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Episcopus diœcesis et episcopus plebis d’après les conciles du diocèse civil d’Afrique (345- (345-525)

LA JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUE EXERCÉE SUR UN TERRITOIRE

SECTION 1 – VERS UNE JURIDICTION CONCILIAIRE TERRITORIALE

B. LES QUATRE GRANDES MANIFESTATIONS DE LA JURIDICTION CONCILIAIRE

2. Episcopus diœcesis et episcopus plebis d’après les conciles du diocèse civil d’Afrique (345- (345-525)

Les conciles africains présentent un particularisme prononcé. L’Église d’Afrique est bien organisée et l’activité conciliaire y occupe une place importante. Déjà au IIIe siècle à Carthage, comme nous avons pu le remarquer précédemment, se sont tenus des conciles de grande importance disciplinaire99. Nous pouvons citer celui d’Agrippinus (v. 218-222), le

95 Voir BROWN (P.), La Vie de Saint Augustin, [1971], Paris, Points, 2001, (coll. Points Histoire), p. 177-187.

96 Voir CYPRIEN DE CARTHAGE, L’unité de l’Église, Paris, Cerf, 2006, SC, 350 p.

97 Voir EUSEBE DE CESAREE, Histoire ecclésiastique, Livre VI, 43, 11, op. cit., p. 375.

98 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des Conciles Œcuméniques, op. cit., p. 82-83.

99 Il s’agissait surtout de traiter la question de la validité du baptême des hérétiques et de la réintégration des « lapsi », chrétiens qui avaient failli lors de la persécution de Dèce.

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premier connu pour l’Afrique, et un autre, tenu sous Donatus (v. 236-240)100. Les conciles africains comptent souvent un grand nombre de participants.

L’épiscopat de Cyprien de Carthage sera également marqué par une activité conciliaire importante. Entre 251 et 256, cinq conciles sont tenus à Carthage. Bien souvent les canons adoptés sont envoyés à Rome, mais plutôt dans le but d’avoir une plus grande notoriété que de les soumettre à l’approbation du pape101. L’Église d’Afrique tient beaucoup à son autonomie.

Les conciles qui attireront surtout notre attention sont ceux qui se sont tenus entre 345 et 525, car c’est d’eux qu’émane une législation relative à la juridiction de l’évêque, appliquée à son clergé, à son peuple et à un territoire qui relève de sa compétence102. Le développement des structures internes du diocèse civil d’Afrique fait que, vers le début du Ve

siècle, les limites des provinces ecclésiastiques ne correspondent pas à celles de l’administration civile103. Dans un souci de stabilité du clergé, et dans le contexte de la multiplication des communautés, les conciles Africains interdisent également le passage des clercs d’une Église à l’autre et l’intégration du clergé étranger par un évêque.

Les communautés épiscopales sont définies d’une manière très large, dans la perspective d’une juridiction personnelle. Le concile de Carthage (345-348), pour désigner la communauté gouvernée par un évêque, utilise simplement l’expression plebs sua (son

peuple), et pour désigner ceux qui ne sont pas sous sa juridiction plebs aliena (autre peuple,

canon 5)104. L’empiètement sur la juridiction d’un autre évêque est désigné comme usurpatio

alterius plebis (usurpation du peuple d’un autre : option personnelle de juridiction) ou

100 La portée de ce concile était surtout dogmatique : il s’agissait de la condamnation de l’évêque Privatus de Lambèse en tant qu’hérétique par une assemblée des quatre-vingt-dix évêques. Pour ces deux conciles avant le milieu du IIIe siècle voir DUVAL (Y.), « Sur les conciles africains antérieurs à Cyprien », Revue des Études

Augustiniennes, 49 (2003), p. 239-251.

101Le concile de Carthage, tenu au printemps 256, déclara nuls les baptêmes conférés par les hérétiques, et exigea la rebaptisation dans le cas d’une conversion éventuelle. Cette position sera condamnée par le pape Étienne. Un autre concile réuni en septembre de la même année reprendra cette question et maintiendra la position des évêques africains contre l’avis du pape. Voir MESSINA (J.-P.), Culture, christianisme et quête d’une

identité africaine, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 18-20. Au sujet du particularisme de l’Église d’Afrique voir MUNIER

(Ch.), « Un canon inédit du XXe concile de Carthage : “Ut nullus ad Romanam ecclesiam audeat appellare” », R.

S. R., t. 40, fasc. 2, 1966, p. 113-126.

102 Voir MUNIER (Ch.), « Vers une édition nouvelle des Conciles Africains (345-525) », Revue d’Études

Augustiniennes et Patristiques, 18 (3-4), 1972, p. 240-260.

103 La partie Nord de la Numidie, faisant partie de la province civile de l’Afrique proconsulaire, appartenait à la province de la Numidie Cirtensis.

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usurpatio alienos fines (usurpation des confins d’un autre : qui fait allusion à un territoire,

canon 10)105.

Le concile de Carthage de 390 utilise le même langage en défendant à l’évêque d’excéder les « frontières qui lui sont accordées ». Il semble que le terme « diocèse » (diœcesis) dans les conciles africains commence par désigner progressivement un territoire sous la responsabilité d’un évêque. On parle alors de l’episcopus diœcesis (canon 5)106. Le canon 11 du ce concile recourt à une formule intéressante :

« … que la discipline ecclésiastique soit confirmée, afin que personne ne puisse empiéter sur le territoire ou le peuple relevant d’autres évêques (episcoporum alterius plebis vel diocesim), ni outrepasser les limites qui lui ont été assignées 107. »

Les métropolitains portent le titre de primae sedis episcopus (évêque du premier siège). Il leur est interdit de se faire désigner en tant que princeps sacerdotum (prince des prêtres) ou

summus sacerdos (souverain prêtre) ou d’avoir recours à une appellation semblable

(Breviarium Hipponense, canon 25)108.

Dans le Breviarium Hipponense, les évêques-souscripteurs de la session du 13 août 397 portent un titre relatif à leur rang prééminent dans une Église locale : Aurelius episcopus

ecclesiæ Carthaginensis (Aurélius, évêque de l’Église de Carthage), Mizonius primae sedis episcopus provinciæ Bizacenæ (Mizonius, évêque du premier siège de la province de

Byzacène)109. Les autres sièges sont désignés en rapport avec les peuples dont ils sont les pasteurs : Victorianus episcopus plebis Mascilianensis (Victorien, évêque du peuple de Mascilia) etc.

Nous pouvons ainsi constater que la titulature épiscopale utilisée lors des conciles africains indique avant tout la juridiction personnelle de l’évêque, qui est progressivement attachée à un peuple donné, habitant un territoire plus ou moins précis.

105 Ibid., p. 8.

106 Ibid., p. 14.

107 Nous proposons cette traduction. « Roboranda est ecclesiastica disciplina ne quisquam episcoporum

alterius plebis vel diocesim sua importunitate pulsare terminosque sibi statutos conetur excedere », ibid., p. 17. 108 Ibid., p. 40.

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3. Les conciles en Gaule (IVe – VII s.) : entre le maintien des liens traditionnels et l’adaptation

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