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DISPOSITIONS RELATIVES A L’ORGANISATION DE L’ÉGLISE ET AU MÉTROPOLITAIN DANS LES TEXTES DU SYNODE DE 410

LA JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUE EXERCÉE SUR UN TERRITOIRE

SECTION 2 – DE LA POLYARCHIE AU MONOÉPISCOPAT : LES SYNODES DE SÉLEUCIE DE 410 ET DE 420

B. DISPOSITIONS RELATIVES A L’ORGANISATION DE L’ÉGLISE ET AU MÉTROPOLITAIN DANS LES TEXTES DU SYNODE DE 410

B. DISPOSITIONS RELATIVES A L’ORGANISATION DE L’ÉGLISE ET AU MÉTROPOLITAIN DANS LES TEXTES DU SYNODE DE 410

Le synode de Mar Isaac (410) établit avec précision l’organisation territoriale et administrative de l’Église de l’Empire sassanide. Pour cela, il a fixé la liste des six métropoles

549 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des conciles œcuméniques, op. cit., p. 254-258.

550 Can. 16 du concile de Mar Isaac (410), voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 267.

551 Nous retrouvons déjà cette prescription dans les normes du Concile de Laodicée (343-381, can. 57 : « On ne doit pas ordonner des évêques, mais des visiteurs (περιοδευτάς, visitatores) dans les bourgs et les villages ; ceux qui y sont déjà ordonnés ne doivent rien faire sans l’avis de l’évêque », voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des

synodes particuliers, op. cit., p. 153. La même discipline est reprise au concile de Sardique (343-344) : « … Qu’il

ne soit pas permis d’autre part d’établir un évêque dans un village ou dans une petite ville, qu’un seul prêtre suffirait à régir ; il n’est pas nécessaire d’y établir des évêques afin de ne pas avilir le nom et l’autorité des évêques » (can. 6), ibid., p. 167. À ce propos voir aussi « De electione, et chirotonia chorepiscopi, idest periodeutae, qui est visitator, et de canonibus visitationis eius », Ebedjesu metropolitae Sobae et Armeniae

Collectio canonum synodicorum, in Scriptorum veterum nova collectio, Angelo Mai dir., t. 10, traité VI, ch. VII, 1,

Rome, ex Typicis Vaticanis, 1838, p. 139.

552 Voir AIGRAIN (R.), « Chorévêques », in Catholicisme, sous dir. de JACQUEMET (G.), t. II, Paris, Letouzey et Ané, 1979, col. 1072- 1075 ; voir aussi ASSEMANI (J.-S.), « Dissertatio de Syris Nestorianis », in Bibliotheca Orientalis

Clementino-Vaticana, t. III, part. II, ch. XIII § VII « De Chorepiscopis, periodeutis et archipresbyteris », Rome, Typis

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en donnant les noms des évêques titulaires là où c’était possible553, ainsi que l’extension de leur juridiction (1). Les sièges suffragants de chaque métropole ont aussi été précisés. Ce synode définit clairement les tâches et les obligations des métropolitains, en tant que chefs d’une Église, dans les limites d’une province civile. Dans l’ordre des préséances entre métropolitains, malgré une vive protestation des titulaires des sièges plus anciens, c’est le métropolitain de Séleucie-Ctésiphon, ville royale, qui recevra, non seulement la primauté d’honneur, mais aussi celle de juridiction (2).

1. L’organisation de l’Église et la fixation des sièges métropolitains

Le rôle du synode de Mar Isaac, pour la mise en place d’une bonne organisation administrative de l’Église dans l’Empire des Sassanides est fondamental. Dans le contexte général des querelles liées à l’héritage de la polyarchie, les ordinations épiscopales irrégulières et la compétition de certains évêques pour recevoir la dignité métropolitaine, comme ceux de Bēth Lapat et de Karkā d-Lēdān554, ne facilitaient pas la concorde entre eux. Pour garantir l’ordre et la discipline ecclésiastique, le synode établit alors pour l’Église perse la τάξις, c’est-à-dire un ordre des préséances pour les différents sièges métropolitains555.

553 Pour le siège de Bēth Lapat, capitale de la province de Khuzistān et première des métropoles ecclésiastiques syriennes orientales, qui était désormais placée comme seconde en dignité après Séleucie-Ctésiphon, il n’y avait pas d’évêque désigné nominativement. Les évêques de Bēth Lapat et de Karkā d-Lēdān étaient en rivalité pour obtenir la dignité métropolitaine, et ordonnaient des évêques pour les mêmes sièges, en provoquant une grande confusion. Il a été décidé alors, qu’après la mort des deux prétendants à la dignité de métropolite, le nouvel évêque de Bēth Lapat recevrait cette dignité. Voir can. 21 du concile de Mar Isaac, CHABOT

(J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 271-273 ; voir aussi FIEY,(J.-M.),« L’Élam, la première des métropoles ecclésiastiques orientales », Parole d’Orient, vol. 5, n° 2 (1969), p. 238-239.

554 Sans doute, cette rivalité a été générée par le transfert de la résidence royale d’une ville à l’autre. Le can. 21 du concile de Mar Issac de 410 obligera les évêques rivaux à rester uniquement dans leur communauté et à ne plus ordonner ni prêtres ni diacres jusqu’à leur mort ; voir CHABOT (Jean-Baptiste), Synodicon orientale, Paris, Imprimerie Nationale, 1902, p. 271-273. Voir aussi FIEY, (J.-M.), « L’Élam, la première des métropoles ecclésiastiques orientales », Parole d’Orient, vol. 5, n° 2(1969), p. 239.

555 Dorénavant, l’organisation administrative de l’Église perse et la liste des sièges métropolitains avec les diocèses suffragants allait se présenter ainsi :

1. Séleucie-Ctésiphon (région de Babylonie) est confirmée dans ses prérogatives primatiales. Son titulaire est appelé le « grand métropolitain et le chef de tous les évêques ». Le primat a un suffragant, l’évêque de Kashkar, qui, dans le cas de vacance du siège primatial, devient le locum tenens.

2. Bēth-Lapat (région de Susiane) est métropole de la région du Khuzistān avec quatre suffragants : Karkā d-Lēdān, Hormizd-Ardashir, Shushter et Suse (Sush).

3. Nizibe (Mésopotamie du Nord) est métropole avec cinq suffragants : Arzōn, Qardu, Bēth Zabdai, Bēth Raïma et Beit Moksāyē.

4. Pērat d-Mayshān (région de Mésène) avec trois suffragants : Karrhai d-Mayshān, Rimā et Nahagur. 5. Arbèles, métropole de la satrapie Adiabène avec ses six suffragants : Nuhadrā, Bogash, Beit-Dasen, Ramonin, Beit-Mahquart et Dabarinos.

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Il faut cependant constater que dans le vaste Empire des Sassanides, il existait aussi d’autres évêchés, qui n’étaient pas organisés en provinces et dont les évêques en raison du grand éloignement de Séleucie, furent dans l’impossibilité de participer au Synode de 410556. De plus, les territoires des évêchés n’étaient pas toujours bien délimités, surtout pour les provinces frontalières.

2. Rôle et devoirs des métropolitains

Comme nous l’avons déjà souligné, l’organisation de l’Église dans l’Empire perse a suivi les principes de base de l’organisation administrative de l’Église au sein de l’Empire romain. Une hiérarchie a été établie au sein de l’épiscopat, mais l’importance de la juridiction épiscopale et l’influence de l’évêque ont été directement liées à l’importance politique de la localité où se trouvait son siège. C’est ainsi que les évêques des villages et des bourgades verront leur pouvoir de plus en plus limité, avant de disparaître progressivement, tandis que les métropolitains auront la juridiction sur les évêques de leur province, et que l’évêque de la capitale deviendra « catholicos archevêque de tout l’Orient » avec de larges pouvoirs (sa sentence sera définitive et sans appel).

Par toute cette structuration, l’organisation métropolitaine est devenue un élément essentiel.

Les deux rôles principaux du métropolitain sont, d’une part, d’être garant de l’observance des décisions conciliaires et, d’autre part, de mettre en œuvre la discipline conciliaire afin de coordonner au mieux la vie ecclésiale dans la province sous son autorité (canon 10 du synode de Mar Isaac (410)557). Chaque métropolitain a autorité sur trois, quatre ou cinq évêques (can 10). Il doit intervenir lors des différends entre les évêques placés sous sa

6. Karkā d-Bēth Slōq, métropole de la région de Bēth Garmaï (Garamée) avec cinq suffragants : Shahquard, Latom, Arevan, Radani et Herbath-Gelāl.

Voir can. 21 du concile de Mar Issac, CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 271-273 ; voir AMANN (É.), « Église de Perse sous la dynastie Sassanide (224-632) », Dictionnaire de théologie catholique, t. XI, 1, Paris, éd. Letouzey et Ané, 1931, col. 171 ; voir aussi SACHAU (E.), Zur Ausbreitung des Christentums in Asien, Berlin, Verlag der Akademie der Wissenschaften, 1919, 80 p.

556 Ces évêchés se trouvaient dans la Perside, dans les Iles (Bēth Quatraye, Bahrein et sa région), dans le Bēth Madāyē (Médie), dans le Bēth Razīqāyē (dans la province de Raï), dans la Médie supérieure, dans le pays d’Abarshahr, dans une partie de Khōrassan, à Ardai, Tuduru et Masmahig. En ce qui concerne la description détaillée des provinces et évêchés en Perse sassanide et leur contexte géographique, voir l’introduction à l’édition allemande de la Chronique d’Arbèles : Die Chronik von Arbela, introduction et traduction de SACHAU (E.), Berlin, Verlag der Konigl. Akademie der Wissenschaften, 1915, p. 17-28.

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juridiction, ou dans les différends entre les prêtres ou diacres et leur évêque dans le cas de transgression des normes canoniques. Pour les cas particulièrement graves, le métropolitain doit en référer au catholicos qui siège à Séleucie-Ctésiphon (canon 18)558.

Mais, le métropolitain ne peut s’immiscer dans les affaires propres à un diocèse suffragant ni y exercer sur son évêque des pressions. Ainsi il n’a pas de juridiction immédiate sur sa province et ne possède pas le droit de visite559. Il administre un diocèse lors de la vacance du siège. Le métropolite intervient seulement dans le cas de reproches faits au suffragant et si celui-ci ne peut justifier ses actions (canon 19)560. Son rôle est, en ce domaine, avant tout disciplinaire.

Afin d’éviter les disputes éventuelles entre les évêques prétendant à la dignité métropolitaine, comme ce fut le cas précédemment cité pour les évêques de Bēth Lapat et de Karkā, l’établissement de la préséance des sièges et l’attribution précise des suffragants se sont révélés nécessaires (canon 21). Le principe de préséance des sièges métropolitains, établi par le synode de Mar Isaac (410, canon 21), comme nous avons pu le remarquer, était donc que l’importance de l’évêque dépendait de l’importance politico-administrative de la ville où il siégeait. Le rang hiérarchique attribué à l’évêque ne dépendait donc pas de ses qualités personnelles, ni de son ancienneté dans l’épiscopat561.

Plus tard, lors du synode de Mar Joseph (554), les métropolitains recevront le droit de créer un nouveau siège épiscopal562.

Entre les métropolitains qui occupaient les sièges anciens au sein de l’Empire perse et ceux qui occupaient les sièges des provinces ecclésiastiques « de l’extérieur », s’établira une nette distinction. Les derniers seront écartés de la participation à l’élection du catholicos, sauf dans le cas où ils se trouvaient par hasard dans la capitale au moment de l’élection. Leur vote sera alors pris en considération, mais ils ne seront ni convoqués à l’élection du catholicos, ni pourront revendiquer un droit quelconque pour cela. Ces métropolites jouiront cependant des droits plus larges dans leurs provinces563.

558 Synode de Mar Isaac (410), voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 271-273

559 Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, London, Variorum Reprints, 1983, p. 264-265.

560 Synode de Mar Isaac (410), voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 271.

561 Synode de Mar Isaac (410), can. 21, ibid., p. 272.

562 Voir can. 18 du synode de Mar Joseph, ibid., p. 363.

563 Voir infra p. 180 ; Voir DAUVILLIER (J.), Histoire et institutions des Églises orientales au Moyen Âge, Les

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