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AUTORITÉ TERRITOIRIALE ET MISSIONS DU PATRIARCAT DE SÉLEUCIE- SÉLEUCIE-CTÉSIPHON EN DEHORS DE L’EMPIRE PERSE (VIIe – XIIIe SIÈCLE)

B. ORGANISATION MÉTROPOLITAINE EN CHINE (PROVINCE DE BĒTH SINĀYĒ)

Dans les écrits du catholicos Isho’yahb III (650-657), nous trouvons mention du fait que les chrétiens se sont implantés au-delà de l’Inde et qu’ils étaient présents dans la capitale des empereurs de la dynastie Tang617 grâce à l’activité d’Alopen, religieux perse venu par voie maritime sous le règne de l’empereur Taizong (626-649). L’activité missionnaire d’Alopen en Chine se déroulait sous le pontificat du catholicos Isho’yahb II (628-644). Le catholicos Isho’yahb III relate que l’empereur suivant, Tang Gaōzōng (649-683), donna l’ordre de construire des monastères dans chaque préfecture de l’Empire du Milieu618. L’empereur conféra à Alopen le titre de « Gardien et chef de la Grande doctrine pour tout l’Empire ». Un monastère fut fondé dans la capitale en 638, également par ordre de l’empereur Tang Gaōzōng.

Mais, sous le règne de l’impératrice Wū Zétiān (690-705), la position bienveillante du pouvoir civil à l’égard des chrétiens va changer, car les bouddhistes s’étaient engagés à mener une persécution contre les chrétiens. Cette persécution dont les causes étaient essentiellement politiques, dura de 695 à 705. L’impératrice Wū Zétiān, dont l’ascension au pouvoir avait été possible au prix d’un ensemble d’intrigues et de meurtres, voulait surtout s’appuyer sur le bouddhisme populaire pour affermir son autorité. Ayant déposé son fils-empereur en 680, Wū Zétiān s’est attribuée, fait sans précédent, le titre masculin de Sacré et Divin Empereur (圣神皇帝). À cette occasion les bouddhistes publièrent un traité déclarant que la mère de l’empereur déposé est fille de Bouddha et qu’elle doit absolument hériter l’Empire de la dynastie Tang. L’impératrice elle-même prétendait être une manifestation de Bouddha,

615 Voir VAN SLAGEREN (J.), Les chrétiens de saint Thomas. Histoire d’une Église particulière (Kérala, Inde), Paris, Éditions Karthala, 2013, p. 47.

616 Ibid., p. 46.

617 Dynastie Tang a régné sur l’Empire de 618 à 907.

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Maytreya, et par voie de conséquence, elle ordonna la construction de temples bouddhistes dans toutes les villes619.

L’impératrice ne pouvait pas supporter la présence de l’Église chrétienne, déjà bien implantée dans l’Empire et assimilée par la population. Cette religion d’origine étrangère ne pouvait donc logiquement pas soutenir Wū Zétiān et le christianisme était considéré comme nuisible. Après la renonciation, puis la mort de l’impératrice en 705, une forte réaction monta du milieu confucianiste qui émergea en 711 contre le bouddhisme en général et contre tout ce qui correspondait à l’héritage du régime de Wū Zétiān.

Pour la communauté chrétienne, la véritable paix ne sera rétablie qu’en 732 avec l’intervention de Ki-lie (Gabriel), venu de Perse, et celle du « chef des prêtres » Lo-han (Abraham).

À partir de cette date, les chrétiens jouiront des faveurs des empereurs successifs Xuanzōng (712-756), Suzōng (756-762), Daizōng (763-779) et Dezōng (780-805)620.

En 732, sous le règne de l’empereur Xuanzōng (712-756), un rapport fort positif fut rédigé au sujet de l’Église chrétienne dans l’Empire. L’Église bénéficia ensuite d’une reconnaissance officielle en 742621. Sous le règne de l’empereur Daizōng (763-779), cette tolérance du souverain à l’égard du christianisme devint d’autant plus remarquable, que l’empereur demanda de déposer les livres sacrés de la religion chrétienne dans la bibliothèque impériale pour en faire une traduction622.

La célèbre stèle de Si-ngan-fou, monument commémorant la grande réunion des dirigeants chrétiens qui eut lieu en 779, fut sculptée sous le pontificat de Hnanishō II (774-780) et érigée le 7 janvier 781 dans l’enceinte de ce monastère en présence des chorévêques Adam (en chinois King-Tsin) et Yazd-bōzēd (Yi-sseu). Cette stèle constitue le témoignage historique le plus complet sur l’état de l’Église perse installée en Chine à l’époque623. Elle contient une longue inscription comprenant cinq parties : un exposé doctrinal, l’histoire des chrétiens en Chine entre 635 et 781, l’éloge du prêtre Yi-sseu, celle des empereurs et l’acte

619 Voir DIDIER (H.), « L’empathie en marche : Matteo Ricci et son Traité de l’amitié », Histoire et mission

chrétiennes, 2011 / 2, n° 18, p. 25-26.

620 Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, op. cit., p. 297.

621 Voir DIDIER (H.), « L’empathie en marche : Matteo Ricci et son Traité de l’amitié », op. cit., p. 26.

622 Ibid.

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d’érection624. L’empereur Tang Dezōng (779-805) conféra au chorévêque Yazb-bōzēd (Yi-sseu) le titre de mandarin de premier rang et le nomma commandant militaire en second pour le nord de l’Empire, ainsi qu’inspecteur des appartements impériaux625. Les chrétiens d’une manière générale (perses, grecs ou latins) reçurent en chinois l’appellation de Yelikowen Kiao, c’est-à-dire ceux de la religion de l’Évangile626.

L’ensemble des relations entre cette Église perse en voie de sinisation a été marquée par une grande ouverture d’esprit de la part des empereurs plutôt favorables à l’expansion de la religion chrétienne.

La province métropolitaine de la Chine (Bēth Sināyē) tire son origine du double évêché de Kumdan (Si-ngan-fou) et de Sarag (Lo-yang), les deux villes étant des capitales de l’Empire de la dynastie Tang627. C’est vraisemblablement sous le pontificat du catholicos Mar Timothée Ier (780-823) que cet évêché a été érigé en siège métropolitain. Mais, ce patriarche a sans doute consacré le dernier métropolite de Bēth Sināyē avant le déclin de cette province. La persécution des taoïstes contre les bouddhistes, les chrétiens, les mazdéens, les manichéens, et les adeptes de toute autre religion que le taoïsme, entamée en 845 par l’empereur Wūzōng (940-946), sera fatale pour la vie de cette province ecclésiastique. En raison de cette suppression pure et simple des religions non-taoïstes, les biens des communautés persécutées seront sécularisés et les édifices du culte détruits628.

En 938, Ibn-Al-Nadim, écrivain arabe, dans son ouvrage Kitab-al-Fihrist, évoque la disparition complète des chrétiens en Chine629. L’historien chinois Zan Ning (919-1002), lui-même bouddhiste, situe la disparition du christianisme de Chine en 845, et avec elle, celle de tous les autres cultes arrivés jadis de la Mésopotamie, à savoir : le zoroastrisme et le manichéisme630. La missive de six religieux envoyés en Chine en 980 par le catholicos Abdishō confirmera ce fait631.

624 Ibid.., t. XI, 1, col. 201 ; au sujet du texte voir ALLEGRA (G. M., o.f.m.), « La Sutra del Messia », Rivista Biblica

Italiana, n° XXI, 1973, p. 165-186.

625 Voir TISSERANT (E.), « Nestorienne (l’Église) », Dictionnaire de théologie catholique, op. cit., t. XI, 1, col. 201.

626 Voir ALLEGRA (G. M., o.f.m.), « La Sutra del Messia », op. cit., p.166.

627 L’évêché de Kumdan et de Sarag avait deux sièges pour le même évêque, car les deux villes où ces sièges se trouvaient étaient des capitales impériales.

628 Voir DIDIER (H.), « L’empathie en marche : Matteo Ricci et son Traité de l’amitié », op. cit., p. 27 ; voir DEMIEVILLE (P.), Choix d’études bouddhiques (1929-1970), Leiden, éd. E. J. Brill, 1973, p. 401 et suiv.

629 Voir DODGE (B.), The Fihrist of al Nadin, vol. II, New-York, Columbia University Press, 1970, p. 826-843; ALLEGRA (G.-M.) o.f.m., « La Sutra del Messia », op. cit., p. 165 et suiv. ; PELLIOT (P.), « Chrétiens d’Asie Centrale et d’Extrême Orient », T’oung pao, vol. XV, Leiden, éd. E. J. Brill, 1914, p. 624.

630 Voir DIDIER (H.), « L’empathie en marche : Matteo Ricci et son Traité de l’amitié », op. cit., p. 27.

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