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La réforme de 2008 a été annoncée alors que la transformation du CIR de 2004, avec l’introduction d’une part en volume, n’était pas encore pleinement à l’œuvre, du fait des mécanismes de liquidation du crédit d’impôt sur quatre exercices. L’évolution de la dépense fiscale reste ainsi limitée en 2007 : elle passe de 470 M€ en 2003 à 1 000 M€, soit une hausse de 113 %, le plein effet des réformes de 2004 et 2006 pour les finances publiques ne devant intervenir qu’en 2010.

Le changement de régime du CIR dans le projet de loi de finances pour 2008 est antérieur à l’obligation de réaliser des études d’impact à l’appui des textes législatifs7. Le projet de loi de finances n’en comporte donc pas.

L’exposé des motifs présente la réforme comme le moyen de rendre le crédit d’impôt « plus simple, plus efficace et plus attractif ». Il ne contient aucun chiffrage du coût du nouveau régime. C’est dans le dossier de presse du projet de loi de finances (p. 2) que celui-ci apparaît :

« Ces modifications, qui feront du crédit d’impôt recherche l’un des dispositifs les plus incitatifs parmi ceux proposés par les pays membres de l’OCDE, conduisent à un effort supplémentaire de 800 M€ en 2009 et de 1,3 Md€ en régime de croisière, portant la dépense totale à 2,7 Md€ en régime de croisière. »8

La discussion budgétaire au Parlement a permis de préciser les enjeux de la réforme. Elle a souffert cependant de reposer sur des estimations de son coût très inférieures à ce qui a été constaté.

L’absence d’éléments d’appréciation sur les effets du dispositif a été relevée lors de la réunion en commission élargie du 8 novembre 2007 sur la mission interministérielle de recherche et d’enseignement supérieur (MIRES), réunissant les trois commissions permanentes concernées (finances, affaires culturelles, familiales et sociales et affaires économiques). Lors de cette séance, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche indique disposer d’une évaluation qui « a fait apparaître qu’un euro de crédit d’impôt recherche génère 2,40 € de recherche, contredisant ceux qui doutaient que le CIR ait la moindre efficacité. » Il s’agit des travaux de M. Emmanuel Duguet publiés en 2006 dans le rapport du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche déjà évoqué. Cette étude fait le constat que 1 € de crédit d’impôt s’accompagne d’une dépense de R&D de 2,4 €, crédit d’impôt compris, soit 1,4 € net. Mais ce résultat correspond aux années 1993-2003, avant que la part en volume ait été introduite et alors que la dépense fiscale s’élevait à environ 500 M€. Il ne pouvait donc constituer une base solide pour estimer l’effet du nouveau dispositif proposé au Parlement.

Le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale propose une esquisse d’étude d’impact établie sur la base du chiffrage réalisé par la direction de la législation fiscale. Ce chiffrage sera largement mis en défaut par la suite, la direction de la législation fiscale faisant valoir à cet égard que les estimations qu’elle produit dans les projets de loi de finances sont établies toutes choses

7 Prévue par la loi organique n° 2009-45 du 15 avril 2009.

8 Le coût retenu pour le dispositif avant réforme est de 1,4 Md€.

égales par ailleurs et ne tiennent donc pas compte d’un possible effet d’entraînement de la mesure proposée.

Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat souligne, dans son rapport, que « le dispositif aura des conséquences financières notables et croissantes ». Il fait état d’estimations obtenues du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (MINEFI) légèrement supérieures à celles initialement produites : de 2008 à 2012, le ministère évaluait le surcroît de dépenses à 1 323 M€, portant le coût estimé du CIR à 2 823 M€ en régime de croisière.

Tableau n° 1 : prévision du coût du nouveau dispositif proposée par l’administration en 2007

Année Dépense fiscale estimée (en M€)

Dont coût du dispositif proposé par le présent article (en M€)

2008 1 390 0

2009 2 281 816

2010 2 339 881

2011 2 447 947

2012 2 823 1 323

2013 2 823 1 323

Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (extrait du rapport du rapporteur général du Sénat)

En réalité, le surcroît de dépense sera bien supérieur. Dès 2008, la créance constituée par les entreprises au titre du CIR s’élève à 4,155 Md€, pour atteindre 4,7 Md€ en 2009, puis 5,05 Md€ en 2010. Or c’est bien le niveau de la créance annuellement constituée par les entreprises qui détermine le coût du dispositif pour les finances publiques.

Cette sous-estimation était déjà manifeste en 2007. Ainsi le rapport du Sénat montrait que le calcul du MINEFI se fondait sur une base de dépenses déclarées stables, alors que la réforme avait pour but d’augmenter le nombre de déclarants et le montant des dépenses déclarées. Il estimait ainsi que la dépense fiscale se chiffrerait en rythme de croisière probablement entre 3,5 et 4,5 Md€.

Dans sa note du 29 octobre 2007, la direction générale du Trésor et des politiques économiques faisait état de chiffrages encore supérieurs, qui se sont révélés globalement concordants avec la réalité. Constatant que la réforme prévue dans le projet de loi de finances « va mécaniquement entraîner une forte augmentation de la dépense publique en faveur de la R&D privée », elle estime le surcoût annuel de la réforme à « 2,3 Md€ en 2013 par rapport au scénario sans réforme (soit environ 4,1 Md€ de CIR cette année-là, en euros 2005), indépendamment de l’effet de stimulation attendu de cette réforme ». En tenant compte d’un

effet de stimulation, la direction générale du Trésor et des politiques économiques estime le niveau du CIR entre 4,6 et 5,1 Md€ en 2013.

Ni le projet de loi ni la loi de finances ne comportent de dispositions visant à mettre en place des instruments de suivi, concernant notamment l’estimation du coût et la mesure de l’efficacité de ce crédit d’impôt.

Alors que l’avantage fiscal accordé au titre du CIR représentait jusqu’en 2004 environ 500 M€, l’introduction d’une part en volume en 2004 et son renforcement en 2006 l’ont porté à 1,68 Md€ en 2007. La réforme de 2007 a triplé à nouveau le coût du CIR pour le porter à 5 Md€

deux ans plus tard. Si le CIR représentait l’équivalent de 8 % du budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (21,35 Md€) en 2007, il atteint l’équivalent de 20 % en 2010.

La réforme de 2008 a ainsi considérablement accru la perte de recettes fiscales que représente pour les finances publiques le crédit d’impôt recherche. Mise en œuvre avant que la précédente réforme ait produit ses fruits, elle a été décidée sans que son impact financier ait été correctement évalué et sans que des instruments de suivi aient été prévus.

Elle a dû être adaptée dès la fin 2010.

III - Une mobilisation utile dans le cadre du plan

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