militant, et nous ne recherchons pas l'expression d'une unanimité sur les moyens d'y parvenir.

Mais nous sommes indéfectiblement et unanimement attachés à la laïcité, en tant qu'expression de la liberté de conscience.

Laissant chaque frère libre de ses convictions métaphysiques personnelles, la démarche spirituelle commune aux francs-maçons de la Grande Loge de France permet à des hommes croyants ou non croyants, pratiquants ou non pratiquants de partager leur quête et de s'engager dans un authentique travail sur eux-mêmes.

Cette absolue liberté de conscience est l'un des fondements essentiels de la démarche maçonnique;

et cette liberté de conscience ne doit surtout pas se réduire à la liberté religieuse qui écarte par définition tous les non-croyants. Dès lors que chacun est libre de ses conceptions en matière de spiritualité, le respect de la tolérance des conceptions d'autrui s'impose à tous. C'est pour nous la définition première de la laïcité.

La laïcité participe ainsi au respect des libertés individuelles et de la dignité humaine.

Il convient de rappeler ici l'articler premier de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l'Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l'ordre public ».

On voit ainsi que la laïcité ne saurait se réduire à la neutralité de l'Etat, comprise au sens de l'indépendance des pouvoirs publics et des différentes options spirituelles ou religieuses dans l'espace public. Ainsi, dans notre pays, la loi ne procède pas de la religion.

RA P P O R T A N N U E L D E LO B S E R V A T O I R E D E L A L A Ï C I T É 2 0 1 3 - 2 0 1 4

Indépendance ne signifie pas indifférence, la loi de 1905 précisant que « Si la république ne reconnait aucun culte, elle les connait tous, en droit, et sur un pied d'égalité. »

Enfin le principe de laïcité et la loi de séparation des Eglises et de l'Etat ne s'opposent nullement à ce que les représentants des différentes options spirituelles, religieuses ou philosophiques soient fondés à intervenir selon les règles explicites et équitables dans le débat public, comme toute composante de la société.

Ainsi la laïcité paraît portée par quatre principes cardinaux :

Qla garantie absolue de conscience

Qle respect de la diversité des options spirituelles

Qla mise en pratique d'une tolérance partagée

Qla détermination à construire un cadre de rapports sociaux tels qu'ils fondent l'espace commun.

De plus, la devise de la grande loge de France est Liberté-Egalité-Fraternité :

QLiberté : nous sommes attentifs à ce qui pourrait compromettre notamment la liberté d'expression ou la liberté de conscience, et donc de croyant en matière de spiritualité.

Nous aimons à rappeler que le mot laïc, qui signifie « qui appartient au peuple » désigne ici l'humanité.

Il faut donc comprendre laïcité comme de l'ordre universel. L'universalisme, par nature, s'oppose aux fondamentalismes, aux totalitarismes, aux sectarismes, aux communautarismes d'où qu'ils soient.

Pour les francs-maçons de la Grande Loge de France, la laïcité n'est pas la guerre contre la religion, ni la religion en général, ni le rejet de telle ou telle en particulier.

QEgalité : la vraie laïcité impose à tous le respect de toutes les religions et de toutes les spiritualités, qu'elles soient d'inspiration religieuse ou qu'elles ne le soient pas. Etre laïc c'est être ouvert à la cohabitation de tous les hommes, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas en un dieu révélé. La seule limite concerne les mouvements sectaires.

QLa fraternité : elle doit se comprendre comme le refus de toutes discriminations, de quelque nature qu'elle soit. De la fraternité procèdent la compassion, la tolérance et l'amour d'autrui.

La laïcité dont nous nous réclamons et que nous défendons doit être comprise au sens le plus large, non seulement comme l'indépendance vis-à-vis des religions mais au-delà, comme l'indépendance vis-à-vis de toute idée préconçue, de tout schéma de pensée imposé.

A l'occasion de réflexions sur la thématique « Enseigner Eduquer, Transmettre » nous avons envisagé le bénéfice en terme de tolérance et de « vivre-ensemble » harmonieux d'un enseignement du fait religieux.

Nous avons à cette occasion fait le constat que notre pays a connu une phase de laïcité que l'on peut qualifier de combative, sans doute nécessaire dans le contexte historique qui l'a vu se développer au début du XXesiècle. Chacun sait que de nombreux francs-maçons s'y sont largement impliqués. Il en a résulté en rejet du faire religieux hors du domaine de l'enseignement. La confusion entre cléricalisme et religion, la concurrence sourde entre l' « école sans dieu » et l'autre, ont durablement marqué le monde éducatif. En fait on a perdu la capacité de distinguer la croyance du fait culturel.

QOr comment comprendre notre histoire, celles des Croisades par exemple, y compris dans ses prolongements dans les relations entre l'occident et le monde arabo-musulman sans faire référence aux croyances ? Les chefs d'œuvres d'architecture ? Les œuvres d'art ?

Au cours de la réflexion, il a été fait référence au rapport rédigé sur l'enseignement du fait religieux dans l'école laïque par Régis Debray il y a 12 ans, en février 2002, à la demande de Jack Lang. Ce rapport préconisait un enseignement à tous les niveaux du parcours scolaire, assuré par les enseignants des diverses disciplines, sous réserve qu'ils aient reçu la formation nécessaire.

Connaître l'autre permet de le reconnaître pleinement, mais aussi d'élargir notre propre universel.

Nous faisons notre la phrase attribuée à Antoine de Saint-Exupéry « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis ». Et il nous paraît évident que l'école est le lieu privilégié pour acquérir dès les premières années de la vie, cette connaissance, et grâce à elle d'apprendre la tolérance, évidemment assortie de la réciprocité, conditions nécessaires au vivre-ensemble tel que notre république le conçoit.

La tolérance n'est pas la saule valeur qu'il faille cultiver. Trois principes nous paraissent fondateurs à cet égard, la tolérance, bien sûr, mais aussi la responsabilité et la solidarité.

Il nous est apparu que l'immigration est souvent mise en avant par certains, qui la dénoncent, comme mettant à rude épreuve ces trois principes fondateurs de l'harmonie dans l'espace commun. Force est de constater que le débat public sur la laïcité, et la préoccupation qu'en ont les pouvoirs publics, dont témoigne l'existence même de votre Observatoire, est fortement corrélé sans notre pays aujourd’hui à ce questionnement sur l'immigration et, dit sans se voiler hypocritement la face, à la part significative de la population française de tradition musulmane.

Cependant, ne considérer la question de la laïcité qu'au travers de ce prisme étroit n'a guère de sens, et n'est en tout cas pas conforme à la réalité historique. Les débats qui ont conduit à la laïcisation de l'Etat et à la loi de 1905 ont agité notre pas en un temps ou la population musulmane vivant en métropole n'était qu'une infime partie de ses habitants. Quant aux juifs ils étaient largement intégrés voire assimilés. On sait toutefois comment l'Affaire Dreyfus réactiva l'anticléricalisme chez certains républicains, et notamment les radicaux. La laïcité qu'ils prônèrent activement une fois au pouvoir en 1902 ne cherchait pas l'intégration ni la coexistence des croyants des diverses confessions et des non croyants, autant que la neutralisation de l'influence du clergé et des mouvements religieux sur le politique.

Les francs-maçons de l'époque, ceux de la grande loge de France comme ceux du Grand Orient ont largement soutenu le processus conduisant à la République laïque telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Si nous avançons d'un siècle dans l'histoire de notre pays, nous pouvons faire le constat que l’immixtion du religieux dans le politique est limitée, même s'il est manifeste que certains débats portant sur des questions de société, mariage pour tous, procréation médicalement assistée, adoption, ont conduit des responsables religieux à s'exprimer plus ou moins à demi-mot.

Le principe duquel tout procède s’énonce simplement : toute atteinte à la dignité humaine, tout ce qui tend à avilir l’homme, à l’abaisser, physiquement ou moralement, doit être combattu et, chaque fois que possible proscrit. Ainsi, s’il convient au nom de la liberté, d’admettre l’expression d’opinions générales même déviantes, auxquelles il convient au demeurant de répliquer systématiquement, toute injure à caractère ethnique ou religieux, et au-delà toute injure visant une collectivité humaine quelle qu’elle soit du fait de ses options ou de ses opinions, ne saurait être tolérée. En en va de même de ce qui procède du négationnisme, qui fait injure à la réalité historique en même temps qu’aux victimes.

Accepter les différences ne peut signifier que l’on doive renoncer aux droits de l’homme et aux acquis en la matière dont notre pax peut être fière. La diversité culturelle doit ici nécessairement s’accommoder de ce que la conscience morale collective reconnait comme juste et bon pour l’homme, l’homme en général et chaque en homme en particulier.

C’est à ce titre par exemple que nous ne pouvons admettre l’excision, non plus que la polygamie. Il faut rappeler à tous ceux qui entendent vivre dans notre pays, dans notre Etat laïque, la religion relève de la sphère privée, et que nul ne peut imposer à autrui les règles de sa foi.

Toutefois, les excès du laïcisme, ce que l’on pourrait qualifier de laïcardisme nous semblent aussi condamnables que les débordements de la religion dans l’espace collectif.

RA P P O R T A N N U E L D E LO B S E R V A T O I R E D E L A L A Ï C I T É 2 0 1 3 - 2 0 1 4

Refuser la venue du Père Noel dans une école maternelle n’a guère de sens, fut-ce au nom du nécessaire respect des différentes croyances. Certaines coutumes ont un caractère traditionnel profane, et c’est au contraire la dénonciation d’une connotation religieuse qui est la marque d’un extrémisme en la matière.

Pour conclure, la Grande Loge de France entend donc susciter chez ses membres une réflexion sur la laïcité comprise, au-delà de la nécessaire neutralité de l’Etat, comma la coexistence harmonieuse des diverses expressions de la spiritualité, qu’elles soient d’inspiration religieuse ou non religieuses.

Au-delà de la réflexion, elle les invite à s’engager à la promotion à et à la défense de la laïcité selon leur capacité d’influence et d’exemplarité.

Ainsi dans le cadre du cycle de conférences « Enjeux et Perspectives » entièrement consacré à la laïcité, la Grande Loge de France recevra Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux et membre de votre Observatoire, ce samedi 18 janvier 2014 à 14h30, dans le Grand Temple, 8 rue Puteaux.

Comme, nous sommes convaincus qu’une juste connaissance de l’Islam est le moyen d’éviter chez nos concitoyens l’amalgame entre cette religion et ses dérives radicales et sectaires. Comme elle, nous pensons que le discernement est une condition du lien social, de ce « faire société ensemble » qui est le fondement même de notre République. »

Nous recevrons également dans ce même cadre le Président de votre Observatoire, Monsieur Jean-Louis Bianco.

Extraits des échanges avec les membres de l’Observatoire de la laïcité

« Ce que nous voulons faire rayonner, c’est la liberté, dont le corollaire est la responsabilité. Pour être responsable, il faut prendre conscience que notre liberté ne doit pas gêner autrui dans sa propre liberté. L’idée est celle d’une action positive en faveur de la coexistence. »

« Une fois qu’on retire l’habillage des dogmes, des religions, il n’est pas rare qu’en réalité les croyances soient très proches, comme les valeurs morales essentielles auxquelles les diverses spiritualités invitent leurs adeptes. »

Réponse à une question concernant la vision de la Grande loge sur l’aspect spirituel de la laïcité

« La laïcité de l’Etat et sa neutralité c’est une chose, la neutralité de la société c’en est une autre.

Lutter contre le message spirituel que les religions apportent est un appauvrissement considérable pour nos sociétés. Il y a une richesse considérable apportée par les théologiens à la réflexion philosophique, autant que par des penseurs qualifiés d’incroyants. Il ne faut pas méconnaître ces sources diverses auxquelles notre pensée puise. Est-ce que tous les gens qui hurlent contre l’islam ont lu une seule traduction du Coran ? »

Paris, le 20 février 2014

Audition de M me Catherine Jeannin-Naltet,

Outline

Documents relatifs