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C - Une programmation toujours déficiente pour des redressements en très nette augmentation

1 - Une programmation des contrôles devant pouvoir reposer sur une déclaration dématérialisée

La politique de contrôle fiscal de l’administration fait l’objet d’une note de cadrage triennal sous la forme de plans interrégionaux de contrôle fiscal. Les notes de cadrage pour 2006-2008 et 2010-2012, ce dernier étant encore en vigueur, mettent l’accent sur le renforcement de la lutte contre la fraude et l’amélioration de la couverture du tissu fiscal, sans se focaliser sur un type d’impôt ou une catégorie de contribuables. Le CIR n’est pas mentionné dans ces documents.

Les services fiscaux sont encore aujourd’hui démunis pour pratiquer une programmation efficiente en matière de CIR. À ce jour, il n’existe en effet pas de grille d’analyse de risque reposant sur des outils informatiques partagés au sein des services fiscaux qui permettraient de cibler les contrôles sur les entreprises à risque.

À côté de l’initiation d’un contrôle fiscal lorsqu’une anomalie est relevée dans une déclaration de CIR, la programmation des contrôles est laissée à l’appréciation de la direction des finances publiques territorialement compétente101. Pour effectuer cette programmation, les services fiscaux disposent d’outils informatiques102 mais ceux-ci ne comportent en matière de CIR que le seul montant du CIR, quand celui-ci est renseigné.

La direction nationale d’enquêtes fiscales et la direction des vérifications nationales et internationales ont chacune élaboré des requêtes informatiques comportant un axe CIR mais qui ne repose que sur le seul montant du CIR, à défaut de dématérialisation de sa déclaration.

Face aux montants que représente le CIR et aux zones de risques qu’il comporte, il est urgent que les administrations fiscales se dotent d’une analyse de risque qui permette de cibler les contrôles sur les entreprises à risque. Ceci ne peut que prendre appui sur une dématérialisation de la déclaration de CIR.

101 À titre d’exemple, les services fiscaux Rhône-Alpes-Bourgogne avaient confié à leur brigade d’enquête et de programmation le soin de programmer des contrôles sur le CIR en fonction de critères spécifiques.

102 Le compte fiscal des professionnels qui reprend les déclarations de résultats des entreprises ; OASIS qui comporte les liasses fiscales et déclarations de TVA des entreprises ; Sirius Pro, encore en phase d’expérimentation qui permet pour les mêmes données d’opérer des requêtes non prédéfinies.

S’agissant de cette dématérialisation, la direction générale des finances publiques fait valoir que, si elle s’inscrit dans cette volonté, « les coûts induits par ce projet, évalués, suivant les hypothèses, entre 1 et 2 M€, semblent disproportionnés eu égard au faible nombre d’entreprises concernées (environ 16 000 déclarations n° 2069-A sont déposées chaque année) et aux gains d’emplois estimés par la direction générale de la recherche et de l’innovation à 8 équivalents temps plein.» La Cour ne partage pas cette analyse qui néglige les économies qui en résulteraient au ministère en charge de la recherche qui procède à la ressaisie de toutes les déclarations à des fins statistiques103 mais surtout la capacité des services fiscaux à mieux programmer sur cette base les vérifications opérées lors des restitutions et les contrôles fiscaux et ainsi à sécuriser le crédit d’impôt recherche104.

2 - Un nombre de contrôles et un niveau de rectifications en très nette croissance

Lors de son enquête, la Cour a disposé des données portant sur le contrôle fiscal jusqu’à l’année 2012. Ce recul de quatre années après la réforme de 2008 permet de porter une première appréciation.

Le nombre de contrôles fiscaux, dits contrôles externes, a progressé plus rapidement que le nombre de bénéficiaires du CIR pour atteindre 1 178 en 2012.

De même, les contrôles fiscaux externes progressent en matière de CIR alors que l’ensemble des contrôles pratiqués par les services fiscaux reste globalement stable sur la période 2005-2010. Le taux de rectifications de CIR s’établit à 3,6 % en 2011 et progresse moins nettement que le nombre de contrôles en raison de la dynamique des déclarants au CIR. Au total, entre 2005 et 2012, la proportion des rectifications de CIR dans le total des contrôles fiscaux augmente fortement, passant de 0,4 % à 2,29 % en 2012, ces rectifications se situant dans les trois quarts des cas dans le cadre de contrôles qui n’ont pas porté exclusivement sur le CIR.

103 Pour un coût annuel de 41 000 €

104 Il a été demandé à la DGFiP et à la direction générale de la recherche et de l’innovation une estimation du coût de la gestion du CIR. Celle-ci n’étant pas individualisée et rentrant dans le chiffrage du coût global de gestion de l’impôt sur les sociétés, aucun chiffre n’a été avancé par la DGFiP. La direction générale de la recherche et de l’innovation a indiqué que la gestion du CIR représente près de 15 ETP en délégation régionale à la recherche et à la technologie et 10 ETP au niveau central.

Tableau n° 31 : résultats du contrôle fiscal externe des entreprises au régime réel d’imposition

La montée en puissance du contrôle fiscal en matière de CIR touche toutes les entreprises, des PME aux très grandes entreprises. Ainsi sur 1178 rectifications en contrôle externe réalisées en 2012 en matière de CIR, 150 ont concerné des grandes sociétés ou des groupes intégrés fiscalement, 610 des sociétés de taille intermédiaire et 418 des PME.

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 1) Nombre d'entreprises au régime réel d'imposition* 1 093 476 1 929 374 1 954 749 1 977 606 2 007 853 2 103 997 2 118 868 2 147 597 2 147 597 2) Nombre de contrôle fiscaux sur des entreprises au

réel 35 836 36 758 37 416 37 026 36 819 36 371 36 368 35 667 36 182

3) Taux de contrôle fiscal (2/1) 3,28% 1,91% 1,91% 1,87% 1,83% 1,73% 1,72% 1,66% 1,68%

4) Nombre de déclarants CIR (source : MESR) 6 369 7 400 8 071 9 839 13 361 16 552 17 710 19 686 ND

5) Nombre de rectifications CIR en contrôle externe 233 209 244 232 269 295 436 702 1 178

6) Taux de rectification CIR en contrôle externe (5/4) 3,66% 2,82% 3,02% 2,36% 2,01% 1,78% 2,46% 3,60% -7) Montants des rectifications sur CIR en contrôle

externe (en millions d'€) 74 28 29 44 36 33 66 109 162

8) Nombre des vérifications ponctuelles (VP) sur le CIR 52 24 33 31 25 41 83 154 268

9) % VP CIR / rectifications CIR (8/5) 22,32% 11,48% 13,52% 13,36% 9,29% 13,90% 19,04% 21,94% 22,75%

10) Total des contrôles externes (CIR et hors CIR) 51 964 52 226 52 429 52 292 52 010 51 615 51 572 51 441 51 529 11) Nombre de rectifications CIR / total des contrôles

(5/10) 0,45% 0,40% 0,47% 0,44% 0,52% 0,57% 0,85% 1,36% 2,29%

12) Nombre de rectifications CIR en contrôle externe

avec autres rappels 179 163 183 176 213 223 323 484 691

13) Contrôles avec rectification CIR et autres rappels /

Total (12/5) 76,82% 77,99% 75,00% 75,86% 79,18% 75,59% 74,08% 68,95% 58,66%

* reprise des données 2011 en l'absence des données 2012 Source : DGFIP/CF1

Tableau n° 32 : évolution du nombre de contrôles fiscaux en matière de CIR

Si le nombre de rectifications notifiées aux sociétés en matière de CIR progresse, les montants financiers associés suivent la même évolution. Les montants des rectifications de CIR progressent nettement entre 2006 et 2012, avec toutefois une rupture durant les années 2008 et 2009 marquées par la mise en œuvre du plan de relance et du remboursement anticipé des créances de CIR qui s’est répercutée sur la pratique de contrôle a posteriori.

Le montant moyen des redressements passe de 119 000 € en 2006 à 138 000 € en 2012, soit le niveau médian de la créance de CIR des entreprises (60 000 €). Le montant total des redressements est en forte croissance : 29 M€ en 2006, 162 M€ en 2012, avec une dynamique marquée sur la période 2010-2012. Le nombre des rectifications liées au CIR reste toutefois limité : 232 en 2007, 1 178 en 2012, soit l’équivalent de 6 % des entreprises déclarant du crédit d’impôt recherche en 2011.

__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________

La Cour a examiné la gestion du CIR du point de vue des entreprises, du point de vue des services fiscaux et du point de vue du contrôle fiscal.

La déclaration que les entreprises doivent produire s’est complexifiée à mesure que le régime du CIR se précisait, notamment en matière de sous-traitance. Les entreprises, et en particulier les PME, ont recours dans un nombre de cas élevé à des consultants pour produire cette déclaration : 17 % des déclarants en 2011 sont concernés par la

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Nbre de rectifications CIR en contrôle externe 244 232 269 295 436 702 1 178

dont échelon Départemental 93 108 96 114 160 261 418

échelon Régional 130 97 133 147 207 338 610

échelon National 21 27 40 34 69 103 150

Nbre de contrôles fiscaux sur entreprises au ré el 37 416 37 026 36 819 36 371 36 368 35 667 36 182 dont échelon Départemental 34 248 34 197 34 058 33 775 33 529 33 257 33 404

échelon Régional 16 000 15 918 15 789 15 738 15 836 15 940 16 008

échelon National 1 333 1 318 1 300 1 250 1 350 1 330 1 419

Part des rectifications / contrôles fiscaux 0,7% 0,6% 0,7% 0,8% 1,2% 2,0% 3,3%

dont échelon Départemental 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,5% 0,8% 1,3%

échelon Régional 0,8% 0,6% 0,8% 0,9% 1,3% 2,1% 3,8%

échelon National 1,6% 2,0% 3,1% 2,7% 5,1% 7,7% 10,6%

Montant total des rectifications sur CIR (M€) 29 44 36 33 66 109 162 Montant moyen des rectifications sur CIR (M€) 0,119 0,190 0,134 0,112 0,151 0,155 0,138 Lecture : par année de réalisation du contrôle fiscal.

Source : DGFIP, base Alpage, retraitée Cour des comptes

déduction des frais de conseil. Enfin, s’agissant de la question régulièrement soulevée de l’optimisation fiscale, le CIR permet aux groupes de déclarer 100 M€ de dépenses éligibles par filiale avec un taux de crédit d’impôt de 30 %, 5 % au-delà. Il est de ce fait déjà largement optimal pour les groupes.

Les dispositifs visant à sécuriser l’usage du CIR pour les entreprises, en particulier le rescrit, montent en puissance au regard de la population potentiellement concernée. L’assouplissement, en 2013, des conditions de recevabilité du rescrit le rendra plus aisé à utiliser. Il a été confié à Oséo fin 2012 une nouvelle mission de préfinancement du CIR.

Dans ces conditions, Oséo devrait se concentrer sur cette mission et ne plus traiter au fond les demandes de rescrit pour lesquelles l’établissement pourrait demeurer toutefois un point d’entrée.

La gestion de la déclaration de CIR est lourde pour les services fiscaux, en particulier lorsque les entreprises demandent à l’État le remboursement de leur créance. De telles demandes ont vocation à demeurer nombreuses dans la durée, du fait de la pérennisation du mécanisme de remboursement anticipé pour les PME.

Les vérifications opérées par les services fiscaux dans le cadre des demandes de remboursement de CIR sont souvent confondues par les entreprises avec des contrôles fiscaux, faute d’une communication suffisamment claire. S’agissant de demandes qui se traduisent par des versements de la part de l’État aux entreprises, il est normal qu’il s’entoure de garanties. Or ce n’est qu’au début 2013 que les services fiscaux se sont dotés d’outils d’analyse de risque leur permettant de détecter les demandes de remboursement qui pourraient reposer sur un usage abusif du CIR. Les justificatifs mis à disposition des services fiscaux mériteraient à cet égard d’être clarifiés de sorte que soit mieux garantie l’effectivité des travaux de R&D présentés. La sécurité des entreprises ne pourrait qu’en être renforcée.

Les résultats des contrôles fiscaux menés entre 2008 et 2012 montrent la difficulté rencontrée pour caractériser les activités de R&D, la croissance des redressements effectués et l’émergence d’une fraude organisée au CIR. Ce n’est que tardivement qu’une plus grande vigilance a été exercée face à ce risque.

La procédure de contrôle fiscal fait intervenir dans la majorité des cas les services fiscaux et des experts mandatés par le ministère en charge de la recherche en raison de la technicité des sujets concernés.

Cette procédure a été utilement adaptée pour permettre aux entreprises d’avoir un échange avec les experts mandatés. Toutefois, les crédits du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas à ce

jour suffisants pour faire face à l’afflux de demandes d’expertises et pouvoir les réaliser dans des conditions satisfaisantes pour toutes les parties.

Pour simplifier les contrôles et sécuriser les entreprises, il serait en outre souhaitable que les deux ministères mettent à disposition des entreprises sur leur site Internet une fiche type commune sur la présentation des projets de recherche demandée lors d’un contrôle fiscal afin que les entreprises puissent établir ce document dès leur déclaration.

Le CIR n’est pas retenu dans les axes de programmation de contrôle du ministère de l’économie et des finances. En l’absence de dématérialisation de la déclaration de CIR, les services fiscaux ne sont pas en mesure de programmer les contrôles fiscaux sur les entreprises les plus à risque. La dématérialisation de la déclaration de CIR et la mise en place d’une analyse de risque apparaissent à cet égard à la Cour comme une priorité qui doit permettre à la fois de centrer l’activité des services fiscaux sur les entreprises qui font un usage détourné du CIR et de simplifier la gestion du CIR par les entreprises.

Afin de simplifier et sécuriser l’usage du CIR, la Cour formule les recommandations suivantes :

8. faire d’Oséo uniquement un point d’entrée pour les rescrits ;

9. clarifier les justificatifs mis à disposition des services fiscaux par les entreprises en cas de demande de remboursement anticipé ;

10. publier sur les sites des ministères de l’économie et des finances et de l’enseignement supérieur et de la recherche une fiche type commune sur la description des projets de recherche demandée lors d’un contrôle fiscal ;

11. élargir le vivier des experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en prévoyant les budgets adéquats et renforcer le caractère contradictoire de leurs interventions ;

12. cibler la programmation des contrôles fiscaux sur la base d’une analyse de risque et d’une intégration, dans le système d’information du ministère de l’économie et des finances, du suivi de la créance et de ses rectifications ;

13. dématérialiser la déclaration de CIR.

Chapitre V

Les paramètres d’évolution possibles du

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