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D’entrée de jeu, cette thèse partage les mêmes limites que celles attribuées au modèle écologique. D’abord l’opérationnalisation des postulats du modèle écologique représente un défi majeur, qui ne peut être relevé que partiellement et qui expose inévitablement à la critique. La difficulté de représenter le plus réalistement possible l’interdépendance des variables contextuelles et la difficulté d’assurer une correspondance entre les définitions conceptuelles et opérationnelles sont des exigences difficiles à atteindre et qui expliquent la complexité d’opérationnaliser un modèle regroupant plusieurs variables (Bronfenbrenner, 1999).

Par ailleurs, le devis transversal ne permet pas de confirmer l’efficacité réelle des interactions puisque, pour ce faire, l’interaction entre les variables contextuelles et leur incidence devraient être analysées sur une plus longue période de temps (Bronfenbrenner, 1999). Ainsi, pour prétendre vouloir confirmer l’efficacité des processus proximaux ou la causalité des relations entre les variables du modèle, un devis longitudinal est requis. Cette thèse se limite donc à l’exploration des possibles interactions de certaines variables contextuelles pouvant potentiellement apporter un nouvel éclairage sur les mécanismes par lesquels, durant l’adolescence, le travail des parents et la famille peuvent avoir une incidence sur le bien- être psychologique est la réussite éducative de leur enfant.

Comme soulevé précédemment, une limite importante concerne l’insuffisance ou l’imprécision des items de l’ELNEJ servant notamment à mesurer la dimension « travail des parents ». Certaines informations ayant avantageusement contribué à représenter le contexte de travail et les conditions d’emploi des parents de façon plus exhaustive sont indisponibles. Dans le même ordre d’idée, l’absence de mesures directes pour la réussite scolaire constitue aussi une limite.De plus, la portion de subjectivité dans le contenu des réponses, qu’elle soit liée à la compréhension, au désir de donner une meilleure image de la réalité (désirabilité sociale) ou à l’interprétation des questions constitue une autre limite. Sur ce dernier point, la traduction des questions de l’anglais au français contribue en partie à cette limite. Par ailleurs, certains facteurs non pris en compte

dans le modèle (par exemple le statut socioéconomique, le sexe de l’adolescent, le nombre d’enfants dans la famille, les antécédents de réussite scolaire de l’adolescent, l’existence d’un réseau social, le type précis de poste occupé par le parent et d’autres encore) sont susceptibles d’avoir une influence qui modifierait les liens entre les variables. Enfin, certaines manipulations statistiques souhaitables, telle l’imputation des données pour les participants qui ne répondent pas à toutes les questions ou la pondération des données pour palier aux impacts sur la représentativité du retrait inévitable de participants, induisent possiblement un biais populationnel. Toutefois, la capacité de palier aux données manquantes à partir d’une méthode d’imputation sophistiquée évite l’obligation de supprimer le sujet de l’étude et s’avère au final être une force.

Malgré ses limites, cette thèse bénéficie d’un avantage majeur au plan méthodologique du fait de la grande taille de l’échantillon et du fait également que les analyses statistiques ne reposent pas sur un échantillon de convenance. De plus, la présence d’une double source de mesures (PMR et adolescent) pour certains items de l’étude renforce la qualité de la mesure. En somme, dans cette thèse, la faiblesse de certaines mesures est en partie compensée par la grande qualité de l’échantillon, ce qui est jugé acceptable puisque rares sont les études qui bénéficient de conditions optimales sans compromis nécessaires, soit sur la qualité des échantillons ou sur les mesures. Au final, la diversité des données de l’enquête sociale sur laquelle s’appuie cette étude offre une rare occasion d’étudier l'influence des parents dans un contexte élargi, compte tenu des coûts et des efforts qu’exigent la collecte et l’accumulation de telles données pour un tel échantillon.

Il demeure que cette thèse n’a pas la prétention de fournir des réponses claires et définitives concernant les mécanismes par lesquels, durant l’adolescence, les parents continuent à influencer leur enfant et encore moins concernant la portée précise du travail des parents sur le bien-être psychologique et la réussite éducative de l’adolescent. Toutefois, dans l’optique de l’approche scientifique en «mode de découverte » (Bronfenbrenner, 2000), cette thèse apporte une contribution, même modeste, en orientant l’attention sur plusieurs pistes de réflexion. Outre les diverses hypothèses explicatives soulevées, les répercussions des changements sociaux dans les pays économiquement développés, mais qui contribuent du même coup à instaurer des environnements chaotiques (Bronfenbrenner et al., 1996; Bronfenbrenner & Evans 2000), en lien avec le défi constant de concilier le travail et la famille ou de mettre en place des stratégies parentales ou éducatives pour contribuer à une meilleure adaptation psychosociale des jeunes, sont des avenues intéressantes à explorer.

Comme exprimé par Bronfenbrenner (2000), un modèle de recherche génératif permet de mettre en évidence des implications dérivées d’un modèle théorique; des implications qui peuvent contribuer autant

(sinon plus) aux progrès scientifiques que les constats bruts tirés des résultats de la recherche. C’est essentiellement ce type de contribution que cette étude exploratoire a tenté d’apporter.

Conclusion

Cette analyse exploratoire apporte un nouvel éclairage dans le but de mieux comprendre comment le travail des parents peut agir sur la dynamique familiale et, incidemment, sur le bien-être psychologique ou la réussite éducative de l’adolescent. Cette étude s’inspire de la théorie des systèmes écologiques de Bronfenbrenner dont trois des quatre éléments clés de la modélisation se retrouvent dans la structure latente implicite du modèle d’analyse proposé: les contextes (travail et famille), leurs relations et la personne (l’adolescent). Le modèle à l’étude dans cette thèse est une première tentative connue pour contribuer à poser quelques fondements d’un cadre conceptuel permettant de mieux comprendre comment le travail des parents peut agir sur la dynamique familiale et, incidemment, sur le bien-être psychologique ou la réussite éducative de l’adolescent.

De prime abord, le travail des parents ne semble ni favorable ni défavorable à la réussite éducative des adolescents et ne semble pas nuire de manière évidente à leur bien-être psychologique, bien que les exigences du travail et le défi constant d’harmoniser le travail et la famille puissent se répercuter sur la dynamique familiale et la qualité de la relation entre le parent et l’adolescent. De fait, les conditions de travail et d’emploi étudiées dans cette thèse ne sont pas dénuées de liens avec le milieu familial et le parentage, même si ces relations ne sont pas foudroyantes. Ce dernier constat laisse supposer que les relations entre le travail et les conditions de vie familiale ou le parentage sont plus complexes que le simple fait, par exemple, d’occuper un emploi stressant ou d’y investir plusieurs heures. Les constats tirés de cette étude exploratoire encouragent donc la prudence dans la recherche de causalité.

Ces constats soutiennent l’idée que des variables prises isolément peuvent difficilement rendre compte de la réalité. La contribution principale de cette thèse de nature exploratoire est d’offrir une vue d’ensemble qui met plus clairement en relief la complexité des interactions et ouvre sur une diversité de pistes de recherche ou de réflexion. Cette contribution s’intègre dans la perspective de la démarche scientifique en mode découverte qui encourage l’apport de nouveaux résultats, mais surtout la génération d’implications contribuant éventuellement à différencier et à préciser les modèles théoriques. En outre, le modèle intégratif proposé dans cette thèse s’inscrit dans l’approche systémique des modèles écologiques, orientée vers des études écologiquement valables qui prennent en compte le contexte et reproduisent les milieux naturels des individus. L’approche systémique est particulièrement adaptée aux problématiques trop complexes pour être abordée de façon réductrice et, de ce fait, s’avère souhaitable dans l’étude complexe des relations interpersonnelles familiales où plusieurs facteurs interagissent.

Entre autres contributions plus spécifiques, le modèle réitère plusieurs constats de la littérature scientifique concernant, d’une part, l’impact positif d’une sécurité et d’une suffisance de revenu, et d’autre part, les répercussions positives du parentage sur le bien-être et la réussite éducative des adolescents. Le modèle soutient les études ayant démontré que de bonnes pratiques parentales contribuent à établir de relations positives entre parents et adolescent; des relations qui, à leur tour, favorisent un développement sain et une meilleure adaptation psychosociale des adolescents. Par ailleurs, ce modèle semble aussi appuyer l’idée qu’à l’adolescence, des pratiques parentales caractérisées par la discussion et le soutien à l’autonomie peuvent conduire à de meilleures stratégies d’apprentissage et stimuler les aspirations éducatives de l’adolescent.

Il demeure que cette thèse, compte tenu de ses limites et de sa nature exploratoire, ne peut prétendre fournir un modèle écologiquement valide, ni des réponses définitives concernant les mécanismes par lesquels le travail des parents pourrait agir sur la dynamique familiale et incidemment, sur le bien-être psychologique ou la réussite éducative de l’adolescent. Pour élaborer un tel modèle en lui donnant une validité écologique avérée, beaucoup reste à faire. Étant donné la complexité d’un tel modèle et le nombre de variables contextuelles à prendre en compte, plusieurs études et résultats convergents seront nécessaires. Plus particulièrement, des études longitudinales sont requises pour comprendre les processus en action et confirmer la direction des effets ou l’influence précise des conditions de travail des parents ainsi que l’influence des conditions familiales sur l’adolescent. Les avenues de recherches demeurent nombreuses. Notamment, la réalisation d’analyses par sous-groupe serait intéressante afin de vérifier l’effet modérateur du niveau de scolarité, du genre, du statut socioéconomique ou de la structure familiale. Le choix et la qualité des variables devront aussi faire l’objet d’une attention particulière pour assurer la représentativité des variables latentes. Enfin, dans la perspective d’une validité écologique accrue, la recherche future devrait contribuer à définir un modèle ajusté à la réalité de nos sociétés, notamment en ajoutant certaines dimensions telle l’influence des pairs ou du climat scolaire, mais aussi des dimensions du travail qui reflètent les enjeux actuels. Le monde du travail étant en constant changement, la poursuite de la recherche permettra d’actualiser les connaissances.

En définitive, cette première exploration ouvre sur des pistes potentielles de questionnement dont les réponses permettront éventuellement de mieux tenir compte des spécificités de l’adolescence, par exemple, dans des programmes ou stratégies d’intervention. À court terme, la diffusion des réflexions que suscite cette première série de constats pourrait contribuer à raffiner la compréhension des interactions complexes entre le travail, la famille et l’adolescent, ce qui peut s’avérer utile pour les divers intervenants concernés par l’élaboration de stratégies préventives ou la promotion de programmes d’intervention, autant dans le domaine de l’organisation du travail que dans celui de l’éducation.

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