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3 2 Deux trajectoires territoriales différentes au Sahel et à Beyrouth: hiérarchisation rurale et mixité urbaine

3.3 Projets de soie et projets de port, les grands projets au Sahel et à Beyrouth (planche 1 2.)

On n’a pas assez d’informations pour parler d’un projet particulier entrepris par les Chéhabs au Sahel. Toutefois, d’après de nombreux auteurs (Khuri, 1975; Buccianti 1973, Pharès 1977) on peut penser que les Chéhabs ont organisé le Sahel comme un projet de production de la soie:

- L’installation de paysans – notamment de la communauté maronite – amenés du Mont- Liban pour le travail dans l’agriculture des mûriers, qui devient la principale agriculture au Sahel174

- Le travail de la soie dans des magnaneries spécialisées, Buccianti (1973) en cite trois: à Hadath, Haret Hreik et Bourj El Barajné175

174 Autre que les paysans résidents du Sahel, Buccianti (1973) parle d’un large nombre de travailleurs journaliers en

provenance des localités proches du Mont-Liban qui font le trajet pour venir travailler au Sahel alors que leurs femmes et enfants restent au village pour travailler leurs terres.

- son acheminement vers Aaraya qui est alors le principal centre de tissage de la montagne et absorbe le gros de la production du fil de soie du Sahel (Buccianti, 1973), ou son exportation notamment vers Damas ou l’Egypte et l’Europe via le port de Beyrouth. C’est autour de ce projet que se développe – presque ex-nihilo – le Sahel, où les différents acteurs (émirs, paysans, artisans et administration) ont leur place et leur rôle.

Beyrouth intra-muros, sous la domination ottomane d’avant 1831, présente un grand nombre de monument: des hamams, madrasas, mosquées, églises, cathédrale. Toutefois, les sources ne signalent pas une volonté publique à aucun moment d’intervenir ou d’organiser l’urbain. Davie (2001) qualifie la morphologie urbaine de cette époque d’urbanisme spontané, mais qui respecte pourtant une logique bien précise: l’importance de l’accès au port et la logique économique des voies de circulations produisant un labyrinthe complexe de souks qui s’entrelacent. Les seules interventions connues des émirs de la Montagne dans la ville sont l’embellissement du sérail par l’émir Fakhreddine II Maan et les larges résidences et les khans construits par les Chéhabs dans le secteur nord de la ville intra-muros.

C’est seulement sous Ibrahim Pacha que Beyrouth connaît la mise en place d’importants projets publics qui ont une grande influence sur sa métamorphose. Beyrouth tient une place de premier plan dans la vision modernisatrice d’Ibrahim Pacha, la ville deviendrait le laboratoire et la vitrine de la nouvelle approche égyptienne en Orient176. Pour marquer son importance, il y installe ses

quartiers généraux en Syrie, et y nomme gouverneur un de ses plus proches collaborateurs l’émir Mahmoud Nehmi Bey.

Le principal projet d’Ibrahim Pacha est la rénovation et l’extension du port. Le port et la consolidation du commerce avec l’Europe sont pour Ibrahim Pacha une condition pour la revitalisation de l’économie du Levant. Ainsi, le port de Beyrouth élargi et rénové se montre un important levier de croissance économique pour la ville et même et au-delà pour attteindre l’intérieur syrien.

Toutefois les projets qu’entreprend l’administration d’Ibrahim Pacha ne se résument pas au port. Fortement influencé par les théories hygiénistes de l’époque, Ibrahim Pacha fait de la question de l’hygiène une priorité de l’intervention de son administration. Ainsi hors la mise en place d’un nouveau diwan spécialisé en matière de santé publique, il entreprend la construction d’une

175 Toutefois Buccianti ne cite pas la date de l’installation de ces magnaneries, ce qui laisse une marge d’incertitude si

elles sont toutes trois mises en place par les Chéhabs à cette époque. Mais il y a de très fortes probabilités que ce soit au moins le cas de celle de Hadath

176 Les auteurs se demandent toujours la raison du choix de Beyrouth et non d’une autre ville sur la côte, notamment

Saida, Tripoli, Acre ou Haïfa par Ibrahim Pacha pour ses projets. Certains avancent d’abord, que les trois premières ont été d’importants centres administratifs ottomans envers qui certaines franges de la notabilité locale peuvent encore garder des loyautés, deuxièmement que Beyrouth a une population plus réduite et sans grandes familles notables influentes, comme dans le cas d’autres villes, et enfin – argument plus d’ordre technique – que l’orientation de son port, dans une baie tournée vers le nord, le rend le mieux protégé contre la mer (Kassir, 2003).

quarantaine177, la construction d’un nouveau cimetière hors les murs, des travaux d’assainissement

et de canalisation des eaux ainsi que l’élargissement et le dallage des ruelles de la ville ancienne. Toutes ces interventions se concentrent dans la ville intra-muros. Le dallage de la rue menant au nouveau quartier de la bourgeoisie Beyrouthine au sud de la ville Zoqaq AlBlat, est le seul projet entrepris hors les murs.

Pour entreprendre ces projets Ibrahim Pacha met en place un Moutassalim qui le représente, agissant comme gouverneur de la ville. Celui-ci est aidé par deux diwans, un pour la santé publique et un pour le commerce; ils reflètent les priorités d’Ibrahim Pacha. On trouve aussi un service de police et un autre de gardiennage. Un Majlis (conseil) est mis en place178. Avec cette

nouvelle administration et cette attitude hautement volontariste en termes d’intervention sur l’urbain, Ibrahim Pacha amène un changement profond sur les modes de gouvernance en place à l’époque.

3.4 Gouvernances: règne du Prince au Sahel et politique des notables à

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