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entre didactique et communication

1.2. Des questions complexes : incertitudes et controverses

1.2.3 Des questions controversées

De part leurs dimensions incertaines, liées à la complexité et à la modélisation associée, les questions d’environnement font l’objet d’effort de recherche conduisant à des débats contradictoires entre scientifiques. Les conditions de ces conflits sont ici analysées à la lumière de divers courants de sociologie des sciences.

71 Dans la médiatisation de l’expertise climatique, cette fonction médiatique de la modélisation intervient dans la construction sociale de sens. C’est par exemple le cas dans le documentaire Une vérité qui dérange (2006).

1.2.3.1. Les controverses entre vision rationaliste et relativiste des sciences Dans la vision rationaliste des sciences, les controverses sont conçues comme un affrontement entre les partisans de diverses théories, la plus cohérente et la plus probante expérimentalement sortant gagnante. A partir des années 1970, d’autres courants sociologiques ont essayé de montrer au contraire que la théorie finalement acceptée par la communauté scientifique à l'issue d'une controverse est bien souvent celle défendue par ceux qui détiennent les positions sociales et politiques dominantes. Cette vision relativiste revient à défendre l'idée que le contexte social et culturel détermine plus ou moins le contenu des théories scientifiques. La compréhension de la structure et de la dynamique des controverses suppose alors qu’on s’intéresse non seulement aux connaissances en jeu, mais également aux valeurs et aux intérêts des acteurs impliqués.

Dans le cadre d’activités scientifiques visant à appréhender la complexité des questions d’environnement, des débats contradictoires s’élaborent autour des incertitudes et des territoires d’ignorance, au sein d’une discipline ou entre plusieurs disciplines, partageant ou non un même paradigme explicatif à un moment donné de leur histoire72. Dans le cadre d’une vision rationaliste des sciences, c’est la gestion scientifique des incertitudes qui conduirait à l’existence de controverses.

Pour Roqueplo (1993, p.73 et 95), cette vision rationaliste des controverses suppose une rupture entre univers des sciences et univers social : les controverses sont savantes et détachées des débats de société. Les controverses seraient idéalement animées par l’idéologie

de la convergence vers un consensus communautaire. On peut alors imaginer, autour d’une

même question d’environnement, que des controverses entre deux champs disciplinaires animés par cette même idéologie pourraient conduire à dépasser les frontières épistémologiques entre disciplines. Les controverses permettraient alors de cerner la réalité complexe de la question par une approche interdisciplinaire.

Roqueplo reconnaît cependant que les processus de médiatisation et d’expertise scientifique remettent en cause cette vision rationaliste qui suppose une rupture entre univers scientifique et univers social. Ils peuvent même conduire à une neutralisation des controverses par une surdétermination des savoirs scientifiques73. Cette vision des sciences de Roqueplo

72 C’est ce qu’on peut montrer à travers les controverses médiatisées, notamment en mars 2007, entre les communautés des géographes lyonnais, des géologues de l’Institut de Physique du Globe de Paris et des géophysiciens et paléoclimatologues de l’Institut Pierre et Simon Laplace.

73 Comme Roqueplo (1993), Eric Naim-Gesbert (1996) reprend cette idée de surdétermination des savoirs scientifiques. Il s’agit d’un processus qui détermine le sens social des connaissances en fonction du contexte. Par

suppose donc que des contextes sociaux peuvent surdéterminer les pratiques et les discours scientifiques.

Latour (2007), dans le cadre de ses enseignements de l’École des Mines de Paris, considère que les controverses sont des débats liés au fait que les incertitudes sociales sont compliquées par les incertitudes scientifiques :

c’est un débat ayant en partie pour objet des connaissances scientifiques ou techniques qui ne sont pas encore assurées […] Il s’agit de situations où les incertitudes usuelles du social, de la politique, de la morale se trouvent compliquées et non plus simplifiées par l'apport de connaissances scientifiques ou techniques assurées.

Durant une année universitaire (de septembre à avril), Latour propose à ces étudiants, futurs ingénieurs, de travailler une controverse de leur choix. L’enjeu déclaré est celui de la gestion des incertitudes :

Nous voulons décaler au maximum les élèves, en les introduisant dès le premier mois de la première année à la situation d'incertitude créée d'une part par la recherche et d'autre part par les enjeux sociaux de ces recherches […] on aura besoin qu'ils soient capables d'analyser des situations de vive controverse (risque technologique, incertitude scientifique, multiplicité des scénarios possibles, conflit de valeur morale) pour lesquelles il n'y a pas de modélisation assurée et dans lesquelles il faut pourtant bien décider à chaud.

La position du sociologue Raynaud (2003) est différente. L’auteur propose une démarche socio-épistémologique qui permet de penser l'influence des facteurs sociaux sur l'activité scientifique en d'autres termes que la simple détermination, le conditionnement ou encore la correspondance entre une idéologie politique (ou un intérêt économique) et une théorie scientifique. Il se fonde sur l’analyse de trois controverses74. Il montre que la production de connaissances scientifiques est plus influencée par des facteurs internes que par des facteurs

externes aux sciences. Par ailleurs, les facteurs institutionnels sont prioritaires sur d’autres

facteurs indirectement liés comme les facteurs politiques ou religieux.

Dans ce même ouvrage, Raynaud (2003) propose de comprendre et d’analyser les controverses à travers une lecture à la fois relativiste et rationaliste du fonctionnement des sciences en sociétés : il recherche les relations de sens qui s’élaborent entre les contenus, les valeurs et les normes scientifiques dans le cadre d’une controverse.

exemple, l’expertise scientifique produit une connaissance utile surdéterminée par sa relation au pouvoir. En effet, l‘expertise scientifique exige, par sa destinée naturelle d’insertion dans le processus décisionnel, qu’elle

réponde à certaines caractéristiques propre d’une connaissance utile afin d’être susceptible de construire une problématique valide (Naim-Gesbert, 1996).

74 Les trois controverses analysées par Raynaud (2003) sont les suivantes : celle sur la génération spontanée entre Louis Pasteur et Félix Archimède Pouchet (1859-1864) ; celle qui a opposé les vitalistes de l'école de

1.2.3.2. L’incongruence des intérêts et des valeurs cognitifs

Raynaud (2003) s’attarde sur les conditions de consensus scientifique, ce qui permet ici de revenir sur l’idéologie de la convergence que Roqueplo (1993) considère comme un facteur pouvant déterminer la dynamique des controverses. Dans le cadre de l’épistémologie classique, trois conditions de consensus sont proposées : l’autonomie de la recherche, la

mobilisation d’une seule discipline et un niveau critique bas. Si l’une de ces trois conditions

au consensus n’est pas respectée (par exemple lorsque des jeux de lobby conduisent à la perte d’autonomie de la recherche) il y aurait a priori risque de controverses.

Mais comment expliquer l’absence de controverses dans certains laboratoires où des hypothèses concurrentes ou encore des connaissances contradictoires coexistent ? Il semblerait qu’une attention centrée sur les connaissances ne suffise pas à expliquer l’existence de controverses. Raynaud propose d’expliquer cette situation paradoxale par l’existence d’intérêts et de valeurs cognitifs plus ou moins partagés : lorsque deux acteurs A et B ont des intérêts et des valeurs cognitifs incongruents, il y aurait probabilité de participation de ces acteurs à une controverse. Ces intérêts et ces valeurs permettraient de distinguer une controverse scientifique des autres formes de conflits.

Pour Kuhn (1983), des valeurs purement épistémiques75 guident le choix d’une théorie scientifique. Ce qui est important ici, c’est le recours à la notion de « valeur » et non pas de « critère » : des valeurs existeraient aussi dans le registre épistémique et pourraient orienter le choix d’une théorie. Dans cette conception rationaliste des sciences, des chercheurs utilisant les mêmes informations et les mêmes critères scientifiques peuvent être en désaccord s’ils ne partagent pas les mêmes valeurs épistémiques. La dynamique d’une controverse s’inscrit dans un univers scientifique autonome, dans lequel les dimensions sociales de l’activité scientifique ne sont pas prises en compte.

Montpellier aux médecins organicistes de Paris (1817-1852) ; enfin, celle concernant le sens de propagation des rayons visuels, discutée à Oxford (XIIIe siècle).

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Selon Kuhn, ces valeurs intrinsèquement liées à la science sont au nombre de cinq : l’exactitude empirique, la cohérence avec les théories actuelles (cohérence externe) et avec différentes parties d’une théorie (cohérence interne), la portée, la simplicité qui rend compte de la capacité à expliquer le plus de phénomènes possibles à partir d’une théorie unifiée, enfin la fertilité c’est-à-dire la capacité à rendre compte de nouveaux phénomènes ou de nouvelles relations. McMullin (1982) a proposé d’autres valeurs épistémiques pour caractériser une « bonne » théorie scientifique : l’exactitude prédictive, la cohérence interne et externe, le pouvoir unifiant (pour rassembler des aires de recherche disparates, comme par exemple la théorie magnétique et électrique), la fertilité et la simplicité. Kuhn et McMullin ont affirmé qu’il ne s’agit là que de suggestions et que d’autres valeurs épistémiques pouvaient être identifiées.

Mais pour Chateauraynaud (2004), le recours aux valeurs purement épistémiques ne suffit pas à la lecture et à l’interprétation de controverse. L’auteur évoque la position de Merton (1942), plus relativiste que celle de Kuhn. Merton définit quatre valeurs fondamentales prenant en compte la dimension sociale de l’activité scientifique (valeurs socio-épistémiques) : le communalisme, l’universalisme, le désintérêt, et le scepticisme

organisé76. Chateauraynaud précise que sur certaines questions socioscientifiques comme les biotechnologies, la médecine ou encore l’exploration pétrolière, de sérieuses atteintes sont portées à ces valeurs, notamment au communalisme lorsqu’il faut préserver le secret militaire ou industriel. Concernant le scepticisme organisé, on peut également s’interroger sur son efficacité dans le cas où une communauté propose une interprétation en rupture avec la cohérence interne d’une autre communauté77. Chateauraynaud (2004) pense donc que les argumentations autour de controverses s’appuient aussi sur des représentations et des intérêts divergents au-delà de la mobilisation des seules valeurs78. Tout comme Raynaud (2003), il exprime donc l’insuffisance des valeurs épistémiques ou socio-épistémiques dans l’explication de l’existence de controverses sur une question socioscientifique.

Autour des questions d’environnement sujettes à une expertise médiatisée, toute analyse de la structure et de la dynamique des controverses devra donc porter une attention particulière aux connaissances mais également aux intérêts et aux valeurs en jeu.

76 Le communalisme implique que les résultats de la science sont le produit d’une collaboration sociale et appartiennent à la communauté : les échanges d’informations scientifiques doivent être libres entre tous les scientifiques et les résultats scientifiques représentent un savoir public qui doit être publié. L’universalisme implique que la nationalité, le genre,… ne doivent pas être pris en compte pour juger des résultats scientifiques.

Le désintérêt signifie que l’évaluation des résultats des pairs ne doit pas être influencée par des biais tels que des

intérêts personnels ou politiques. Enfin, le scepticisme organisé, à l’intérieur de communautés scientifiques, entre pairs et à l’exclusion d’autres acteurs sociaux, met en exergue l’importance de l’évaluation de toute nouvelle conclusion : aucun résultat ne doit être accepté du seul fait de l’autorité de l’auteur.

77 C’est le cas par exemple pour les géographes de l’école de Lyon qui ont développé un paradigme explicatif complètement différent de celui des climatologues géophysiciens proches de l’expertise officielle du GIEC.

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Comme le précisent Jean et Laurence Simonneaux, Chateauraynaud (2004) détaille trois dossiers : celui des « avions renifleurs », celui de l’incident majeur « imprévu » qui a failli se produire en 1999 lorsque les eaux de la Gironde ont pénétré la centrale nucléaire du Blayais et celui sur la mort des abeilles qui introduit le paradigme de précaution malgré une absence de preuve tangible. L’auteur note que les mesures de précaution peuvent ainsi détruire les preuves qu’une catastrophe était bel et bien en gestation. Il y a un fossé entre les expériences des apiculteurs au contact de leurs abeilles et l’espace de mesure des experts dans leurs laboratoires. Dans ce dernier dossier, se développe une vigilance collective qui installe l’activité probatoire dans un processus de négociation continu. Les rapports de force et jeux d’arguments entre l’Union des Apiculteurs, la firme agrochimique Bayer, les associations, les politiques… déplacent sans cesse la clôture du dossier.

Dans le cadre ce travail, on pourra donc essayer de comprendre comment les enseignants comprennent des controverses en relation avec la médiatisation de l’expertise climatique : comme un phénomène d'argumentation interne ? comme des confrontations

disciplinaires79 ? et/ou comme des débats impliquant des intérêts et des valeurs d'acteurs multiples, scientifiques ou pas ? (Le Marec, communication personnelle, 11 mai 2007).

1.2.3.3. La gestion des preuves dans les controverses

L’autre apport de Chateauraynaud (2004) au sujet de la structure et de la dynamique des controverses est lié à son questionnement sur le statut de la preuve scientifique. Comment se fait la négociation de la preuve dans ce genre de débat ?

Chateauraynaud introduit la notion de tangibilité des preuves comme une autre clé de lecture des controverses, au-delà de la question des valeurs et des intérêts. Une preuve va être considérée comme tangible lorsqu’elle résiste aux variations perceptuelles, instrumentales et

argumentatives auxquelles la soumettent des acteurs dotés de représentations et d’intérêts divergents ; tant que la preuve n’est pas tangible subsiste le doute et la controverse. Cette

conception de la preuve dépasse le contexte scientifique, en introduisant la question des

représentations et des intérêts divergents mais également de l’argumentation et donc de la

communication sociale d’acteurs scientifiques ou pas. Chateauraynaud précise qu’il s’agit d’un concept idéal qui permet de porter une attention aux opérations effectuées pour rendre évidents des phénomènes et sortir du cercle des interprétations80 (Chateauraynaud, 1996). La notion de tangibilité suppose une approche plus phénoménologique, attentive aux modalités sensorielles du contact avec le monde :

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Dans le cas de controverses sur l’évolution climatique, on peut s’interroger sur l’existence d’autres valeurs influençant le choix d’une théorie scientifique. L’absence de certaines approches géographiques dans l’expertise climatique peut laisser penser que la cohérence externe n’est pas mobilisée. Les raisons peuvent être multiples mais l’existence d’une hiérarchie socioscientifique des disciplines académiques pourrait expliquer la reconnaissance d’un privilège d’expertise pour certaines disciplines (ici la physique du climat, au détriment d’autres comme la géographie).

80 Dans le cas de la question climatique, les opérations médiatiques pour rendre évident l’existence du réchauffement climatique, face à l’ennemi invisible (Arthus Bertrand) peuvent être interprétés à l’aide de ce concept. Le médiateur tente de rendre la preuve tangible. Les photographies de la fonte progressive des neiges du Kilimandjaro, preuve perceptible pour certains médiateurs et que l’on retrouve dans le documentaire d’Al Gore (octobre 2006), ne résisteront pas aux variations argumentatives d’acteurs comme Claude Allègre (l’Express, septembre 2006), rejoint progressivement par d’autres scientifiques (Mote et Kaser, Pour la Science, décembre 2007). Au sens de Chateauraynaud, il ne s’agit donc pas d’une preuve tangible du réchauffement climatique.

En désignant les modalités de passage du doute vers l’évidence partagée, la tangibilité ouvre un continuum entre les capacités perceptuelles en jeu dans le monde sensible et les modes de preuves les plus outillés. Les acteurs s’efforcent d’ajuster leurs perceptions et leurs représentations via des expériences marquantes fonctionnant comme des gages d’authenticité. Dès lors, la preuve est abordée sans la réduire à une négociation d’intérêts ou un effet d’autorité, sans la réduire à la cohérence d’une représentation du juste ou une simple attestation en présence : c’est dans le jeu entre représentations collectives et perceptions dans le monde sensible, espaces de calcul et instance de jugement, que les acteurs élaborent les positions communes qui sous-tendent l’accord sur la factualité.

Chateauraynaud dépasse les frontières habituelles de ce que serait la rationalité scientifique, tout en évacuant le relativisme radical qui accepterait des interprétations divergentes du monde, selon les cultures ou les communautés. L’auteur propose ainsi d’explorer les controverses en fonction de la communauté des enquêteurs, de l’intuition, des différentes

topiques de la preuve (la perception sensible, le recoupement d’indices, la corrélation

statistique, la reproductibilité de l’expérience, la démonstration argumentative). Les processus

d’enquêtes créent une dynamique permettant l’élaboration de preuves tangibles.

Cette notion de preuve tangible comporte au moins trois limites dans son utilisation comme clés de lecture des controverses. Elle peut sembler idéalisante dans la mesure où elle sous entend qu’une fois la tangibilité de la preuve atteinte, cette preuve stabilise définitivement les savoirs. Je pense que cette tangibilité n’est atteinte que provisoirement. On pourrait facilement le montrer à travers la médiation de la question climatique, pour laquelle la question de la perception du phénomène est centrale81. Par ailleurs, l’autre limite concerne les questions pour lesquelles il n’y a pas de résolution automatique des incertitudes […] Les

preuves font défaut ou tardent à être admises (Chateauraynaud, 2004, p. 170). Les « affaires » ou « crises » récentes, comme celle du changement climatique ont conduit à la mise en place de procédures transitoires, liées au caractère graduel de la tangibilité.

Enfin, en contexte d’expertise, le principe de précaution provoque un renversement de l’ancien ordre logique entre la preuve (rationalité théorique) et l’action (rationalité pratique). L’absence de preuves ne conduit pas à l’abstention et l’action est favorisée. Dans cette

Comme le précise Le Treut (Arrêt sur Images, novembre 2006), ces photographies, à elles seules, ne peuvent pas clôturer l’enquête sur le réchauffement climatique global et ses causes.

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La fonte progressive des glaces polaires ou des neiges du Kilimandjaro, la dérive des icebergs, les menaces d’extinction d’espèces comme l’ours polaire, des évènements météorologiques extrêmes comme les tempêtes, les inondations ou les canicules sont considérées comme des preuves tangibles du dérèglement climatique. On pourrait prendre l’exemple du traitement médiatique des résultats du quatrième rapport d’expertise du GIEC dans les journaux télévisés de 20 heures du vendredi 3 février 2007, qui illustre et soutient l’existence d’un réchauffement d’origine anthropique. Le documentaire d’Al Gore (2006) ou les photographies et émissions télévisuelles de Yann Arthus-Bertrand jouent sur le même registre.

configuration, il s’agit d’identifier des signaux ambigus, des « signaux faibles » dont la

tangibilité est encore incertaine (Chateauraynaud, 2003 cité par Chateauraynaud, 2004).

Certains phénomènes environnementaux peuvent ainsi attendre de nombreuses années avant de devenir tangibles. Sur ces questions expertisées et médiatisées, on peut donc dire que la tangibilité des preuves est provisoire, graduelle et incertaine.

On a ainsi à une extrémité du continuum : le pôle des énigmes, face auxquelles les instruments les plus robustes n’ont pu établir de preuve définitive ; à l’autre extrémité, il y a les preuves délibérément reportées dans le futur […] Ainsi la question de la vie sur Mars ne cesse d’être relancée, reformulée, déplacée et si la planète rouge est désormais accessible, le retour éventuel d’échantillons martiens change les termes des controverses, suscitant désormais des cris d’alarme sur les risques d’arraisonnement de bactéries extra-terrestres (Chateauraynaud, 2004, p. 170).

Chateauraynaud s’interroge également sur la place des croyances qui paraissent à l’opposé des preuves, si on suppose que pour prouver, il faut être en apparence convaincu :

comment faire la part entre la croyance et la preuve dès lors que l’élaboration des preuves suppose des énonciateurs, des porte-parole ou des témoins dont la conviction est nécessaire ?

(Chateauraynaud, 2004, p. 180). Il faut supposer que les énoncés rendent compte de la conviction sincère et non pas de sophismes, ou de procédures fallacieuses, destinés à tromper ou empêcher la discussion.

Finalement, les propos de Chateauraynaud autour de la preuve tangible montrent l’importance de l’énonciation, de la rhétorique et donc de la communication. Les discours liés à la médiatisation de l’expertise sur le réchauffement anthropique, notamment autour de