• Aucun résultat trouvé

La restitution de la créance de CIR aux entreprises peut intervenir après quatre ans ou, dans un nombre de cas fixés par la loi, tel que celui des PME au sens communautaire85, dès la première année. Dans le cadre du plan de relance, toutes les entreprises ont pu demander le remboursement anticipé de leur créance de CIR au titre de 2008 et 2009.

Cette demande de restitution, c’est-à-dire de remboursement par l’État, s’analyse juridiquement comme une demande contentieuse et fait donc l’objet d’une instruction spécifique.

85 Article 199 ter B II 2° du code général des impôts. Sont également concernées les entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, les jeunes entreprises innovantes et les entreprises nouvelles.

En effet, en vertu de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, l’administration contrôle « les documents déposés en vue d’obtenir des déductions, restitutions ou un remboursement. » Cet examen a pour objet de s’assurer que les documents sont correctement renseignés et que toutes les pièces justificatives ont été fournies. À l’occasion de ce contrôle sur pièces, qualifié également de contrôle « du bureau », les services fiscaux vérifient systématiquement que la déclaration de CIR est cohérente avec l’activité déclarée par l’entreprise, son bilan et son compte de résultat.

La confusion autour de la notion de contrôle

Les représentants des entreprises rencontrés ont souvent l’impression que les services fiscaux engagent une procédure de contrôle fiscal dès qu’une entreprise dépose une déclaration de CIR. La mise en œuvre d’une procédure contentieuse en cas de demande de restitution peut effectivement prêter à confusion, même si les contrôles effectués dans ce cadre n’ont rien à voir avec ceux qui sont réalisés en cas de contrôle a posteriori.

De fait, l’utilisation du mot « contrôle » peut être source de confusion pour l’entreprise, car elle reflète deux réalités très différentes :

- d’une part, le « contrôle sur pièces », contrôle a priori effectué de leur bureau par les agents de l’administration fiscale, en particulier pour les demandes de remboursements. Il s’agit de vérifications de la déclaration produite ou de la demande de remboursement effectuée. Les services fiscaux peuvent demander l’assistance d’experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour s’assurer que les dépenses déclarées par l’entreprise s’inscrivent dans un vrai projet de R&D. L’entreprise peut être amenée à produire des documents justificatifs si des anomalies sont relevées, sans pour autant qu’un vérificateur intervienne en ses locaux ;

- d’autre part, le « contrôle sur place », contrôle a posteriori, généralement appelé contrôle fiscal externe. Dans ce cas, un avis de vérification est adressé à l’entreprise lui indiquant que l’administration souhaite intervenir sur place, pour examiner sa comptabilité. Ce contrôle est formalisé et encadré afin de garantir les droits des contribuables vérifiés.

Comme la Cour l’a recommandé dans un rapport d’évaluation de politique publique sur les relations de l’administration fiscale avec les particuliers et les entreprises86, l’information des contribuables sur ces différentes procédures mérite d’être améliorée.

La demande de restitution était télédéclarée pour les grandes entreprises jusqu’à la fin 2012, mais à compter des créances déclarées pour l’année 2012, elle doit être effectuée sur la déclaration de CIR.

86 Février 2012.

Elle redevient donc une déclaration papier87.

En réponse aux interrogations de la Cour sur ce point, qui marque un retrait par rapport à la situation antérieure, la direction générale des finances publiques indique qu’un projet a été inscrit à son plan annuel d’activité informatique et devrait se concrétiser en fin d’année 2013, afin que les demandes de restitution de créance puissent être à nouveau effectuées de manière dématérialisée. Une telle procédure est dans l’intérêt de l’administration fiscale qui dispose, pour procéder au remboursement de CIR, d’un délai légal de six mois au-delà duquel elle verse des intérêts moratoires à l’entreprise.

La demande de restitution suit un circuit particulier qui fait intervenir plusieurs services. Il s’agit pour l’administration fiscale de vérifier la créance de CIR de l’entreprise avant que l’État ne la rembourse et ne décaisse donc des crédits budgétaires. Il est en la matière nécessaire que l’État s’entoure de garanties avant de procéder à des remboursements de crédit d’impôt recherche, d’autant plus que l’existence d’un remboursement anticipé pour les petites et moyennes entreprises ou les entreprises nouvelles fait naître le risque que des sociétés éphémères ne se créent pour bénéficier du crédit d’impôt et disparaissent ensuite, au moment du déclenchement d’un contrôle fiscal a posteriori. Tout l’enjeu est de cibler les vérifications sur les entreprises présentant des risques particuliers.

La direction générale des finances publiques a produit deux instructions à ses services sur la procédure de remboursement du CIR.

La première note, du 13 juillet 2009, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du plan de relance et porte notamment sur les opérations de contrôle des créances restituées de manière anticipée. Elle appelle l’attention des services sur « la nécessité d’effectuer rapidement le remboursement des créances ». Il était indiqué en conséquence sur le site intranet de la direction régionale des finances publiques du Rhône que

« le contrôle doit donc avoir lieu a posteriori, dans le cadre des opérations normales de contrôle des entreprises ».

87 En effet, d’une part, depuis le 1er octobre 2012, toutes les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, quel que soit leur chiffre d’affaires, ont l’obligation de recourir aux télé-procédures pour déclarer leurs résultats et payer leur impôt. Et, d’autre part, depuis le 1er janvier 2013, les sociétés ne peuvent plus demander la restitution de leurs créances sur le relevé de solde n° 2572 (comme c’était le cas antérieurement pour les entreprises dont les dossiers fiscaux étaient gérés par la DGE). Dorénavant, les demandes de restitution de créances au titre de l’exercice (créances 2012) doivent être formulées sur la déclaration relative au crédit d’impôt. Si la demande de restitution porte sur un crédit d’impôt au titre d’un exercice antérieur, elle doit être effectuée sur l’imprimé n° 2573-SD.

Une seconde instruction du directeur général des finances publiques à son réseau de services et directions a été diffusée le 8 mars 2013. Elle porte sur le traitement des demandes de restitution de CIR et met à la disposition des différents services des impôts une grille d’analyse de risques élaborée par un groupe de travail mis en place à cette fin en 2011. Elle comble ainsi une lacune puisqu’il n’existait pas jusqu’alors de cadre méthodologique harmonisé au niveau national comparable à celui élaboré et régulièrement mis à jour pour les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée. Ce cadre vise à concilier la sécurisation des restitutions des deniers publics avec la compétitivité des entreprises, à mettre en place un traitement uniforme des demandes sur l’ensemble du territoire et à « répondre à la préoccupation du Parlement à l’égard du risque de fraude et aux attentes de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances en matière de sécurisation de la dépense fiscale que représente le CIR ».

Le document décompose la procédure de traitement des restitutions de CIR, pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, en sept étapes reproduites en annexe88. Il définit une cotation des risques qui permet d’aiguiller ce traitement selon un circuit court (où la demande est traitée par le service des impôts des entreprises) ou long (faisant intervenir des vérifications plus substantielles (au niveau des pôles de contrôle et d’expertise). Les cotations de risques sont établies au niveau national, la détermination du seuil d’enjeu significatif et des secteurs à risque étant laissée à la discrétion des services vérificateurs.

Cette instruction ne constitue toutefois qu’une première étape, fixant le circuit suivi par la demande de remboursement mais non le contenu des investigations à mener en cas de circuit long. La direction générale des finances publiques est consciente de ce manque et travaille à l’élaboration d’un guide d’aide à l’instruction des demandes de restitution qui aurait également vocation à être utilisé dans le cadre des contrôles a posteriori. Annoncé pour le premier semestre 2013 dans la circulaire du 8 mars, la production de ce guide n’interviendra qu’au second semestre, voire en 2014.

Ce n’est donc que tardivement et encore incomplètement qu’une procédure de traitement des remboursements de CIR reposant sur une analyse de risque a été mise en place. Les enjeux en termes de montants financiers mais aussi d’activité pour les services fiscaux sont pourtant importants depuis 2009 (plus de 11 500 dossiers traités en 2012).

88 Annexe n° 16 : « Étapes du traitement d’une demande de restitution de CIR par les services fiscaux à compter de 2013 ».

Tableau n° 26 : nombre de demandes de restitutions de CIR et montants concernés

L’examen des résultats de l’activité des services fiscaux fait ressortir des écarts dans les délais de traitement des demandes de restitution. Par exemple, la direction régionale des finances publiques Rhône-Alpes a remboursé les créances CIR de sa compétence dans un délai moyen de 47 jours au cours de l’année 2011 contre un délai moyen de 126 jours à la direction régionale des finances publiques de Paris pôle fiscal de Paris-Centre la même année.

Les remboursements rejetés ont également été analysés. Ainsi la direction régionale des services fiscaux de Rhône-Alpes a traité, en 2012, 274 demandes de restitution de CIR supérieures à 50 000 €, pour un montant cumulé de demandes de remboursement de 63,31 M€. Après instruction des demandes, elle a procédé à un remboursement total de 52,67 M€. La direction générale des finances publiques a produit, en réponse à la Cour, des statistiques sur le traitement des demandes supérieures à 50 000 €89. La différence entre les montants demandés et les montants accordés va croissant (235 M€ sur 1,2 Md€ en 2012), témoin du renforcement récent des vérifications opérées en la matière.

Tableau n° 27 : demandes de restitution de CIR supérieures à 50 000 € reçues et traitées (2008-2012)

Là encore, la dématérialisation de la déclaration du crédit d’impôt recherche et son intégration dans la structure informatique des services fiscaux ne pourraient qu’accélérer les procédures et en sécuriser le résultat tant pour l’État que pour les entreprises.

89 Les applications informatiques ne permettent pas de faire apparaître l’ensemble des dossiers.

2008 2009 2010 2011 2012

Nombre de demandes 2 808 16 035 12 103 11 118 11 525

Montant restitué (en Md€) 0,22 4,5 3,4 1,42 1,16

Source : DGFIP

2008 2009 2010 2011 2012 Total

Nombre de demandes reçues 195 1 577 6 936 6 499 5 974 21 183

Nombre de demandes traitées 165 1 368 6 482 6 098 5 866 19 979

Montants demandés 246 386 725 2 817 857 948 3 558 333 536 1 523 203 245 1 239 029 886 9 384 811 340 Montants accordés 237 892 825 2 790 179 597 3 461 095 792 1 289 299 629 1 005 799 135 8 784 266 978

Nombre d'admission totale 141 1 280 5 934 5 028 4 606 16 989

Nombre d'admission partielle 6 47 314 442 578 1 387

Source DGFIP / CF-JF

Documents relatifs