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LA JURIDICTION ECCLÉSIASTIQUE EXERCÉE SUR UN TERRITOIRE

LE RENFORCEMENT INSTITUTIONNEL ET LA NOTION DE COMPÉTENCE TERRITORIALE

A. LA JURIDICTION DES MÉTROPOLITAINS DANS LES CONCILES ORIENTAUX

L’institution métropolitaine se met en place en Orient très tôt. Dès le IVe siècle, après la liberté accordée par Constantin, on constate le rôle important des évêques des capitales des provinces dans l’organisation générale de l’Église. En Asie Mineure et en Syrie-Palestine, les structures ecclésiales se sont parfaitement adaptées au découpage civil de l’Empire : le nombre de métropolitains correspond au nombre de provinces civiles320. À la création d’une nouvelle province, l’évêque de la nouvelle capitale revendique aussitôt les droits du

317 Voir JOANNOU (P.-P.), Pape, concile et patriarches dans la tradition canonique de l’Église orientale jusqu’au

IXe siècle, op. cit., p. 536-538.

318 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des Synodes particuliers, op. cit., p. 24.

319 Voir VOGEL (C.), « Circonscriptions ecclésiastiques et ressorts administratifs civils durant la première moitié du IVe siècle (du concile de Nicée (325) au concile d’Antioche (341) », op. cit., p. 287-292.

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métropolitain, comme ce fut le cas en Cappadoce en 372321. Cependant l’Égypte, qu’on avait divisée en plusieurs nouvelles provinces à l’époque de la tétrarchie, garde un seul métropolitain : l’évêque d’Alexandrie.

La législation nicéenne (325) n’innove pas en matière de droits des métropolitains, mais elle confirme les anciens usages. C’est au métropolitain que revient, de droit, la confirmation d’un évêque élu dans sa province (can. 4)322. En réaffirmant et en canonisant les anciennes coutumes de l’autorité supra-provinciale des sièges d’Alexandrie, de Rome et d’Antioche, ce concile de Nicée déclare comme principe généralement clair, que si quelqu’un s’est fait évêque sans l’approbation du métropolitain, il ne doit pas être considéré comme tel (canon 6)323. Même l’élévation au prestige d’honneur de l’évêque d’Ælia, ne change rien à la dignité du métropolitain de Césarée (canon 7)324. Effectivement, les évêques de Jérusalem ne présideront pas, mais coprésideront les synodes provinciaux convoqués par le métropolitain de Césarée.

Le canon 9 du concile d’Antioche (341) précise la juridiction du métropolitain en ces termes :

« Les évêques de chaque province doivent savoir que l’évêque qui préside à la métropole est chargé du soin de toute la province, car c’est à la métropole que se rendent de toutes parts ceux qui ont des affaires à traiter…325. »

Ce canon 9 ajoute que les autres évêques « conformément à la règle ancienne établie

par nos pères », à part l’administration de l’Église de leur ville et de la campagne subjacente,

ne pourront entreprendre aucune activité sans son autorisation. On peut donc constater ici une restriction de l’activité d’un évêque de ville, dont les compétences sont réduites exclusivement à « son » Église.

Ce même concile d’Antioche prend toute une série de dispositions qui déterminent le rôle fondamental de l’évêque de l’Église-mère, de la métropole (μητροπολίτης ἐπίσκοπος), pour l’unité doctrinale et administrative d’une Église locale.

Les métropolitains deviennent les médiateurs exclusifs entre le clergé et le pouvoir civil. Un clerc, quel que soit son rang, qui recourt à l’Empereur sans l’assentiment des évêques

321 Ibid., p. 195.

322 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des Conciles Œcuméniques, op. cit., p. 26.

323 Ibid., p. 26, p. 28-29.

324 Ibid., p. 29.

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de la province et surtout sans l’avis du métropolitain, est sévèrement puni. Il est privé de la communion et de la dignité qu’il possède. Pour pouvoir adresser un recours à la justice impériale en cas de nécessité, un clerc doit avoir le consentement du métropolitain et des évêques de la province et se munir préalablement de leurs lettres (Ant., canon 11)326. Nous pouvons ainsi constater une tendance manifeste à l’émancipation de l’Église vis-à-vis du pouvoir civil. Les relations Église – État dans le domaine juridique sont placées sous le contrôle du métropolitain.

L’évêque de la métropole est aussi celui qui assure le lien avec d’autres Églises locales : aucun évêque d’une autre province ne peut se rendre sur son territoire, y opérer des ordinations et exercer une autre activité ecclésiastique sans l’invitation du métropolitain. En cas de transgression de cette règle, tout acte fautif sera frappé de nullité et son auteur sera jugé par le synode (Ant., canon 13)327. Le métropolitain peut convoquer les évêques de la province voisine, afin que ceux-ci arbitrent dans la cause d’un évêque jugé pour faute par ses comprovinciaux, au cas où leur avis sur la culpabilité de l’évêque accusé serait partagé (canon 14)328.

Le métropolitain préside l’organe de la gouvernance de l’Église de sa province – le synode, composé des évêques de la province329. Le métropolitain convoque un synode complet (τελεία σύνοδος) par écrit et préside l’élection épiscopale afin d’avoir l’avis favorable sur le candidat de tous les évêques de la province, ou au moins d’une majorité d’entre eux (Ant., canon 19)330. Les évêques de la province ne peuvent pas se réunir entre eux sans la présence du métropolitain (Ant., canon 20)331.

Le concile de Chalcédoine (451) réprime la pratique abusive de certains évêques qui s’adressent au pouvoir civil et obtiennent la division en deux d’une province par les

326 Ibid., p. 113.

327 Ibid., p. 114-115.

328 Ibid., p. 115-116.

329 Le concile In-Trullo (691) renouvellera la règle selon laquelle dans chaque province aura lieu un synode une fois par an, au lieu déterminé par le métropolitain. La participation des évêques au synode provincial, sauf cause grave, est obligatoire (can. 8), voirJOANNOU (Périclès-Pierre), Les canons des Conciles Œcuméniques, op.

cit., p. 135-136.

330 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des Synodes particuliers, op. cit., p. 119. Cette règle est reprise aussi au concile de Laodicée (fin du IVe siècle), au canon 12 : « Que les évêques soient ordonnés en vue du gouvernement

d’une Église, d’après le jugement du métropolitain et des évêques voisins, après toutefois que l’on sera suffisamment convaincu de leur orthodoxie et de leurs bonnes mœurs », ibid., p. 135.

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pragmatiques impériales pour pouvoir revendiquer la dignité métropolitaine332. Ce concile privilégie plutôt l’organisation déjà établie de l’Église, et ne suit pas, à la lettre, la réorganisation administrative civile : si une ville obtient le titre de métropole de la part de l’Empereur, l’évêque de cette ville ne portera que le titre d’honneur, et les droits proprement dits de la vraie métropole seront sauvegardés à son évêque (Chalc., canon 12)333.

Les lettres de convocation aux conciles d’Éphèse (431 et 449) et au concile de Chalcédoine (451) ont été adressées aux seuls métropolitains, qui étaient considérés comme les véritables représentants des traditions de leurs Églises locales et pouvaient emmener avec eux seulement les représentants les plus illustres de leur province334.

Certains évêques de métropoles ont une autorité exceptionnelle. Lors du concile de Chalcédoine, les évêques égyptiens se déclarèrent dans l’impossibilité de signer la profession de foi présentée dans la lettre du pape Léon Ier, non pas par opposition doctrinale, mais justement par respect de la règle qui leur interdisait de s’engager sans l’avis favorable du métropolitain, le siège d’Alexandrie étant alors vacant335.

Avec la fixation des textes liturgiques, il est demandé que tout prêtre ou évêque qui célèbre l’eucharistie commémore le nom de son métropolitain dans les diptyques336. À titre d’exemple, notons que le concile Prime-Second (861) frappe de déposition tout évêque qui aurait refusé de nommer le nom de son métropolitain lors de la Divine Liturgie, sous prétexte qu’il aurait un grief contre celui-ci (canon 14)337. Le métropolitain, à son tour, pour marquer l’unité avec son patriarche, doit également commémorer son nom lors de la Divine Liturgie : le contraire signifierait le schisme (canon 15)338. Les diptyques sont ainsi un symbole de la communion entre les hiérarques et de l’unité de l’Église. Cette liste, conservée à l’échelon

332 Une Pragmatique (pragmatica) est une constitution impériale d’intérêt général, qui traite d’une question importante. Une pragmatique est promulguée à la demande d’un haut fonctionnaire et elle entre en vigueur dès sa publication.

333 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des Conciles Œcuméniques, op. cit., p. 79-80.

334 Voir JOANNOU (P.-P.), Pape, concile et patriarches dans la tradition canonique de l’Église orientale jusqu’au

IXe siècle, op. cit., p. 537.

335 Voir concile de Chalcédoine (451), can. 30.

336 Les diptyques deviennent une vraie expression de l’unité de l’Église et de la communion du collège épiscopal. À ce propos voir CABROL (F.), « Diptyques », Dictionnaire de l’archéologie chrétienne et de la liturgie, fasc. XXXVIII - XXXIX, Paris, Letouzey et Ané, 1920, col. 1045-1094 ; TAFT (R.), The Diptychs, A history of the liturgy

of St. John Chrysosthom, v. IV, Roma, Pontificium Institutum Orientalium Studiorum, 1991, 42 p. ; HANSSENS (J. M.), Institutiones liturgicae de ritibus orientalibus, t. III, Rome, Universitas Gregoriana, 1932, p. 476-469 ; CONNOLLY (R. H), « Pope Innocent I. De nominibus recitandis. », Journal of Theological Studies, 1919, n° 20, p. 215-226 ; COZZA-LUZI (G.), « De sacris collybis et diptychis », Nova patrum biblioteca, X, 2, Roma, 1905, p. 138-143.

337 Voir JOANNOU (P.-P.), Les canons des Synodes particuliers, op. cit., p. 472-473.

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d’une Église patriarcale, avait pour but de commémorer les patriarches avec lesquels le patriarche en question était en communion. Chaque fois qu’un nouveau primat d’un des cinq sièges patriarcaux était élu, il devait envoyer sa profession de foi aux autres patriarches. Après avoir constaté son orthodoxie, ces derniers inscrivaient son nom dans leurs diptyques339.

B. LA CHARGE MÉTROPOLITAINE CONFÉRÉE SELON LA PREROGATIVE DE L’ÂGE EN AFRIQUE

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