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L’association entre le niveau de conflit parent/adolescent et le bien-être psychologique de l’adolescent serait plus forte pendant les premières années de l’adolescence, lorsque les adolescents éprouvent une multitude de changements biologiques, sociaux et psychologiques, et serait moins forte quand les adolescents passent plus de temps avec leurs pairs qu'ils ne le font avec leurs parents (Csikszentmihalyi & Larson, 1984). Durant ce stade de l’adolescence, l’intensification des conflits avec les parents n’est pas anormale (Steinberg & Silk, 2002). Certains chercheurs prétendent que c’est plutôt l’intensité affective inhérente aux conflits que la fréquence des conflits qui distingue l’interaction adaptative de celle non adaptative (Smétana 1996 cité dans Steinberg et Silk, 2002).

La contribution d’une relation parent/adolescent positive à l’adaptation sociale et psychologique des jeunes adolescents a été examinée en utilisant les données provenant de deux vastes échantillons nationaux représentatifs des enfants et des adolescents canadiens, dont l’échantillon du 2e cycle de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), composé d’environ 4 000 enfants âgés de 10 à 13 ans en 1996-1997 (Doyle et al., 2003). Les résultats de l’étude tendent à soutenir l’hypothèse que de

bonnes pratiques parentales contribuent à l’établissement de relations parents-enfants positives qui, à leur tour, favorisent un développement sain de l’enfant. De plus, les jeunes qui ont fait état de relations plus positives avec leurs parents et d’une plus grande capacité à se confier à leur père étaient plus susceptibles d’afficher un sentiment d’appartenance à l’école et un engagement envers l’éducation. Enfin, les analyses ont révélé que les jeunes qui estimaient avoir une relation positive avec leurs parents étaient moins susceptibles de prendre des risques.

En somme, l’étude menée par Doyle et ses collaborateurs (2003) confirme l’importance de l’art d’être parent ainsi que l’importance de la qualité de la relation entre les parents et l’adolescent dans l’adaptation sociale de l’adolescent. Ceci, sans pour autant nier que l’adaptation de l’adolescent est également déterminée par d’autres facteurs qui interviennent en dehors du milieu familial et de la relation parent-enfant.

Le rejet parental est un des facteurs qui contribuent à la détérioration de l’adaptation psychosociale de l’enfant (Doyle et al., 2003; Hoeve, Dubas, Eichelsheim, van der Laan, Smeenk & Gerris, 2009 : McLeod, Weisz & Wood, 2007). Il a été constaté que les enfants ayant des parents insensibles et qui démontrent des attitudes de rejets ont tendance à développer des comportements évitant et à se percevoir comme indignes d’attention et à percevoir les autres comme indifférents et peu fiables (ex.: Shaw & Bell, 1993).À cet égard, les résultats de Doyle et ses collaborateurs (2003) suggèrent qu’une perception de rejet parental et de manque de soutien peut donner lieu à l’émergence de difficultés d’adaptation. Les jeunes qui perçoivent leurs parents comme plus rejetant porteraient moins d’intérêt à leurs études. En outre, ceux qui perçoivent leurs parents comme moins enclins à leur offrir du soutien affectif porteraient à la fois moins d’intérêt à leurs études et adopteraient moins de comportements prosociaux. Ces résultats convergent avec d’autres études qui démontrent que les relations qu’entretiennent les élèves avec leurs parents et le soutien qu’ils reçoivent de ceux-ci contribuent significativement à la réussite scolaire (Marchant et al., 2001).

Dans une étude basée sur les données de 105 familles canadiennes biparentales à double revenu avec une progéniture adolescente, Galambos et ses collègues (1995) ont étudié à l’aide d’un modèle multivarié, l’association entre la qualité des relations parent/adolescent et les problèmes de comportement et psychosociaux de l’adolescent. Selon cette étude, les résultats s’avèrent légèrement différents pour les mères et les pères. La diminution de la tolérance chez la mère, souvent liée à son état de stress, engendrerait des

problèmes d’adaptation psychologique chez l’adolescent incluant de plus faibles compétences sociales et intellectuelles, une estime de soi plus faible et moins d’autonomie. Pour les pères, en revanche, le stress semble plutôt associé à l’augmentation des conflits avec son adolescent. De plus, si le père est fortement soumis au stress, le niveau du conflit de parent/adolescent est plus élevé lorsque la mère est elle aussi

fortement soumise au stress, en d’autres mots, lorsque les deux parents vivent plus de stress. Des niveaux élevés de conflit sont associés à des niveaux plus bas de bien-être psychologique chez l’adolescent (Crouter, Bumpus, Maguire & McHale 1999). Plus précisément, un niveau de conflit élevé entre parents et adolescents serait associé à une moins bonne adaptation et à un plus faible bien-être psychologique pour l’adolescent (Crouter & Bumpus, 2001).

Ces constats convergent avec les nombreuses études qui mettent en relief le lien entre la qualité de la relation parent/enfant et le bien-être psychologique de l’adolescent (Parker & Benson, 2004). À cet égard, Resnick et ses collègues (1997) soutiennent qu’un des meilleurs prédicteurs du bien-être de l’adolescent est la qualité de la relation de celui-ci avec ses parents.

L’apport bénéfique d’une bonne relation parent/enfant sur l’estime de soi dans le domaine académique (Barber, Ball, & Armistead, 2003; Wissink, Dekovic, Meijer, 2006; Baharudin & Zulkefly, 2009) ainsi que sur la réussite scolaire demeure également un sujet de recherche prisé (Adedokun & Balschweid, 2008; Soenens & Vansteenkiste, 2005). Une recherche américaine réalisée à partir des données de 1994-1995 d’une enquête nationale collectées auprès de 20,745 adolescents de niveau secondaire (middle/ high school) a permis d’étudier l’incidence, sur l’estime de soi des adolescents, de la qualité perçue de la relation qu’entretiennent ces adolescents avec leurs parents (Bulanda & Majumdar, 2009). Les résultats de cette étude révèlent que la disponibilité des parents (présence physique), leur engagement ainsi que la qualité de la relation avec leur adolescent sont positivement associés à l’estime de soi de ces adolescents. De plus, cette étude suggère que ce lien positif, entre l’estime de soi de l’adolescent et la relation avec les parents, est d’autant plus fort si la qualité de la relation est également élevée avec les deux parents. Les constats de ces études s'ajoutent à l'ensemble de connaissances sur la qualité des rapports parentaux en lien avec l’estime de soi et la réussite scolaire.

Les études analysant la qualité des relations parents/adolescents en lien avec la réussite éducative demeurent toutefois moins nombreuses, quoique les quelques études recensées tendent à indiquer que les relations qu’entretiennent les élèves avec leurs parents et le soutien qu’ils reçoivent de ceux-ci contribuent à leur réussite dans le domaine scolaire (Baharudin & Zulkefly 2009 ; Doyle et al., 2003; Marchant et al., 2001).

Les précédents constats suggèrent donc que le maintien, durant l’adolescence, d’une bonne qualité relationnelle entre les parents et leur enfant, aurait un effet positif sur le bien-être psychologique de l’adolescent et, potentiellement, sur sa réussite éducative. Cependant, la qualité implique aussi du temps. Pourtant au Canada, entre 1992 et 2005, les statistiques font ressortir un net déclin du temps consacré aux

enfants (Pronovost, 2007). Bianchi (2006) définit le temps parental selon deux dimensions : le temps primaire qui englobe le temps que les parents consacrent aux soins de base donnés à leurs enfants (hygiène, nutrition, éducation), et le temps interactif soit le temps passé avec les enfants dans le cadre d’activités communes (prendre un repas, jouer, regarder la télévision, faire une activité sociale, culturelle ou sportive). Face aux contraintes du travail ou de leurs autres tâches, les parents tendent à résister plus fortement à la diminution du temps qu’ils consacrent au soin et à l’éducation des enfants, compressant au niveau des autres activités communes (Pronovost, 2007). Le temps interactif est donc celui qui écope le plus, bien que les parents tendent à transformer certaines activités qu’ils pratiquaient seuls ou en couples, par des activités familiales avec les enfants (Bianchi, 2006).

Chapitre 4. Milieu de vie familiale

Mise en contexte

Les changements de valeurs que notre société a connus depuis les cinq dernières décennies ont largement modifié les conditions dans lesquelles s’exerce le rôle de parent. Les représentations traditionnelles du père et de la mère ont été ébranlées, notamment, par l’intensification des ruptures conjugales qui ont donné lieu à de nouvelles structures familiales (Parent & Brousseau, 2008). L’arrivée massive des mères sur le marché du travail, les horaires de travail atypiques ainsi que la réduction du temps familial (Turcotte, 2007) sont parmi les autres changements sociaux importants qui impactent sur la famille (Le Bourdais & Lapierre- Adamcyk, 2008; Gottfried, Gottfried & Bathurst, 2002).

Des études soutiennent que ce sont surtout les processus familiaux et les conditions de vie objectives qui expliquent les difficultés de comportements des enfants (Dunn, Deater-Deckard, Pickering, O'Connor, Golding, 1998; Giles-Sims, 1997; Hetherington et Stanley-Hagan, 1999; Lansford, Ceballo, Abbey et Stewrat, 2001; Saint-Jacques, 2000). Il est généralement reconnu que la famille, en tant que milieu de vie, est un des facteurs les plus influents en ce qui a trait au développement et à l’adaptation psychosociale de l’enfant (Belsky, 2005; Berg et Kelly, 2001; Valentiner, 1994). Les transitions vers de nouvelles structures familiales ajoutent au défi de l’organisation et du fonctionnement familial (Drapeau, Samson & Saint-Jacques, 1999). Il est par ailleurs reconnu que dynamique relationnelle d’une famille est souvent plus complexe dans un contexte de transitions familiales (Visher et Visher, 1996 cités dans Saint-Jacques et Drapeau, 2008).