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DÉTERMINATION DE LA COMPÉTENCE DES ÉVÊQUES PAR LE SYNODE DE 410

LA JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUE EXERCÉE SUR UN TERRITOIRE

SECTION 2 – DE LA POLYARCHIE AU MONOÉPISCOPAT : LES SYNODES DE SÉLEUCIE DE 410 ET DE 420

A. DÉTERMINATION DE LA COMPÉTENCE DES ÉVÊQUES PAR LE SYNODE DE 410

L’établissement des règles canoniques pour les élections épiscopales a constitué le fondement primordial pour l’organisation administrative et territoriale de l’Église, fortement désunie, dans l’Empire perse (1).

Ces règles canoniques ont défini le rôle de l’évêque pour sa communauté (2). En outre, la hiérarchie établie à l’intérieur de l’épiscopat perse, a déterminé la place hiérarchique des évêques des campagnes et des bourgades – les chorévêques (3).

1. Les élections épiscopales

Rappelons que les règles des élections épiscopales dans l’Église perse n’avaient été fixées que lors du Synode de Mar Isaac (410), avec l’acceptation générale des canons du concile de Nicée (325). Les évêques perses avaient néanmoins introduit leurs particularités par rapport à la discipline « occidentale » en ce qui concernait les élections et l’installation des évêques. Si le synode de 410 interdit les ordinations faites par un ou deux évêques, en menaçant de déposition les transgresseurs de cette règle (canon 1er)533, cette mesure inspirée par la pratique « occidentale » fut surtout reprise dans le but de sauvegarder l’unité de l’Église perse dans le contexte de la polyarchie existante et des fortes tensions au sein de l’épiscopat, alors que plusieurs de ses membres exerçaient leur ministère de façon très autonome.

Pour ce qui est de la procédure d’élection épiscopale, un rôle particulier fut dévolu au métropolitain. À la mort d’un évêque, c’est le métropolitain qui devait réunir les évêques de sa province (canon 20)534. Pour poser ce principe, le Synode de Séleucie (410) s’est référé au can. 4 du Concile de Nicée (325)535. Suivant les dispositions du Synode de 410, les évêques rassemblés afin d’élire un candidat pour un siège vacant devront faire preuve de discernement sur l’idonéité de la candidature présentée. Une fois ordonné, le nouvel évêque devra se rendre auprès du catholicos muni d’une lettre de ses consécrateurs, afin d’être confirmé dans sa

533 Can. 1 du synode de Mar Isaac (410), voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 263.

534 Can. 20 du concile de Mar Isaac (410), ibid., p. 271.

535 Can. 4 de Nicée (325) : « L’évêque doit être avant tout choisi par tous ceux de la province ; mais si une

nécessité urgente ou la longueur de la route s’y opposait, trois évêques absolument doivent se réunir et procéder à l’élection, munis du consentement écrit des absents. La confirmation de ce qui s’est fait revient de droit dans chaque province à l’évêque métropolitain », voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des conciles œcuméniques, op. cit. p. 26.

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charge par le métropolitain de Séleucie-Ctésiphon (canon 1er) 536. Ceci allait signifier que le « grand métropolitain » de la ville royale allait recevoir un pouvoir sur son Église supérieur à celui d’autres métropolitains. Le fait de devoir confirmer l’élection de tout évêque dans n’importe quelle province de l’Empire lui accorderait un statut primatial qui n’était pas simplement une primauté d’honneur, mais également de juridiction.

En revenant sur la polyarchie en usage partout dans l’Empire perse, le concile de Séleucie de 410, soucieux d’introduire le principe du monoépiscopat, avait, par ailleurs, déclaré, que si quelqu’un ose établir un autre évêque pour le même siège que l’évêque légitimement élu, ordonné et confirmé dans sa charge par le catholicos, celui-là devra être rejeté par l’ensemble du clergé de l’Église (canon 1er)537. Cette mesure radicale visait la consolidation et l’unification d’une Église perse encore divisée.

Ce 1er canon du synode de Mar Isaac (410) est révélateur de la façon dont allait être définie l’organisation de l’Église aux plans administratif et territorial. Il insiste sur la nécessité du rétablissement du monoépiscopat, en interdisant d’ordonner d’autres évêques à côté d’un évêque légitime, alors que l’Église en Perse avait connu de nombreuses discordes et divisions liées à la polyarchie. Mais, dans la décision prise en faveur du monoépiscopat, la référence implicite au canon 8 du concile de Nicée, qui défendait d’avoir deux évêques dans la même ville, mérite d’être soulignée538.

Par ailleurs, il ressort de ce synode, qu’il était nécessaire de remédier à la situation d’un épiscopat perse fortement désuni par l’imposition d’une discipline commune et par l’attribution des compétences respectives. Le renforcement de l’unité de l’épiscopat et de la collégialité s’est exprimé dans l’interdiction absolue des ordinations épiscopales par un seul ou deux évêques. Le canon 6 du synode de Mar Isaac (410) fait, là encore, allusion au canon 5 du concile de Nicée (325) qui prescrit le rassemblement régulier des évêques de chaque province deux fois par an afin de résoudre les questions disciplinaires539. Les Pères de l’Église

536 Le catholicos devrait confirmer l’évêque nouvellement élu par un rite liturgique qui s’inspirait en partie du rite de l’ordination. C’est ainsi que l’évêque nouvellement élu était confirmé dans sa charge ou « perfectionné » dans le texte du synode ; voir can. 1 du synode de Mar Isaac (410), CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 263.

537 Voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op.cit., p. 263.

538 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des conciles œcuméniques, op. cit., p. 30-31.

539 Aux termes du can. 5 du concile de Nicée (325) : « … il a paru bon d’ordonner que dans chaque province

on tint deux fois par an un synode, afin que tous les évêques de la province étant réunis, on fasse toutes les enquêtes nécessaires ; ainsi ceux qui de l’avis commun auraient désobéi à leur évêque seront justement considérés par tous excommuniés, jusqu’à ce qu’il plaise à l’assemblée des évêques d’adoucir leur sentence… »,

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perse devaient dès lors demander au catholicos de les rassembler une fois tous les deux ans, au moment où le roi serait présent à Séleucie-Ctésiphon540. On peut cependant se demander, pourquoi une telle importance a été accordée à la présence de l’autorité royale. Comme nous l’avons précédemment indiqué, l’initiateur de ce premier synode, l’évêque « occidental » Mar Maruthā n’agissait qu’avec le concours du roi Yezdgerd, tant pour la convocation du synode, que pour l’approbation de ses actes. Sans doute, en se fondant sur le modèle des conciles tenus dans l’Empire romain, les Pères de l’Église perse voulaient-ils à la fois manifester une certaine « transparence » de leurs décisions en face du pouvoir civil non chrétien quelquefois suspicieux, et également prendre ce pouvoir pour garant de l’application de leurs décisions synodales partout dans l’Empire, évitant ainsi le risque de possibles réfractaires.

Enfin, ce Synode de 410 a souhaité que le rôle primatial s’affirme de plus en plus en la personne de l’évêque de Séleucie-Ctésiphon. Car désormais, ce dernier allait posséder la faculté de confirmer (« perfectionner ») dans leur charge des évêques nouvellement élus et ordonnés.

2. L’évêque et sa communauté

Le synode de Mar Isaac (410) a été le premier synode à définir les compétences d’un évêque dans l’Empire perse. Il a posé les règles de l’exercice de son ministère dans les limites de sa juridiction et dans les relations avec les autres évêques de l’Empire. Le canon 18 de ce synode résume ainsi les tâches qui incombent à un évêque :

« Il est permis à tout évêque, dans sa ville ou son diocèse, de faire des prêtres ou des diacres, de prêcher ou de bâtir des églises ; qu’il s’applique à toutes les vertus, afin d’être un bon exemple pour ses collègues 541. »

Conformément à la discipline commune, il devenait interdit à un seul évêque d’en ordonner d’autres (canon 11542), ce qui correspondait à la décision du concile de Nicée (325, canon 4)543, comme nous l’avons vu précédemment.

Plus tard, le synode de Mar Dadishō (424) prescrira une assemblée épiscopale annuelle « pour la solution des

difficultés qui surgissent parmi nous », voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 292.

540 Can. 6 du concile de Mar Isaac (410), ibid., p. 264-265.

541 Ibid., p. 270.

542 Ibid., p. 266.

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Le synode de Mar Isaac (410) a aussi délimité les compétences de l’évêque, en lui interdisant de franchir d’une manière irrégulière le territoire d’un autre évêque. En outre, un évêque ne sera plus autorisé à recevoir dans son clergé un clerc censuré par un autre évêque544.

Ce synode de 410 a donné aux évêques des consignes rigoureuses pour le choix des candidats aux ordres sacrés, car bien souvent ceux-ci étaient ignares et immatures. Pour remédier à cela, le synode a fixé l’âge canonique de trente ans pour tous les candidats au sacerdoce (canon 16)545.

Les ordinations sacerdotales et diaconales pour son diocèse ne pourront avoir lieu que seulement dans les églises ou dans les monastères devant l’autel, il est interdit de le faire dans les lieux profanes (canon 16)546.

Cette série de normes délimitait ainsi les compétences d’un évêque et sa juridiction sur le clergé et sur la communauté chrétienne de sa circonscription dans les frontières de sa ville ou du territoire dont il portait la responsabilité.

3. Le statut des chorévêques

Comme nous avons pu le remarquer précédemment, en ce qui concerne la charge de chorévêques547, la discipline des conciles du premier millénaire tenus sur le territoire de l’ancien Empire romain, œcuméniques ou particuliers, a toujours consisté à restreindre leurs pouvoirs. Dès le concile d’Ancyre (314, canon 13), il leur était interdit d’ordonner les prêtres ou les diacres, sauf exceptionnellement, et avec le consentement écrit de l’évêque de la circonscription548. Les chorévêques étaient donc dans une subordination complète vis-à-vis des évêques titulaires des sièges. Même s’ils assistaient aux conciles, comme ce sera le cas à

544 Voir can. 11 du concile de Mar Isaac (410), CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 264-265.

545 Can. 16 du concile de Mar Isaac (410), ibid., p. 269. Dans la discipline « occidentale » le concile de Neocésarée (314-319) déclare : « Nul ne sera admis à la prêtrise avant trente ans ; serait-il tout à fait digne, il devra attendre. Notre Seigneur Jésus-Christ fut en effet baptisé et commença à enseigner à l’âge de trente ans », can. 11., voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des synodes particuliers, op. cit., p. 80. La même discipline sera reprise par le concile In-Trullo (691), dans le can. 14, voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des conciles œcuméniques, op. cit., p. 143-144. Les canons du concile de Nicée (325) ne parlent pas d’un âge particulier pour le candidat au sacerdoce : les can. 2 et 9 de ce concile exigent seulement un examen précis de l’idonéité des candidats et défendent les ordinations des néophytes.

546 Can. 14 du concile de Mar Isaac (410), voir CHABOT (J.-B.), Synodicon orientale, op. cit., p. 27, trad. p. 269.

547 Voir p. 89-92.

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Nicée (325), leur pouvoir deviendra de plus en plus réduit. La dernière mention des chorévêques dans les textes de conciles tenus dans l’Empire romain au premier millénaire se trouve au canon 5 du concile Nicée II (787), qui prohibe la simonie549.

De même, la coutume, sans doute abusive, des évêques perses, de s’entourer de plusieurs chorévêques, fut réprimandée par le synode de Mar Isaac (410). Dorénavant un évêque ne pourra avoir qu’un seul chorévêque, et les autres devront être destitués (canon 14)550. Dès lors, comme dans l’Empire romain, les chorévêques diminueront dans l’Église perse et leur charge sera progressivement confiée à des periodeutes (περιοδευτάς,

visiteurs), qui exerceront en quelque sorte la charge de vicaire forain551. Malgré leur diminution en nombre et en pouvoir effectif, les chorévêques subsisteront néanmoins dans l’Église d’Orient, et on en fait encore mention au XIIIe siècle552.

Cette persistance ne peut que confirmer le fait, que le statut d’un évêque dans l’Empire perse à l’intérieur du collège épiscopal, comme ce fut le cas pour les évêques dans l’Empire romain, était directement lié à l’importance politique et sociale du lieu où cet évêque accomplissait son ministère, et non au caractère épiscopal, dont il était revêtu lors de l’ordination.

B. DISPOSITIONS RELATIVES A L’ORGANISATION DE L’ÉGLISE ET AU MÉTROPOLITAIN DANS

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