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a) D’un point de vue quantitatif (donc de la féminisation des migrations), les estimations en termes de stocks aboutissent à divers constats (cf figure ci-dessus) : les migrations féminines

ne constituent pas un phénomène nouveau, la proportion de femmes parmi les migrants est

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Doctorante (aspirante FNRS), Institut de Démographie, Université catholique de Louvain. 1,1 1,0 0,9 0,8 0,7 1960 1,1 1,0 0,9 0,8 0,7 20 00 Océanie Amérique Nd Europe ALatine Caraïbes MOrient Asie E/S-E Asie Sd Afrique Sub Afrique Nd Masculinisation Féminisation

(Philippines) et latino-américaine (République Dominicaine). D’autre part, il existe un phénomène important de migrations intrarégionales qui masque pour une bonne part

les flux migratoires féminins Sud-Nord. Ces derniers, bien qu’étant quantitativement moins important, sont caractérisés par des profils migratoires spécifiques sur lesquels encore trop peu de chercheur-es se sont penchés.

b) D’un point de vue plus qualitatif (donc plutôt sur le plan de la féminisation du discours),

il semble que les migrations féminines n’ont que très tardivement retenu l’attention des chercheur-es. Dans la littérature contemporaine, quatre grandes périodes peuvent être distinguées pour caractériser l’évolution de l’intérêt scientifique pour les migrations féminines (Oso Casas, 2004). Jusqu’aux années 1970, les études sur les migrations féminines sont quasiment absentes des études de mobilité internationale. Cette faible visibilité des migrantes traduit leur inexistence en tant qu’actrices sociales reconnues, mais ne reflète pas tout à fait la réalité. Dans les années 1973-1974 - date à partir de laquelle des politiques migratoires restrictives se mettent en place dans les pays occidentaux, et où la pratique du regroupement familial tend à se généraliser - l’étude des migrations féminines gagne un peu de terrain sur le plan scientifique. Ces femmes migrantes restent cependant confinées dans un rôle passif, et leur migration est essentiellement perçue comme une mobilité d’accompagnement de père et maris. Il faut attendre les années 1980 afin de voir apparaître une véritable conceptualisation de la figure de la femme comme protagoniste de la migration, actrice économique et sociale. Depuis les années 1990, la place des migrantes est véritablement reconnue et transparaît à travers le foisonnement des recherches sur les femmes et les migrations. Si cette ouverture conceptuelle coïncide effectivement avec l’augmentation des courants migratoires de femmes, ainsi qu’avec une disponibilité progressive des statistiques migratoires ventilées par sexe, il reste que les recherches scientifiques se sont trop peu penchées sur la question du genre dans l’étude des migrations.

2. La combinaison des approches qualitatives

et quantitatives est nécessaire pour étudier la

problématique « genre et migrations »

Bien que les phénomènes migratoires apparaissent aujourd’hui comme un objet d’étude incontournable dans différents champs disciplinaires, les modalités de son analyse se déclinent toutefois selon qu’il est appréhendé par les géographes, politologues, sociologues ou démographes. Les recherches diffèrent alors à la fois selon l’angle d’approche retenu (thématique et niveau d’analyse), selon la nature des données (qualitatives ou quantitatives), ainsi qu’en fonction des méthodes employées (cartographie, récits de vie, questionnaires) ou encore des postulats épistémologiques qui en découlent. Alors que les uns s’intéressent à l’impact des mouvements de population sur la reconfiguration des espaces, certains insistent

sur les retombées politiques de ces mouvements et d’autres se penchent sur les perceptions de la migration ou sur les caractéristiques sociodémographiques des migrants. Cela dit, la multidisciplinarité, et plus particulièrement la combinaison des approches démographique et sociologique, permet sans doute d’avancer dans la compréhension des mécanismes mis œuvre par les individus lorsqu’ils font le choix d’aller vivre ailleurs ou de rester au pays. Il est fondamental de pouvoir dégager de grandes tendances, afin de mettre en évidence les évolutions que connaissent les mouvements de population, ce que la démographie a l’habitude de faire. Mais à côté de la représentativité statistique de ces évolutions, il est important de cerner des parcours plus à la marge, soit parce qu’ils sont peu courants, soit parce qu’ils ne figurent pas, par nature, dans les statistiques officielles (migrations clandestines). Le décloisonnement des recherches qualitatives et quantitatives constitue de ce fait une étape nécessaire pour faire progresser la recherche. En outre, lorsqu’il s’agit d’étudier les phénomènes migratoires sous l’angle du genre, les deux types d’approche trouvent un intérêt certain. D’une part, on peut se demander si les parcours migratoires sont « genrés ». Les femmes et les hommes adoptent-ils les mêmes stratégies migratoires, ou migrent- ils pour les mêmes raisons ? Ce sont là des questions auxquelles la démographie peut s’atteler. D’autre part, étudier les phénomènes migratoires sous l’angle de la problématique du genre implique d’interroger les normes sociales et cultuelles tant des sociétés d’origine que des sociétés de destination. Or les interdépendances entre dynamiques migratoires et valeurs culturelles sont le plus souvent appréhendées à travers des entretiens qualitatifs ainsi que par une connaissance approfondie des sociétés en présence.

3. Les recherches empiriques et théoriques sont

complémentaires

Depuis quelques dizaines d’années, la littérature sur les migrations internationales a mis en évidence à la fois l’importance de la mobilité féminine et le rôle des rapports de genre dans les processus migratoires. A côté de ce foisonnement des recherches empiriques, il semble bien que la littérature théorique peine encore à intégrer ces éléments dans les schémas explicatifs et interprétatifs. Cette étape est pourtant d’autant plus essentielle que, selon certains, la faible visibilité de la migration féminine s’expliquerait en premier lieu par l’existence d’un vide théorique en la matière (Boyd and Grieco, 2003 ; Oso Casas, 2004). Le plus souvent, la prise de conscience du manque d’attention pour cet objet d’étude a suscité le développement de recherches empiriques - et non théoriques - qui nous informent sur la présence de femmes dans les courants migratoires internationaux ainsi que sur la diversité de leurs expériences migratoires. Sur le plan des acquis théoriques par contre, le bilan est contrasté : on observe à la fois une volonté d’incorporer le genre dans les théories et en même temps, une incapacité à réexaminer les théories existantes pour y parvenir (Chant &

Radcliffe, 1992). Les théories classiques (économie néoclassique, système-monde, marché du travail segmenté) sont largement indifférentes au genre. D’une part, elles se focalisent sur les relations de production et ignorent les domaines qui structurent différemment les comportements migratoires potentiels des hommes et des femmes. D’autre part, elles incorporent le genre en ajoutant simplement la variable « sexe » à un cadre d’analyse existant, sans donner aux relations sociales de sexe une valeur explicative centrale. Les tenants des approches plus récentes telles que la nouvelle économie des migrations ou l’approche en termes de réseaux migratoires tentent quant à eux de faire intervenir les aspects sociaux de la migration dans l’explication. L’ensemble des théories distingue trop souvent l’économique -prééminent dans

l’explication du phénomène migratoire et souvent associé au masculin - du social et

du culturel - considérés comme relevant du féminin (Kofman, 2004). Si les recherches

empiriques sont parfois considérées comme trop descriptives et laissant de ce fait peu de place à une compréhension fine des mécanismes à l’œuvre, les approches purement théoriques, qui sont par nature plus analytiques, sont souvent déconnectées des réalités du terrain.

4. Il faut aborder la question du genre et des

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