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président du Conseil national des évangéliques de France (CNEF) et de M. Clément Diedrichs,

directeur du CNEF

M. Etienne Lhermenault, président du CNEF

« Je vous remercie pour cette occasion de vous présenter notre conception de la laïcité. Le Conseil National des Évangéliques de France a été fondé en 2010. Les protestants évangéliques représentent environ un tiers du protestantisme global, mais près des trois quarts des pratiquants sont des évangéliques et nous avons 2.400 lieux de cultes évangéliques sur tout le territoire français.

Je pourrais dire de façon assez simple que la laïcité convient particulièrement bien aux évangéliques car cela correspond à une conception très ancienne des anabaptistes qui disaient que le souverain n'avait pas à se préoccuper de la croyance des citoyens, ce qui fait échos à la parole de Jésus :

« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César ».

La plupart des cultes évangéliques n'étaient pas des cultes concordataires, et sous le second empire la situation de ces cultes a été très difficile ponctuellement. Les dispositions de la loi de 1905 ont été particulièrement bien accueillies, cela était d'autant plus vrai que des protestants évangéliques ont participé à la loi de 1905, comme par exemple Raoul Allier.

De plus, la forme posée par la loi de 1905 nous convient particulièrement, car nous sommes pour le congrégationalisme, un groupement des croyants au plan local qui est autonome et doit décider de ses propres choix. De plus, les évangéliques ne souhaitent pas que leur culte soit financé par les pouvoirs publics, y compris dans l'édification des lieux de culte.

Il y a cependant trois points de vigilances que nous voudrions vous présenter :

QIl nous semble que l'Etat a, par moment envie d'être prescripteur sur la forme et parfois le contenu à l'égard du religieux, cela s’exprime notamment par le fait d'interdire toute forme de prosélytisme, comme si l'invitation à changer de religion ou d’entrer dans la foi était condamnable. De plus, les choix éthiques s'accentuent, et l’Etat semble réfractaire actuellement à ce que les religions participent au débat.

QNous pensons que le mode de régulation par la laïcité tend à devenir une idéologie. J'entends par là les propos de M. Peillon qui voudrait semble-t-il qu'on arrache les enfants à tout déterminisme.

Ce sont des affirmations qui ne sont pas inscrites mais dites, et elles nous posent problème.

QEnfin, nous avons le sentiment que la République qui est laïque tend à imposer un comportement laïque aux individus eux-mêmes. Un exemple qui ne nous concerne pas directement, c'est l'idée qu'une femme qui accompagne des enfants en sortie scolaire devrait supprimer tous signes religieux.

Nous n’avons pas d'intérêt particulier dans cette affaire, cela concerne plutôt l'islam, mais l'individu est libre de croire et il semble étrange de vouloir le rendre laïque et neutre dans ces activités.

M. Clément Diedrichs, directeur du CNEF : 4 problématiques Extension des champs concernés par la laïcité

Au niveau de l'école, je voudrais parler des domaines d'extension de la laïcité qui nous inquiètent : nous trouvons normal que l'école soit laïque, nos enfants sont à 95% dans des écoles publiques. La Charte de la laïcité ne nous pose donc pas de problème. L'école doit respecter le droit des parents à éduquer leurs enfants et le droit des enfants eux mêmes (garantis au plus haut niveau). Ainsi la question des programmes est essentielle pour que l'école ne s'occupe ni de« religion » ni de « non religion » ( de construire ou déconstruire les croyances des enfants) et prenne une place qui n'est pas la sienne. C'est le service public qui est neutre, pas les usagers.

La théorie du genre, par exemple, va à l'encontre de nos convictions. Si aucun prosélytisme n'est admis dans l'école, celui de l'Etat ne doit pas l’être non plus. A force de trop faire allusion à la laïcité, les enfants disent qu'ils n'ont plus droit de parler de Dieu à l'école.

Les protestants avaient mis en place un enseignement confessionnel qu'ils ont abandonné notamment grâce à la loi 1905. Mais des protestants évangéliques pensent sérieusement à s'y remettre si l'évolution continue dans un sens qui s’oppose à la religion.

Concernant les entreprises, on a trouvé votre guide très intéressant. Cependant nous pensons qu’il y manque la notion d'entreprise de tendance qui peut correspondre à nombre de nos associations.

Pour la petite enfance : nous sommes favorables à ne pas légiférer. Car il nous semble que l'acceptation de la diversité est plus intéressante pour le vivre ensemble que la stigmatisation de la différence. Quand les symboles perdent de leur force, ils perdent aussi de leur attrait identitaire.

La laïcité qui se passerait de l'avis des religions

En ce qui concerne la fin de vie, Monsieur le Premier Ministre a affirmé que les religions seront sollicitées. Mais nous n'avons pas eu à ce jour de contacts.

On a parfois l'impression que le point de vue des religions fait peur. Si on peut comprendre que pendant des siècles il y a eu une confusion de l'Etat et des Eglises, depuis 1905 il y a eu une clarification. Refuser l'avis des religions, de fait, c'est choisir d'autres visions du monde comme étant les bonnes références, c'est donc être sous l'emprise d'autres positions...

La garantie du libre exercice des cultes : trouver de la place pour nos Eglises

Nous sommes un mouvement avec une église qui nait tous les dix jours, cela se passe souvent bien mais nous voyons quand même que plusieurs maires ont une posture et des arguments qui sont contestables.

Pour être précis, ce qu'on nous oppose souvent, ce sont les zones de Plan Local d’Urbanisme : l'emplacement d'un lieu de culte est rarement prévu sur le PLU. Il y aussi la question des places de parking : on nous impose parfois un nombre important d’emplacements ce qui rend le projet non réalisable économiquement.

Un maire du Département de la Seine et Marne a par exemple refusé tout simplement l’édification d’une église sans donner plus de détail… Les limites à la liberté doivent être justifiées « in concreto », dans la situation et non au nom d'une neutralité « vague » ou « idéologique ».

Nous regrettons que plusieurs maires se positionnent sur un refus catégorique au lieu de faciliter la recherche des Eglises au nom de l'égalité des cultes.

RA P P O R T A N N U E L D E LO B S E R V A T O I R E D E L A L A Ï C I T É 2 0 1 3 - 2 0 1 4

La liberté d'expression

Je terminerai en disant quelques mots sur la liberté d'expression. Le souhait de partager notre foi est une de nos caractéristiques. Nous croyons que cette liberté est un corollaire de la liberté de conscience. (Convention européenne des droits de l'homme, article 9 et 10 et arrêt CEDH Kokkinakis / Grèce 1993). Or nous constatons que, pour motif de laïcité mal utilisé, cette liberté nous est contestée.

Par exemple, lors de la nuit blanche de Paris, les évangéliques avait pour habitude de procéder à un

« Marathon de la Bible », qui cette année a été refusé par le maire du 11earrondissement lequel a toujours refusé de nous donner une quelconque explication.

Nous avons aussi des refus de location de salles communales alors qu’il y a juridiquement une interdiction du refus catégorique de location aux associations cultuelles.

Nous voulons enfin souligner le fait que dans une université, le directeur a refusé à une association culturelle d'étudiants évangéliques une salle pour des raisons de neutralité du service public. Nous estimons qu'une association qui parle de Dieu n'est pas la même chose qu'une association qui parle à Dieu et qui serait dans ce cas cultuelle.

Des étudiants enfin ont rencontré des problèmes concernent la distribution de tracts dans la rue avec des accusations d’être une secte de la part des policiers, qui interdisent cette distribution. » Extraits des échanges avec les membres de l’Observatoire de la laïcité

Réponse à une intervention sur le libre examen et les élèves

« En ce qui concerne le libre examen, il est bien évident que dans une société pluraliste personne ne peut imposer sa morale. Mais être libre de tout déterminisme semble être une volonté inaccessible et toujours fondée sur le postulat que les religions ont tort, qu'on disqualifie tout ce qu'elles peuvent penser, alors que le libre examen commencerait selon nous par connaître les différents points de vue, sans exclure ceux des religions ».

Réponse à une interrogation concernant le « prosélytisme » des évangéliques

« Le prosélytisme est souvent mal-perçu quand il est mal compris. Mais si on revient à son sens d’origine, la liberté d'expression comporte la possibilité ‘d'inviter quelqu'un à rejoindre la religion’. En ce sens, nous sommes donc prosélytes et nous ne nous en cachons pas. Ceci étant, nous le faisons dans le respect des personnes, qui ne sont évidemment pas obligées de nous écouter. »

Paris, le 21 janvier 2014

Audition de M. Joël Mergui, Président

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