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1 - La veille technologique, la normalisation et la gestion des brevets

Au fil du temps, l’assiette des dépenses éligibles pour bénéficier du crédit d’impôt recherche s’est élargie105, au-delà du périmètre dessiné par le manuel de Frascati, pour s’étendre aux dotations aux amortissements des brevets acquis en vue de réaliser des opérations de recherche, puis aux dépenses de normalisation afférentes aux produits de l’entreprise, et enfin aux frais de défense des brevets et aux dépenses relatives à la veille

105 Lois de finances initiales pour 1988, 1990 et 2004.

technologique, dans la limite de 60 000 €. Lors du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013, le Gouvernement a annoncé qu’il proposerait pour 2014 l’élargissement de la prise en compte des frais de prise, de maintenance et de défense des brevets au niveau mondial (aujourd’hui, ces dépenses ne sont prises en compte que si elles sont engagées au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen).

Tableau n° 33 : détail des dépenses déclarées au titre de la gestion des brevets ou de la veille technologique

En 2011, ces dépenses représentent 680 M€ soit 4 % de l’assiette totale, et correspondent à une créance d’environ 190 M€. Elles ne constituent pas des activités de R&D au sens des références internationales et on peut s’interroger sur le bien-fondé du maintien de leur caractère éligible dans le cadre du CIR.

Les règles de calcul spécifiques de ces dépenses, en matière notamment de veille technologique compliquent le calcul du CIR. Par parallélisme avec le crédit d’impôt innovation, il pourrait être envisagé d’en réserver le bénéfice aux PME : les dépenses déclarées seraient alors réduites de 420 M€ et la créance de CIR de 160 M€.

D’une manière générale, la question se pose de savoir si le CIR est l’instrument adéquat pour favoriser ce type d’activités effectivement essentielles en termes d’innovation. Les pouvoirs publics agissent déjà en la matière par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) dont le tarif des redevances est particulièrement attractif pour les PME, s’agissant du brevet français, d’une part, et lorsque l’entreprise demande une extension européenne de celui-ci, d’autre part (le rapport de recherche européen, obligatoire dans les deux cas, est facturé par l’INPI aux PME à un prix inférieur à la moitié du coût facturé par l’Office européen des brevets et il sert pour les deux procédures). Les redevances ne constituent qu’une partie minoritaire du coût de la protection industrielle dont la part principale est constituée d’honoraires de conseils.

en millions d'euros courants 2007 2009 2010 2011

Dé pe ns e s e ngagé e s au titre de

Prise et maintenance de brevets et de certificats d'obtention végétale 337 408 426 481 Dépenses de défense de brevet et de certificats d'obtention végétale 54 74 61 67 Dotations aux amortissements de brevets acquis en vue de la

recherche et du développement expérimental et de certificats

d'obtention végétale (COV) 22 21 25 22

Dépenses liées à la normalisation 8 6 6 7

Primes et cotisations ou part des primes et cotisations afférentes à des contrats d'assurance de protection juridique prévoyant la prise en charge des dépenses exposées dans le cadre de litiges portant sur un brevet ou un certificat d'obtention végétale dont l'entreprise est titulaire

(<60 000€) 0 1 0

Veille technologique (<60 000€) 23 57 82 101

Sous total 443 566 600 679

Sources : MESR, GECIR - retraitements Cour des Comptes

2 - Le crédit d’impôt collection

Le crédit d’impôt collection est plus un dispositif d’incitation industrielle que de R&D. De fait, seule la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services a exposé des arguments favorables à cette composante du CIR. Elle met à cet égard en avant le fait que « les collections sont de fait le ressort de l’innovation et correspondent, pour les métiers de la mode et du luxe, à ce que la R&D est aux métiers à forte composante technologique. Nombre d’entreprises ne pourraient pas survivre sans ce dispositif fiscal. »

La gestion de cette composante du CIR introduit une complexité supplémentaire dans la déclaration et le calcul de la créance, du fait de la réglementation de minimis.

Il est regrettable qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de bilan chiffré du coût effectif du crédit d’impôt collection, déduction faite des redressements fiscaux. Le coût ainsi affiché se situerait très en dessous du coût estimé initialement, de l’ordre de 50 M€ en 2011106.

Différents rapports ont déjà recommandé de clarifier le périmètre du CIR en retirant les dépenses liées aux collections. La question est toutefois de déterminer le coût que représenterait, en termes de gestion, la mise en place d’un dispositif autonome.

L’éligibilité des prototypes dans le cadre de l’élargissement du CIR aux dépenses d’innovation pose en outre cette question en termes nouveaux et mériterait de faire l’objet d’une évaluation spécifique.

3 - Le crédit d’impôt innovation

La loi de finances pour 2013 a élargi le CIR aux dépenses liées à la conception de prototypes de nouveaux produits et aux installations pilotes des PME dans la limite de 400 000 € par an et à un taux de crédit d’impôt de 20 %. Le coût est estimé à 300 M€ en régime de croisière.

La mise en place d’un crédit d’impôt en faveur de l’innovation était souhaitée par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services. Elle estime en effet que le soutien à la phase aval de l’innovation est un enjeu essentiel pour orienter l’économie vers une spécialisation sectorielle plus compétitive. De fait, les entreprises françaises ne sont pas assez nombreuses à s’engager dans des démarches d’innovation (moins d’un tiers de PME françaises ont mis en place une

106 Cf. développements du chapitre IV montrant l’importance des redressements effectués sur ce sous-ensemble du crédit d’impôt recherche.

innovation de produit ou de procédé contre 54 % des PME allemandes107) et elles pratiquent moins l’innovation non technologique (23 % des entreprises françaises, contre 47 % des entreprises allemandes).

Interrogées à l’été 2012, les autres administrations se montraient réservées sur ce type de crédits d’impôt (direction générale du Trésor, direction générale pour la recherche et l’innovation, direction de la législation fiscale).

Trois séries d’arguments invitent en effet à la prudence dans la mise en place de tels dispositifs. Tout d’abord, les externalités positives liées aux dépenses d’innovation sont moindres que celles liées aux dépenses de R&D du fait notamment d’une meilleure capacité d’appropriation des résultats par l’entreprise et de risques moindres et ne justifient pas, du point de vue de la théorie économique, le même niveau de soutien que pour les activités de recherche et développement. En second lieu, la notion même d’innovation ne bénéficie pas d’un cadre de référence aussi stabilisé que celui qui existe en matière de R&D, alors même qu’il apparaît déjà de nombreuses questions sur l’éligibilité des dépenses de recherche. La notion de nouveauté est en particulier difficile à cerner108. Enfin, et à titre accessoire, se pose la question du développement d’une nouvelle expertise dans ce domaine en vue de la conduite des contrôles fiscaux.

Le manuel d’Oslo

Ce n’est que depuis 1992 qu’il existe pour les dépenses d’innovation un manuel de référence, le manuel d’Oslo. Développé par l’OCDE et utilisé par Eurostat, il offre aux pays membres un cadre leur permettant de mener des enquêtes sur l’innovation comparables à l’échelle internationale. Une grande partie des données sont toutefois de nature qualitative et des difficultés de mesure subsistent pour recueillir des données fiables. Les entreprises ne sont en effet pas toujours en mesure d’isoler la composante

« innovation » de leurs dépenses ou de présenter des montants de dépenses probants pour certaines activités d’innovation (source : OCDE).

Toutes ces raisons conduisent à considérer comme périlleuse l’extension du CIR au-delà des dépenses de R&D des entreprises.

107 Innovation Union Scoreboard 2011.

108 La direction générale pour la recherche et l’innovation et la direction de la législation fiscale renvoient à cet égard aux difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du crédit d’impôt métiers d’art qui couvre les dépenses d’innovation de ce secteur.

En limitant le crédit d’impôt innovation aux prototypes des PME, en fixant son taux à 20 %, et surtout en plafonnant le niveau des dépenses éligibles à 400 000 € par an (soit un crédit d’impôt maximal de 80 000 € par entreprise), la loi de finances pour 2013 a toutefois encadré l’usage du crédit d’impôt innovation.

Les contours réels du crédit d’impôt innovation dépendront néanmoins de la définition précise qui sera donnée à la notion d’innovation. Une instruction fiscale est en cours de préparation et devrait être produite prochainement. Un débat existe pour savoir s’il convient de retenir la notion d’innovation pour l’entreprise ou pour le marché. Dans le premier cas, les entreprises qui introduisent un produit nouveau déjà utilisé par d’autres entreprises seraient éligibles au crédit d’impôt innovation, réservant en cela le même traitement aux entreprises qui produisent des nouveautés et aux entreprises imitatrices. Dans le second, seules les entreprises qui innovent au regard du marché seraient éligibles au crédit d’impôt innovation. Afin que le crédit d’impôt innovation corresponde bien à son objet, il ne peut qu’être recommandé que cette dernière hypothèse soit retenue dans l’instruction fiscale.

Le chiffrage du crédit d’impôt innovation souffre en outre de reposer sur des bases fragiles. Il a été établi par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services à partir de l’enquête innovation conduite par l’Union européenne et par l’INSEE. Si cette enquête permet de connaître les entreprises ayant déclaré des activités de

« préparation de la mise en œuvre des innovations de produits ou de procédés », elle ne permet pas de disposer des dépenses relatives à ces activités. Le volume des dépenses concernées a dès lors été estimé en retenant l’hypothèse d’un ratio de 2 € de dépense de prototype pour 1 € de dépense de R&D pour les petites structures. Les contours du crédit d’impôt innovation ont ensuite été choisis pour correspondre à un coût de 300 M€.

Dans une note de janvier 2013, la direction générale pour la recherche et l’innovation estime le coût du crédit d’impôt innovation à des niveaux plus élevés, tout en supposant que le crédit d’impôt moyen par entreprise ne correspondra qu’à la moitié du plafond autorisé (40 000 € par entreprise) : 410 M€ en cas de recours au critère de produit nouveau pour le marché, 555 M€ en cas de recours au critère de produit nouveau pour l’entreprise, avec selon la définition retenue entre 10 000 et 14 000 entreprises concernées109.

109 Si les innovations de procédés avaient été incluses par la loi dans les dépenses éligibles, le ministère en charge de la recherche considère que 25 000 PME auraient été concernées, engendrant une créance fiscale de près d’1 Md€.

Les pouvoirs publics disposent enfin d’outils spécifiques pour soutenir l’innovation, en particulier au travers d’Oséo qui consacrait en 2011, 569 M€ à l’aide à l’innovation110. Ces instruments non fiscaux ont vocation à se développer dans le cadre de la création de la banque publique d’investissement111.

Compte tenu de l’absence de dématérialisation des déclarations de CIR et des délais dans lesquels celles-ci sont actuellement traitées pour établir la base GECIR, ce n’est que mi-2015 que de premières données seront disponibles sur la portée réelle du crédit d’impôt innovation112. Pour disposer de données plus rapidement, il conviendrait que les demandes de remboursement effectuées dans le cadre du CIR comportent une mention des montants réclamés au titre du crédit d’impôt innovation, ce qui n’est pas pour l’heure prévu113.

Au cas où il apparaîtrait que le crédit d’impôt innovation est beaucoup plus dynamique que ne le prévoient les estimations réalisées à l’été 2012, la question de l’ajustement de ses paramètres et notamment du niveau du plafonnement pratiqué méritera d’être posée.

B - La question de l’articulation des assiettes du CIR et

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