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L’Assemblée nationale a demandé à la Cour des comptes un rapport sur l’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche. Ce rapport dresse un premier bilan de la réforme du CIR de 2008, cinq ans après sa mise en œuvre. Cette réforme a fait du CIR l’aide fiscale à la R&D la plus puissante des pays de l’OCDE, dans l’objectif notamment de répondre à la faiblesse spécifique de la France en matière de dépenses de R&D des entreprises, élément clé pour la croissance potentielle de l’économie et le développement de l’emploi.

Si l’impact de ce dispositif est estimé positif par les entreprises, il est encore trop tôt pour dresser le bilan de son efficacité. Les études disponibles ou attendues pour l’année 2013 doivent en effet être prises avec précaution, faute de données offrant un recul suffisant. Ces travaux tendent à montrer qu’il y aurait un effet additif du CIR, sans effet de substitution, ni effet d’entrainement. C’est ce que suggère également l’évolution des dépenses de R&D des entreprises qui, si elle a été positive, n’a pas été en proportion de l’aide fiscale apportée par l’État au titre du nouveau régime du CIR. Les travaux sur l’impact du crédit d’impôt recherche doivent se poursuivre pour mieux pouvoir établir son efficacité. Ils doivent également tenir compte du fait que le CIR ne peut pas être regardé uniquement comme une aide à la R&D des entreprises mais constitue aussi une baisse ciblée de la fiscalité des entreprises les plus exposées à la concurrence.

L’évolution du crédit d’impôt recherche est très dynamique. La Cour l’a examinée sur la base des dernières données disponibles, à savoir l’année 2011, s’agissant du droit à crédit d’impôt constitué par les entreprises. Entre 2007 et 2011, le nombre d’entreprises déclarant du CIR a doublé, passant de 9 800 à 19 700 entreprises (+ 101 %) ; les dépenses déclarées ont augmenté nettement moins sensiblement (+ 19 %, soit 15,4 Md€ en 2007 et 18,4 Md€ en 2011) ; compte tenu de la

transformation du régime du CIR en 2008, le droit à crédit d’impôt des entreprises, c’est-à-dire leur créance fiscale, est passé de 1,8 Md€ à 5,2 Md€ (+187 %, soit un quasi-triplement).

Cette dynamique a été mal anticipée et constamment sous-estimée dans les lois de finances. L’adoption de la réforme, fin 2007, s’est en particulier faite sur la base d’un chiffrage du crédit d’impôt à 2,7 Md€ en régime de croisière, très en deçà de la réalité, alors que les administrations en charge des politiques économiques et de la recherche avaient établi l’ordre de grandeur du coût du nouveau régime du CIR.

Cette évolution est lourde à gérer pour les services de l’État, dans un contexte où le niveau du crédit d’impôt et le fait qu’il puisse être dans certains cas immédiatement remboursé entraîne des risques accrus de fraude. Les services fiscaux en ont pris la mesure tardivement et incomplètement.

La dynamique du CIR est appelée à se poursuivre, à un double titre.

D’une part, compte tenu du mécanisme qui permet aux entreprises de reporter durant quatre ans leur crédit d’impôt s’il est supérieur à l’impôt dû et de se voir ensuite rembourser l’éventuel reliquat, la dépense fiscale effectivement portée au budget de l’État est, dans la loi de finances pour 2013, de 3,3 Md€. Or, le CIR entrera en régime de croisière en 2014, la dépense fiscale à porter dans le budget de l’État devra alors s’approcher du niveau des créances constituées par les entreprises. Un important ressaut de la dépense fiscale devra donc être prévu dans la loi de finances pour 2014. Sur la base des éléments disponibles en juillet 2013, ce ressaut, inéluctable, sera d’au moins 2 Md€.

D’autre part, la dépense fiscale devrait continuer à évoluer de façon dynamique par la suite : elle devrait rapidement atteindre 6 Md€. Si les entreprises déclaraient au CIR toutes leurs dépenses éligibles répertoriées dans l’enquête statistique sur leur R&D, elle représenterait 7 Md€2010 (soit 0,4 point de PIB). Ces montants seraient plus élevés si le crédit d’impôt recherche devait se traduire par une amélioration du ratio de dépenses de R&D sur PIB.

De ces constats, la Cour tire trois conclusions principales.

Premièrement, l’État doit se donner les moyens de connaître mieux et plus rapidement le droit à crédit d’impôt constitué par les entreprises au titre du CIR et la dépense fiscale associée. Compte tenu de l’enjeu financier que représente ce crédit, la dématérialisation de sa déclaration doit constituer une priorité. À défaut, le risque est que la sous-estimation

du coût du CIR ne perdure. Cette dématérialisation constituera également une simplification pour les entreprises.

Deuxièmement, les services de l’État doivent se donner les moyens de lutter plus efficacement contre la fraude en matière de CIR.

L’existence d’un remboursement anticipé du crédit d’impôt crée en effet le risque que des sociétés éphémères se constituent uniquement pour bénéficier du CIR. En se dotant d’outils d’analyses de risques non seulement pour traiter des remboursements de crédits d’impôt mais aussi pour programmer les contrôles fiscaux a posteriori, les services fiscaux seront mieux en mesure de dissuader ces comportements et de cibler leurs contrôles sur les entreprises à risque. Les capacités d’intervention du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour diligenter des expertises méritent également d’être renforcées pour que ces expertises se réalisent dans de meilleures conditions. Les effets positifs attendus de la réforme de 2008 ne pourront que s’en trouver renforcés.

Troisièmement, le crédit d’impôt recherche équivaut à une baisse de la fiscalité ciblée sur les entreprises les plus exposées à la concurrence.

Ce point doit être intégré dans toute réflexion sur l’évolution du taux d’impôt sur les sociétés, sa lisibilité, sa cohérence et sa neutralité. Le ministère de l’économie et des finances devrait stabiliser sa méthodologie de calcul des taux implicites d’impôt sur les sociétés, en prenant en compte les différents mécanismes d’exonérations, de réductions et de crédits d’impôts. Ces taux implicites devraient être régulièrement publiés.

En effet, le taux facial de 33,33 % donne une impression faussée de la pression fiscale effectivement exercée sur les entreprises. La création du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi rend encore plus nécessaire une vision d’ensemble de l’imposition sur les sociétés et de ses taux effectifs.

Au-delà de ces trois conclusions, la Cour a exploré, comme l’Assemblée nationale le lui avait demandé, les paramètres possibles d’évolution du CIR dans la perspective d’une meilleure maîtrise de son évolution, d’une simplification de son usage et d’une plus grande efficacité. Avec la réforme du CIR de 2008, la France s’est en effet dotée d’un mécanisme d’incitation fiscale plus puissant que celui de nos partenaires mais également plus coûteux, ajoutant ainsi à court terme une contrainte sur les finances publiques.

Certaines pistes permettraient de contenir le coût du CIR tout en conservant l’architecture issue de la réforme de 2008. Il en va ainsi de la suppression du doublement d’assiette pratiqué pour la sous-traitance publique et du forfait de dépenses de fonctionnement de 200 % pour l’embauche de docteurs, qui nuisent à la simplicité du crédit d’impôt, font doublons avec d’autres aides publiques et conduisent, dans le cas de

l’embauche de docteurs, à des taux d’aide excessifs. Il en va également de la suppression de l’assiette des dépenses éligibles des activités qui ne relèvent pas de la recherche mais de son aval (normalisation, veille technologique, défense et dépôt de brevets), sources de complexité et dont le bénéfice pourrait à tout le moins être réservé aux seules PME. Il en va aussi de la fixation d’un mode de calcul des dépenses de fonctionnement éligibles au CIR mieux en rapport avec celles effectivement exposées par les entreprises.

La Cour a également examiné le nouveau crédit d’impôt innovation, dont le chiffrage repose sur des bases fragiles et peut appeler, si la dépense se révélait beaucoup plus élevée qu’annoncée, à une réduction du plafond des dépenses éligibles. De même, elle estime que, conformément aux pratiques fiscales usuelles, les entreprises ne devraient pas pouvoir cumuler deux crédits d’impôt, en l’occurrence le CIR et le CICE, sur une même assiette. L’imposition à taux réduit des cessions de brevets et de leurs revenus pourrait également être réexaminée.

Le bénéfice du CIR pourrait être réservé aux groupes dont les conventions d’intégration fiscale prévoient la rétrocession du crédit d’impôt aux filiales ayant généré les dépenses éligibles ou, à tout le moins, d’en faire une bonne pratique. Cette mesure permettrait de s’assurer que le crédit d’impôt recherche est bien utilisé pour son objet. Il serait également possible de transformer, pour les groupes intégrés, le CIR en une réduction d’impôt afin que l’État ne se trouve pas en situation de verser des liquidités à des sociétés dont le niveau de l’impôt est optimisé, mais il s’agirait là d’un changement radical dans le régime du CIR.

Par-delà ces questions, lorsque les études disponibles permettront de mieux établir l’efficacité du régime du CIR, une réflexion pourra être conduite sur les taux pratiqués pour le crédit d’impôt. Le taux de 30 % jusqu’à 100 M€ de dépenses apparaît en effet élevé, et celui de 5 % faible au regard des incitations qu’ils peuvent produire. La Cour a simulé les effets de différentes hypothèses : réintroduction d’un plafond, baisse du taux de 30 %, introduction de seuils plus discriminants, modulation du taux en fonction de la taille de l’entreprise. Ces simulations visent à dégager différentes modalités possibles pour concentrer le crédit d’impôt recherche là où il serait le plus efficace. C’est dans une perspective de moyen terme que ces simulations ont été effectuées, perspective qui doit également s’inscrire dans la politique générale de la fiscalité des entreprises.

Annexes

Annexe 1 : lettre de saisine

Annexe 2 : lettre de réponse du Premier Président Annexe 3 liste des personnes rencontrées

Annexe 4 : l’établissement des données d’exécution de la dépense fiscale

Annexe 5 : le chiffrage du CIR dans les documents annexés aux lois de finances

Annexe 6 : systèmes d'incitations fiscales à la R&D dans le monde Annexe 7 : les méthodes d’estimation de la créance de la DGRI et de la

DG Trésor

Annexe 8 : les effets des mesures d’ajustement décidés dans la loi de finances initiale pour 2011

Annexe 9 : détails des calculs entrant dans l’élaboration de simulations de créance du CIR

Annexe 10 : base de données des déclarations 2069A pour demande de crédit d’impôt en faveur de la recherche (GECIR)

Annexe 11 : analyses statistiques complémentaires

Annexe 12 : les études économiques sur l’impact du CIR (éléments complémentaires)

Annexe 13 : un cas d’optimisation fiscale impliquant R&D et propriété intellectuelle

Annexe 14 : la déduction des frais de conseil pour le calcul du CIR Annexe 15 : éléments complémentaires sur le rescrit et le contrôle à la

demande

Annexe 16 : étapes du traitement d’une demande de restitution de CIR par les services fiscaux à compter de 2013

Annexe 17 : démarche générale d’identification des activités de R&D et d’éligibilité au CIR

Annexe 18 : la complexité de la déclaration de la sous-traitance en 2011 Annexe 19 : éléments complémentaire sur la procédure de contrôle fiscal

en matière de CIR

Annexe 20 : le préfinancement du CICE

Annexe 21 : dépenses de fonctionnement dans les dépenses courantes (enquête R&D 2010)

Annexe 22 : doublement d’assiette pour la sous-traitance publique

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