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AUTORITÉ TERRITOIRIALE ET MISSIONS DU PATRIARCAT DE SÉLEUCIE- SÉLEUCIE-CTÉSIPHON EN DEHORS DE L’EMPIRE PERSE (VIIe – XIIIe SIÈCLE)

D. LES PROVINCES D’ASIE CENTRALE

En ce qui concerne la présence chrétienne en Asie Centrale, d’après le témoignage donné par l’historien médiéval Al-Biruni635, les premières communautés chrétiennes sont apparues à Merv, capitale de l’ancienne satrapie de Margiane636, deux cents ans après la mort

632 Voir BIDAWID (R.), Les lettres du patriarche nestorien Timothée I : étude critique avec en appendice la lettre

de Timothée I aux moines du couvent de Mār Mārōn, Studi e Testi, n° 187, Città del Vaticano, Biblioteca apostolica

vaticana, 1956, p. 74 ; voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, London, Variorum Reprints, 1983, p. 292.

633 Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, op. cit., p. 291-296.

634 Ibid., p. 295.

635 Al-Biruni, Afzal Muhammad ibn Ahmad Abu al-Rehan (973-1048), était savant-encyclopédiste khoresmien.

636 Merv (pers. Mourgash, lat. Antiochia Margiana) se trouvait dans les alentours de la ville de Baïram-Ali actuelle (Turkménistan). La ville existait déjà dès le milieu du 1er millénaire avant J.-C. Vers le XIe - XIIe siècle, Merv deviendra la capitale des Seldjoukides.

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du Christ637. Les recherches archéologiques actuelles estiment, que l’implantation des premiers édifices chrétiens du côté ouest de cette ville remonte sans doute à la fin du IIe siècle après J.-C. Dans les banlieues de la ville, se trouvaient aussi des édifices plus tardifs dédiés au culte chrétien du IIIe - IVe siècle638.

Au IIIe siècle, le christianisme a aussi pénétré dans les provinces de Sogdiane et de Bactriane. Vers la fin du IVe siècle, la présence des chrétiens dans la ville de Merv est importante, comme en atteste la création d’un évêché, sans doute sous le pontificat de Mar Isaac (399-410). Ces premières structures propres à une Église épiscopale n’étaient pas, bien évidemment, territoriales, mais socio-administratives (c’est-à-dire, plutôt personnelles), comme ce fut le cas pour toutes les Églises primitives avant l’accroissement du rôle des métropolitains. La nécropole de Merv, où des enterrements chrétiens avaient déjà lieu dans la période qui s’étend du IIe au VIe siècle, témoigne de l’existence d’une communauté chrétienne, ayant eu une vie très active à l’époque.

Il faut aussi noter la présence du monachisme dans la région, ce dont témoignent les vestiges d’un monastère en forme d’ellipse construit à la fin du IVe ou au début du Ve siècle, ainsi que d’autres édifices chrétiens639. Au Synode de Mar Dadishō (424), qui détermina l’autonomie de l’Église perse, se trouvaient, parmi les signataires, l’évêque Bar Shaba de Merv640. Nous retrouvons la participation de Pharoumé de Merv au synode de Mar Akak en 486641 et celle de Yohannan au synode de Mar Babaï en 497642. La ville de Merv reçut le statut de métropole entre 497 et 524 sous le pontificat du catholicos Babaï ou du catholicos Shila643. Le métropolite David de Merv participa au Synode de Mar Joseph en 554644.

Bien que faisant partie des « provinces de l’extérieur » de l’Église perse, les métropolites de Merv participaient néanmoins à l’élection du catholicos depuis que le synode de Mar Joseph (554) avait étendu ce droit de vote à tous les métropolites645. La participation

637 Voir BIRUNI (A.-R.), Traces des siècles passés [Памятники минувших поколений], t. 1, Tachkent, éd. de l’Académie des sciences d’Ouzbékistan, 1957, p. 123.

638 Voir ZHUKOVA (L. I.) dir., De l’histoire des cultes anciens de l’Asie Centrale. Christianisme, [Из истории

древних культов в Средней Азии. Христианство], Tashkent, éd. Главная редакция энциклопедий, 1994, p.

9-10.

639 Ibid., p. 26-33.

640 Voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 43, trad. p. 285.

641 Ibid., p. 53, trad. p. 299-300.

642 Ibid., p. 66, trad. p. 315.

643 Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, op. cit., p. 281.

644 Voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 109, trad. p. 366.

645 Voir le can. 14 du synode de Mar Joseph (554), CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 103-104, trad. p. 361.

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souhaitée de tous les métropolites, même des provinces les plus lointaines, à l’élection du patriarche était motivée par le souci de maintenir l’unité de l’Église et d’éviter l’apparition de réfractaires ou de contestataires du patriarche élu. Tous les métropolites devaient, dans la mesure du possible, exprimer leur accord, soit en venant personnellement pour imposer les mains au patriarche élu, soit au moins par écrit.

Il convient de souligner l’activité missionnaire importante conduite par le métropolite Élie de Merv pour l’expansion du christianisme en Transoxiane, au-delà du fleuve d’Amou-Darya646. Les métropolites de Merv seront cependant privés de leur droit d’élection du catholicos par la constitution du patriarche Timothée Ier (780-823), même si le métropolite de Merv avait participé à son élection et à sa consécration en 780647. Cette mesure fut introduite par le patriarche à cause des troubles qui avaient accompagné son avènement, afin d’éviter l’impossibilité de rassembler tous les métropolites ou d’attendre l’avis de tous pour élire un nouveau patriarche, au cas où le siège patriarcal deviendrait vacant en temps de troubles : en ce cas, l’Église courrait le risque de rester longtemps acéphale, ce qui pourrait mettre en danger son unité.

La ville de Hérat648 (à l’ouest de l’Afghanistan actuel) devint le siège du métropolitain de la province de Khōrassan avant 585. Ceci est attesté par le fait que cette année-là, parmi les signataires du synode de Mar Isho’yahb III, figurait un certain prêtre Daniel représentant le métropolite Gabriel de Hérat649.

Une autre métropole importante en Asie Centrale était celle de Sogdiane dont le siège métropolitain se trouvait à Samarcande. Cette métropole avait sans doute été créée après celles de Hérat et de la Chine650.

Mar Timothée Ier (780-823), très soucieux des missions de son Église, créa aussi les sièges métropolitains de Gilan (Gīlāyē) et de Dailom (Dailōmayē) au sud-ouest de la mer Caspienne, ainsi que la province du Turkestan (Beth Turkāyē) après la conversion du kaghan turc et de tout son peuple651. Il faut noter qu’en ce qui concerne les relations entre l’Église perse et le pouvoir civil, pour le patriarche Timothée Ier il était très important d’établir de

646 Voir TISSERANT (E.), « Nestorienne (l’Église) », op. cit., t. XI, 1, col. 208.

647 Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, op. cit., p. 268-269.

648 Hériū en syriaque ou Harew en pehlvi.

649 Voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 165, trad. p. 423.

650 Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, op. cit., p. 283-285.

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bonnes relations avec les souverains de l’époque et la conversion du kaghan constitua un grand succès652. Ces métropoles se trouvaient sans doute dans la province de la ville d’Otrar, située au long du fleuve de Syr-Daria, sur le territoire du Kazakhstan actuel.

L’ampleur et le succès des missions de l’Église perse en Orient sont impressionnants : l’organisation administrative de cette Église qui s’est adaptée aux différents contextes socio-culturels et géopolitiques l’a poussée à élaborer toute une série de règles et de principes canoniques qui ont servi de fondement essentiel pour la préservation de son unité et pour garantir la transmission fidèle de la doctrine dans les vastes étendues de son implantation653. Le rôle du catholicos, des métropolitains et celui de l’épiscopat dans ce processus ont été clairement défini du point de vue canonique.

SECTION 2 – PRINCIPES CANONIQUES DE L’ÉGLISE PERSE POUR L’ÉTABLISSEMENT DE SES STRUCTURES ADMINISTRATIVES ET TERRITORIALES

Avec l’extension des structures ecclésiales des provinces « de l’extérieur » de l’Église perse sur un vaste ensemble de pays, et suivant des contextes géopolitiques et culturels spécifiques, une législation canonique appropriée a progressivement été élaborée. Cette législation visait à sauvegarder l’unité de l’Église sous l’autorité du catholicos, mais son but était aussi de donner un fondement canonique commun à l’activité de l’épiscopat missionnaire qui se développait dans des contextes socio-culturels fort différents (A). Le principe de l’organisation métropolitaine a été sauvegardé pour toutes les provinces « de l’extérieur », mais les règles d’exercice de la charge du métropolite ont été différentes par rapport à celles applicables aux métropolites des provinces intérieures (B).

652 Rappelons qu’à l’intérieur du pays le patriarche Timothée Ier fit transférer le siège patriarcal de Séleucie à Bagdad, afin d’établir des rapports privilégiés avec les califes abbassides et d’assurer ainsi la protection de son Église.

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