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SI Si j’avais une voiture

2. PRODUCTION POÉTIQUE

À propos des activités de production de textes poétiques, nous observons également dans l’analyse faite sur 6 manuels, qu’un seul – Portugais : Éducation et développement du sens critique (4e année) d’Eloísa Bombonatti Gianini et autres (1988, p. 110) propose une production poétique (et encore, dans une seule de ses Unités d’Étude). Une telle proposition fait cependant penser aux élèves que faire de la poésie est très facile et que n’importe qui peut être poète. As-tu déjà pensé à être un poète ? Écrire des poésies n’est pas aussi difficile qu’il y parait, il te suffit de choisir les bons mots et de les placer de manière correcte.

Le livre en question présente, donc, deux propositions d’activités : la première activité consiste à faire construire une poésie aux élèves, en se servant du thème de l’étude qui est en discussion à ce moment-là, c’est-à-dire en utilisant le thème central directeur de l’Unité : le Préjugé.

Un tel comportement didactique conduit les élèves à penser que, pour construire une poésie, il suffit d’utiliser un thème dont on discute, comme si le texte poétique était composé de simples notions de contenu et non pas, y compris et primordialement, d’une langue particulière constituée de différents recours artistiques : rythme, rime, musicalité, fonction esthétique des phonèmes, syllabes, mots, formes.

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Nous trouvons comme seconde activité proposée : 2e Proposta - Poesia Concreta

Presta atenção como foi escrito este poema!

(Traduction)

2e Proposition - Poésie Concrète

Fais attention à la façon dont a été écrit ce poème !

Petits poèmes cinétiques, Millor Fernandes

C’était un homme bien habillé Qui alla boire dans une taverne Il but beaucoup, il but tellement Qu’il

sortit

de là

ainsi Les maisons tournaient

Dans une procession sans fin Toutes les choses tournant Ainsi

Ce poème dispose les mots de telle manière que tu peux visualiser comment se sent l’homme.

Cadre 9 : Un traitement superficiel de la spécificité du texte poétique

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Au vu des activités proposées et décrites précédemment, nous comprenons que les auteurs des manuels ne se préoccupent pas de faire prendre conscience aux élèves des procédés spécifiques de la construction de la poésie, avant de solliciter de leur part ce type de production textuelle. Comme nous le savons, un répertoire d’expériences significatives de lecture de poésies est un élément de base pour connaitre la nature particulière du texte poétique et pour en produire ensuite. Il est évident qu’un élève de quatrième année de l’enseignement primaire ne possède pas encore les outils culturels (dans le domaine du code esthétique de la poésie concrète) pour la production de texte de ce genre, en prenant comme seul point de départ le modèle inscrit dans le livre scolaire adopté par l’école. Ainsi, une telle proposition (insérée dans le livre cité) confirme l’absurdité des procédés méthodologiques des auteurs en ce qui concerne la façon dont les élèves (lecteurs en cours de formation) reçoivent et produisent la poésie.

3. CONCLUSION

En synthétisant cette brève appréciation critique de la méthodologie de l’enseignement de la poésie nous pouvons dire qu’enn’accordant pas de valeur à la fertilisation et à l’extension des réseaux de dialogisme polyphoniques que les textes établissent sans cesse entre eux, en ne familiarisant pas les élèves à la spécificité des codes qui définissent et qui structurent le texte poétique, ces auteurs, en proposant de telles activités dans les livres scolaires, refusent de contribuer à une incitation et à un développement effectifs de la compétence litté- raire de leurs élèves. Lire et écrire des poèmes apparaissent, dans ces manuels, comme des activités réductrices et superficielles. Lire de la poésie se limite à reconnaitre et à classer des vers et des strophes et à déchiffrer le sens littéral (du dictionnaire) des mots. Ecrire des poésies se borne également à imiter des struc- tures poétiques (modèles).

Or une telle conception du texte littéraire entraîne inévitablement de lourdes conséquences. Glenna Davis Sloan (1991) s’interroge sur la façon dont de telles invitations à s’initier à la dimension créative de la langue pourront motiver les élèves à adhérer volontairement et émotionnellement au texte littéraire. Si, à leur entrée à l’école, quelques élèves sont déjà porteurs d’expériences gratifiantes d’interaction avec la lecture, et cherchent à retrouver à l’école et dans le matériel proposé les lieux où approfondir cet intérêt et ce goût, d’autres élèves n’ont un premier contact avec la lecture et la littérature que dans le contexte scolaire. En bridant le développement imaginatif, en refusant d’enseigner à lire avec intelligence et finesse, le traitement méthodologique des textes poétiques présents dans les livres scolaires n’éveille en aucune façon l’appétit de lecture chez le lecteur, condi- tion essentielle pour promouvoir un véritable apprentissage de la langue. Or, cet aspect est d’autant plus grave que refuser la jouissance de l’expérience esthé- tique est profondément anti-humaniste : socialiser l’enfant avec des pratiques linguistiques essentiellement utilitaires, lui refuser l’accès au pouvoir enchanteur et symbolique du mot signifie le priver d’une connaissance de la langue dans toutes ses fonctions et ses dimensions, facteurs déterminants pour sa capacité à agir dans la langue et par la langue. Il convient d’observer que cet échec dans la conduite méthodologique du travail sur la langue, patent chez les auteurs de

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manuels scolaires, est associé à un mode de sélection inadéquat des textes poéti- ques, ce qui aggrave encore plus la piètre qualité de ce matériel d’enseignement. En résumé, nos principales observations sur les textes sélectionnés par les auteurs des collections scolaires et sur les procédés méthodologiques élaborés pour l’étude de ces textes, sont les suivantes :

a) Tous les livres privilégient les textes narratifs; rares sont les poésies utili- sées dans les livres scolaires.

b) Nous ne pouvons garantir la qualité esthétique des poèmes sélectionnés :

– L’étude du vocabulaire se limite à la compréhension du sens littéral des mots ; le sens poétique n’est jamais exploré.

– La façon d’interpréter est également toujours réductrice ; on stimule la compréhension des relations linguistiques entre les mots, mais on ne stimule pas la compréhension profonde des interlignes du texte poétique.

– La grammaire et l’orthographe donnent lieu à des activités répétitives et faciles totalement coupées de leur fonction sociale, c'est-à-dire sans lien avec la fonction sociale des textes.

– Les suggestions pour que les élèves produisent leur propre texte ne tiennent pas compte du besoin préalable de formation au registre culturel des auteurs.

c) Tous les manuels se limitent à une séquence répétée d’activités : identifi- cation du thème du texte, étude du vocabulaire, interprétation, étude de la grammaire, apprentissage de l’orthographe et production de textes ; d) La définition de la poésie, dans les livres analysés, se limite à considérer

un type de composition en vers et strophes, avec des rimes.

Enfin, les manuels réduisent la valeur du texte poétique, soit en le frag- mentant, soit en l’isolant du contexte dans les propositions d’activités, soit en ne faisant pas faire à l’élève la distinction entre le langage de réfé- rence et le langage littéraire, en le privant ainsi du plaisir de la lecture de la littéralité de ces textes. On déroge donc ainsi, clairement, au principe d’un encouragement à une compétence littéraire.

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L’ENSEIGNEMENT DES GRANDS AUTEURS

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