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Climat et politique nationale de développement durable (2002-2007) (2002-2007)

En France, dès 2000, un Plan national de lutte contre le changement climatique avait ouvert la voie d’une politique de réduction des gaz à effet de serre. La loi de février 2001 proclame les changements climatiques comme priorité nationale et conduit à la création de

l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique (ONERC), à l’initiative du

parlement. Il s’agit de contribuer à l’élaboration d’une politique de prévention et d’adaptation pour limiter les risques climatiques. L’observatoire est en relation avec les groupes du GIEC chargés de l’évaluation des impacts du changement climatique, de l’adaptation et de la vulnérabilité associée à ce problème d’environnement. En plus d’un contact avec les organismes de recherche français, l’ONERC se charge d’informer les décideurs français.

3.2.1 L’Agenda 21 du président Chirac (2002-2007)

Annoncée par le président Chirac au Sommet de la Terre de Johannesburg (2002), l’application en France du plan d’actions 21 des Nations Unies commence par l’adoption de la Stratégie nationale du développement durable en juin 2003. Dix programmes d’actions sont définis au sein de chaque ministère, sous la responsabilité de hauts fonctionnaires du développement durable. Le ministère de l’écologie et du développement durable prendra en charge l’élaboration de la Charte de l’environnement et du Plan Climat.

En 2003, la Charte de l’environnement, sous la responsabilité du professeur Coppens, est élaborée en quelques mois après une série de consultations nationales. Elle sera adossée à la Constitution française en 2005 afin de donner un cadre juridique aux actions en faveur de l’environnement et pour satisfaire l’exigence de responsabilité et d’éthique écologique (Rapport Coppens, 2003). Chirac rappellera que la Charte devra favoriser l’émergence d’innovations et de techniques qui permettront de subvenir aux besoins d’un nombre croissant d’êtres humains sans porter atteinte au milieu naturel. C’est cela le nouveau défi. Conjuguer

développement et respect de l’environnement. Voilà le nouveau visage du progrès (Chirac,

2003). La perspective de la Charte est celle du progrès, qu’elle n’entend pas remette en cause (Rapport Coppens, 2003). Les sciences et les techniques doivent être mises au service du développement durable Durant les quinze assises à travers toute la France, les débats porteront sur l’éducation, la formation et l’information (pour favoriser par la connaissance les changements de comportements), le rôle de la recherche et de l’innovation, la démarche de précaution et la démocratie participative (qui ne doit pas conduire au blocage de la recherche scientifique, les expertises devant être socialement transparentes, pluralistes et

contradictoires), les mesures d’incitation et leur financement, et les actions préventives. Dans la version adossée à la Constitution, la question de l’éducation et de la formation sera séparée de celle de l’information nécessaire à la démocratie participative (articles 7 et 8, Charte de

l’environnement, 2005). Au sens du chapitre 31 de l’Agenda 21 de Rio, la démocratie

participative au sein des expertises se construit par la coopération entre les institutions et les

différentes parties intéressées, dans laquelle chacune exerce pleinement ses responsabilités et ses compétences (Bourg, 2003)38. Cette définition ne sera pas intégrée dans la Charte de

l’environnement.

On retrouve donc les mêmes débats qui ont structuré le plan d’actions de l’Agenda 21 de Rio, et qui structureront en France le Grenelle de l’environnement en 2007, à la suite de l’élection à la présidence de Nicolas Sarkozy.

En 2004, sous le nom de Plan Climat, le Ministère de l’Écologie et du Développement Durable met en place des actions dans l’industrie, le secteur de l’énergie, les transports et le logement, afin de tenter de dépasser les engagements de Kyoto, en divisant par 4 ou 5 les émissions d’ici 2050. La France renforce son soutien aux initiatives de recherche scientifique, d’observation de la Terre et d’innovation. Les travaux du GIEC sont ainsi financés à hauteur de 200.000 euros par an depuis 2004. Le Plan Climat prévoit des actions en terme d’information et d’éducation. Les campagnes de sensibilisation télévisuelle à la question climatique sont lancées sous la responsabilité de l’ADEME. Au même moment, le Ministère de l’Éducation nationale lance la généralisation de l’éducation à l’environnement pour un développement durable dans tout le système scolaire39. En accord avec les engagements pris par Chirac, les mesures du Plan Climat seront présentées lors de la Quatrième communication nationale à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques40, en janvier 2006.

38 La gouvernance de la recherche est définie comme un processus de décision collective n’imposant pas systématiquement une situation d’autorité (Bourg, 2003).

39

C’est un point capital de mon étude. Je reviendrai donc largement sur ce lien entre question climatique, développement durable et éducation.

40 Dans le texte de la quatrième communication nationale, le chapitre 9 est intitulé Éducation, formation et

sensibilisation du public. On y trouve 6 rubriques : État de l’opinion publique, Éducation primaire, secondaire et supérieure, Campagnes d’information, Sources d’information, Formation, Coopération. Dans la version

nationale directement liée au Plan Climat, le chapitre s’intitule Sensibilisation et comprend 4 rubriques :

Sensibiliser et informer, Guider le choix du consommateur, Éduquer et former, Implication des médias dans l’évolution sociétale.

A la suite de l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, le président Chirac (2005) renforcera les efforts de recherche dans des domaines stratégiques, en reprenant les orientations données par la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques : la promotion de la voiture hybride, des éoliennes, le stockage du CO2, la pile à combustible mais aussi l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, des transports et des industries, qui génèrent des avantages financiers immédiats. Il s’agit de développer une politique climatique avec un bon rapport coût-efficacité en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les sciences agissantes41 se trouvent associées au projet de développement durable à travers le développement d’une ingénierie écologique et la production d’innovations. Le président déclarera également son engagement en faveur du mécanisme de développement propre. Il s’agira au sommet du G8 de faire des propositions pour renforcer la coopération scientifique et industrielle avec les pays émergents, les transferts de technologie vers ces pays et le financement de leur développement propre.

En février 2007, en France, la conférence de Paris qui accompagne la quatrième publication du rapport d’expertise sur l’évolution des climats conduira à une forte mobilisation politique en pleine campagne présidentielle et autour de l’engagement de la fondation Nicolas Hulot pour un Pacte écologique (un contrat entre les Français et leur futur

Président de la République pour changer de cap). Le président Chirac (2007) rappellera qu’il

est temps de se lancer dans une révolution écologique, celle du développement durable, pour changer nos modes de production et de consommation. Il proposera la transformation du Programme des Nations Unies pour l’environnement en Organisation des Nations Unies pour l’Environnement et l’adoption d’une déclaration des droits et des devoirs environnementaux, sur le modèle de la Charte de l’environnement (adossée à la Constitution française en 2005).

3.2.2 Le programme du président Sarkozy (2007)

Dès son élection en mai 2007, et après avoir signé le Pacte écologique durant la campagne présidentielle, le président Sarkozy lance le Grenelle de l’environnement, une consultation nationale autour de groupes de travail. Il s’agit d’élaborer des propositions concrètes pour l’environnement, conformément à l’un des cinq engagements de la campagne Sarkozy, intitulé Révolution écologique.

41 Encore une fois, je reprends la terminologie du rapport Coppens (2003) qui distingue les sciences éclairantes, chargées d’élaborer des diagnostics (elles permettent de comprendre), et les scientifiques agissantes, qui débouchent sur des solutions technoscientifiques dans le cadre de l’expertise environnementale.

On peut s’interroger sur la contribution de la fondation Nicolas Hulot à ce programme politique national, dans lequel, encore une fois, la question climatique justifie l’action politique. L’objectif du Pacte écologique était la mobilisation des décideurs (en encourageant à placer les enjeux écologiques au cœur des programmes des candidats à la présidentielle) mais également la mobilisation des citoyens. D’après l’analyse de Boy (2007) fondée sur le baromètre politique français durant la campagne présidentielle 2007, le Pacte écologique de Nicolas Hulot aurait contribué à inscrire la thématique environnementale dans l’agenda politique et médiatique, plus que dans celui des citoyens.

Quoi qu’il en soit, un grand ministère de l’Écologie, du Développement et de

l’Aménagement Durables est créé en mai 2007. Il deviendra en mars 2008 le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire, puis

en juin 2009 le ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat, alors que s’intensifient les discussions internationales sur le prolongement des accords de Kyoto, en vue de la Conférence de Copenhague de décembre 2009. Le Grenelle de l’environnement sera lancé en juillet 2007 avec la mise en place de six groupes de travail regroupant chacun des représentants de l’état, des collectivités locales, des ONG, des employeurs et des salariés. Comme dans le cadre de l’Agenda 21 de 1992, ou encore de la préparation de la Charte de

l’environnement en 2003, on retrouvera les mêmes thématiques de débats : l’expertise

plurielle, la gouvernance des sciences, de la recherche et de l’innovation en faveur du développement durable, mais également les questions d’éducation et d’information, en insistant sur la nécessité de partenariats pour favoriser un continuum d’actions entre école et société.

En octobre 2007, à l’issue du Grenelle de l’environnement, comme son prédécesseur, le Président Sarkozy s’appuiera dans son discours sur un message consensuel et alarmiste associé à l’expertise climatique, pour lancer son programme national en faveur du développement durable. Il s’agit de mettre en œuvre les recommandations faites par les différents groupes de travail du Grenelle. En présence du vice-président américain Al Gore, les mesures seront présentées comme un véritable plan Marshall d’investissement pour le développement durable. Le président se réfèrera également au rapport d’expertise 2006 de l’économiste anglais Stern, qui avait montré que le coût de l’intervention immédiate pour limiter les risques climatiques était estimé à 1% du PIB. Selon Stern (2007), ce coût ne ralentirait pas l’activité économique et serait bien moindre que le coût des dommages évités. Pour Sarkozy :

L’enjeu, c’est d’investir massivement pour créer les conditions de la croissance de demain. Nous allons donc décider d’un grand programme national de développement durable. Je reprends les propos du Vice-président Al Gore. Il veut un « plan Marshall » pour la France comme pour la planète. Cela a réussi en 1947, ça doit réussir aujourd’hui. Sir Nicholas Stern a estimé l’investissement nécessaire à 1% du PIB. Je rappelle que le plan Marshall à l’époque représentait 2% du PIB. Qui, aujourd’hui, peut contester qu’à l’époque le plan Marshall a rendu possible les Trente Glorieuses. La solution n’est pas dans l’accumulation des dépenses publiques et des taxations. Nous allons réussir par l’investissement (Sarkozy, 2007).

Le président français propose donc une série de mesures visant à réglementer les émissions de gaz à effet de serre et à encourager l’investissement dans la recherche et l’innovation, dans le secteur du transport, du bâtiment et de l’agriculture. Le président souhaite une transparence

totale dans le processus d’expertise et dans l’information des publics sur la vérité des menaces. Il évoque l’application du principe de précaution pour les OGM pesticides.

Même si les groupes de travail ont élaboré des recommandations concernant les questions d’éducation et de formation, aucune proposition ne sera faite par le Président dans le cadre de son discours de clôture du Grenelle en octobre 2007. Dans ce contexte, cinq ministres lanceront en novembre 2007, le Grenelle de l’environnement à l’école avec la mise en place d’un groupe de travail interministériel, au format de ceux du Grenelle de juillet 2007.

Au final, un lien étroit entre un message consensuel et alarmiste sur l’état de la machine climatique et le projet de développement durable s’établie. Depuis les années 1970, dans la plupart des récits qui ont accompagné le traitement politique de la question climatique, on trouve un appel à une révolution des relations de l’homme à la nature mais également un appel aux changements des modes de production et de consommation. En s’appuyant sur le constat de crise climatique, les discours politiques récents rappellent qu’il faut une révolution

écologique (Sarkozy, 2007), une révolution des consciences pour passer d’un rapport de domination à un rapport de respect et d’harmonie (Chirac, 2007), vis-à-vis de

l’environnement. L’expertise climatique a donc contribué à rapprocher les récits politiques et les récits des ONG, autour du projet de développement durable.