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Et

apports

dEs ong

hélène ryckmans47

1. Introduction

Cette contribution tentera de cerner les liens entre recherche, décision politique et interventions des ONG, à la lumière de l’expérience du Monde selon les femmes. Elle analysera la cohérence et la pertinence des politiques d’aide de la Belgique, du point de vue du genre.

Le Monde selon les femmes est une ONG de développement belge, créée en 1993, la seule travaillant spécifiquement la question de l’égalité de genre. C’est autour de ses apports, de ses attentes, et de son expérience que je centrerai mon intervention, pour ne pas parler au nom de toutes les ONG de développement. Celles-ci n’ont, en effet, pas toutes la même lecture de ce qu’est le genre, quand elles en ont une48.

Nous déclinons nos interventions en Belgique autour de deux axes principaux : la formation en genre et le plaidoyer pour la prise en compte du genre par la coopération belge. L’objectif visé est de faire progresser l’égalité entre femmes et hommes ; que les politiques de coopération y soient davantage sensibles ; et que les associations et ONG intègrent cette question de manière systématique (dans leurs projets, dans leur travail d’éducation au développement, dans leur plaidoyer politique).

Dans notre travail, nous utilisons évidemment certaines contributions du monde de la recherche et ressentons le besoin pour divers éléments que ce dernier peut ou pourrait nous apporter.

47 Chargée de mission au Monde selon les femmes.

2. Liens entre recherche, décision politique et

actions des ONG

Pour affiner et étayer nos argumentaires pour le plaidoyer politique sur le genre dans les politiques d’aide, nous aimons - ou aimerions - pouvoir nous reposer sur des analyses et des propositions méthodologiques émanant de la recherche et sur des données provenant des décideurs.

Il est en effet enrichissant, pour nos actions, de disposer d’informations et de propositions méthodologiques. Il est nécessaire surtout que celles-ci soient contextualisées et comparées dans le temps et dans l’espace. En outre, nous valorisons particulièrement les regards croisés et la création de savoirs collectifs par l’échange sud/sud/nord.

Il apparaît que l’aide à la décision en matière de coopération provient essentiellement du monde de la recherche, alors que l’expertise ou les apports des ONG sont peu mobilisés. Lorsque les ONG mènent des recherches-actions, elles ne sont pas soutenues pour le faire et doivent mener ce travail sur fonds propres !

3. Cohérence des politiques d’aide

En ce qui concerne les politiques d’aide, deux questions attirent notre attention : quelle est la cohérence entre les principes (parfois énoncés) d’égalité entre les sexes et les programmes, projets ou politiques d’aide ? Quelle est la pertinence des politiques d’aide selon l’angle du genre ?

Nous constatons une grande variabilité du cadre conceptuel et légal entre les divers niveaux au sein desquels la coopération belge se positionne : belge (avec la DGCD et la CTB), européen et international.

La question qui nous préoccupe est comment l’aide publique au développement de la Belgique vient-elle soutenir les actions et interventions des associations de femmes qui luttent pour l’égalité de genre. Pourquoi les thèmes importants pour les femmes (la lutte contre les violences, l’accès aux ressources productives, l’accès à la santé et à la représentation politique) ne sont-ils que rarement pris en considération, malgré le discours affiché et les engagements politiques de la loi de coopération de 1999 ? Pourquoi l’attention transversale sur le genre est-elle si difficile à faire passer dans les notes politiques qui fixent l’orientation de la coopération belge avec ses pays partenaires ?

Les questions que nous soulevons, comme ONG, portent sur deux aspects : sur le genre et sur le cadre macroéconomique.

En ce qui concerne le thème du genre ; nous nous penchons d’abord sur la relation entre genre et femmes. Quelles méthodologies et procédures vont être utilisées pour soutenir l’empowerment des femmes ? Le mainstreaming de genre ne risque-t-il pas de

faire s’évaporer l’attention pour l’égalité ?

Nous nous interrogeons également sur l’universalité des droits au regard des spécificités culturelles : l’ancrage local, la contextualisation souvent évoqués ne peuvent devenir un alibi pour ne pas agir au nom du respect de la culture ou au nom de l’appropriation (ownership) inscrit dans la Déclaration de Paris sur l’efficacité de

l’aide. Cet argument, systématiquement évoqué lorsque l’on parle d’égalité de genre, ne peut en tout cas amener à nier l’universalité des droits humains.

Enfin, nous sommes interpellés par l’absence de formation des acteurs de la coopération sur le genre. Ce concept est mal compris, parfois même tourné en dérision et la méthodologie pour sa prise en compte dans les projets et programmes d’aide n’est pas acquise ni organisée.

Ainsi, les marqueurs du CAD dont l’usage est préconisé49 pour la prise en compte du

genre dans les projets, ne sont pas utilisés systématiquement. Or, ils devraient être obligatoires et utilisés (avant les décaissements budgétaires par exemple) et servir à un screening de genre de tous les projets de la coopération.

En ce qui concerne le cadre macroéconomique : les mesures macroéconomiques ont souvent des conséquences négatives pour les femmes, accroissant par là les inégalités de genre. Sans une attention aux conditions de vie et d’accès aux ressources productives, les ajustements budgétaires, le néolibéralisme mis en place par l’OMC, ont des effets néfastes sur la position des femmes dans la société. Par ailleurs, le financement du développement peine à suivre le chemin de croissance prévu par l’engagement de 0,7 % du PNB ; le poids de la dette grève les efforts des pays endettés qui ne dégagent pas les moyens pour réduire les inégalités. Dans le cadre de l’aide budgétaire ou des SWAP (Sector wide approach), la prise en compte du genre est

encore plus difficile à assurer, puisqu’il n’y a pas un plan d’activités opérationnelles à concrétiser avec le pays partenaire.

On constate donc très fréquemment que le genre est peu intégré par les acteurs de la coopération dans le cadre macroéconomique. Des analyses sur le genre et le commerce sont faites par des chercheuses qui travaillent dans divers centres ou

49 Notamment par la Note Stratégique sur l’égalité des droits et des chances entre les femmes et les hommes (DGCD, 2002).

réseaux tels que : DAWN50, WIDE51, IGTN52 et AWID53. Ces réseaux ont d’une

part développé un programme d’alphabétisation économique54 suivant les principes

et les méthodologies de l’éducation populaire conscientisante. Elle part de l’action que chacun(e) de nous a dans sa vie quotidienne, des compétences qu’elle maîtrise et de sa capacité d’intervention. Ces réseaux sont, d’autre part, impliqués dans une réflexion critique sur l’efficacité de l’aide.

4. Pertinence des politiques d’aide au

développement

Nous manquons cruellement d’évaluations et d’études d’effets des politiques d’aide au développement sur les conditions de vie des femmes et sur leur statut. Les données sur le progrès en matière d’égalité entre les femmes et les hommes sont insuffisantes, fragmentaires, et de surcroît inaccessibles.

En ce domaine, pour cerner la pertinence des politiques d’aide, nous pouvons bien sûr nous appuyer sur les apports des recherches des femmes du Sud travaillant au sein d’ONG, de centres de recherche universitaires ou d’instituts indépendants. Ce que peuvent apporter les ONG de développement, c’est la connaissance du vécu des processus au niveau micro et la mise en évidence des articulations entre les niveaux micro et macro. Ainsi, par exemple, les rencontres que le Monde selon les femmes a organisé chaque année autour du réseau Palabras ont successivement mis en évidence l’accroissement de la pauvreté des femmes, les impacts des ajustements structurels et des AGCS sur la détérioration des conditions de vie. Le Monde selon les femmes entend aussi répercuter, faire entendre la parole et le point de vue des femmes du Sud par le biais de la revue Palabras, qui reprend des récits des groupes de femmes au Nord et au Sud, ou d’autres documents de plaidoyer et de recommandations. Ce plaidoyer est porté collectivement dans diverses instances comme par exemple la Commission Femmes et Développement !

50Development alternatives for women in a new Era 51 Women in Developement Europ

52 International Gender and Trade network 53 Association for Women Rights in Developement

54 Voir Williams, 2000 ; Woestman, 1998 ainsi que le documentaire vidéo de Suzanne Strobl et Marina Galimberti, Chips, banana & basmati produit par WIDE (Rapsode Productions).

5. Relations entre recherche, actions et décisions

dans la coopération

Les relations entre ces acteurs sont multiples

Comment ces trois pôles d’acteurs interagissent-ils en ce qui concerne les politiques d’aide et de coopération ? Il faut signaler que ces trois types d’acteurs ne sont pas si éloignés l’un de l’autre (il existe bien sûr des perméabilités, des doubles appartenances) et qu’ils ne sont pas homogènes en leur sein.

On peut s’interroger sur les contenus et les manières dont ces trois pôles se positionnent et comment, en Belgique, se fait l’interpellation politique collective. On peut par exemple se demander si la recherche se mène bien à l’université et quel type de recherche on y fait, lorsque l’on observe la « privatisation » des universités, les exigences accrues de « rendement » et la pression sous laquelle vivent les enseignants, réduisant leur temps de recherche. Les universités ne fonctionnent-elles pas, de plus en plus souvent, grâce à des « commandes », agissant comme des bureaux d’études ? La fonction critique des chercheur-es s’exprime-t-elle peut-être correctement par le canal le plus visible : dans la presse, sous formes d’appels, manifestes, tribunes ou « cartes blanches » ?

Sans doute aussi peut-on élargir cette triangulation et distinguer les acteurs de leurs modes d’intervention. Ainsi, il me semble utile de rendre plus visibles les recherches- actions menées par les ONG sur l’égalité de genre ; ou encore d’appuyer les acteurs du développement (ONG et coopération gouvernementale) dans la capitalisation de leurs interventions, lors du suivi-évaluation des projets. Il serait aussi pertinent que les chercheur-es mènent davantage de recherches en phase avec les enjeux de l’égalité de genre. Le développement des études et recherches féministes est pour cela encore à stimuler.

Acteurs

du développement

ChercheusesChercheur/

Décideurs

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